l 'honneur: ses quartiers, ses ponts, ses églises, ses cabarets, ses lieux de prostitution (Champ-
Gaillard sur la rive gauche, Champ Huleu sur la rive droite), ses prisons (Conciergerie et Châtelet).
Mais certaines des pièces de Pierre de Larivey – comme Les Tromperies – sont troyennes, La
Reconnue de Rémy Belleau a pour cadre Orléans, La Néphélococugie de Pierre le Loyer nous fait
entrevoir Toulouse. Les villes sont toujours plus qu 'un arrière-plan: elles sont un élément essentiel de
la dramaturgie, un enchevêtrement de ruelles et de recoins qui permettent aux personnages de
fomenter tromperies et complots. Dans Le Brave de Baïf, les protagonistes escaladent les toits des
maisons, pour s 'espionner. Ce type d 'acrobaties citadines peut céder la place à des courses-
poursuites: à l 'acte V des Contens d 'Odet de Turnèbe (1584), le domestique Antoine fait le tour des
églises parisiennes de l 'actuel quatrième arrondissement (avec quelques détours possibles par les Ier,
Ve et VIe), à la recherche de la fausse dévote Françoise. Les efforts du valet restent vains puisque
l 'entremetteuse Françoise, qui se fait passer pour prude, reste hors d 'atteinte. Mais les démarches
d 'Antoine font l 'objet d 'un récit haletant:
<10>
»ANTOINE: J 'ay fait comme je pense près de deux lieuës depuis une heure par ceste ville
pour trouver Françoise, mais au diable si je l 'ay peu jamais rencontrer. J 'ay esté en son
logis, où j 'ay trouvé une petite fille qui m 'a dit qu 'elle estoit allée ouïr le salut au Saint-Esprit.
Où je suis allé en toute diligence, pensant l 'y trouver, mais elle n 'y estoit pas. De là j 'ay esté
à Saint-Jean, Saint-Gervays, Saint-Paul, Saint-Antoine, l 'Ave-Maria, pour voir si je la
trouverois, d 'autant qu 'elle est plus souvent aux eglises qu 'à sa maison. Après, j 'ay passé
par les Blancs-Manteaux, les Billetes, Sainte-Croix, et m 'en suis venu à Saint-Merry, Saint-
Jacques, Saint-Eustache, Saint-Germain, et autres eglises et lieux de devotion. Mais jamais
je n 'ay trouvé personne qui m 'en peust dire certaines nouvelles«10.
<11>
Le spectateur de l 'époque déchiffrait instantanément les références: le jeu des repérages sollicitait sa
connaissance pratique des lieux. Le lecteur ou l 'historien du XXIe siècle peut adopter un regard plus
distancié sur ces allusions spatiales, et reconstituer la configuration du Paris religieux, voire bigot, de
la fin du XVIe siècle. Mais la cartographie que dessinent nos pièces comiques est surtout d 'un autre
ordre: le théâtre du rire s 'avère être à l 'écoute des soubresauts de la ville comprise comme espace
social et politique. Le »continent social«11 que fait émerger la comédie est d 'essence éminemment
urbaine. Les figures mises en scène sont de moyenne ou de basse extraction: membres du clergé,
hommes d 'armes, médecins, avocats, artisans, marchands, financiers, bourgeois, domestiques. Les
titres des farces sont à cet égard évocateurs, ils font souvent référence à des types sociaux-
professionnels: Le Chaudronnier, Le Savetier et le Tavernier, etc. Ces représentants du peuple citadin
10 Odet de Turnèbe, Les Contens (voir n. 1), scène 1 de l 'acte V, p. 117–118.
11 Mazouer, Le Théâtre français de la Renaissance, (voir n. 4), p. 322.
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