3
Revue Banque
❙
supplément au n° 802
❙
décembre 2016
ÉTHIQUE
& MARCHÉS FINANCIERS
Supplément
R
E
N
D
E
M
E
N
T
M
O
R
A
L
E
I
N
N
O
V
A
T
I
O
N
G
O
U
V
E
R
N
A
N
C
E
R
E
S
P
O
N
S
A
B
I
L
I
T
É
R
I
S
Q
U
E
S
C
O
N
F
I
A
N
C
E
Réinstaller l’éthique
au cœur des marchés financiers
Avant-propos
cement a du reste constitué l’une des premières réponses
fortes pour réinstaller, depuis 2008, l’éthique dans les pra-
tiques financières, notamment via des approches « prin-
ciples based ». Or, si certains considèrent avec Christophe
Nijdam et Frédéric Hache que beaucoup reste à faire – par
exemple pour définir un statut transnational et uniforme
des lanceurs d’alerte que Mar Pérezts appelle de ses vœux
–, d’autres estiment que la régulation est nécessairement
insuffisante, voire, comme l’illustrent Thomas Girard ou
Pauline Laurent, que l’inflation de normes peut déres-
ponsabiliser les acteurs et réduire la dimension éthique
de leur approche interne.
L’éthique dans l’entreprise peut trouver d’autres moteurs
externes que la régulation, comme le rappelle Olivier de
Guerre, pour qui l’activisme actionnarial peut jouer ce rôle.
Surtout, il importe que l’entreprise « internalise » l’éthique.
Plusieurs pistes sont ici possibles. Christian Walter milite
pour une éthique épistémique, où les professionnels de la
finance s’assurent que les savoirs collectifs qui fondent les
méthodes de gestion, les modélisations probabilistes du
risque ou les scénarios économiques respectent eux aussi
des valeurs éthiques. Cette intégration de l’éthique passe
aussi, nous rappelle Abdeldjellil Bouzidi, par un change-
ment de perspective temporelle, au profit de l’adoption
d’objectifs de long terme, avec lesquels, insistent Cathe-
rine Karyotis et Ewan Ormiston, doivent être mises en
cohérence la gouvernance de l’entreprise et l’action de
ses dirigeants. Pauline d’Amboise et Ian Fisher détaillent
la façon dont leurs employeurs ont décliné ces principes
d’une éthique « holistique ».
Le débat sur l’éthique des affaires financières et les
comportements des opérateurs ne fait sans doute que
commencer. Une certitude, le « business as usual » étant
désormais une voie sans retour possible, il faut trou-
ver de nouveaux chemins pour que les opérateurs, les
managers et les dirigeants puissent, selon la formule de
Michel Camdessus, « éduquer leurs consciences comme ils
éduquent leurs intelligences ». l
L
a crise de 2008 n’est évidemment pas réductible
à la litanie des scandales financiers qui l’ont
précipitée. Elle ne l’est pas même à la révéla-
tion plus large des travers d’un système dont
le développement, dans les années 1990, avait
été centré sur la recherche du profit à court
terme. Pourtant, il aura fallu cette crise majeure pour
que le monde de la finance comprenne que « l’éthique est
indispensable à sa survie à long terme », comme le souligne
Paul H. Dembinsky.
Mais au-delà de la prise de conscience, la mise en œuvre
des principes éthiques n’est pas chose facile. D’abord
parce que l’éthique ne relève pas d’une science exacte,
comme en témoigne la variété des conceptions et des
positions qui apparaît au travers de ce dossier de Revue
Banque réalisé en partenariat avec l’AMAFI. Ainsi, si tous
peuvent s’entendre pour considérer avec Pierre de Lau-
zun que « l’éthique, ou la morale, est la recherche du bon ou du
bien », une première interrogation porte sur son appli-
cation aux marchés financiers, dont la finalité initiale est
de fixer un prix entre un acheteur et un vendeur. Suffit-
il que les opérateurs respectent l’intégrité des marchés,
ou faut-il, pour reprendre Elisabeth A. Franco-Gressieux,
qu’ils s’assurent « de produire de la valeur humaine, écolo-
gique, sociale… » ? Dans ce cas, la réflexion doit sans doute
porter aussi, comme nous y invite Thierry Philipponnat,
sur l’utilité économique des activités conduites, et plus
particulièrement, pour Denis Dupré, Alain Grandjean et
Mireille Martini, sur leur orientation vers le financement
de la transition énergétique. Alexandre Coquet et Philip
Rauh nous offrent à cet égard un point de vue original
sur la prise en compte de l’éthique dans les décisions des
investisseurs institutionnels.
Se pose également la question des sources dans les-
quelles puise une éthique des marchés financiers, et
des moyens de sa mise en œuvre.
La régulation et son corollaire, la fonction de conformité,
tiennent ici, à l’évidence, une place particulière. Leur renfor-
Stéphane
Giordano
Président
Amafi