LE RENOUVEAU SYMPHONIQUE EN FRANCE au

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LE RENOUVEAU SYMPHONIQUE EN FRANCE
au XIXe siècle
V – LES MUSICIENS DE L'ECOLE FRANCKISTE (2e partie)
Des compositeurs de premier plan
Nombreux ont été les disciples de César FRANCK pour qui la classe d'orgue, au
Conservatoire, fut un véritable foyer de culture musicale au point de porter ombrage aux
titulaires des chaires de composition, voire au directeur. Mais combien d'entre eux, après
avoir goûté des succès éphémères, sont ensuite retombés dans l'oubli ! Que sait-on de nos
jours d'un Sylvio LAZZARI, d'un Samuel ROUSSEAU, d'un Pierre de BRĖVILLE qui
compta pourtant parmi les proches du maître, voire d'un Alexis de CASTILLON, bien que
plusieurs de ses œuvres soient enregistrées, enfin d'un Dynam-Victor FUMET dont on a
même oublié qu'il fut un élève de FRANCK.
Voici à présent trois musiciens qui tout en ayant reçu l'enseignement du professeur
d'orgue se sont tenus plus loin de son intimité que les premiers étudiés (cf article précédent)
en particulier Vincent d'INDY et qui, tout en conservant un empreinte durable du maître, ont
aussi puisé à d'autres sources.
Guy Ropartz et la Bretagne
Nous éviterons le cliché du « fils de ce pays de landes immenses... de silencieuses
forêts et de falaises aride » et des œuvres « qui sentent bon l'ajonc et le genêt », sans sousestimer pour autant l'attachement de ce Guingampais pour ses Côtes-du-Nord 1 natales.
Elève de MASSENET au Conservatoire, Guy ROPARTZ décide finalement de se
rapprocher de César FRANCK, même s'il sait que ce choix le condamne à renoncer à tout
jamais à concourir pour le prix de Rome.
A l'âge de trente ans, il prend la direction d'une modeste école de musique de Nancy,
qu'il restructure et transforme en un Conservatoire prestigieux. Il crée également l'Orchestre
du Conservatoire qui assure à la capitale lorraine un rayonnement identique à celui des
artisans de la célèbre « École de Nancy » – cristallerie, arts décoratifs, ébénisterie - que
représentaient à la même époque les frères Daum, Emile Gallé, Louis Majorelle...
En 1919, il est demandé à Guy ROPARTZ de relever le Conservatoire de Strasbourg
car il avait beaucoup pâti de l'occupation de l'Alsace par les Allemands.
Ses vingt-six dernières années se dérouleront dans son manoir de Lanloup dans son
département natal.
A peu près tous les genres ont été pratiqués par le compositeur, mais cinq symphonies
occupent une place importante dans sa production symphonique.
La 1ere Symphonie est contemporaine de son installation à Nancy. Guy ROPARTZ en
bon disciple de César FRANCK répond à deux de ses recommandations : une construction
cyclique et l'utilisation de la musique folklorique. Il s'agit en l'occurrence d'un « choral » ,
entendons un de ces cantiques chantés dans les messes en breton.
Un certain nombre d’œuvres contemporaines de cette Symphonie empruntent aussi
1
C'était le nom du département à cette époque
aux richesses des musiques populaires et des compositeurs émérites exploitent
scrupuleusement le fond musical de leur région. C'est le cas du Nantais Louis-Albert
BOURGAULT-DUCOUDRAY, prix de Rome, chantre de la Bretagne ; de Déodat de
SEVERAC, élève de d'INDY, prospecteur du Lauragais (Hte Garonne) ; du presque
Auvergnat Joseph CANTELOUBE (il est né à la limite du Lot et du Cantal), élève de
d'INDY, à l’affût des richesses de l'Auvergne.
Morceau choisi
ROPARTZ – Symphonie N° 1 « sur un choral breton »
Fragment présenté : exposition du 3e mouvement
Deux thèmes dont présentés. Le premier est un thème dansant, moins imprégné de
tournures mélodiques typiquement bretonnes que d'une sorte d'éthos d'ailleurs assez
difficile à cerner. Le second est l'exposé d'abord par bribes puis in extenso du cantique
breton.
Alors qu'il se trouve encore à Nancy, Guy ROPARTZ compose Sons de cloches, trois
tableaux évoquant la Bretagne, car pour lui les cloches sont indissociables du paysage
sonore armoricain. Ces trois mouvements s'intitulent l'Angélus, le Glas et Cloches du soir
Morceau choisi
ROPARTZ – Sons de cloches
Fragments présentés : 1. L'Angélus – 3. Cloches du soir
L'Angélus. Après un introduction fixant le cadre sonore d'une sonnerie stylisée de
cloches, un très beau thème, comme il en est souvent chez ROPARTZ, se déploie
amplement dans une atmosphère de parfaite sérénité et de gravité pour évoquer cette
prière en principe récitée trois fois par jour à sept heures, à midi et à dix-neuf heures.
Cloches du soir se rapportent vraisemblablement à la prière de dix-neuf heures. Sur un
motif obstiné descendant de trois notes qui rappelle le Carillon de l'Arlésienne de
BIZET s'installe une autre belle mélodie.
Parmi les œuvres importantes du compositeur, on peut citer La Chasse du prince
Arthur, une œuvre de la maturité où s'épanouissent les qualités de couleur qui avaient
marqué ses toutes premières œuvres.
On y décèle diverses influences : le poème de Gottfried August BÜRGER Le Chasseur
sauvage (der wilde Jäger), de César FRANCK : le Chasseur maudit (qui en était d'ailleurs
l'illustration), les légendes bretonnes, en particulier celles concernant le roi Arthur. Mais au
dramatisme de la poésie allemande, ROPARTZ a préféré évoquer les enchantements
fantasmatiques de la forêt de Brocéliande et une chasse bon enfant.
Morceau choisi
ROPARTZ – La Chasse du prince Arthur
L'introduction plante le décor irréel de l'histoire. Un thème se dégage péniblement de
l'extrême grave de l'orchestre. Quelques appels mystérieux, comme ceux chers à
Vincent d'INDY retentissent ici et là. Le thème principal, caractérisé par un inquiétant
chromatisme se fait plus précis et débouche sur un enchaînement d'accords générateurs
d'une atmosphère que l'on croirait issue du Parsifal de Richard WAGNER.
Après cette évocation de la mystérieuse et troublante forêt de Brocéliande, un appel
marqué de cors bientôt rejoint par les trombones donne le signal de la chevauchée qui se
déroule en un mouvement animé d'un vif éclat.
Mais si tout ce qui précède n'avait été finalement qu'une vision fantastique dictée par
l'imagination ? La chevauchée s'éloigne pour laisser place à un moment d'épanchement
lyrique peut-être teinté de pathétique. Finalement la vision se dissout dans un paysage
nocturne qui ramène une atmosphère contemplative et mystérieuse.
Guy Ropartz
Alberic Magnard
Un compositeur méconnu
Alberic MAGNARD est un compositeur injustement oublié, que des chefs d'orchestres
actuels tentent de réhabiliter. Fils du directeur du Figaro, MAGNARD entreprend des études
de Droit avant de s'orienter définitivement mais tardivement vers la musique. Après deux
années passées dans la classe de MASSENET, il poursuit sa formation à titre privé auprès
de Vincent d'INDY qui l'initie évidemment à l'art franckiste.
Le caractère ombrageux du compositeur, son aspiration à l'indépendance et une surdité
partielle le conduisent à se couper du monde dans sa retraite de Baron-sur-Oise, près de
Senlis. C'est là qu'il meurt, brûlé vif dans sa propriété incendiée en 1914 par des soldats
allemands, après qu'il eût, alors qu'il était seul et mal armé, imprudemment ouvert le feu sur
eux.
Ses œuvres dont 4 remarquables symphonies nécessitent peut-être plusieurs écoutes
avant de laisser l'auditeur découvrir toute leurs beautés difficiles d'accès parfois.
Morceau choisi
MAGNARD – Symphonie N° 3
Fragment présenté : 1er mouvement Introduction et ouverture
Après l'exposé de plusieurs motifs retentit, dominé par les cuivres, une sorte de
choral à la française (épisode solennel en valeurs longues et régulières), dont les
périodes (les phrases successives) sont entrecoupées de conduits (motifs de
transition)
L'« ouverture » ne doit pas induire en erreur : c'est un premier mouvement de
symphonie de structure classique : exposition à deux thèmes, développement,
réexposition.
Le génie terrassé
Alors qu'il parvenait à sa pleine maturité et commençait à se dégager des influences
reçues : FRANCK et WAGNER, laissant son originalité se dégager plus nettement, Ernest
CHAUSSON décède des suites d'une mauvaise chute de bicyclette. Disparu à 44 ans, il n'en
laisse pas moins un catalogue étoffé d’œuvres remarquables, notamment dans le domaine de
la musique de chambre. Son œuvre symphonique, quant à elle, comprend outre le célèbre
Poème pour violon et orchestre et les deux œuvres commentées ci-après.
Ernest Chausson
Morceau choisi
CHAUSSON -Viviane
Classée comme poème symphonique, cette œuvre s'inspire du cycle arthurien que
l'auteur appréciait énormément. Il écrira d'ailleurs un opéra : Le Roi Arthus (autre nom
d'Arthur) relatif aux amours de Guenièvre et de Lancelot.
En réalité si Viviane évoque les relations ambiguës de la fée Viviane et de Merlin
l'Enchanteur dans la forêt de Brocéliande, le poème symphonique suggère plus qu'il ne
narre.
La légende – en réalité une des légendes - nous dit que Merlin, épris de la fée Viviane,
lui a révélé ses secrets d'enchanteur. Elle sait donc comment l'endormir et le garder près
d'elle ou moment où il pensait la quitter pour rejoindre les chevaliers envoyés à sa
recherche par Arthur.
De la légende, CHAUSSON n'a retenu que l'évocation de la forêt et ses sortilège, les
épanchements des amoureux et les fanfares des envoyés d'Arthur, sans vraiment
« raconter » une histoire, qui est d'ordinaire le propre du poème symphonique.
L’œuvre écrite au retour d'un voyage à Bayreuth comporte des réminiscences
wagnériennes, en particulier de Tristan und Isolde (Tristan et Iseut).
La Symphonie est considérée comme l'une des plus admirables de cette période
particulièrement fertile dans le genre où, en quelques années, s'illustreront LALO,
FRANCK, SAINT-SAËNS, d'INDY, plus tard DUKAS.
Morceau choisi
CHAUSSON – Symphonie
Fragments présentés : 1e mouvement – 3e mouvement (début)
Après une belle et grave introduction mystérieuse et qui gagne en intensité sont
exposés deux thèmes, le premier dans un registre grave,dramatique, le second plus
lyrique. La combinaison des thèmes, leur transformation sont absolument remarquables
et témoignent d'une science approfondie de l'écriture. L’ouvre tente de fusionner les
principes de l'école franckiste et l'influence wagnérienne. On peut aussi y déceler déjà
par anticipation des bribes de la musique impressionniste en gestation.
Le dernier mouvement se veut selon les principes franckistes un récapitulatif lancé
avec vigueur par l'orchestre.
Références :
- clichés Wikipedia
- documentation : sites sur le web et sources diverses personnelles sur les compositeurs cités.
- Symphonie N° 1 de Ropartz par Sebastian Lang-Lessing & Orchestre de Nancy (TIMPANI)
- Sons de cloches de Ropartz par Pascal Verrot & Orchestre de Bretagne (TIMPANI)
- La Chasse du prince Arthur de Ropartz par Emmanuel Krivine & Orchestre Philharmonique du
Luxembourg (TIMPANI)
- Symphonie N° 3 de Magnard par Michel Plasson et Orchestres du Capitole de Toulouse in
collection « Michel Plasson & la musique française (EMI Classics)
- Viviane de Chausson par Michel Plasson et Orchestres du Capitole de Toulouse in collection
« Michel Plasson & la musique française (EMI Classics)
- Symphonie de Chausson par Michel Plasson et Orchestres du Capitole de Toulouse in collection
« Michel Plasson & la musique française (EMI Classics)
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