mécanisme peut s’avérer pervers et être négatif pour l’aide publique au développement, qui implique
d’autres critères que la seule réduction des émissions. De plus, il est peu probable que les pays pauvres
bénéficient effectivement de ces mécanismes. En effet, le MDP implique des investissements étrangers et un
transfert de technologie dans ces pays. Or, du fait de leur contexte politique, économique ou
démographique, ces pays ne sont pas jugés par les investisseurs privés comme intéressants et sûrs. Enfin, le
MDP peut être considéré comme un moyen pour les pays du Nord d’acheter au Sud des réductions peu
onéreuses, en laissant les réductions onéreuses à ces pays et en poursuivant eux-mêmes leurs émissions en
interne.
La mise en place d’un marché des permis d’émissions négociables bute quant à elle sur la question de la
fixation du prix. Dès que les pays du Sud accepteront des engagements de réductions d’émissions, ils se
verront attribuer un quota de permis d’émissions. La solution la plus équitable serait que ces permis soient
distribués au prorata du nombre d’habitants. Pourtant, certains pays du Nord souhaitent les attribuer en
fonction des émissions actuelles (« grandfathering »), ce qui permettrait aux pays du Nord de continuer à
émettre et d’ acheter à bas prix les droits du Sud. Les sommes en jeu sont considérables, très supérieures à
l’aide publique au développement. Les négociations en cours ne semblent pas s’acheminer vers cette option.
La question essentielle qui se pose aujourd’hui entre le Nord et le Sud n’est plus une question de
responsabilité et de localisation des impacts des changements climatiques. Malgré des manifestations
diverses et des coûts humains ou financiers variables selon le pays, aujourd’hui personne n’est plus épargné
par les changements climatiques. Les pays industrialisés se doivent de montrer l’exemple. Comment interdire
à la Chine ou à l’Inde de suivre la voie de développement que nous avons suivie, comment leur demander de
réduire leur consommation d’énergie si nous ne le faisons pas nous- mêmes ? Il s’agit pour le Nord d’aider
les pays du Sud à 2 niveaux. Celui du terrain d’abord, il est essentiel de décentraliser les financements et
l’aide publique au développement, afin de répondre au mieux aux besoins et projets locaux (dans la région
du Sahel, cela concerne la maîtrise de l’eau et la conservation des sols). Au niveau politique global, il faut
s’assurer que le MDP et le marché carbone ne deviennent pas un marché de dupes, permettant au Nord de
polluer au détriment du Sud. Il s’agit de concilier environnement et développement.
Approche économique de la question climatique
La notion de développement durable apparaît centrale, comme alternative à long terme au développement
actuel. Changement climatique et développement durable ont des liens très étroits et, comme on l’a vu, il
n’existe pas de stratégie possible de lutte contre l’effet de serre sans prise en compte de l’équité.
La Convention de Rio sur les Changements Climatiques évoque rapidement la notion de développement
durable, qu’elle érige comme principe alliant développement économique et protection environnementale.
Cette notion apparaît comme le fruit d’un compromis entre le Nord et le Sud. Le non-respect de ses
obligations par le Nord explique donc très largement les difficultés de son application. Les pays du Sud
choisissent de suivre le même processus de développement que les pays du Nord, tout en ayant conscience
que ce processus peut s’avérer fatal pour notre planète. Pourquoi veulent-ils passer au 21ème en passant par le
19ème siècle, alors qu’ils pourraient sauter quelques étapes ? Ceci peut s’expliquer principalement par deux
raisons. La première est que les pays en développement ne veulent pas risquer de se lancer dans des
processus de développement qui n’ont pas encore fait leur preuve. La meilleure manière d’assurer son propre
développement est de passer par des chemins déjà éprouvés, même s’ils comportent certains risques. Ces
pays ne veulent pas essuyer les plâtres, et mettre en danger leur propre développement. Deuxièmement, ces
modes de développement permettent d’accéder à une production d’énergie, certes « sale », mais finançable et
rentable, alors que les autres modes sont plus difficiles à financer.
Nous avons encore une approche trop économiste du monde, considérant que l’économie est le grand
ensemble et que la nature en est un sous-ensemble. La nature doit répondre aux besoins de l’économie en
tant que source et réceptacle. Les mouvements alter mondialistes ont du mal à intégrer et à combiner
économie et écologie. Or, nous devons comprendre que c’est la nature qui constitue le grand ensemble et non
l’inverse. Nous ne pouvons augmenter notre biosphère. Il faut opérer ce renversement intellectuel.
« Economiquement nous vivons sur notre capital, biologiquement nous transformons notre cycle de
carbone ». Cette constatation a été faite en 1925, et elle est plus que jamais d’actualité. Il est impératif de
renverser cette tendance.