Amis des sciences et techniques Université Interâges du Dauphiné 8 Janvier 2010, Grenoble Virus et cancer Patrice MARCHE Directeur de Recherche INSERM U823, Grenoble [email protected] Virus Un virus se caractérise par son incapacité à se multiplier seul par division. Il a besoin pour cela d'utiliser une cellule hôte : un virus est un parasite intracellulaire obligatoire. Il est composé d'une molécule d'acide nucléique (soit d'ADN soit d' ARN, simple ou double brin) entourée d'une coque de protéines appelée la capside et parfois d'une enveloppe. Taille de l’ordre de la centaine de Nano Mètre (milliardième de mètre) variant de 30 nm à 450 nm environ. Historiquement, il a été définit par le fait qu’il passe à travers les filtres retenant les autres microbres (bactéries), fin du XIXème début du XXéme siècle. Virus ADN Schéma de la structure classique des herpèsvirus Microscopie électronique d'une particule de l'herpèsvirus (HSV1) Taille de l’ordre de la centaine de Nano Mètre (milliardième de mètre) Virus Virus ARN Représentation schématique d’une particule du virus de l’hépatite C (VHC) Cycle viral du VHC (1) Le virus se lie à la surface des cellules sur leur(s) récepteur(s) spécifique(s) (2) Le virus entre dans la cellule dans des vésicules (endocytose) (3) L’enveloppe virale fusionne avec la membrane des vésicules, permettant la libération de l’ARN viral (4) Synthèse des protéines virales (5) Le génome du HCV sert à la synthèse de nouvelles molécules d’ARN viral (6) Les protéines structurales sont assemblées en nouvelles particules (7) La production de nouvelles particules virales. Rétrovirus VIH et HTLV-1 Coding regions Cycle des Rétrovirus Les rétrovirus peuvent s’intégrer dans le génome de la cellule hôte. On estime que près de 40% du génome humain aurait une origine virale! Les Cancers Les Cancers Une cellule cancéreuse est une cellule dont la croissance et la division ne sont plus contrôlées. Elle se divise de façon anarchique, produisant des milliards de cellules qui constituent ainsi une tumeur. Les cellules cancéreuses perdent leur spécialisation. Le cancer chez l'homme peut être lié à de multiples causes : des déséquilibres hormonaux (certains cancers du sein), à l'environnement (les radiations émises par le soleil et les cancers de la peau), aux radiations radioactives (cancers du sang), au tabac (dans le cancer du poumon), aux produits chimiques (dans les cancers du côlon, du foie), etc. Certains cancers sont liés à des virus. Les Cancers liés à des infections Tumeurs Agents infectieux Lymphomes B Lymphomes de Burkitt Maladie de Hodgkin (30-40%) Cancer NasoPharynx Cancer gastrique (10%) Epstein-Barr Virus (EBV ou HHV-4)) Cancer du col de l'utérus et anal Cancers génitaux (pénis, vagin) Cancers OroPharynx (25%) Certains cancers de la peau Papilloma Virus (HPV) Cancer du foie primitif Virus des Hépatites B et C (VHB & VHC) Leucémies lymphocytes T Sarcome de Karposi Human T Leukemia Virus (HTLV-1) Herpes Virus 8 (HHV-8) Cancer gastrique Cancer vessie Helicobacter pylori Schistosomes Contribution des agents infectieux aux cancers Plus de 2 millions de cas, soit près de 19% des cancers 10% Cancer gastrique (94 K) NasoPharynx (80 K) 10% Lymphomes (30 K) 30% Hodgkin (19 K) 80% Cancer gastrique (750 K) Helicobacter 37% EBV 10,3% HBV & HCV 24,8% 80% Cancer primitif du foie (501 K) Cancer du col (500 K) 25% des cancers oraux (70 K) HPV 27,9% Les virus et les Cancers Les virus et les Cancers Le virus infectent des cellules hôtes pour leur multiplication, ce sont les cellules dites “permissives”. Ils peuvent infecter d’autres cellules sans produire de particules infectieuses, mais en produisant des protéines virales, ce sont les cellules dites “non-permissives”. Les protéines virales peuvent interférer avec des protéines de la cellule hôte et ainsi modifier son comportement, la cellule est dite “transformée”. La transformation peut conduire à des tumeurs dans certains cas. Les fonctions cellulaires affectées par la transformation sont variées, pour les principales : - la division cellulaire - la migration et l’attachement des cellules - la communication avec les hormones, facteurs de croissance ou d’activation - stabilité du génome -… Les virus et les Cancers La région du génome viral qui cause une tumeur est appelé “oncogène”. Il existe dans la cellule hôte des gènes équivallents dits “protooncogènes” qui sont intimement impliqués dans la régulation des fonctions de la cellules. Les oncogènes viraux peuvent modifier les propriétés des protooncogènes cellulaires. Les virus et les Cancers Les virus peuvent provoquer des modifications, des mutations de gènes contrôlant des fonctions cellulaires. P53 est une protéine cellulaire essentielle pour le contôle de la division des cellules et de leur mort “naturelle” (apoptose). Les virus et les Cancers Certains virus peuvent intégrer leur génome dans le génome de la cellule hôte et ainsi perturber des fonctions cellulaires. Régulateur Pr Gène (ADN) Promoteur ARN Protéine Papilloma virus et cancer Papilloma virus et cancer On connaît environ 200 papillomavirus susceptibles d'infecter l'homme (HPV). Certains de ces virus affectent l'épiderme, d'autres les muqueuses orales, anales ou génitales. Les conséquences de ces infections sont le plus souvent bénignes - verrues cutanées, condylomes ano-génitaux. Mais certains papillomavirus transmis par voie sexuelle sont responsables du cancer du col de l'utérus. Les papillomavirus humains ou HPV infectent les cellules épithéliales de la peau ou des muqueuses, et sont transmis par la dissémination de ces cellules lors de la desquamation. Les HPV affectant les muqueuses génitales sont transmis par voie sexuelle et sont fréquents, ceci dès le début de la vie sexuelle puisqu'ils sont détectés chez 1/3 des femmes entre l'adolescence et le début de la vingtaine. Papilloma virus et cancer Le cancer du col de l'utérus est le premier cancer à être reconnu par l'OMS comme étant attribuable à 100% à une infection. Le cancer du col de l'utérus est responsable d'environ 230 000 décès et 500 000 nouveaux cas par an (80% dans les pays en développement), le deuxième cancer le plus fréquent chez la femme dans le monde. Dans le monde 1,4 millions de femmes atteintes du cancer du col. Chaque minute, une femme dans le monde meurt du cancer du col de l'utérus! En Europe, près de 65 000 femmes sont touchées, et environ 25 000 nouveaux cas sont rencensés chaque année, avec une mortalité de 4,7%. Prévalence moyenne des HPV Papilloma virus et cancer Après avoir pénétré dans la cellule, l’ADN de l’HPV s’insère dans le noyau et l’ADN cellulaire au voisinage de gènes – proto-oncogènes ou gènes suppresseurs – dont l’action régulatrice sur les reproductions cellulaires se trouve perturbée. Plusieurs années s’écoulent habituellement entre première infection à papillomavirus et éclosion du cancer, ce qui suggère que plusieurs phénomènes successifs sont à l’origine de la cancérisation. Elle est aussi influencée par le contexte et favorisée par d’autres facteurs : des infections associées, le tabagisme, une contraception hormonale, une carence en vitamines. Papilloma virus et cancer Papilloma virus et cancer En résumé, les HPV sont nombreux et fréquents - les infections sont souvent sans symptôme ou bénignes, - certains sont responsables de cancers (HPV 16, 18, …), - il existe un vaccin administrée chez les jeunes filles (de préférence avant rapport sexuel). La prévention de ces cancers passe par un dépistage systématique. Epstein-Barr Virus et cancer Epstein-Barr Virus et cancer Le virus d’Epstein-Barr (EBV) touche l’ensemble du monde (jusqu’à 98 % des adultes ont des anticorps contre lui). C’est un membre de la famille des herpèsvirus. Dans des conditions particulières, ce virus banal induit des tumeurs bénignes ou malignes, chez l’enfant ou chez l’adulte. Leur étude a montré l’influence décisive de l’hérédité mais surtout de l’environnement. Génome de l’EBV Microscopie électronique de l’EBV Epstein-Barr Virus et cancer La mononucléose infectieuse, ou maladie du baiser, se manifeste chez l’adolescent par une angine, des ganglions, de la fièvre et la fatigue. C’est une maladie bénigne dans 99 % des cas. Cette maladie est due aux lymphocytes B du sang, infectés par l’ EBV, qui se multiplient, provoquant la réponses des lymphocytes T qui détruisent toute cellule touchée par un virus. Dans le sang, ces lymphocytes T réactifs nombreux donnent parfois l’impression d’une leucémie. Très rarement, elle favorise le développement ultérieur d’une maladie de Hodgkin. Epstein-Barr Virus et cancer Le lymphome de Burkitt de l’enfant africain est causé par la multiplication incontrôlée de lymphocytes B infectés par le virus EBV. Il résulte de trois facteurs indépendants. 1- Les moustiques transmettent au nouveau-né le parasite du paludisme. 2- La mère transmet l’EBV au bébé souvent par la salive souvent au cours d’un baiser. 3- Un échange de matériel héréditaire (ADN) entre deux chromosomes : le chromosome 8, porteur d’un proto-oncogène appelé c-myc, lié à la prolifération des lymphocytes B, transfère une partie du matériel génétique de ce gène sur des chromosomes 2, 14 ou 22, qui contrôlent la fabrication des anticorps. Ce rapprochement de deux gènes « critiques » déclenche la prolifération cancéreuse des lymphocytes touchés. Epstein-Barr Virus et cancer La répartition mondiale du lymphome de Burkitt suit les zônes endémiques pour le paludisme. Epstein-Barr Virus et cancer Translocation d’une partie du chromosome 8, portant le prot-oncogène c-myc, sur un chromosome portant un des gènes des anticorps produits par les lymphocytes B. Les lymphocytes B produisent beaucoup d’anticorps. Ainsi, après translocation c-myc est produit anormalement dans les lymphocytes B, qui ont alors une multiplication importante, provoquant une leucémie. Epstein-Barr Virus et cancer Le cancer du nasopharynx (NPC) se développe en arrière des fosses nasales. Cette région joue un rôle de filtre et arrête les poussières et microbes inhalés par le nez. Ce filtre est formé par une muqueuse respiratoire, hérissée de cils, reposant sur une sous-muqueuse riche en lymphocytes. C’est à la jonction entre ces deux populations cellulaires – épithéliale et lymphocytaire – que se développe le cancer. Epstein-Barr Virus et cancer Distribution géographique des carcinomes nasopharyngés chez les individus de sexe masculin(CIRC, Lyon) Epstein-Barr Virus et cancer La répartition du cancer du nasopharynx est due à un deuxième facteur relié des habitudes alimentaires qui caractérisent chaque groupe ethnique. Chez les Chinois cantonais, les préparations de poissons séchés, salés ou non, le plus souvent non vidés, contiennent des cancérogènes (nitrosamines) et des substances qui activent l’EBV. Dans le Maghreb, les préparations traditionnelles de harissa contiennent aussi des substances activant l’EBV. Enfin, un facteur génétique intervient. Les individidus de certains groupes tissulaires HLA ont un risque NPC plus élevé que la moyenne. Epstein-Barr et cancer En résumé, l’EBV est - ubiquitaire (c’est-à-dire présent dans tous les groupes humains), - associé à trois maladies présentes dans des groupes différents par les facteurs environnementaux et génétiques. La prévention de ces cancers passe par la modification des facteurs nocifs de l’environnement, ou par des tests de détection précoce, très performants pour le NPC. Un vaccin est en développement. Son adminstration dans les populations concernées pose des problèmes éthiques et financiers. Virus des Hépatites et cancer Virus des Hépatites et cancer Il existe plusieurs virus des hépatites (infectant le foie) : A, B, C sont les plus répandus. Les infections chroniques par les VHB et VHC peuvent provoquer des cancers primitifs du foie, dus à des modifications des fonctions cellulaires. Génome du VHB Microscopie électronique du VHB Génome du VHC Schéma du VHC Virus des Hépatites et cancer Le VHB dans le monde : - 700 millions de personnes infectées dans le monde, - 20 millions de nouveaux cas par an. Virus des Hépatites et cancer Infection par le VHB Virus des Hépatites et cancer VHC dans le monde : - 270 millions de personnes infectées dans le monde, - 5 millions de nouveaux cas par an. Virus des Hépatites et cancer Infection par le VHC Virus des Hépatites et cancer En résumé, les virus des hépatites virales : - sont associés au cancer du foie, - les infections sont fréquentes dans le monde; La prévention de ces cancers passe par des mesure de protection vis-à-vis des produits issus de malades. Un vaccin contre le VHB existe et est administré chez l’enfant. Situation particulière de la France vis-à-vis de la vaccination limite la protection. Des essais de vaccin contre le VHC son en cours. Actuellement il n’en existe pas. Rétrovirus et cancer Rétrovirus et cancer Le virus T-lymphotropique humain (HTLV-1) est le premier rétrovirus infectant l‘homme à avoir été isolé, et est le seul connu pour causer des cancers (Leucémies)., dus à une stimulation des lymphocytes par des facteurs de défense immunitaire (IL-2 & IL-15). Schéma d’un rétrovirus Microscopie électronique de l’HTLV-1 (et du VIH) Rétrovirus et cancer Les HTLV dans le monde. Le nombre de personnes dans le monde infectées par le HTLV-1 et HTLV-2 est estimé à 20 millions. Environ 500,000 personnes infectées par le HTLV-1 développent une leucémie aigüe sévère. Rétrovirus et cancer En résumé, les rétrovirus associés aux cancers : - sont moins rémandus, - il n’existe pas de vaccin. La prévention passe par le protectioon vis-à-vis des produits issus de malades. Conclusions sur Virus et cancer Les virus ont de nombreuses relations avec les cancers : soit à leur origine, surtout dans les pays en voie de développement, soit comme agents d’infections qui compliquent l’évolution des tumeurs. Se prémunir contre les infections est le meilleur moyen de se protéger contre ces cancers. La vaccination, notamment à l’échelle mondiale, est le meilleur moyen pour éradiquer les « réservoirs » et les sources de virus. Il existe maintenant des vaccins contre des virus associés aux cancers - contre le virus des papillomes HPV, et le cancers du col de l’utérus - contre le virus de l’hépatite B, contre certains cancers du foie Il faut encore beaucoup de travail pour la mise au point d’autres vaccins notamment contre l’EBV et le VHC. Source de documentations http://lacim.uqam.ca www.vulgaris-medical.com www.orpha.net www.vacciweb.be www.inca.fr www.cancer.ca http://web.uct.ac.za/ www.doctissimo.com http://emedicine.medscape.com/ www.oncoprof.net pathmicro.med.sc.edu/lecture/