QUAND LA PHILOSOPHIE S’INVITE AU COLLEGE Jacqueline Grimaud professeur de philosophie Marie-Françoise Châtre documentaliste collège Cité scolaire Jean Puy 42300 Roanne SOMMAIRE Histoire d'une idée Une histoire à deux voix : documentaliste et professeur de philosophie Affiche de l'action ; mars 2005 p 3 Atelier 1 élèves de 3ième: les hommes et les femmes ou le concept d’humanité p 8 Démarche et documents supports Comptes rendus des séances par les intervenants : professeur de philosophie, professeurs de lettres ; mai 2005 Atelier 2 élèves de 3ième: L’idée de guerre juste p 18 Démarche et documents supports Comptes rendus des séances par les intervenants : professeure de philosophie, professeurs d'histoire-géographie; mai 2005 Atelier 3 élèves de 6ième: Le loup ou la distinction entre le réel et l’imaginaire p 31 Démarche et documents supports Comptes rendus des séances par les intervenants : professeure de philosophie, professeur de lettres ; février 2006 Atelier 4 élèves de 3ième: La fonction des mathématiques : valeur de l’abstraction p 43 Démarche et documents supports Comptes rendus des séances par les intervenants : professeure de philosophie, professeurs de mathématiques ; avril 2006 Le point de vue des élèves : p 55 Bilan après une année d'existence p 61 "la philo c'est trop" Analyse des objectifs pédagogiques par le professeur de philosophie point de vue de la documentaliste. 2 Atelier Philo collège : histoire d'une idée La voix de la documentaliste Une naissance tout en douceur, en trois mois : C'est par hasard que tout a commencé … rencontre avec une collection (mifévrier 2005) C'est une amie qui me fait découvrir les petits fascicules de la collection "Les goûters philo" écrits par Brigitte Labbé (écrivain) et Michel Puech ( professeur de philosophie à la Sorbonne) chez Milan. Ces livres viennent en appui d'un travail de réflexion menée en classe primaire, où est inscrite sa fille de 8 ans, sur les grandes questions que les enfants se posent notamment sur la vie-la mort, la religion, les guerres, les filles et les garçons…. Tiens, tiens, les deux exemplaires que je feuillette me paraissent très intéressants. Je trouve ces petits livres bien rédigés, très accessibles et pertinents. Et si j'en achetais pour enrichir la fonds documentaire du collège ? Préalablement, je veux prendre l'avis d'un enseignant, spécialiste de la question, avec qui j'ai l'habitude, non pas de travailler, mais d'échanger (l'avantage d'un cité scolaire regroupant collège et lycée…), Jacqueline Grimaud. Quelques jours plus tard, à la pause café, en salle des professeurs, un embryon d'idée pointe le bout de son nez … Comme je rencontre fréquemment ma collègue de philosophie, qui fréquente d'ailleurs assidûment le CDI, je lui propose de "jeter un œil" sur les deux exemplaires que j'ai récupérés. Spontanément, elle accepte. Rapidement, son enthousiasme rejoint le mien. Bien sûr qu'il faut proposer cette collection à nos collégiens. Mais toutes deux avions pressenti qu'on pouvait aller plus loin…Pourquoi ne pas se servir de ce support pour mettre en place un atelier philo au collège ? Un projet aux contours imprécis se dessine…. Ma collègue me parle d'un reportage qu'elle a vu relatant une expérience réalisée en classe primaire… discussion s'ensuit à laquelle participent d'autres collègues présents à ce moment. Tout ça est passionnant…Je vais en toucher deux mots à Monsieur Apanon, Principal adjoint avec qui je travaille sur plusieurs actions. Les représentants institutionnels adhèrent mais attention prudence… Ce dernier trouve l'idée aussi très intéressante. C'est sur ses conseils, ses remarques que les choses se précisent, prennent forme. Cet échange nous permet de finaliser notre projet. L'idée d'un atelier qui s'adresserait aux élèves volontaires paraît élitiste car seuls les meilleurs élèves seraient susceptibles d'être intéressés, les plus en difficulté risqueraient de "s'auto-exclure". D'un commun accord, nous 3 décidons qu'il faut intervenir dans la classe et se servir d'éléments du programme comme fil conducteur de la réflexion philosophique. Ma collègue de philosophie prend contact avec l'IPR de la discipline et lui présente le projet ; elle souhaite en effet obtenir son aval car le risque est grand que cette action soit considérée comme un" dévoiement" de la discipline. Les collègues sans qui rien ne peut être réalisé, loin de trouver l'idée saugrenue, sont aussi enthousiastes…. C'est d'abord aux professeurs de lettres de 3ième que nous nous adressons. Ceux ci voient immédiatement comment peut s'intégrer une séance de "débat philosophique" dans leur progression pédagogique ; ils travaillent en effet sur le thème de la place de la femme dans la société et notamment sur l'inégalité homme-femme ; ils viennent également d'aborder l'argumentation. Les professeurs d'histoire-géographie adhèrent également rapidement, le thème retenu est celui de la guerre qui occupe une place prioritaire dans le programme . Nous contactons également la professeur de SVT qui serait susceptible d'intervenir sur le thème de la vie-la mort, mais cette fois avec une classe de 6 ième. Elle aussi est partante. J'achète alors une dizaine de livres de la collection. Je fais de la place sur mes rayonnages et j'ajoute une étiquette "classe 100" ( philosophie pour les "pro" de la classification Dewey) ; absence que je justifiais avec embarras aux "petits 6 ième " lors des séances de travail au CDI. ( eux ne manquaient pas de souligner cet "oubli"). Même M. Pellet, notre intendant, particulièrement impliqué dans la vie de l'établissement s'intéresse au projet et participe parfois aux discussions, souvent informelles, que nous avons au CDI. On s'active, on recherche, on communique et on prépare les séances… Nous élaborons alors , avec Monsieur le Principal, une affiche afin de communiquer à tous les collègues le sens de cette intervention, ses objectifs, les personnes impliquées, les classes concernées et le contenu. L'affiche est visible en salle des professeurs. Mon rôle s'arrête à cette étape de "communication" et de recherche. Plusieurs pages internet concernant des actions menées en direction des élèves de primaire nourrissent notre réflexion ( nous ne trouvons rien concernant une action menée en collège). Nous notons des références bibliographiques et commandons des ouvrages. Un important travail concernant l'intervention même est mené entre les professeurs du collège et la professeure de philosophie. Enfin, on programme et en mai, on se lance… Nous parvenons à programmer quatre séances pour trois classes de 3ième ; pour certaines, les élèves sont en demi groupe, pour d'autres, c’est impossible ( la fin de l'année approche, il y a le brevet , l'épreuve de philo du bac..). Nous n'avons pas oublié les 6ième mais pour plus de cohérence, nous privilégions un niveau pour cette année. 4 La voix du professeur de philosophie Genèse : Une discussion à propos des Goûters-philo de M. Puech. Nous échangeons quelques impressions. M.F.CHATRE ma collègue documentaliste propose une commande de quelques ouvrages. Nous évoquons la possibilité de faire quelque chose avec nos collégiens… L’idée d’un projet commun se dessine… D’emblée, j’entrevois la nécessité d’en tenir informé mon I.P.R. car je ne veux pas prendre le risque de « brouiller » l’image de la discipline. Avec ma collègue documentaliste nous évoquons la possibilité de débattre de questions ou thèmes sur la base du volontariat. Les élèves souhaitant participer à un atelier de réflexion philosophique en auraient ainsi l’occasion. Cette première suggestion n’aura pas de suite car nous prenons conscience du risque d’élitisme. Rien n’est donc décidé. Lorsque ma collègue reçoit les fascicules des Goûters – philo nous échangeons à nouveau quelques propos. Cette fois M. Apanon principal du collège est présent. IL nous demande de participer à une réunion afin de déterminer les enjeux pédagogiques et d’évaluer les difficultés d’organisation du projet. Il me soutient dans mon souci de rigueur et de transparence auprès de mon I.P.R. que je contacte sans tarder. Je lui ferai d’ailleurs parvenir l’essentiel des documents du projet. Nous soumettons notre idée à quelques collègues du collège. D’emblée, ils manifestent un réel intérêt. Chacun est bien conscient que le projet va nous amener à travailler en équipe. Cela va donc demander du temps en dehors de nos heures respectives. Mais cela ne nous décourage pas. Nous avons tous très envie de tenter une nouvelle expérience. Nous choisissons alors de faire porter nos efforts en direction des troisièmes pour commencer… Avec mes collègues de français et d’histoire nous retenons deux thèmes. Suite à un exercice en littérature, nous retenons la place des femmes dans la société. En histoire, nous retenons la guerre qui tient une grande place dans le programme des élèves de troisième. Mise en place du projet : de l’idée à la réalisation. Notre objectif : trouver une formule créant l’interdisciplinarité. Nous avons le souci de nous fixer des objectifs pédagogiques. Dans ces ateliers, nous souhaitons privilégier l’échange et l’approfondissement du cours. Les élèves sont amenés à réinvestir leur cours ou leçon. Nous souhaitons que les élèves en difficulté trouvent l’occasion de s’exprimer et de se valoriser dans une autre approche disciplinaire. Mes collègues de français insistent sur l’entraînement à la démarche argumentative. 5 Pour ma part, j’ai le souhait d ‘éviter le débat stérile et brouillon. Il faut tenter dans l’échange de construire un raisonnement. Je cultive avant nos séances l’appréhension et le doute consciente des difficultés. Mais le projet avance et les séances sont programmées. Mes collègues et moi avons établi pour les élèves une fiche de travail. Cette fiche leur sera distribuée deux ou trois jours avant la rencontre. Elle leur permet de commencer un peu à réfléchir. Les séances. Les élèves abordent les séances de façon spontanée. Je suis étonnée de les voir si à l’aise dans la participation. Chaque intervention se fait en présence du professeur de la classe. La discussion se révèle toujours animée et enthousiaste. Nous respectons l’ordre des questions des fiches de travail sans trop nous vouloir formels. L’essentiel est de maintenir l’axe de la question et de développer une argumentation. Afin de se faire une idée plus précise des séances j’invite à visiter les comptesrendus. Remerciements : Nous tenons à remercier Monsieur Apanon, principal du collège Jean Puy qui nous a aidées et soutenues dans ce projet. Merci également à Monsieur Pellet qui nous a encouragées. Nous avons été touchées de l’intérêt qu’on manifesté quelques collègues de l’établissement. Ils nous ont soutenues et nous ont posé des questions très motivantes. Enfin, un merci très particulier aux collègues de troisième C.Devillard, P. Duron, V. Fayolle et Y. Tamain. 6 POUR PROMOUVOIR L’ACTION AUPRES DES COLLEGUES UNE AFFICHE EN SALLE DES PROFESSEURS… Collège JEAN PUY N° d’immatriculation 0421682A Rue Jean Puy 42335 ROANNE CEDEX Tel : 04-77-71-24-60 Fax : 04-77-71-15-55 les élèves, encadrés par un professeur de philosophie, travaillent sur un thème contenu dans les programmes du collège, et en rapport avec la progression de la classe OBJECTIFS GENERAUX -Assurer la liaison collège-lycée en initiant les élèves de 3eme à la démarche argumentative OBJECTIFS PEDAGOGIQUES -Faire s'interroger les élèves, pour un peu mieux comprendre et réinvestir ce que l'on aborde dans les programmes. -Développer la transversalité. -Donner aux élèves en difficulté l'occasion de se valoriser dans une autre approche disciplinaire ux a e v i es n l s u to e em Pour 3 e s d er.. ) e v él è menc s e (l c om r pou ORGANISATION Par demi-classe, pendant les heures de cours. 1 thème par séance L’autre demi classe travaille selon d’autres modalités. THEMES La guerre et la paix en histoire. Les garçons et les filles en français. La vie la mort en SVT. SUPPORTS Petits fascicules « Les goûters philo » Aux éditions Milan Responsables de l’action Jacqueline Grimaud Marie Françoise Châtre Professeurs associés: Français : Virginie Fayolle, Philippe Duron, Bernard Paire Histoire géo : Christiane Devillard, Johan Tamain 7 ATELIER 1 LES HOMMES ET LES FEMMES OU LE CONCEPT D’HUMANITE DEMARCHE ET DOCUMENTS SUPPORTS 8 DEMARCHE Les séances de français en classe de troisième. Dans les deux classes, les élèves se prêtent bien volontiers au jeu. Une question est alors posée par une élève dans une des deux classe : La question qui est posée concerne t-elle les êtres humains à l’origine ou bien dans notre société ? Nous répondons que les deux pistes seront évoquées. Nous proposons alors de définir l’être humain. Les élèves établissent sans difficulté une suite de critère biologiques. L’être humain est d’abord défini comme une être vivant qui marche , respire et souffre. Un être humain marche sur deux jambes … Un élève précise après que nous ayons demandé d’aller plus loin que l’être humain se déplace et mieux il pense puisqu’il est différent de la pierre et le la plante. Le dernier critère formulé exige plus d’attention. Nous le soulignons : l’être humain se sépare de l’animal et du végétal car il est capable de penser ou de réfléchir. Quelque élèves trouve d’eux- mêmes la notion de conscience que nous retenons. Ensemble nous tentons de résumer le résultat de la réflexion : l’humain est donc humain parce qu’il s’est arraché à l’animalité. L’être humain n’est plus guidé par ses seuls instincts ; il pense et agit. Il ne se contente pas de réagir aux sollicitations du monde extérieur . Une nouvelle intervention d’élève peut être soulignée . L’être humain est intelligent car il sait se servir de ses mains pour fabriquer des choses. Dans les deux classes, les critères biologiques viennent tout de suite à l’esprit des élèves. Ils complètent d’eux-mêmes ces premiers critères en citant la pensée et la parole. Le terme de communication est formulé par le groupe de l’après- midi . Après une courte pause pour permettre aux élèves de faire le point, nous leur proposons de tirer les conséquences de ce premier moment. Très rapidement, les élèves soulignent que les filles et les garçons, les hommes et les femmes sont égaux. Il y a égalité entre eux puisque nous pensons ensemble et réfléchissons . Rien ne semble orienter vers la supériorité ou l’infériorité de l’un par rapport à l’autre. Hommes et femmes pensent , espèrent, souffrent également. Une sorte de consensus s’installe dans l’assemblée. Cependant de nombreuses interventions ont lieu. Celle-ci les résume un peu toutes : Cette égalité pourtant évidente n’est-elle pas devenue inexistante dans notre vie de tous les jours ? En effet, les femmes font le plus souvent la vaisselle, le ménage… les hommes ne font pas le repassage… Sur le plan professionnel, beaucoup de femmes sont techniciennes de surface … les hommes sont garagistes… 9 Nous faisons remarquer que ces réflexion sont sans doute justes dans certaines familles . Toutefois, il faut se garder de trop généraliser. Il faut se méfier des constats qui caricaturent la réalité. Ce que l’on peut souligner à la faveur des élèves c’est qu’en dehors de quelque tentations à Ils font notamment remarquer schématiser, il y a beaucoup de bon sens. dans le groupe du matin que le temps social n’est pas du tout le même pour les hommes et les femmes. Ce qui est pertinent, c’est qu’ils « problématisent » sans le savoir l’égalité sociale. On constate donc qu’il existe un écart entre le droit et les faits. Nous les invitons alors à lire le texte du Banquet de Platon dont nous avons placé un extrait dans la fiche de travail. Nous présentons rapidement le philosophe en le replaçant dans son époque. Avant la lecture effectuée par le professeur de lettre, nous prenons soin de dire qu’il s’agit d’une histoire imaginaire, d’un conte mieux d’un mythe. Assez rapidement un élève est capable de résumer ce qu’il a compris. On établit alors qu’il est question de l’être humain à l’origine. D’après le mythe , hommes et femmes ne formaient au principe qu’un seul être. Un être double avec quatre bras, quatre jambes et deux sexes. Ces êtres raconte le mythe sont très orgueilleux et ils décident de rivaliser avec les dieux. Alors Zeus se met en colère et les châtie. Il décide de les couper en deux. L’homme et la femme sont donc désormais séparés. Ils vont alors passer leur vie à se chercher. Ce qui rapproche l’homme et la femme , c’est qu’il veulent trouver leur moitié complémentaire. Les élèves réagissent vivement à cette histoire qu’ils trouvent très belle. Ils sont très désireux de s’attarder sur l’amour qui exprime le lien entre l’homme et la femme. La complémentarité dans l’amour les incitent à parler. Nous leur demandons alors d’établir un nouveau résumé de la discussion. Hommes et femmes sont différents mais égaux. Les différences ont pour conséquence la complémentarité. C’est alors qu’un élève intervient pour dire que c’est très beau mais qu’il ne faut pas oublier que la moitié des mariages se solde par un divorce ! D’autres répondent que quand on réfléchit, hommes et femmes sont faits pour s’aimer- se respecter. Nous proposons maintenant de passer au second moment de la discussion : la place des femmes dans la société. 10 Nous nous demandons si les différences entre les hommes et les femmes dans la société créent des discriminations. Les réponses sont presque immédiates de la part des participants. Tous disent qu’il existent des inégalités entre hommes et femmes. Ces inégalités se constatent tous les jours. On demande de déterminer les domaines où existe la discrimination sexuelle. Les deux classes avec lesquelles nous avons travaillé établissent assez facilement une liste de domaines. Ils citent le travail, l’éducation et la religion. A propos de l’éducation nous demandons de nommer les deux formes d’éducation qu’un individu reçoit. Sont mentionnées l’éducation donnée par la famille et celle donnée par l’école. Nous posons alors une question à propos de l’école et plus précisément sur ce qui est enseigné. Quelques élèves soulignent qu’à l’école filles et garçons apprennent les mêmes choses. On fait tous des maths, du français… On fait tous du sport… Dans une classe, une jeune fille fait remarquer que la « techno « est peut-être plus pour les garçons que pour les filles. En effet, on a fabriqué rapporte t-elle une horloge ! Quelques réactions fusent mais là encore une sorte de consensus s’établit. On est d’accord pour reconnaître que l’école en donnant la même instruction aux uns et aux autres apprend le sens de l’égalité. Tous ont les mêmes chances puisque tous apprennent la même chose d au sein d’une école qui pratique la mixité. Un élève intervient de façon spontanée pour dire qu’il y a un problème. Quelque chose en effet ne va pas. Comment se fait-il que les filles qui en classe obtiennent souvent de meilleurs résultats que les garçons ne se retrouvent pas présidente de la République ou autre ? A partir de là, les élèves citent ce qui les influence par exemple dans un choix d’orientation. On discute des différents motifs qui les conduisent à opter pour telle ou telle formation. Dans les deux classes, il ressort qu’une orientation se décide par goût, par envie. Ce sont les deux premiers critères qui sont cités. Mais à la réflexion, il y a aussi les pressions et les modèles sociaux. Revient l’exemple d’une femme technicienne de surface et le l’homme qui devient garagiste. Lors de la discussion, certaines filles avouent subir des pressions sociales et/ ou familiales. D’autres disent que rien ni personne ne les influence. L’une d’entre elle formule son projet : devenir policière. Elle espère ne pas se décourager. Un garçon révèle que son souhait le plus cher, c’est de devenir chocolatier. Un autre souhaite devenir chirurgien. Nous évoquons la féminisation de nombreuses professions comme de l’autre l’arrivée de plus en plus de garçons dans des corps métiers au départ très féminins. La discussion se termine sur quelques constats. Il semble plus facile pour un garçon que pour une file de faire des études .Cependant, certains élèves font remarquer à juste titre que notre société évolue. On parle de l’actualité politique avec la loi sur la parité dans le monde du travail. Nous concluons notre entretien sur des messages d’encouragement. Sans doute faut-il que chacun gagne en confiance, comprenne qu’il faut s’investir dans le travail scolaire si on veut se donner les moyens de ses ambitions… 11 Document élèves 1 L’homme et la femme : des êtres humains à part égale ? 1-Recherche des caractéristiques de l’humain : que faut-il à chacun d’entre nous pour être humain ? a-Définition de l’être humain. b-Que peut-on dire au terme de ce premier moment d’analyse ? Les moitiés séparées cherchent à se rejoindre Mais d’abord, il faut apprendre ce qu’était la nature de l’être humain et ce qui lui est arrivé. (…) Premièrement, il y avait trois catégories d’êtres humains et non pas deux comme maintenant, à savoir le mâle et la femelle. Mais il en existait encore une troisième qui participait des deux autres, dont le nom subsiste aujourd’hui, mais qui, elle, a disparu. En ce temps là, en effet, il y avait l’androgyne, un genre distinct qui, pour le nom comme pour la forme, faisait la synthèse des deux autres, le mâle et la femelle. Aujourd’hui cette catégorie n’existe plus. (…) Deuxièmement, la forme de chaque être humain était celle d’une boule, avec un dos et des flancs arrondis. Chacun avait quatre mains, un nombre de jambes égal à celui des mains, deux visages sur un coup rond avec, au dessus de ces deux visages en tout point pareils et situés à l’opposé l’un de l’autre, une tête unique pourvue de quatre oreilles. En outre, chacun avait deux sexes et tout le reste à l’avenant (…) Cela dit, leur vigueur et leur force étaient redoutables, et leur orgueil était immense. Ils s’en prirent aux dieux (…). C’est alors que Zeus et les autres divinités délibérèrent pour savoir ce qu’il fallait faire (…). Après s’être fatigués à réfléchir, Zeus déclara : « Il me semble, dit-il, que je tiens un moyen pour que, tout à la fois, les êtres humains continuent d’exister et que, devenus plus faibles, ils mettent un terme à leur conduite déplorable. Je vais sur le champ les couper en deux (…). Et, il coupa les hommes en deux comme on coupe les œufs avec un crin. (…) Quand donc l’être humain primitif eut été dédoublé par cette doublure, chaque morceau, regrettant sa moitié, tentait de s’unir de nouveau à elle. Ils s’enlaçaient mutuellement, parce qu’ils désiraient se confondre en un même être. (…)C’est donc d’une époque aussi lointaine que date l’implantation dans les êtres humains de cet amour, celui qui rassemble les parties de notre antique nature, celui qui de deux êtres tente de n’en faire qu’un seul pour ainsi dire guérir la nature humaine. Chacun d’entre nous est donc la moitié complémentaire d’un être humain…sans cesse donc chacun est en quête de sa moitié complémentaire. Platon, Le Banquet 189 e-190 c 2-La différence peut-elle mener à des discriminations ? a-Définition du mot : vient du latin « discriminatio ». C’est le fait de séparer un groupe social des autres en le traitant plus mal. On a comme synonyme le terme ségrégation. b-Des discriminations existent dans la société. Lesquelles ? c-Pensez-vous que cette situation est injuste ? 12 Document élèves 2 Attention ! ils arrivent au lycée Un exercice proposé aux élèves de 3ième Lisez attentivement la liste des faits suivants qui peuvent illustrer certaines idées sur la situation des femmes dans le monde. Quelle(s) idée(s) vous inspirent-ils ? Situation des femmes dans le monde Au niveau mondial : - Les 2/3 des 867 millions d’analphabètes adultes sont des femmes. - Les 2/3 des enfants non scolarisés sont des filles. - Les femmes fournissent les 2/3 des heures totales travaillées, elles ne reçoivent que 10% du revenu mondial. - En 1995, le travail domestique non rémunéré des femmes a été estimé à 11 milliards de dollars, soit presque la moitié du PIB mondial, évalué à 23 milliards. - Les femmes salariés ne gagnaient, en moyenne, en 1999, que 40 à 80 % du salaire des hommes. - Plus de 30 % des femmes sont confrontées à la violence domestique. - Près de 80 % des 27 millions de réfugiés recensés sur la planète sont des femmes. - 4 millions de femmes et de filles sont vendues chaque année à des marchands d’esclaves, des proxénètes ou des maris. - 80 à 90 % des familles pauvres sont des ménages avec une femme seule. - Les femmes ne représentent que 14 % des parlementaires du monde entier. (chiffres PNUD 2000, BIT 2000, Wistat 2001) Voici quelques « perles » Pour info, leurs auteurs sont souvent des filles ! - Les hommes sont plus intelligents que les femmes puisqu’elles sont en majorité analphabètes ou non scolarisées - On peut dire que les femmes ne servent à rien puisqu’elles ne sont pas intelligentes. - Les femmes sont en dessous de tout. - Les femmes n’ont rien à faire dans la société à tout point de vue donc elles sont en trop. - Il y a trop de femmes dans le monde donc, il faut les supprimer. - Les femmes tiennent beaucoup de place dans le monde et elles ne sont pas capables de grand chose. - Les femmes font exprès d’avoir une mauvaise situation ou alors elles ne sont pas assez intelligentes pour s’en sortir. De quoi méditer et s’inquiéter… 13 Compte-rendu des séances hommes-femmes par le professeur de philosophie Compte-rendu des séances sur le thème suivant : la place des femmes dans la société. Le jeudi 12 mai 2005. L’intervention s’est déroulée avec deux classes de troisième durant cinquante cinq minutes environ. Les séances se sont effectuées en présence du professeur de français de la classe et du professeur de philosophie. Nous avons choisi d’installer la vingtaine d’élèves autour d’une table ronde que nous avons partagé avec eux. Au préalable nous avions préparé une fiche de travail pour les élèves à partir de laquelle nous avons guidé le débat dans les deux classes. Nous commençons par demander aux élèves de réfléchir l’intitulé du questionnaire distribué en début de séance. Nous le lisons ensemble : Hommes et femmes : des êtres humains à part égale ? Nous précisons aux élèves que cette discussion a pour origine un travail d’analyse qu’on leur a confié quelque temps plus tôt sur la place des femmes dans la société. Ce travail avait donne lieu à des maladresses dans le traitement des données chiffrées qu’ils devaient interpréter. D’emblée des réactions se font entendre à propos de la forme interrogative de l’intitulé. Des réponses affirmatives sont formulées. Nous précisons alors qu’en philosophie il faut trouver des arguments pour valider nos réponses et en vérifier la valeur ou la justesse. Au final, l’ expérience avec deux classes de troisième au profil assez différent est très intéressant. Les élèves sont dépourvus de tout a priori. Ils se lancent dans la discussion avec spontanéité et plaisir. Ils échangent leurs points de vue tantôt avec une pointe d’humour tantôt avec plus de sérieux. Je découvrais pour ma part les élèves du collège. Je tiens à souligner que les deux entretiens m’ont procuré beaucoup de plaisir et même de bonheur. J’ai découvert chez ces jeunes garçons et jeunes filles une réelle capacité à réfléchir mieux un désir de penser. Ils ont envie de dire et de comprendre . Ils sont surtout besoin qu’on les 14 mettent en confiance à un moment de leur vie scolaire où s’installe l’indécision et l’inquiétude. On pourrait considérer que de tels ateliers sont déplacés compte- tenu des nombreuses difficultés scolaires rencontrées par certains élèves. Cependant, j’ai pu constater dans les deux classes que la pensée se met en mouvement et que peuvent s’élaborer des idées que les uns et les autres écoutent et comprennent. Dans ces ateliers nous avons été attentifs au fait que les élèves doivent échanger et qu’il faut essayer d’aboutir à une construction collective. Pour terminer, je tiens à remercier mes collègue de lettre sans qui ce travail n’aurait pas été possible . Ce sont eux qui ont orienté le contenu du travail et m’ont aidé à cerner les objectifs pédagogiques et didactiques. Je remercie également le principal du collège qui a planifié ces séances et qui m’a aidé à définir ce projet sur le plan du fond et de la forme. Un merci tout particulier à ma collègue documentaliste du collège qui participe pleinement à cette expérience en se faisant le relais précieux entre tous les participants et acteurs. 15 Compte-rendu des séances par la collègue de lettres Bilans de séances par Virginie FAYOLLE. Professeur de français en classe de troisième Première année La séance en 3° 3 s’est déroulée en demi groupe. Elle est un prolongement et un éclairage supplémentaire de la séquence consacrée à la place de la femme dans la société. Les réactions durant la séance ont été très positives. Les élèves se sont prêtés au jeu sans problème. Seuls deux ou trois élèves habituellement réservés sont restés en retrait. Suite à ce travail, une élève a observé que la question de départ avait été petit à petit écartée. Les raisons sont explicitées avec le groupe et , en fait , comprises. Deuxième année : La classe : Le projet est mené pour la deuxième année. Les 3°2 forment un groupe très hétérogène : un groupe de filles motivées et sérieuses, un groupe capable d'attention mais plus irrégulier et un groupe composé de garçons essentiellement qui rencontrent de grandes difficultés et qui sont peu motivés. Reconduire l'atelier m'est donc apparu comme un challenge : comment donner une place à chacun ? Le déroulement des deux séances : La première séance a été un peu difficile à lancer car le groupe était composé de garçons très immatures, ricanant et peu enclins au débat a priori. Mais, à force de les solliciter et de les prendre à parti au fil de la séance, certains sont entrés dans la discussion et la séance s'est bien déroulée. La deuxième séance a été bien meilleure. Nous avons été filmés, mais cela n'a pas perturbé les échanges. Le texte, contrairement à la fois précédente, a été utilisé. Les élèves ont apprécié cet éclairage. Il me semble indispensable de maintenir cette lecture : le texte est beau, évocateur et les élèves n'ont que peu d'occasions de lier Plaron. Pourquoi avons-nous mis en place ce projet ? Tout d'abord, il est parfaitement cohérent avec le travail mené toute l'année : il renforce la réflexion sur l'orientation (comment choisir une formation sans se laisser enfermer dans des stéréotypes ?) , il vient approfondir un thème récurrent de l'année (la place de la femme dans la société, les rapports entre les hommes et les femmes), et il permet de consolider la maîtrise de l'argumentation. En effet, grâce à 16 l'atelier, nous offrons une véritable situation de débat durant laquelle chacun exprime son opinion. Cette activité, il est vrai, nous permet de sortir des activités classique. Elle offre un autre moyen d'expression dans la classe. Quel avenir pour l'atelier-philo ? Il me semble évident que le projet est efficace et bénéfique. Les élèves l'apprécient (voir leurs remarques) et moi aussi ! Je pense même que l'on devrait envisager plusieurs séances (deux ou trois), afin de sensibiliser plus tôt nos élèves à l'argumentation et à la réflexion philosophique. 17 ATELIER 2 L’IDEE DE GUERRE JUSTE DEMARCHE ET DOCUMENTS SUPPORTS 18 DEMARCHE En se proposant comme thème de réflexion le couple guerre/paix on doit tout d’abord définir : 1) la guerre 2) la paix On peut maintenant se poser la question de savoir s’il existe des guerres justes. Peut-on parler de guerres justes ou de justes causes pour faire la guerre ? L’expression « guerre juste « pose un problème difficile celui du droit à la violence. En effet, si on fait l’hypothèse de guerres justes alors on rend légitime c’est-à-dire moralement acceptable le recours à la force. Que fait-on sinon justifier l’usage de la violence pour résoudre un conflit ? Que peut-on en penser ? Selon vous, la violence peut-elle faire droit entre les hommes et les Etats ? Quelles seraient les conséquences d’une telle idée ? Le problème avec la violence, c’est qu’elle entraîne l’homme dans une spirale infernale. En effet, la violence appelle toujours la violence. Cela signifie que la force finit par s’épuiser dans la vengeance. L’usage de la force de plus ne résout absolument pas les querelles. Elle les entretient plutôt. Difficile par conséquent de défendre moralement l’usage de la force qui est une puissance naturelle nous enfermant dans la peur de l’autre. La logique de la violence fait qu’on ne se parle plus alors qu’il serait peut-être nécessaire de vider la querelle par le dialogue. Comment alors justifier moralement l’usage de la force entre les hommes quand on dispose de tous les moyens nécessaires pour discuter ? Il faut prendre conscience qu’entre individus pourvus de raison la force ne fait pas droit. Le droit à la violence entre toi et moi et entre les Etats pose problème. Il est, en effet, plutôt choquant d’assimiler violence et justice. Il est toujours risqué et dangereux de faire usage de la force pour rétablir ses droits. Comment rompre le cercle vicieux de l’utilisation de la violence entre les hommes ? 19 Il s’agit de privilégier la résolution juridique des conflits. Seul, le droit c’est-à-dire les lois valables pour tous peuvent nous faire sortir de la spirale infernale de la vengeance. C’est lorsque les lois limitent et régulent les actions des hommes et des Etats que la paix devient possible. En ce sens, la guerre n’est pas une fatalité dans l’histoire. D’ailleurs, la paix est bien plus avantageuse pour les peuples que les états de guerre permanents qui épuisent les richesses humaines et matérielles. Pourquoi existe t-il néanmoins un droit à la guerre ? ( Conférence de la Haye en 1907) Reconnaître un droit à la guerre c’est dire à tous les Etats que dans un conflit armé tout n’est pas permis. Il y a des actions que les armées ne doivent pas commettre. Ainsi, l’état de guerre n’autorise pas les pillages, les vols, les viols… C’est de cette façon qu’apparaît la notion de crime de guerre. Le droit intervient donc quand la force s’exerce afin de lui rappeler ses limites. Ceux qui ignorent le droit sont sanctionnés. En toute logique, une guerre serait dite juste lorsqu’elle fait prévaloir le droit. Une guerre est juste quand le droit impose à l’usage de la violence des limites restrictives. On dira que le droit régule la 20 Document élèves 1 Y a-t-il des guerres justes ? 1- Selon vous, la violence peut-elle être utilisée comme un moyen pour résoudre les conflits entre les hommes et les Etats ? --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------2- Quelles conséquences pour les hommes et les Etats si on justifie l’usage de la violence ? --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 3- Comment rompre le cercle vicieux de l’utilisation de la violence entre les hommes et les Etats ? --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------4- Pourquoi existe-t-il aujourd’hui un droit à la guerre ? ( conférence de la Haye en 1907) --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 21 Document élèves 2 Déclaration universelle des droits de l’homme (extraits) Article 3 : Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. Article 4 : Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes. Article 5 : Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Article 9 : Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé. Article 13 : 1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat. 2. 2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. Article 18 : Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites. Rappel sur quelques impératifs à respecter, Algérie, 1959 Il y a des lois morales, même révolutionnaires. Les mépriser ne peut qu’aviver la résistance de l’adversaire et jeter le doute sur la légitimité de notre action en Algérie. Les ignorer ne peut qu’entraîner un durcissement des cœurs, un retour à la barbarie, un échec à long terme de la mission à remplir. Sans parler des conséquences lointaines, des répercussions et des ressentiments sur la conscience, la mentalité, les cœurs de ceux qui font la guerre. (…) A les mépriser et les ignorer, on risque fort de perdre un jour ce que l’on prétend sauver aujourd’hui par n’importe quel moyen. En cette guerre d’Algérie, comme en toute autre, un certain nombre de règles morales subsistent, plus impératives que jamais : - L’adversaire a le droit d’être respecté, le blessé, d’être soigné, le prisonnier, d’être traité humainement, le mort, d’être enterré, Jugements et exécutions sommaires, tortures, demeurent interdits. Achever un blessé constitue un crime (prendre garde aux réflexes de fausse pitié et à l’usurpation du droit de décision qui ne nous revient pas). Exposer un cadavre à la curiosité publique, ou obliger la population à défiler devant lui, a toutes chances d’être une erreur psychologique lourde de conséquences et un manquement à des principes élémentaires de civilisation. S’acharner sur un cadavre, le dépouiller ou le mutiler, c’est revenir à des mœurs barbares dont il vaudrait mieux ne pas entendre parler. Mépriser un adversaire ne grandit pas celui qui nourrit de tels sentiments, mais le dégrade. En tous ces domaines, il ne faut pas se laisser forcer la main par les circonstances, l’ambiance, les passions partisanes, l’urgence de la mission à remplir, les « durs ». Le respect de l’adversaire est le signe de maturité humaine et morale. Père Henri Péninou, Réflexions sur les devoirs du soldat. Notre vie chrétienne en Algérie (1959), présenté par Jean Charles Jauffret, Montpellier : Université Paul Valérie, 1998. 22 Compte-rendu des séances « l’idée de guerre juste » par le professeur de philosophie Séance 1 du 26 mai L’intervention se déroule avec une classe de troisième en présence de leur professeur d’histoire géographie. Au préalable, nous avions préparé une fiche de travail pour les élèves. Quatre questions portant sur la violence et son usage permettaient de préparer un peu la discussion du jour. En guise de préambule nous expliquons aux élèves ce qui nous a conduit à travailler avec eux sur le thème de la guerre. On plante le décor à l’aide de deux questions : Pourquoi les Etats continuent-ils à se faire la guerre ? N’existe t-il pas d’autres choix politiques possibles ? On esquisse alors à l’aide du programme d’histoire un semblant de réponse. Nous rappelons qu’en 1919 la S.D.N. s’est cru capable d’éviter les guerres. Ensuite, soixante pays en 1928 ont signé un pacte déclarant la guerre « hors la loi ». Seulement en 1939, la seconde guerre mondiale éclate et ruine tous les espoirs. En 1947, on parle encore de guerre avec celle qu’on nomme la guerre froide. Ce bref rappel nous permet de poser la question centrale : Y a t-il des guerres justes ? Dans un premier moment, nous nous efforçons de réfléchir sur l’expression « guerre juste » Des élèves répondent et soulignent qu’il y a une opposition. Ils font très justement remarquer que la guerre et la justice ne vont pas bien ensemble. Quelque chose choque. Nous prenons soin de préciser ce qui nous vient à l’idée quand nous parlons de guerre. Spontanément les élèves évoquent la violence, la mort, la brutalité, les bombardements, la souffrance des civils… Mais quand il faut préciser ce qu’il faut comprendre par « juste » une confusion apparaît dans l’esprit des élèves. Quelques élèves confondent légal et légitime. Nous tentons alors de clarifier la différence. Nous expliquons ce qui renvoie à la loi et ce qui relève par exemple de la conscience morale. Nous poursuivons ensuite la discussion en prenant appui sur la question n°1 de la fiche de travail. La violence peut-elle être utilisée comme moyen pour résoudre les conflits entre les hommes et les Etats ? Une réponse négative se formule immédiatement. Mais nous prenons le temps de distinguer l’usage de la violence entre les individus et l’usage de la force armée entre Etats. Il faut en outre préciser que se sont des Etats qui se déclarent la guerre et pas des hommes. 23 La discussion se précise peu à peu. On demande si un Etat peut justifier sur le plan moral le choix de la force armée ? Cela permet de souligner que la guerre n’est pas autre chose qu’une forme d’action politique. Les élèves participent pleinement au débat et tentent de formuler des réponses. Leur professeur d’histoire intervient pour leur rappeler quelques contenus de cours. Il les invite à réfléchir à l’aide de quelques exemples. La classe prend conscience de la difficulté de la question. Prenons l’exemple des résistants français durant la seconde guerre mondiale. Pour certains les actes de sabotage étaient des actes de bravoure et pour les Allemands il n’y avait là qu’actions terroristes. Les élèves qui participent activement à la discussion réalisent que la question des guerres justes est épineuse. Sera t-il possible de trancher la question ? D’autres exemples sont choisis ce qui permet de garder un débat concret et vivant. D’autre part, nous essayons de ne pas caricaturer le sujet. Nous enchaînons alors avec la question n°2 de la fiche de travail. Les élèves reconnaissent que la violence appelle la violence. Si on use de la violence pour résoudre ses différents on prend toujours le risque de s’enliser et de s’enfermer dans un cercle vicieux. Alors, un Etat peut –il réellement faire un usage compréhensible de la violence armée ? L’histoire montre que dans certains cas l’intervention militaire semble requise. On tente de s’expliquer. Prenons le cas d’un Etat qui opprime sa population et qui la prive de certains droits fondamentaux comme celui de pouvoir s’exprimer librement. On évoque la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 Promulguée par l’O.N.U. L’article 5 dit par exemple que nul ne doit être soumis à la torture, ni à des traitements cruels ou inhumains. Avec mon collègue d’histoire nous évoquons le cas de l’ex-Yougoslavie. L’O.N.U. en 1990-91 a décidé d’envoyer sous mandat international des militaires. On les appelle les casques bleus ou soldats de la paix. Ils ne se battent pas mais ont pour mission de protéger les civils. Avec l’ex-Yougoslavie on est face à une guerre inter-ethnique où bosniaques et serbes se massacrent. Nous évoquons les camps de réfugiés, les massacres ethniques ( Srebrenica), les bombardements de civils ( ville d’Osijek en Croatie). Que s’est t-il passé sinon une purification ethnique ? Cependant, une intervention internationale suffit-elle pour faire d’une action militaire une guerre juste ? Les élèves sont partis prenante dans la discussion et ils évoquent la guerre du Golfe. Leur professeur leur précise que le président des Etats –Unis d’Amérique n’a pas l’accord de l’O.N.U. pour intervenir en Irak. G. Bush évoque comme justification de ses interventions militaires la présence d’un « Axe du Mal » et parle de « just cause ». Nous poursuivons notre réflexion avec la question n°3. Les élèves reconnaissent qu’on pourrait remplacer la violence par le dialogue. En effet, les chefs d’Etats peuvent se rencontrer et discuter. Cela mettrait fin à la violence et à sa spirale infernale. La diplomatie plutôt que la guerre dit un élève. Nous nous dirigeons ainsi vers la conclusion en posant cette question : 24 Est-ce qu’une guerre livrée au nom des droits de l’homme peut être considérée comme une guerre juste ? On souligne que les droits de l’homme sont des principes moraux universels. En 1789 la France reconnaît que tous les hommes sont égaux en droits. Chaque citoyen se voit reconnaître des droits ( expression, pensée, culte…) inaliénables. Des élèves sont intervenus pour citer ces droits et dire qu’ils impliquent aussi des devoirs ! On établit alors le lien entre ces droits fondamentaux et la Déclaration Universelle des droits de l’Homme de 1948 qui ainsi établit un droit international supérieur au droit des tous les pays. Nous distribuons aux élèves de la classe un court extrait de cette déclaration. Nous avons gardé le préambule et les articles 1 à 5 puis 9 et 18. Ainsi, si on parle de droit à la guerre depuis 1907 c’est pour dire que les Etats ne peuvent pas faire n’importe quoi. Un Etat criminel est sanctionné par le droit international. On cite des expressions comme celle de crime de guerre, crime contre l’humanité et crime contre la paix. On fait un dernier bilan. On voit très bien que la question est impossible à trancher facilement. Ce qu’on peut néanmoins souligner c’est qu’il est tout à fait impossible de moraliser une guerre. C’est de cette façon que des élèves parviennent à faire la distinction entre action militaire et action humanitaire. Nous les aidons à préciser un peu la nature d’une action humanitaire. Cette dernière consiste à soulager les populations civiles en apportant vivres et médicaments. Quant à la guerre, elle reste un acte brutal qui occasionne toujours ce que l’on nomme pudiquement des « dommages collatéraux. » Pour terminer ce rapport d’intervention je tiens à remercier mon collège d’histoire géographie Y. Tamain sans qui ce travail n’aurait pas été possible. Ses interventions, lors de la discussion, ont su canaliser la réflexion des élèves et les motiver dans leurs réponses. Coup de chapeau à nos élèves de troisième qui se sont montrés face à ce sujet ambitieux et difficile curieux et actifs. La classe s’est bien comportée mais un groupe plus restreint aurait sans doute permis à davantage d’élèves de s’exprimer. Séance 2 du 2 juin La séance s’est déroulée en classe entière en présence du professeur d’histoiregéographie. Nous installons les élèves autour d’une table que nous partageons avec eux. Je présente le thème et rappelle la question retenue : Y a t-il des guerres justes ? Je prends quelques minutes pour « planter le décor « . Quelques éléments du programme permette de débuter la discussion. En 1919, la S.D.N. se croit capable d’éviter les guerres. En 1928, quelques pays signent un pacte déclarant la guerre « hors la loi « . Malheureusement, en 1939 la seconde guerre mondiale éclate. On constate que les bonnes volontés sont restées impuissantes face à la guerre. Celle-ci d’ailleurs revient sur la scène en 1947 avec ce que l’on nomme la guerre froide. 25 Nous commençons alors l’échange avec les élèves. Nous demandons de réfléchir sur le couple « guerre-juste « . Nous leur demandons ce que cette association leur inspire. D’emblée des mains se lèvent et quelques élèves prennent la parole. Tout aussi naturellement ils s’écoutent les uns les autres. Les réponses sont justes et pertinentes. Ainsi, quelques élèves soulignent l’opposition entre guerre et juste. Un élève tient à préciser qu’une guerre, c’est toujours « sale » .Toutes les guerres, dit-il, font des morts et des destructions. Beaucoup de participation et de vivacité dans cette classe. Visiblement les élèves qui prennent la parole se sentent à l’aise. Se sont les élèves eux-mêmes qui trouvent les exemples de guerres pour alimenter le débat. Ils prennent en charge la question et n’ont guère besoin d’être sollicité. Nous reprenons quelques propos afin de définir les différentes formes de guerres. Sont citées, les guerres d’indépendance, les guerres de libération, de conquête. Il y a aussi des peuples nous dit un élève qui ne se supportent pas… Une jeune fille évoque la guerre pour établir la démocratie… Un autre enchaîne avec le terrorisme. On parle enfin de guerre larvée. La discussion est très animée . Pas de temps mort. Les élèves rebondissent sur les propos de leurs camarades. Nous nous efforçons alors de les aider à faire le point pour structurer la réflexion. Quelques élèves veulent proposer des exemples de guerres justes. Ils citent : la Côte d’Ivoire avec l’armée française. Nous précisons alors que l’O.N.U. a envoyé un contingent de casques bleus. Nous expliquons l’idée de mandat international. Après un moment d’hésitation quelques élèves parlent de force d’interposition. Les casques bleus ne se battent pas mais aident les populations en difficulté. Les soldats de l’O.N.U. forment un corps d’armée internationale. On les surnomme les soldats de la paix car ils défendent un droit international. La discussion de poursuit avec d’autres exemples. L’ex-Yougoslavie est citée . Un élève souligne que le rôle de l’O.N.U est limité. Le débat prend un aspect critique voire polémique. Nous trouvons cela intéressant . C’est le signe que les élèves s’accaparent la question. Une élève intervient pour dire que peut-être l’idée de guerre juste n’est qu’un prétexte. Il y a toujours précise cette élève des intérêts pour tel ou tel pays à faire la guerre. D’autres enchaînent et évoquent des intérêts économiques et hégémoniques. Un élève évoque le besoin de pétrole. Un autre parle de domination politique. La discussion suit son cours et s’enrichit . Un élève parle de la guerre en Irak. Nous précisons alors que pour les guerres du Golfe le président des U.S.A. n’a pas l’accord de l’O.N.U. . G.Bush veut poursuivre l’œuvre de son père, il parle « d’axe du mal « et de « just cause ». Nous demandons alors pour résumer notre parcours de prêter attention à la question 2 de la fiche de préparation. Nous posons la question de savoir si l’usage de la violence entre toi et moi peut être un bon moyen pour régler nos différents ou problèmes. Mieux, la violence entre les Etats ou pays est-elle le meilleur des moyens ? Les réponses sont immédiates . Quelques élèves font remarquer que l’utilisation de la force aggrave les problèmes . On ne résout rien du tout ! On parle ainsi de spirale de 26 la violence, de cercle vicieux et même de vengeance car les rancunes s’installent. Nous évoquons brièvement un cas d’actualité . Entre Etats mieux vaudrait discuter, parler. Le mot diplomatie est mentionné. Quelques élèves soulignent les graves conséquences de la violence entre les hommes. D’autres disent que certains pays utilisent la violence pour se faire entendre par les Etats. Ils citent le terrorisme. Un élève évoque la tragédie du 11 septembre 2001. Le nom d’Oussama Ben Laden est prononcé. Nous nous arrêtons un instant sur l’action terroriste. A l’aide de leur programme, quelques élèves évoquent les résistants français durant la seconde guerre mondiale. Les résistants rapportent les élèves ont fait sauter des ponts , les lignes de chemins de fer, attaqués des convois militaires allemands… Du côté des résistants français l’action terroriste est une action de libération. Ils se battent pour libérer le pays de l’occupation allemande. Le terroriste français fait acte de courage. Seulement, l’armée allemande les fusille pour crimes et attentats. De nombreux échanges ont lieu grâce à des élèves qui s’approprient le sujet de façon admirable. En effet, ils ne se coupent pas la parole et ont toujours des choses à rajouter… Nous refermons la parenthèse sur le terrorisme avec d’autres exemples ( basques, bretons, corses…) La question de départ est à nouveau formulée afin de préparer la conclusion du débat. Y a t-il des guerres justes ? La notion de guerre juste a t-elle un sens ou bien est-elle absurde ? Nous soulignons qu’il est en tout cas impossible de moraliser la guerre. Une guerre est une action politique pas une action humanitaire. Seules les organisations humanitaires comme la Croix rouge, les médecins sans frontières en aidant les populations peuvent donner un sens au mot justice( morale). La discussion se termine sur l’idée qu’il vaut mieux des débats que des combats. De l’avis général, pour intervenants et élèves , le temps nous a manqué. Une excellente atmosphère s’était installée entre nous. Chacun avait envie de prolonger ce moment. On regrettera le fait que nous n’ayons pas pu travailler en groupe plus restreint pour permettre à d’autres élèves de parler. La grande majorité des élèves se comporte très bien. Certains participent très activement tandis que d’autres sont réceptifs et écoutent. Cependant le nombre facilite le décrochage de quelques élèves déjà en difficulté. Il est intéressant de constater que des élèves habituellement en retrait en cours participent et s’expriment sans gêne particulière. On soulignera une dernière fois la courtoisie des élèves les uns envers les autres. Lors de cette séance, ils ont cherché à compléter les réponses de leurs camarades et construit des réflexions critiques judicieuses. 27 Compte-rendu des séances par les collègues d’histoire-géographie Bilan de séance par Yoann TAMAIN professeur d’histoire-géographie En classe de troisième La séance s’est avérée être très « productive « malgré un sujet, « Y a t-il des guerres justes », qui pouvait sembler un peu difficile à aborder avec des élèves de 3°. De nombreux élèves se sont au contraire pris au « jeu » et ont bien répondu aux questions posées permettant ainsi de créer les conditions favorables à un dialogue entre eux et les deux professeurs. Certains élèves ont bien évidemment « refusés « de participer, et ont montré des difficultés à s’intéresser au sujet proposé. Il s’agit souvent d’élèves qui sont déjà en difficulté dans d’autres matières et qui ont généralement du mal à rester concentrés. Mais il faut souligner que des élèves qui habituellement ne prennent que très rarement la parole en classe sont intervenus à plusieurs reprises dans la discussion pour apporter parfois des éléments très pertinents. Je suis intervenu à plusieurs reprises pour soumettre des exemples aux élèves, tirés de leur programme d’histoire afin d’alimenter leur réflexion. Ainsi des élèves, en partant de faits concrets, de connaissances qu’ils maîtrisent, ont pu avancer assez facilement dans leur cheminement intellectuel. En conclusion, cette heure a dans l’ensemble été très positive, les élèves ont fait preuve de beaucoup d’intérêt pour les pistes de réflexion lancées par ma collègue de philosophie. Ils se sont montrés , et nous avons été parfois surpris, capables d’une grande qualité de réflexion, de pertinence dans leur argumentation. Eux-mêmes ont beaucoup aimé abordé des questions de leur programme sous un autre angle, mais aussi découvrir ce que peut être la philosophie. Ils se sont rendus compte qu’ils pouvaient très bien élaborer une pensée et la développer même sur un sujet qui leur paraissait un peu ardu. 28 Bilan de séance par Christiane Devillard professeur d’histoire-géographie En classe de troisième L’intervention se déroule avec une classe de 27 élèves en présence du professeur d’histoire et de la documentaliste. Avec le professeur d’histoire, les élèves avaient rapidement eu une trentaine de minutes pour préparer une fiche de travail avec quatre questions portant sur le thème de la violence et de son usage : « Y a t-il des guerres justes ? » On commence l’intervention en essayant de définir les deux termes « guerres » et « juste ». De nombreux élèves donnent leur définition du terme « guerre ». On entend massacre, dégâts, violence, génocide, guerre sale, mort innocente, peur torture, humiliation, crime contre l’humanité… On parle de guerre pour gagner son indépendance ( rapport avec le cours sur la décolonisation), pour sauver ses libertés ( rapport avec la seconde guerre mondiale et son opposition au nazisme) pour des intérêts politiques et même économiques (rapport avec les deux blocs). On prononce les termes de » guerre froide. » Avec les définitions de l’adjectif « juste » quelque chose choque les élèves car il y a totale opposition entre guerre et justice. Pour eux une guerre ne peut pas être morale. Si une guerre était juste, elle serait soumise à des règles, peut-être défendrait-elle une cause, peut- être apporterait-elle quelque chose ? En prenant l’exemple des U.S.A. et de leur intervention en Irak les élèves s’interrogent sur ce qu’est une guerre de libération. Ils se demandant si ce n’est pas une guerre où les intérêts américains prévalent. Nous orientons la discussion en se servant de la question n°1 : les élèves semblent répondre « non » et évoquent la notion de vengeance, le fait que se sont les Etats qui déclarent la guerre et non les hommes ( allusion à Hitler voulant se venger contre le Diktat de Versailles) . Les élèves interviennent en rappelant d’autres notions retenues en cours d’histoire sur la seconde guerre mondiale , les problèmes dans l’exYougoslavie, la guerre en Irak, le problème en Côte d’Ivoire. Ils évoquent la Résistance en 1940-1944. Pour eux les résistants sont les défenseurs de la liberté contre l’oppression alors on leur fait remarquer que pour l’Allemagne ils étaient des terroristes. La classe se rend compte de la difficulté de la question. Avec la question n°2, les jeunes acceptent et comprennent l’idée que la violence appelle la violence ( allusion à leur vie au collège) : il est difficile parfois de « faire le premier pas vers l’autre », de dialoguer. Pour eux la négociation devrait pouvoir exister ; ils abordent l’O.N.U. et son action en faveur de la paix. Les élèves ont de nombreux exemples qui leur viennent à l’esprit : échec de la S.D.N. après la première guerre mondiale échec des casques bleus contre les massacres dans l’exYougoslavie.non –intervention en Irak casques bleus « soldats de la paix » mais aussi « force d’interposition armée » 29 Les élèves interviennent sans jamais se couper la parole, les idées semblent « rebondir » d’une intervention à l’autre et enrichissent la discussion et la réflexion. Avec la question n°3 , les élèves reconnaissent l’importance du dialogue, de la diplomatie, du rapprochement entre les Etats. Ils parlent de la construction de l’Union Européenne et de cette Europe de paix qui existe depuis 1957 et qui est basée avant tout sur la reconnaissance des Droits de l’Homme. Est-ce qu’une guerre livrée au nom des Droits de l’Homme peut-être considérée comme une guerre juste ? Peut-être mais les Etats ne peuvent pas faire n’importe quoi. Les élèves pensent encore une fois à l’exemple des U.S.A. qui en Irak sont intervenus contre « l’Axe du mal », dont les armes sont responsables de « dégâts collatéraux »… L’heure paraît passer trop vite et nous devons faire un dernier bilan : les élèves considèrent que la question « guerre juste » reste sans réponse car impossible de rendre morale une guerre qui n’est que violence et assaut de brutalité. Pourtant une dernière idée apparaît : on pense que la paix est synonyme de progrès, de richesses économiques et les élèves pensent que faire progresser le développement assurera la paix. Il faut donc aider, soulager les populations et on en vient à évoquer l’aide humanitaire toujours indispensable. P.S. Un groupe de 27 élèves actifs, curieux, maladroits mais très intéressés. C.DEVILLARD. 30 ATELIER 3 LE LOUP OU LA DISTINCTION ENTRE LE REEL ET L’IMAGINAIRE DEMARCHE ET DOCUMENTS SUPPORTS 31 Démarche Je commence tout d’abord par me présenter aux élèves et les remercie de leur accueil. Je présente avec mon collègue la nature de la démarche. En clair, nous leur proposons de participer à une discussion sur le thème du loup. Un thème qu’ils connaissent déjà bien grâce au travail effectué avec leur professeur de français. Que va t-on faire exactement pendant cette séance ? philosophie ? Pourquoi cet atelier de Bien sûr pas un cours de philosophie comme en terminale. Cependant, nous allons mener un vrai travail de réflexion à partir du questionnaire que leur a donné leur professeur : Monsieur Paire. Une petite précision avant de commencer. Définissons la discipline que j’enseigne en terminale : faire de la philosophie , c’est apprendre à réfléchir, échanger des idées. C’est apprendre à écouter les autres et à construire un raisonnement. Prenons à présent le questionnaire et commençons la discussion : Question n°1 : Trouver trois expressions avec le mot « LOUP ». « se jeter dans la gueule du loup » ; « avoir une faim de loup » ; « être connu comme le loup blanc » ; « les loups ne se mangent pas entre eux » ; « hurler avec les loups » ; « l’homme est un loup pour l’homme ». Nous passons en revue un certain nombre de ces expressions et nous les expliquons. A partir de là nous posons la question 2 de la fiche de travail. Question n°2 : Quelle idée du loup ces expressions donnent-elles ? Quel point commun présentent-elles ? On est confronté à une image du loup tout d’abord bien peu flatteuse. L’idée du loup est très caricaturale. En effet, on retient l’idée de cruauté et de méchanceté. En conséquence on se fait une idée plutôt négative de l’animal . Celui-ci se présente comme une bête nuisible et dangereuse pour l’homme. Rien que l’expression « avoir une faim de loup » évoque l’idée d’une bête à l’appétit féroce. On a alors à l’esprit l’image d’un loup prédateur qui nous terrorise. 32 N’oublions pas par exemple que dans la religion chrétienne, le loup est l’ennemi de l’homme. Il est même le symbole du mal et l’incarnation du diable. Ainsi quand le loup dévore un être humain , il lui vole son âme d’après des croyances populaires. Avant d’aller plus loin dans la discussion nous distribuons un document montrant différentes représentations du loup. Un titre permet de saisir l’enjeu du débat : le loup réel et le loup imaginaire. Nous demandons aux élèves de classer et de commenter ces documents. Que découvre t-on ? Le loup imaginaire : Le document en haut à droite montre l’image d’un petit enfant en train de se faire dévorer tout cru par un loup qui ressemble assez à un chien. En tout cas l’attaque est cruelle et violente. On voit la bête enfoncer ses crocs dans tête de l’enfant. Un document montre ensuite une tête de loup. On ne voit donc que la gueule et le regard agressif de la bête. C’est assez caricatural. Le loup est représenté avec des crocs acérés prêts à déchirer les chairs. On a ici deux images ou représentations effrayantes qui entretiennent la peur du loup. Le document tout en bas est une reproduction de la bête du Gévaudan au 18° siècle qui a soit disant dévoré femmes et enfants pendant plusieurs années. Ce n’est même plus un animal mais une chose avec des griffes comparables à celles d’un oiseau de proie. Les griffes ressemblent donc à des serres. L’animal est une sorte d’être hybride moitié chien monstrueux moitié oiseau. La bête se tient audessus d’un cadavre déchiqueté, la gueule entrouverte. Les crocs sont pointus. La bête semble se lécher après un macabre festin. Au centre, on trouve la louve de la mythologie romaine. Elle allaite Romulus et Remus les fondateurs de Rome. Une autre représentation du loup apparaît. Ici la louve représente la mère nourricière qui protège ses petits. Le loup réel : En haut à gauche un document nous montre le loup réel. Il s’agit de l’animal qui vit en meute dans quelques forêts. Les loups sont des animaux sociables. Ils ont donc des moyens de communiquer entre eux. C’est ainsi qu’ils jouent pour marquer leur place dans le groupe. Les loups sur ce documents ne se battent pas. Ils communiquent. Leur comportement est une sorte de langage. Question n°3 : La peur du loup. Quelle est l’origine de cette peur ? La peur vient surtout d’une confusion . On confond le loup imaginaire et le loup réel car on oublie d’observer les loups. On se contente d’interpréter leurs agissements aveuglés par des croyances populaires tenaces. 33 Ainsi, l’histoire tragique de la bête du Gévaudan laisse des traces dans les imaginations. Le loup est une bête fabuleuse, un monstre hideux. Un être hybride moitié ours et moitié louve. On croit au loup-garou. Des individus seraient capables de se transformer en loups certaines nuits et de tuer la veuve et l’orphelin. Mais lisons un extrait de L’hiver des loups d’E.Brissou-Pellen. Nous lisons le résumé et introduisons à la lecture du document : Cette histoire devrait nous aider à mieux comprendre cette confusion entre le réel et l’imaginaire dans l’esprit des hommes. Nous verrons également les conséquences qu’elle entraîne. Des deux extraits nous mettons en évidence le fait que la peur du loup déchaîne la violence. Les villageois tiennent un raisonnement stupide. Ils semblent capables d’aller jusqu’au meurtre à cause de leurs superstitions. Il veulent brûler Jordane qu’ils prennent pour un loup-garou. On constate la bêtise et la méchanceté des hommes. Pourquoi ont-ils une telle attitude ? Tout simplement à cause de leur ignorance. C’est parce qu’ils ignorent tout des loups qu’ils deviennent violents et peureux. Autrement dit, on a peur quand on ne dispose d’aucune connaissance sur un sujet. C’est bien le cas des villageois qui pensent se débarrasser de leur peur en assassinant une toute jeune fille. Question n°4 : Définir le mot « superstition ». Un comportement superstitieux est un comportement dépourvu de logique. On dit que aussi que c’est un comportement irrationnel. Quand on est superstitieux, on croit que certains actes peuvent selon les cas avoir des conséquences positives ou négatives. Celui qui est superstitieux cherche des signes à interpréter. Le fait par exemple de briser un miroir signifie de la malchance. Dans le roman qui met en scène Jordane, les villageois croient que le comportement des loups apportera la vérité sur la jeune fille. Au lieu de raisonner, ils s’en remettent au hasard. Question n°5 : Résumer la scène : La scène représente deux bergers en train de chasser un loup. Ce dernier vient de tuer une brebis. Les bergers avaient pourtant bien protégé leur bétail. Ils avaient construits un enclos tout près de la bergerie et de la maison . Seulement le loup est rusé et sournois. Le loup est ici encore représenté de façon négative. Il vole et tue comme un prédateur nuisible. On entretient le mythe du loup dévorant ses proies. Déjà très pauvres, les bergers ne peuvent que haïr cette bête. Ils ne cherchent pas du tout à la connaître tout entier livrés à leur colère 34 Document élèves 1 Atelier de philosophie : le loup 1-Trouver trois expressions contenant le mot « loup ». Donner leur sens. 2-Quelle idée du loup ces expressions donnent-elles ? Quel point commun présente-t-elle ? 3-La peur du loup : pourquoi les hommes ont-ils peur du loup ? Qu’est-ce qui fait naître cette peur ? 4-Pouvez-vous définir le mot superstition ? 5-Résumer la scène présenté par l’image ci-dessous (XVIIème siècle). Quelle idée du loup veutelle donner ? A quelle catégorie de population s’adresse-t-elle ? 35 Document élèves 2 36 Document élèves 3 37 Compte-rendu des séances sur le loup par le professeur de philosophie Séance 1 Nous avons travaillé avec seulement la moitié de la classe. Ce choix de diviser l’effectif global nous permet d’inciter plus d’élèves à participer. Les élèves les plus réservés ou les plus en difficulté arrivent souvent à s’exprimer contrairement à leur habitude. Mais, dans ce premier groupe, les élèves habituellement en retrait le sont hélas restés malgré nos sollicitations. Une fiche de travail comportant cinq questions a été au préalable remise à chaque élève. Ils ont pu ainsi préparer la séance. En consultant les fiches de travail, je constate avec quel sérieux et quelle application ils ont répondu aux questions posées. Précisons que la fiche de travail a été construite en collaboration avec mon collègue de français. J’ai proposé une réflexion sur la distinction entre le réel et l’imaginaire à partir du thème retenu. Ensuite, mon collègue a relié la problématique aux impératifs de son programme. C’est ainsi, qu’un texte de référence s’est plus ou moins imposé : L’hiver des loups d’Evelyne Brissou-Pellen. Nous avons ensuite choisi quelques représentations du loup appartenant à la tradition et liées à des croyances populaires. Nous les avons confrontées à une photographie montrant des loups en train de jouer dans la neige. La première étape de notre travail consistait à marquer l’opposition entre l’image négative du loup dans l’opinion et l’animal réel sociable et intelligent. Les deux extraits de textes de L’hiver des loups ont permis de rechercher l’origine de la peur du loup. On a pu voir que la peur est enracinée dans l’ignorance et que celle-ci engendre à son tour la violence. Un lien à été alors établi entre ignorance et superstition. Les élèves se sont parfaitement comportés lors de cette séance. Apparemment aucun problème de compréhension n’a été rencontré pendant la discussion. La définition de la superstition a été exemplaire. Spontanément des mains se sont levées au tout début de la séance. Sept ou huit élèves souhaitaient prendre la parole afin de rendre compte de leur travail de recherche. Il s’agissait, en effet, de proposer des expressions contenant le mot « loup ». Visiblement, ils avaient passé du temps à consulter le dictionnaire car des explications complétaient toujours les expression proposées. Le questionnaire constituait la trame de l’intervention. A chaque fois nous obtenions des réponses plutôt précises et argumentées. La distinction entre le réel et l’imaginaire semble au terme de la discussion bien établie tout comme le mécanisme de la violence en l’homme. 38 Il est remarquable de constater que les élèves sont tout à fait capables de mettre en place un raisonnement et d’exploiter leurs connaissances. De plus, aucun élève ne coupe la parole à un autre. Nous échangeons les uns et les autres très naturellement. Dans ce groupe, seuls deux ou trois élèves sont restés passifs et peu intéressés. Tous les autres ont été très actifs pendant plus de cinquante minutes. Ils n’ont pas relâché leur attention. Lors de cette séance nous nous sommes servis du tableau afin de faire apparaître les points essentiels et quelques mots de vocabulaire. Je remercie vivement mon collègue de français ainsi que Marie-Françoise CHATRE notre documentaliste qui coordonne tout le travail d’équipe. Séance 2 Après présentation du thème et de la nature du travail, nous débutons l’examen de la fiche que les élèves ont préparé. Spontanément de nombreuses mains se lèvent. Manifestement, les élèves ont envie de prendre la parole. Ils rendent compte de ce qu’ils ont trouvé. En conséquence, nous écrivons au tableau le fruit des différentes recherches. Sur le plan du vocabulaire, les élèves se sont donnés la peine de relever toutes les expressions contenant le mot « loup ». Nous leur demandons d’analyser le sens de ces expressions et de dégager les connotations. La progression de l’analyse s’effectue sans aucune difficulté. Cela nous autorise à faire valoir des oppositions conceptuelles. Nous mettons en relief la distinction entre le loup imaginaire et le loup réel à l’aide d’un document regroupant des reproductions issues de sources diverses. Des représentations fantastiques côtoient une photographie de l’animal réel. Nous invitons les élèves à décrire ce qu’ils voient. Le groupe suit bien. On ne constate aucun « temps mort ». Le tableau nous sert toujours de support. Les élèves visualisent ainsi l’essentiel. Quelques uns prennent des notes. Nous leur proposons ensuite de lire l’extrait d’un roman. Il s’agit de « L’Hiver des loups » d’Evelyne Brissou-Pellen. Mon collègue de français demande à certains élèves de se relayer dans la lecture. Nous soulignons alors le lien entre l’ignorance des villageois et la peur qu’ils éprouvent à l’égard des loups. Le mécanisme de la violence est ainsi dégagé .C’est la peur qui engendre en l’homme la violence meurtrière. Dans le roman, les villageois veulent brûler une jeune fille. Ils la rendent responsable de l’arrivée des loups non loin de leur village. Ils l’accusent de sorcellerie et veulent la tuer pour conjurer le sort. Les élèves comprennent très bien l’absurdité d’un tel raisonnement. L’un d’entre eux remarque même une gradation ou montée en puissance de la bêtise des hommes. Nous soulignons encore les oppositions conceptuelles majeures : Raison/imagination ;réflexion/imagination ;raison/superstition ;raison/croyances irrationnelles. 39 Nous terminons la séance par une définition du mot superstition et par la description du schéma proposé par mon collègue. Cette seconde séance s’est très bien déroulée. Seul, un élève n’a pas fait le travail demandé chez lui. Il n’a pas participé non plus. Dans l’ensemble, le groupe s’est montré intéressé. J’ai apprécié le dynamisme et la participation des élèves. Enfin , encore une fois, on doit reconnaître un réel souci de bien faire. Au terme de ces deux séances en classe de 6° il convient de souligner le sérieux avec lequel les élèves ont préparé l’heure consacrée à cet atelier. La participation est excellente. Je dois dire encore que les élèves sont d’une extrême politesse les uns avec les autres. Ils s’écoutent et à l’occasion se critiquent. Ils corrigent aussi les erreurs qui peuvent être commises par les uns ou les autres. Les élèves posant habituellement des problèmes de discipline se sont montrés discrets car ils n’avaient pas fait le travail. D’autre part, ils n’ont pas trouvé le moyen de perturber la séance étant donné que les séquences s’enchaînaient bien grâce au dynamisme des participants. De mon point de vue, les objectifs sont remplis tant sur le fond que sur la forme. Soulignons qu’il faut longuement préparer les séances avec le collègue . En effet, il convient de donner un support de travail clair et argumenté. La logique interne des documents sélectionnés doit apparaître aux élèves. Notre souci a été de respecter les impératifs du programme de français. Nous avons voulu aider les élèves à travailler leur vocabulaire et à approfondir des idées. Les oppositions conceptuelles ont été étonnamment bien comprises. La distinction entre le réel et l’imaginaire ainsi que le lien entre l’ignorance, la superstition et la violence sont apparus avec netteté. A nouveau, je tiens à remercier mes collègues : B. Paire, professeur de français et M.F. Chatre documentaliste au collège. 40 Compte-rendu des séances par le collègue de lettres Bernard Paire Atelier de philosophie, classe de 6eme 1 J’ai accepté volontiers de collaborer à l’atelier d’initiation à la philosophie proposé par ma collègue Madame Grimaud , dans la mesure où il est vite apparu que cette démarche se prêtait bien à un travail pluridisciplinaire avec le français , et correspondait aux programmes et objectifs de la classe de 6eme : - lecture critique d’un texte ou d’une image - discussion et échange d’idées sur un thème déterminé - formulation orale d’un avis étayé d’arguments Le thème de la peur du loup, fait souvent l’objet de séquences de lecture en classe de 6eme , par la fascination qu’il exerce sur les élèves. Il a été présenté de manière rigoureuse et attrayante (textes et iconographie ) par Geneviève Carbone (Gallimard découverte n°124) . Nous l’avons retenu aussi dans la mesure où l’actualité locale – la réintroduction éventuelle de loups dans la montagne roannaise – nous fournissait un thème intéressant de débat , voire de polémique, qui ne peut laisser indifférents enfants et adultes ! L’atelier de philosophie avait été précédé d’une séquence de présentation des questions et des supports qui allaient être abordés : - lecture : - textes polémiques ( le loup est-il nuisible ? articles de la revue Alpes magazine) - textes documentaires et scientifiques - légendes locales ( le loup-garou de la Verrerie , Frédéric Noëlas) - textes des Archives départementales de la Lozère : témoignages et « descriptions » de la bête du Gévaudan - extraits de l’hiver des loups (E.Brisou-Pellen , folio junior n° 877) - images : - iconographie antique , dessins anciens , photographies - travail de rédaction : A partir d’une représentation ancienne de la bête du Gévaudan, imaginer le témoignage d’un habitant qui aurait « vu » l’animal. A partir de ces supports , les enfants ont pu découvrir les questions que suscite la question du loup et qui constituent déjà un début de démarche philosophique : - ces témoignages sont-ils réalistes et crédibles ? - existe-t-il des preuves de la dangerosité supposée du loup ? - comment peut-on démonter le mécanisme de la peur ? - pourquoi la connivence homme /loup est-elle suspecte ? La plupart des élèves perçoivent bientôt une logique dans la construction du mythe( ignorance > imagination > peur > préjugé > superstition ) qui débouche sur une lecture critique de quelques passages de l’hiver des loups – y compris dans l’analyse 41 de phénomènes de religion ou de sorcellerie - , et sur la formulation d’avis et de tentatives d’explications : pourquoi l’image du loup est-elle le plus souvent péjorative ? Le débat « philosophique » peut ainsi commencer : il demande rigueur , écoute de l’opinion de l’interlocuteur , remise en cause éventuelle des ses propres certitudes et capacité à forger un jugement personnel dans le respect de celui de l’autre … autant de compétences indispensables à un collégien de 6eme, bien au-delà de la classe de Français. La séance a été appréciée de la plupart des élèves qui se sont sentis valorisés par l’intérêt que leur portait une enseignante qui travaille habituellement avec des « grands » et par leur propre capacité à participer à un débat de qualité en présence de plusieurs adultes . Bernard PAIRE , professeur de Français en 6eme1 , février 2006 42 ATELIER 4 La fonction des mathématiques : Valeur de l’abstraction DEMARCHE ET DOCUMENTS SUPPORTS 43 Démarche A quoi servent les mathématiques ? Support : Les cours de mathématiques. Objectif : Montrer que l’abstraction mathématique permet de mieux comprendre le monde dans lequel on vit. A quoi servent les mathématiques ? Introduction : Des questions se posent : à quoi sert le calcul ? : à quoi sert l’abstraction ? : à quoi sert la géométrie ? Il y a beaucoup d’esprits qui se révoltent contre les mathématiques. On ne les aime pas car elles demandent de la discipline. On les trouve autoritaires avec tous leurs symboles. Bref, elles ne séduisent guère et pourtant elles constituent un outil indispensable dans notre société . Si on veut comprendre le monde dans lequel nous vivons il faut faire des mathématiques. Elles sont et on va expliquer pourquoi et en quoi un bagage nécessaire dans la vie. Alors, à quoi peuvent bien servir les mathématiques appris à l’école dans la vie de tous les jours ? On va tenter de comprendre que l’abstraction mathématique sert à mieux comprendre le réel ou la nature des phénomènes. C’est parce que notre monde est plein d’énigmes et de choses étranges que les mathématiques nous sont indispensables. Les mathématiques, cette prodigieuse invention de l’esprit humain va nous aider à percer les secrets de l’univers tout au moins à mieux le comprendre. On calcule pour se faire une idée plus précise des phénomènes, on mesure afin d’effectuer des travaux, de construire… 1) L’homme veut comprendre le monde dans lequel il vit. 2) Le danger existe quand on veut trop valoriser les mathématiques. 44 L’exemple support : le médecin qui fait procéder à des analyses sanguines afin de diagnostiquer une maladie. On fait des dosages sanguins :on calcule des taux de sucre par exemple. Les mathématiques aident à soigner. A quoi servent les mathématiques ? Introduction : CF. Question n°1 Des questions se posent. A quoi sert le calcul ? A quoi sert l’abstraction ? A quoi sert la géométrie ? De nombreux esprits se révoltent contre les mathématiques. On ne les aiment pas car elles exigent de la discipline. On les trouvent autoritaires avec tous leurs symboles. Trouver du plaisir intellectuel quand on fait du calcul et des opérations mathématiques demande du temps. Le temps d’acquérir le sens de la logique dans la plupart des cas. Les mathématiques ont donc du mal à séduire. Pourtant, elles constituent un outil indispensable dans notre société. Il faut en effet faire des mathématiques si l’on veut se donner les moyens de comprendre le monde dans lequel on vit. Alors, en quoi , pourquoi et comment les mathématiques sont-elles un bagage nécessaire dans la vie ? A quoi peuvent bien servir les opérations mathématiques que l’on apprend à l’école ? On peut donner une définition des mathématiques : elles sont pour nous au quotidien un outil, un langage c’est-à-dire une invention de l’esprit humain. I° PARTIE CF. Question n°2. Quelle est la valeur et l’utilité des mathématiques ? Quelle est la raison d’être des mathématiques dans la société ? Posons nous la question de la fonction des mathématiques. 45 Notons tout d’abord que les physiciens, les chimistes, les biologistes, les médecins utilisent les mathématiques . Tous les phénomènes de la nature trouvent leur traduction en langage mathématique. En effet, on mesure, on évalue et on pèse. On transforme les qualités en quantités mesurables. C’est ainsi que les mathématiques nous parle du monde dans les équations par exemple. Les phénomènes sont remplacés par des symboles mathématiques afin d’être mieux compris et mieux maîtrisés. Si on calcule des grandeurs ou bien des volumes c’est pour connaître l’objet et l’utiliser. En conséquence, les mathématiques permettent de résoudre de nombreux problèmes puisque elles ramène l’incompréhensible à du compréhensible. Par exemple, c’est grâce aux mathématiques que l’on connaît mieux le système solaire. La trigonométrie permet de comprendre et de résoudre des questions ou problèmes célestes. On dira qu’utiliser les nombres pour calculer et faire des opérations plus ou moins compliquées ou abstraites, c’est sortir de l’ignorance, des croyances et éventuellement des superstitions. Grâce à l’outil mathématique, l’homme apprend à raisonner, à produire des jugements logiques sur le monde. On constate que les mathématiques sont liées au développement de l’intelligence. En effet, elles permettent de percer les secrets de l’univers, de la nature et du vivant. Les symboles mathématiques correspondent à quelque chose. Ils renvoient au monde dans lequel on vit. Exemple : A quoi servent dans la vie les fractions ? Une fraction représente un rapport, une proportion ou bien une mesure. Une fraction s’additionne, se soustrait, se multiplie ou bien se divise. Fractionner, c’est partager une grandeur en parts égales ce qui peut être selon les cas plus ou moins difficile. L’utilisation des fractions se justifie par le fait qu’une fraction est bien plus parlante que les décimales. C’est le cas pour les probabilités. Prenons l’exemple d’un jeu de cartes. Le nombre total de cartes du jeu est de 52. La probabilité de tirer un AS vaut : 4/52 ou 1/13 soit 0.07692307. Les fractions à condition de savoir s’en servir et les calculer est donc fort utile. Elles clarifie notre compréhension des choses. 1/3 est bien plus évident à comprendre que 0.333333…. 46 L’idée à laquelle on aboutit est la suivante : l’effort de mathématisation du monde et des phénomènes qui passe par l’abstraction et le symbole rend ce qui nous entoure plus compréhensible ou plus abordable. L’abstraction est donc la base du savoir. C’est ainsi qu’encore une fois, les mathématiques permettent de comprendre l’être vivant ou l’organisme vivant. Ce sont les calculs mathématiques qui aident à détecter une maladie, une perturbation organique ou un dérèglement. Qu’est-ce qu’une prise de sang ? Lors d’un dosage sanguin, on procède à des calculs, des mesures et des évaluations précises. On peut par exemple calculer un taux d’alcoolémie. On peut aussi calculer la glycémie à jeun c’est- à -dire le taux de sucre dans le sang afin de détecter un éventuel diabète. On évalue chez certains le taux de cholestérol et la limpidité du sérum sanguin… C’est la lecture des résultats qui va donner au médecin des indications nécessaires pour adapter un traitement et donc soigner ou guérir. Les mathématiques ne servent donc pas à rien. Dans ce cas précis, l’infiniment petit devient réalité parce qu’on effectue des opérations abstraites et que l’on transforme une chose en symboles mathématiques. Les représentations chiffrées donnent une réalité à des phénomènes microscopiques et invisibles. On voit que les mathématiques ont toute leur place dans le quotidien. Que ferionsnous sans elles ? Difficile des les bannir de nos pratiques quotidiennes dès l’instant où elles se définissent comme un langage universel. Les mathématiques sont une langue permettant l’accord des esprits. Contrairement au langage courant qui peut tromper. En effet, un mot peut avoir plusieurs sens. Les mathématiques sont un langage univoque ce qui est très pratique. II° PARTIE CF. QUESTION n°3 Quels reproches peut-on éventuellement faire aux mathématiques ? On peut se demander si les opérations mathématiques nous permettent de trouver la vérité. 47 Est-ce que la traduction mathématique des phénomènes vivants par exemple respecte bien les choses dont elle parle. L’abstraction ne trahit-elle pas les phénomènes ? Indéniablement, les opérations mathématiques apportent des connaissances mais si on valorise trop les mathématiques on risque de confondre la réalité avec les symboles artificiels utilisés par les mathématiques. Ainsi, n’oublions pas que derrière les symboles mathématiques il y a par exemple des êtres vivants. Reprenons l’exemple de la prise de sang. Les mesures que sont effectuées disent ce qui est normal et ce qui ne l’est pas en fonction de seuils artificiels ou de généralisations. On regroupent dans une norme générale les hommes de tel age à tel age. On calcule la norme en fonction d’un poids moyen. Or chaque être est particulier. En conséquence, les seuils de normalité ne peuvent que varier. A 0.8g/l d’alcool certains sont incapables de conduire. Pour d’autres le seuil de tolérance sera plus bas ou plus haut. Les mathématiques exigent du sens. Autrement dit, l’outil ne remplace pas la chose. La mesure et le calcul sont des garanties scientifiques mais ils ne disent certainement pas tout du monde. C’est la raison pour laquelle, il y a place pour la poésie, la musique, la danse… Conclusion : Retenons la valeur opératoire des mathématiques. Elles sont une construction abstraite féconde et pratique indispensable dans notre société technique. Elles sont une bonne façon de parler du monde mais il ne faut pas en faire un dogme. Une équation par exemple n’est jamais qu’une forme symbolique utile. Une équation traduit un phénomène elle ne le remplace pas. 48 Document élèves 1 FICHE DE PREPARATION 1-Tentez de définir ce que sont les mathématiques. 2-Selon vous, les mathématiques ont-elles une utilité dans la société ? Si oui, que nous permettent-elles de faire ? 3-Que pourrait-on reprocher aux mathématiques ? 49 Document élèves 2 A travers l'histoire Le recueil de données astronomiques et leur étude de plus en plus poussée ont obligé les mathématiciens à développer la trigonométrie. Regiomontanus (1436-1476) rédige le premier un ouvrage sur la résolution des triangles, c'est-à-dire les relations existant entre les angles et les côtés : dans un triangle quelconque ABC, on démontre des relations du type AB sin B = sin C. Cette trigonométrie de Regiomontanus est utilisée dans le procédé de triangulation qui a permis de mesurer la longueur du méridien terrestre. C'est tout l'art de la cartographie qui utilise ces propriétés pour réaliser sur La sphère armillaire permet de une carte plane la représentation des réalités de l'espace en respectant si possible représenter les mouvements distances, angles et aires, sachant que dans tous les procédés, les trois ne peuvent apparents du ciel. être conservés simultanément. Dans le plan, les trois côtés d'un triangles sont des segments et la somme des trois angles est égale à 180 °. Sur une surface courbe, les segments sont remplacés par des lignes, les géodésiques, de telle façon que la distance entre deux points soit minimale. Sur un sphère, ce sont les grands cercles qui ont pour centres le centre de la sphère. Un triangle est obtenu en traçant les arcs de grand cercle joignant trois points de la sphère et on a démontré alors que la somme des trois angles du triangles est supérieur à 180°. Depuis l'Antiquité, les mathématiciens ont découvert de nombreuses propriétés des nombres entiers. Toutes les recherches de leurs démonstrations ont abouti au développement de la cryptographie, sciences des codages, qui assure la confidentialité des les échanges d'informations. Elle a de nombreuses utilisations dans la vie de tous les jours, ainsi cartes bancaires, carte vitale, etc sont codées par des grands nombres auxquels sont adjoints des clés. Ces clés permettent soit de déchiffrer des messages, soit de déceler des erreurs de transcription dans les documents. Par exemple, chaque livre est identifié par son ISBN (International Standard book number) qui commence par le chiffre indiquant sa langue, 2 pour le français, puis suit le numéro de l'éditeur, ensuite vient le numéro de l'ouvrage publié par cet éditeur, enfin vient la clé, nombre entre 0 et 10. Cette clé se calcule ainsi : prendre la suite des neuf premiers chiffres du code ISBN à partir de la gauche, multiplier par 10 le premier, par 9 le second, par 8 le troisième et ainsi de suite jusqu'à multiplier par 2 le neuvième, ajouter les 9 nombres obtenus, écrire le multiple de 11 immédiatement supérieur à cette somme, calculer la différence entre cette sommes et ce multiple de 11. Vérifier la clé figurant sur le code ISBN de votre livre de 3°. Depuis l'Antiquité, à côté de la sphère, corps considéré comme le plus parfait, on sait qu'il n'existe que cinq polyèdres réguliers : le tétraèdre, le cube, l'octaèdre, le dodécaèdre, l'icosaèdre. Ce sont les solides de Platon. Un ballon devrait avoir la forme idéale d'une sphère. Comme le patron d'une sphère n'existe pas, pour confectionner un ballon de football, on s'en approche par un icosaèdre tronqué. L'icosaèdre est celui des polyèdres réguliers qui possède le plus de faces, vingt, et, à chacun de ses douze sommets se rejoignent cinq faces triangles équilatéraux.. En coupant chacune des arêtes au tiers de sa longueur, on obtient un icosaèdre tronqué. Ce solide semi-régulier comporte 60 sommets et 32 faces, 20 sont des hexagones et 12 des pentagones, les 90 arêtes ont toutes la même longueur. On retrouve donc la formule d'Euler: S + F= A +2 Où S est le nombre de sommet, F le nombre de faces et A le nombre d'arêtes. Certaines molécules chimiques associent des atomes de carbone et prennent la forme d'un tel icosaèdre tronqué. Ces molécules, appelées fullerèmes, ont été mises en évidence par trois Prix Nobel. Outre les propriétés de symétrie, elles sont résistantes et tournent facilement sur elles-mêmes. On comprend alors pourquoi un ballon de football a pris cette forme . 50 Compte-rendu des séances les mathématiques par le professeur de philosophie Compte-rendu de séance du jeudi 23 mars 2006. Professeur : Mme Guillermin. Atelier de philosophie avec un groupe d’élèves de troisième. Sujet : A quoi servent les mathématiques ? Nous travaillons avec un groupe de quinze élèves environ. Pour la première fois, je rencontre des élèves plutôt dissipés. Mais tout de suite l’un d’entre eux très poliment demande d’expliquer ce qu’est la philosophie. Je peux donc me présenter et définir le plus clairement possible la nature critique de la discussion philosophique. Avec ma collègue, j’insiste sur le fait que réfléchir sur une question, c’est l’analyser dans le but d’échanger des idées. Certains font le rapprochement avec l’argumentation en français. Nous débutons alors notre travail avec une première question. Qu’est-ce que les mathématiques ? Pouvez-vous en donner une définition ? Quelques élèves demandent à prendre la parole. Certains ont consacré du temps à la fiche de préparation et lisent leur réponses. Je note au tableau les réponses intéressantes. Un certain nombre de critères sont retenus. Nous demandons aux élèves de rechercher des exemples. Ils s’appuient sur l’arithmétique et l’algèbre. Nous insistons sur le vocabulaire utilisé. Très vite , le seconde question s’impose. Les mathématiques sont-elles vraiment utiles ? Pourquoi faire des mathématiques à l’école ? Des exemples pris dans la vie courante aident certains élèves à saisir qu’il n’y a pas de gratuité absolue. Ma collègue les canalisent dans leur réflexion. Nous travaillons alors avec rigueur et insistance la notion d’abstraction. Nous montrons que le statut des mathématiques est un peu ambigu. En effet, l’abstraction décourage autant qu’elle peut être efficace pour comprendre le monde qui nous entoure. On parvient à mettre en relief l’utilité du calcul mathématique. Si l’on fait des mathématiques , c’est parce qu’elles développent notre intelligence. On apprend grâce à elles, la rigueur et la discipline. Certains élèves admettent que c’est utile mais très difficile. Le niveau du groupe nous oblige à être très précises dans notre démarche. Nous choisissons des exemples scientifiques afin de valider l’efficacité du langage mathématique. Nous montrons que faire des mathématiques ne se réduit pas à un pur jeu formel. Les mathématiques ont permis de faire progresser nos connaissances en astronomie et en 51 médecine. De par l’exigence de méthode qu’elles imposent les mathématiques prouvent déjà qu’elles occupent une place importante dans l’ordre du savoir. Les élèves de ce groupe ont besoin de travailler avec des éléments concrets. Nous prenons ainsi l’exemple du diagnostic médical. L’analyse de sang s’exprime dans un langage mathématique. On établit, en effet, des dosages, afin de cerner la nature des problèmes de santé du patient. C’est en interprétant les résultats en fonction de l’individu que le médecin adaptera un traitement. Les mathématiques grâce à l’abstraction permettent des calculs et des mesures précises. On connaît même des phénomènes qui sans elles seraient restés invisibles et insoupçonnables. Les signes mathématiques sont univoques au contraires des mots que nous utilisons quotidiennement. Ainsi, elles font accéder à une compréhension universelle. Tous ces éléments sont travaillés avec le groupe qui est ainsi ramené à une réflexion plus conceptuelle et donc plus rigoureuse. Lors de cette séance, certains élèves ont éprouvé des difficultés à soutenir leur attention. Ils cherchaient souvent l’anecdotique. Avec ma collègue, il fallait veiller à cadrer et répéter les éléments acquis afin de faire avancer l’analyse. Au final, le groupe est plutôt satisfait. L’ambiance a plutôt été chaleureuse même si certains se sont montrés un peu dissipés. A noter que trois ou quatre sont demeurés totalement muets. L’objectif pédagogique que nous nous étions fixé est atteint. Cependant, la séance a été plus épuisante qu’avec d’autres élèves. Notre conclusion s’élabore à partir de la dernière question de leur fiche. Quel reproche peut-on faire aux mathématiques ? Nous développons un certain nombre de termes clés. Ainsi, le mot langage est repris et approfondi, tout comme celui de signe et symbole. C’est la notion d’abstraction qui permet de montrer qu’il ne faut pas confondre l’expression mathématique du monde avec la réalité. Les mathématiques traduisent le monde avec exactitude, elles ne le remplacent pas. Il existe d’autres façons de parler du monde et de l’homme. On peut songer à la musique et à la peinture par exemple. 52 Compte-rendu des séances par les collègues de mathématiques Marianne Guillermin et Angélique Lamy Bilan de séance par Marianne Guillermin Les séances se sont déroulées en demi-groupes les jeudis 23 et 30 mars. La classe concernée est relativement bavarde et a eu du mal à se concentrer comme à son habitude. Certains élèves ont « refusé » de participer. Cette réaction n’ayant aucun lien avec leur rapport aux mathématiques. D’autres ont participé volontiers mais il a fallu que Mme Grimaud les sollicite beaucoup. Le sujet « A quoi servent les mathématiques ? » les a laissés perplexes. Ils l’ont trouvé dur et très abstrait. Cependant cette expérience a été très positive ; en effet, elle a très souvent changé leur vision des mathématiques et la classe aurait souhaité faire d’autres séances sur d’autres thèmes. Marianne Guillermin professeur de mathématiques en 3ème. 53 Bilan de séance par Angélique Lamy La séance avec les élèves de 3°2 s’est déroulée le vendredi 7 avril en deux groupes de 15 élèves. Habituellement, cette 3°2 est une classe assez passive qui subit les cours. Néanmoins, dans ce cadre là, et en demi groupe, les élèves ont participé et ont permis de créer des conditions propices à un échange avec les enseignantes et avec leurs camarades. A l’aide d’exemples concrets donnés par les élèves, par ma collègue de philosophie et moi-même, nous avons pu donner une vision plus concrète des mathématiques et montrer leur rôle dans la vie quotidienne. Dans les deux groupes, les élèves en difficulté scolaire ou timides n’ont pas osé participer au vu du regard des autres ou en raison de leur incompréhension. Toutefois, ils se sont intéressés aux échanges et ont été attentifs. Très peu d’élèves n’ont montré aucun intérêt mais ce sont des élèves qui ne trouvent pas de motivation, pas de sens à l’école en général. Dans le 2ième groupe, la discussion a dévié vers la suprématie des sciences, sur les bacs scientifiques dans l’orientation ; cela reflète les interrogations des élèves de 3ième qui ont réfléchi à leur projet d’orientation. Cette expérience a été positive, elle a très souvent changé la vision qu’avaient les élèves de la matière et leur a fait prendre conscience de l’intérêt, de la place des mathématiques dans la vie quotidienne, dans la société. La séance a paru trop courte aux élèves mais intéressante, enrichissante. Pour ma part, elle m’a permis d’avoir un échange différent avec les élèves par rapport à un cours classique d’apprentissage et d’insister davantage sur l’intérêt de la matière en s’appuyant sur de nombreux exemples. Angélique Lamy, professeur de mathématiques en 3ième 54 LE POINT DE VUE DES ELEVES 55 LA PHILO , C’EST TROP !! Les 3ième ont écrit 56 Les 6ième ont écrit 57 Les 3ième ont écrit 58 59 Bilan des 3°2 sous forme de questions. Quelques impressions recueillies par leur professeur de français Que pensez-vous du travail en demi-classe ? Les élèves apprécient une ambiance plus agréable et de « bonnes conditions pour débattre » (Idriss). Il y a moins de bruit et « on s'écoute » . La parole peut être distribuée plus facilement à chacun, selon Hanan, et « le débat est plus vivant » Les thèmes abordés sont-ils intéressants ? Une élève déclare : "C'est bien d'attacher de l'importance aux femmes car celles-ci ont longtemps été négligées". Les élèves, en général, ont aimé confronter leurs points de vue: « connaître et comparer les différents points de vue ». Le travail a permis de « mieux argumenter les réflexions » L'éclairage nouveau apporté par le débat a été perçu ; « On a étudié ce sujet mais de manière différente ». Quels sont les liens avec les cours de français ? Dans l'ensemble, chacun a compris l'intérêt de l'atelier et nous avons explicité cela en introduction. Un élève déclare même : « on approfondit, on assimile mieux le thème étudié ». Que pensez-vous de la co-animation ? L'échange des points de vue entre eux et nous a été très apprécié : « chacune des profs nous a fait part d'opinions personnelles, c'est bien » dit Hanan. Voilà en effet, un exercice qui permet à tous, à moi y compris, de parler franchement et de se livrer un peu. Souvent l'idée de complémentarité ressort : la co-animation sert « à nous diriger dansnotre discussion », dit l'un. « On nous explique deux fois plus », dit l'autre. Enfin, nombreux sont ceux qui note que "cela sort de l'ordinaire". Et je partage entièrement cette idée ! Avez-vous apprécié ce travail ? Si quelques-uns restent indifférents ou mal à l'aise en toute occasion, le bilan semble cette année encore très positif. Les élèves ont été ravis de la liberté de ton, des échanges parfois vifs, de la confrontation des idées (« différencier les idées reçues de ce que pensent les gens en réalité », pense un élève). Ils ont apprécié la nouveauté et quelques-uns sont satisfaits d'avoir "un avant-goût des cours de philosophie au lycée. 60 BILAN APRES UNE ANNEE D’EXISTENCE 61 Analyse des objectifs par le professeur de philosophie Bilan des ateliers de philosophie : année-scolaire 2004/2005 et 2005/2006. Ateliers réalisés en classe de troisième et de sixième. Les ateliers philosophiques en classe de troisième montrent qu’on peut parfaitement faire pratiquer la philosophie avant la classe de « terminale ». Les thèmes choisis en collaboration avec mes collègues du collège permettent aux élèves d’exploiter des connaissances acquises en cours. Un questionnaire élaboré le plus souvent en commun ou soumis à l’approbation des collègues sert de fil directeur à l’analyse de la question. La grande majorité des élèves prend soin de préparer à la maison ce questionnaire. Un certain nombre travaille à cette occasion avec le dictionnaire notamment en sixième. Les autres s’efforcent de donner des réponses précises aux questions qui leur sont soumises. En règle générale, les séances permettent à la plupart des élèves de tester leurs connaissances et donc de participer activement à l’oral. Les échanges sont jusqu’à présent animés mais très courtois. La réflexion est toujours conduite avec rigueur afin de pouvoir argumenter et analyser les idées ou réponses proposées. Nous nous efforçons d’introduire des distinctions conceptuelles dont le niveau d’abstraction varie. Ainsi, en histoire quand nous traitons la question des guerres justes, nous travaillons l’opposition guerre/paix et la différence entre le légal et le légitime. Les exemples donnés la plupart du temps par les élèves et relayés par le collègue d’histoire permettent un développement intéressant des notions. On peut prendre un second exemple. En français, en classe de troisième nous construisons avec les élèves la notion d’humanité. Cela nous autorise à introduire la distinction humain/animal. Nous approfondissons alors ensemble des critères spécifiques à l’humanité comme la conscience et l’utilisation d’un langage articulé. Il faut souligner que se sont les élèves qui lors de la première séance avec ma collègue de lettres ont trouvé les qualités propres à l’être humain. Systématiquement, dans tous les groupes, nous effectuons un travail sur les arguments proposés. L’objectif étant , en effet, de développer l’esprit critique des élèves. Si nous laissons chacun s’exprimer, nous intervenons toujours pour éviter l’écueil du bavardage futile. Dans ces ateliers de philosophie, les élèves se sentent vraiment exister . D’ailleurs, lors de petits sondages anonymes, ils ont insisté sur le plaisir intellectuel ressenti. Ils apprécient d’être parti-prenante de la réflexion. Ils travaillent avec les enseignants. Ils sont devenus l’espace d’une heure acteurs à part entière. C’est pourquoi des élèves en difficultés scolaire parviennent à s’impliquer contrairement à leur habitude. Se sont évidemment mes collègues qui me l’ont signalé à plusieurs reprises après les séances. Nous avons fait le pari de voir des élèves penser par eux-mêmes en leur donnant envie de s’intéresser. De ce point de vue, le contrat semble respecté. La rigueur du dispositif pédagogique que je me suis imposée au départ, en qualité 62 d’enseignante en philosophie, porte ses fruits. Il faut néanmoins rester prudent et modeste. La démarche est encore expérimentale. Le recul est de plus insuffisant. Toutefois, ce travail me permet de repenser l’acte même d’enseigner. Le profil de nos élèves change et il n’est pas toujours aisé de s’adapter. En tout cas, mettre en valeur l’interdisciplinarité est très instructif. Indéniablement la démarche en équipe modifie l’approche de notre travail avec les élèves. Pour ma part, je trouve cela motivant et porteur de signification. En effet, l’introduction de ces différents ateliers ont provoqué chez la plupart des élèves, un regain d’intérêt pour leur discipline. Nous avons pu, par exemple, le vérifier lors de la séance avec ma collègue, professeur de mathématiques en classe de troisième. Evoquer la question de l’utilité des mathématiques nous a conduit à démontrer à l’aide de leur programme l’intérêt du raisonnement mathématique. Nous avons approfondi ensemble l’accord surprenant entre discipline et plaisir. J’espère avoir encore l’opportunité de poursuivre cette action à l’avenir. Le travail est difficile et il demande énormément de temps. Cependant, travailler en collaboration entre collègues apporte autant sur le plan humain que sur le plan pédagogique. Jacqueline GRIMAUD, professeur de philosophie. 63 Petit bilan de la documentaliste après une année d’existence Ma participation : C’est plutôt en tant qu’ "observatrice ", et accessoirement " photographe " que je participe aux séances, dans la mesure de mes disponibilités. Mon intervention orale consiste à essayer d'établir un lien avec des notions documentaires, à faire référence à des livres disponibles au CDI, ou à participer au débat. En amont, c’est au niveau de la discussion préalable à la mise en place d’une séance que j’apporte ma petite collaboration aux collègues (suggestions, références documentaires). Par la suite, je sers de " relais " entre les différents intervenants. Depuis un an que le dispositif fonctionne, j’ai pu constater que : -La plupart des professeurs sollicités participe de "bon cœur" à cette innovation pédagogique même si certains ont quelques appréhensions qu'il faut dissiper (crainte que les élèves n'accrochent pas ; inquiétudes quant à l'attitude des élèves pénibles ; mauvais souvenir laissé par les cours de philosophie en terminale… ). Une collègue d'EPS, discipline à laquelle nous n'avions pas spontanément pensé, s'est elle même proposée pour participer à l'action. On peut dire qu’une véritable synergie entre les différents collègues impliqués s’est créée. Par ailleurs, il me semble qu'à l'issue de ces séances, le regard des professeurs sur leurs élèves a changé. -Les élèves manifestent beaucoup d’intérêt lors des séances ; ceux qui d’ordinaire sont repérés comme " perturbateurs " adoptent un tout autre comportement sentant bien qu’ils seraient "décalés " par rapport aux autres. Soit ils décident de participer et leurs interventions sont pertinentes, soit ils observent. En tout cas, c'est une occasion pour eux de se valoriser. On peut, par ailleurs, espérer qu'ils garderont une trace de ce travail dans leur mémoire car c'est une chance pour eux, voire un privilège de participer à une véritable "leçon de philosophie". -C’est en grande partie grâce à la motivation, à l’enthousiasme, à l'investissement personnel de ma collègue de philosophie que cette action prend petit à petit une autre dimension. Il convient de préciser que nous sommes soutenus par nos chefs d’établissement , Mme Charnay-Dufour Principale adjointe du collège ainsi que M. Nomade, Proviseur de la cité scolaire qui nous donnent les moyens de réaliser nos objectifs ( heures supplémentaires, aménagement des emplois du temps) et bien sûr, M. Pellet, notre intendant qui partage nos convictions. En tant que documentaliste, je me réjouis que d’autres éditeurs, notamment Bayard et Gallimard, suivant l’exemple de Milan, proposent des collections invitant les enfants et jeunes adolescents à se poser des questions philosophiques sans attendre la classe de terminale (collections « Chouette penser ! » chez Gallimard et « Petites conférences » chez Bayard). Certes, il faut rester prudent sur la qualité des ouvrages à venir compte tenu des enjeux financiers inhérents à tout commerce, cependant le questionnement philosophique auquel invite ces différentes collections répond sans doute à un besoin de tout individu quel que soit l’âge. Ainsi, ne peut-on pas envisager que la philosophie s’installe au collège ? La documentaliste collège : Marie-Françoise Châtre ; le dd/05/yy 64