Quand la philosophie s`invite au collège

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QUAND LA PHILOSOPHIE
S’INVITE AU COLLEGE
Jacqueline Grimaud professeur de philosophie
Marie-Françoise Châtre documentaliste collège
Cité scolaire Jean Puy
42300 Roanne
SOMMAIRE
Histoire d'une idée
Une histoire à deux voix : documentaliste et professeur de philosophie
Affiche de l'action ; mars 2005
p 3
Atelier 1 élèves de 3ième: les hommes et les femmes ou le concept
d’humanité
p 8
Démarche et documents supports
Comptes rendus des séances par les intervenants : professeur de philosophie,
professeurs de lettres ; mai 2005
Atelier 2 élèves de 3ième: L’idée de guerre juste
p 18
Démarche et documents supports
Comptes rendus des séances par les intervenants : professeure de philosophie,
professeurs d'histoire-géographie; mai 2005
Atelier 3 élèves de 6ième: Le loup ou la distinction entre le réel et
l’imaginaire
p 31
Démarche et documents supports
Comptes rendus des séances par les intervenants : professeure de philosophie,
professeur de lettres ; février 2006
Atelier 4 élèves de 3ième: La fonction des mathématiques : valeur de
l’abstraction
p 43
Démarche et documents supports
Comptes rendus des séances par les intervenants : professeure de philosophie,
professeurs de mathématiques ; avril 2006
Le point de vue des élèves :
p 55
Bilan après une année d'existence
p 61
"la philo c'est trop"
Analyse des objectifs pédagogiques par le professeur de philosophie point de vue de la
documentaliste.
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Atelier Philo collège : histoire d'une idée
La voix de la documentaliste
Une naissance tout en douceur, en trois mois :
C'est par hasard que tout a commencé … rencontre avec une collection (mifévrier 2005)
C'est une amie qui me fait découvrir les petits fascicules de la collection "Les goûters
philo" écrits par Brigitte Labbé (écrivain) et Michel Puech ( professeur de
philosophie à la Sorbonne) chez Milan. Ces livres viennent en appui d'un travail de
réflexion menée en classe primaire, où est inscrite sa fille de 8 ans, sur les grandes
questions que les enfants se posent notamment sur la vie-la mort, la religion, les
guerres, les filles et les garçons….
Tiens, tiens, les deux exemplaires que je feuillette me paraissent très intéressants.
Je trouve ces petits livres bien rédigés, très accessibles et pertinents.
Et si j'en achetais pour enrichir la fonds documentaire du collège ? Préalablement, je
veux prendre l'avis d'un enseignant, spécialiste de la question, avec qui j'ai l'habitude,
non pas de travailler, mais d'échanger (l'avantage d'un cité scolaire regroupant
collège et lycée…), Jacqueline Grimaud.
Quelques jours plus tard, à la pause café, en salle des professeurs, un embryon
d'idée pointe le bout de son nez …
Comme je rencontre fréquemment ma collègue de philosophie, qui fréquente d'ailleurs
assidûment le CDI, je lui propose de "jeter un œil" sur les deux exemplaires que j'ai
récupérés. Spontanément, elle accepte.
Rapidement, son enthousiasme rejoint le mien. Bien sûr qu'il faut proposer cette
collection à nos collégiens. Mais toutes deux avions pressenti qu'on pouvait aller plus
loin…Pourquoi ne pas se servir de ce support pour mettre en place un atelier philo au
collège ? Un projet aux contours imprécis se dessine….
Ma collègue me parle d'un reportage qu'elle a vu relatant une expérience réalisée en
classe primaire… discussion s'ensuit à laquelle participent d'autres collègues présents
à ce moment. Tout ça est passionnant…Je vais en toucher deux mots à Monsieur
Apanon, Principal adjoint avec qui je travaille sur plusieurs actions.
Les représentants institutionnels adhèrent mais attention prudence…
Ce dernier trouve l'idée aussi très intéressante. C'est sur ses conseils, ses remarques
que les choses se précisent, prennent forme. Cet échange nous permet de finaliser
notre projet. L'idée d'un atelier qui s'adresserait aux
élèves volontaires paraît
élitiste car seuls les meilleurs élèves seraient susceptibles d'être
intéressés, les
plus en difficulté risqueraient de "s'auto-exclure". D'un commun accord, nous
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décidons qu'il faut intervenir dans la classe et se servir d'éléments du programme
comme fil conducteur de la réflexion philosophique.
Ma collègue de philosophie prend contact avec l'IPR de la discipline et lui présente le
projet ; elle souhaite en effet obtenir son aval car le risque est grand que cette
action soit considérée comme un" dévoiement" de la discipline.
Les collègues sans qui rien ne peut être réalisé, loin de trouver l'idée saugrenue,
sont aussi enthousiastes….
C'est d'abord aux professeurs de lettres de 3ième que nous nous adressons. Ceux ci
voient immédiatement comment peut s'intégrer une séance de "débat philosophique"
dans leur progression pédagogique ; ils travaillent en effet sur le thème de la place de
la femme dans la société et notamment sur l'inégalité homme-femme ; ils viennent
également d'aborder l'argumentation.
Les professeurs d'histoire-géographie adhèrent également rapidement, le thème
retenu est celui de la guerre qui occupe une place prioritaire dans le programme .
Nous contactons également la professeur de SVT qui serait susceptible d'intervenir
sur le thème de la vie-la mort, mais cette fois avec une classe de 6 ième. Elle aussi est
partante.
J'achète alors une dizaine de livres de la collection. Je fais de la place sur mes
rayonnages et j'ajoute une étiquette "classe 100" ( philosophie pour les "pro" de la
classification Dewey) ; absence que je justifiais avec embarras aux "petits 6 ième " lors
des séances de travail au CDI. ( eux ne manquaient pas de souligner cet "oubli").
Même M. Pellet, notre intendant, particulièrement impliqué dans la vie de
l'établissement s'intéresse au projet et participe parfois aux discussions, souvent
informelles, que nous avons au CDI.
On s'active, on recherche, on communique et on prépare les séances…
Nous élaborons alors , avec Monsieur le Principal, une affiche afin de communiquer à
tous les collègues le sens de cette intervention, ses objectifs, les personnes
impliquées, les classes concernées et le contenu. L'affiche est visible en salle des
professeurs.
Mon rôle s'arrête à cette étape de "communication" et de recherche. Plusieurs pages
internet concernant des actions menées en direction des élèves de primaire
nourrissent notre réflexion ( nous ne trouvons rien concernant une action menée en
collège). Nous notons des références bibliographiques et commandons des ouvrages.
Un important travail concernant l'intervention même est mené entre les professeurs
du collège et la professeure de philosophie.
Enfin, on programme et en mai, on se lance…
Nous parvenons à programmer quatre séances pour trois classes de 3ième ; pour
certaines, les élèves sont en demi groupe, pour d'autres, c’est impossible ( la fin de
l'année approche, il y a le brevet , l'épreuve de philo du bac..). Nous n'avons pas oublié
les 6ième mais pour plus de cohérence, nous privilégions un niveau pour cette année.
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La voix du professeur de philosophie
Genèse : Une discussion à propos des Goûters-philo de M. Puech. Nous échangeons
quelques impressions. M.F.CHATRE ma collègue documentaliste propose une commande
de quelques ouvrages. Nous évoquons la possibilité de faire quelque chose avec nos
collégiens… L’idée d’un projet commun se dessine… D’emblée, j’entrevois la nécessité
d’en tenir informé mon I.P.R. car je ne veux pas prendre le risque de
« brouiller » l’image de la discipline.
Avec ma collègue documentaliste nous évoquons la possibilité de débattre de
questions ou thèmes sur la base du volontariat. Les élèves souhaitant participer à un
atelier de réflexion philosophique en auraient ainsi l’occasion. Cette première
suggestion n’aura pas de suite car nous prenons conscience du risque d’élitisme. Rien
n’est donc décidé.
Lorsque ma collègue reçoit les fascicules des Goûters – philo nous échangeons à
nouveau quelques propos. Cette fois M. Apanon principal du collège est présent. IL
nous demande de participer à une réunion afin de déterminer les enjeux pédagogiques
et d’évaluer les difficultés d’organisation du projet. Il me soutient dans mon souci de
rigueur et de transparence auprès de mon I.P.R. que je contacte sans tarder. Je lui
ferai d’ailleurs parvenir l’essentiel des documents du projet.
Nous soumettons notre idée à quelques collègues du collège. D’emblée, ils manifestent
un réel intérêt. Chacun est bien conscient que le projet va nous amener à travailler en
équipe. Cela va donc demander du temps en dehors de nos heures respectives. Mais
cela ne nous décourage pas. Nous avons tous très envie de tenter une nouvelle
expérience. Nous choisissons alors de faire porter nos efforts en direction des
troisièmes pour commencer… Avec mes collègues de français et d’histoire nous
retenons deux thèmes. Suite à un exercice en littérature, nous retenons la place des
femmes dans la société. En histoire, nous retenons la guerre qui tient une grande
place dans le programme des élèves de troisième.
Mise en place du projet : de l’idée à la réalisation.
Notre objectif : trouver une formule créant l’interdisciplinarité. Nous avons le souci
de nous fixer des objectifs pédagogiques. Dans ces ateliers, nous souhaitons
privilégier l’échange et
l’approfondissement du cours. Les élèves sont amenés à
réinvestir leur cours ou leçon. Nous souhaitons que les élèves en difficulté trouvent
l’occasion de s’exprimer et de se valoriser dans une autre approche disciplinaire. Mes
collègues de français insistent sur l’entraînement à la démarche argumentative.
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Pour ma part, j’ai le souhait d ‘éviter le débat stérile et brouillon. Il faut tenter dans
l’échange de construire un raisonnement. Je cultive avant nos séances l’appréhension
et le doute consciente des difficultés. Mais le projet avance et les séances sont
programmées. Mes collègues et moi avons établi pour les élèves une fiche de travail.
Cette fiche leur sera distribuée deux ou trois jours avant la rencontre. Elle leur
permet de commencer un peu à réfléchir.
Les séances.
Les élèves abordent les séances de façon spontanée. Je suis étonnée de les voir si à
l’aise dans la participation. Chaque intervention se fait en présence du professeur de
la classe. La discussion se révèle toujours animée et enthousiaste. Nous respectons
l’ordre des questions des fiches de travail sans trop nous vouloir formels. L’essentiel
est de maintenir l’axe de la question et de développer une argumentation.
Afin de se faire une idée plus précise des séances j’invite à visiter les comptesrendus.
Remerciements :
Nous tenons à remercier Monsieur Apanon, principal du collège Jean Puy qui nous a
aidées et soutenues dans ce projet.
Merci également à Monsieur Pellet qui nous a encouragées.
Nous avons été touchées de l’intérêt qu’on manifesté quelques collègues de
l’établissement. Ils nous ont soutenues et nous ont posé des questions très
motivantes.
Enfin, un merci très particulier aux collègues de troisième C.Devillard, P. Duron, V.
Fayolle et Y. Tamain.
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POUR PROMOUVOIR L’ACTION AUPRES DES COLLEGUES
UNE AFFICHE EN SALLE DES PROFESSEURS…
Collège JEAN PUY
N° d’immatriculation 0421682A
Rue Jean Puy
42335 ROANNE CEDEX
Tel : 04-77-71-24-60 Fax : 04-77-71-15-55
les élèves, encadrés par un professeur de philosophie, travaillent sur un thème
contenu dans les programmes du collège, et en rapport avec la progression de
la classe
OBJECTIFS GENERAUX
-Assurer la liaison collège-lycée
en initiant les élèves de 3eme
à la démarche argumentative
OBJECTIFS PEDAGOGIQUES
-Faire s'interroger les élèves, pour un peu mieux comprendre et réinvestir ce que l'on aborde dans les programmes.
-Développer la transversalité.
-Donner aux élèves en difficulté
l'occasion de se valoriser dans
une autre approche disciplinaire
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ORGANISATION
Par demi-classe, pendant les heures de
cours. 1 thème par séance
L’autre demi classe travaille selon
d’autres modalités.
THEMES
La guerre et la paix en histoire.
Les garçons et les filles en français.
La vie la mort en SVT.
SUPPORTS
Petits fascicules
« Les goûters philo »
Aux éditions Milan
Responsables de l’action
Jacqueline Grimaud
Marie Françoise Châtre
Professeurs associés:
Français : Virginie Fayolle, Philippe Duron, Bernard Paire
Histoire géo : Christiane Devillard, Johan Tamain
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ATELIER 1
LES HOMMES ET
LES FEMMES OU LE CONCEPT
D’HUMANITE
DEMARCHE ET DOCUMENTS
SUPPORTS
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DEMARCHE
Les séances de français en classe de troisième.
Dans les deux classes, les élèves se prêtent bien volontiers au jeu. Une question est
alors posée par une élève dans une des deux classe : La question qui est posée
concerne t-elle les êtres humains à l’origine ou bien dans notre société ?
Nous répondons que les deux pistes seront évoquées.
Nous proposons alors de définir l’être humain. Les élèves établissent sans difficulté
une suite de critère biologiques. L’être humain est d’abord défini comme une être
vivant qui marche , respire et souffre. Un être humain marche sur deux jambes … Un
élève précise après que nous ayons demandé d’aller plus loin que l’être humain se
déplace et mieux il pense puisqu’il est différent de la pierre et le la plante. Le dernier
critère formulé exige plus d’attention. Nous le soulignons : l’être humain se sépare de
l’animal et du végétal car il est capable de penser ou de réfléchir. Quelque élèves
trouve d’eux- mêmes la notion de conscience que nous retenons.
Ensemble nous tentons de résumer le résultat de la réflexion : l’humain est donc
humain parce qu’il s’est arraché à l’animalité. L’être humain n’est plus guidé par ses
seuls instincts ; il pense et agit. Il ne se contente pas de réagir aux sollicitations du
monde extérieur . Une nouvelle intervention d’élève peut être soulignée . L’être
humain est intelligent car il sait se servir de ses mains pour fabriquer des choses.
Dans les deux classes, les critères biologiques viennent tout de suite à l’esprit des
élèves. Ils complètent d’eux-mêmes ces premiers critères en citant la pensée et la
parole. Le terme de communication est formulé par le groupe de l’après- midi .
Après une courte pause pour permettre aux élèves de faire le point, nous leur
proposons de tirer les conséquences de ce premier moment. Très rapidement, les
élèves soulignent que les filles et les garçons, les hommes et les femmes sont égaux.
Il y a égalité entre eux puisque nous pensons ensemble et réfléchissons . Rien ne
semble orienter vers la supériorité ou l’infériorité de l’un par rapport à l’autre.
Hommes et femmes pensent , espèrent, souffrent également.
Une sorte de consensus s’installe dans l’assemblée. Cependant de nombreuses
interventions ont lieu. Celle-ci les résume un peu toutes : Cette égalité pourtant
évidente n’est-elle pas devenue inexistante dans notre vie de tous les jours ? En
effet, les femmes font le plus souvent la vaisselle, le ménage… les hommes ne
font pas le repassage… Sur le plan professionnel, beaucoup de femmes sont
techniciennes de surface … les hommes sont garagistes…
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Nous faisons remarquer
que ces réflexion sont sans doute justes dans certaines
familles . Toutefois, il faut se garder de trop généraliser.
Il faut se méfier des
constats qui caricaturent la réalité. Ce que l’on peut souligner à la faveur des élèves
c’est qu’en dehors de quelque tentations à
Ils font notamment remarquer
schématiser, il y a beaucoup de bon sens.
dans le groupe du matin que le temps social n’est
pas du tout le même pour les hommes et les femmes. Ce qui est pertinent, c’est
qu’ils « problématisent » sans le savoir l’égalité sociale. On constate donc qu’il existe
un écart entre le droit et les faits.
Nous les invitons alors à lire le texte du Banquet de Platon dont nous avons placé un
extrait dans la fiche de travail. Nous présentons rapidement le philosophe en le
replaçant dans son époque. Avant la lecture effectuée par le professeur de lettre,
nous prenons soin de dire qu’il s’agit d’une histoire imaginaire, d’un conte mieux d’un
mythe.
Assez rapidement un élève est capable de résumer ce qu’il a compris. On établit alors
qu’il est question de l’être humain à l’origine. D’après le mythe , hommes et femmes ne
formaient au principe qu’un seul être. Un être double avec quatre bras, quatre jambes
et deux sexes. Ces êtres raconte le mythe sont très orgueilleux et ils décident de
rivaliser avec les dieux. Alors Zeus se met en colère et les châtie. Il décide de les
couper en deux. L’homme et la femme sont donc désormais séparés. Ils vont alors
passer leur vie à se chercher. Ce qui rapproche l’homme et la femme , c’est qu’il
veulent trouver leur moitié complémentaire.
Les élèves réagissent vivement à cette histoire qu’ils trouvent très belle. Ils sont très
désireux de s’attarder sur l’amour qui exprime le lien entre l’homme et la femme. La
complémentarité dans l’amour les incitent à parler.
Nous leur demandons alors d’établir un nouveau résumé de la discussion.
Hommes et femmes sont différents mais égaux. Les différences ont pour
conséquence la complémentarité. C’est alors qu’un élève intervient pour dire que c’est
très beau mais qu’il ne faut pas oublier que la moitié des mariages se solde par un
divorce ! D’autres répondent que quand on réfléchit, hommes et femmes sont faits
pour s’aimer- se respecter.
Nous proposons maintenant de passer au second moment de la discussion : la place des
femmes dans la société.
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Nous nous demandons si les différences entre les hommes et les femmes dans la
société créent des discriminations. Les réponses sont presque immédiates de la part
des participants. Tous disent qu’il existent des inégalités entre hommes et femmes.
Ces inégalités se constatent tous les jours. On demande de déterminer les domaines
où existe la discrimination sexuelle. Les deux classes avec lesquelles nous avons
travaillé établissent assez facilement une liste de domaines. Ils citent le travail,
l’éducation et la religion. A propos de l’éducation nous demandons de nommer les deux
formes d’éducation qu’un individu reçoit. Sont mentionnées l’éducation donnée par la
famille et celle donnée par l’école. Nous posons alors une question à propos de l’école
et plus précisément sur ce qui est enseigné. Quelques élèves soulignent qu’à l’école
filles et garçons apprennent les mêmes choses. On fait tous des maths, du français…
On fait tous du sport… Dans une classe, une jeune fille fait remarquer que la «
techno « est peut-être plus pour les garçons que pour les filles. En effet, on a
fabriqué rapporte t-elle une horloge ! Quelques réactions fusent mais là encore une
sorte de consensus s’établit. On est d’accord pour reconnaître que l’école en donnant
la même instruction aux uns et aux autres apprend le sens de l’égalité. Tous ont les
mêmes chances puisque tous apprennent la même chose d au sein d’une école qui
pratique la mixité.
Un élève intervient de façon spontanée pour dire qu’il y a un problème. Quelque chose
en effet ne va pas. Comment se fait-il que les filles qui en classe obtiennent souvent
de meilleurs résultats que les garçons ne se retrouvent pas présidente de la
République ou autre ?
A partir de là, les élèves citent ce qui les influence par exemple dans un choix
d’orientation. On discute des différents motifs qui les conduisent à opter pour telle
ou telle formation.
Dans les deux classes, il ressort qu’une orientation se décide par goût, par envie. Ce
sont les deux premiers critères qui sont cités. Mais à la réflexion, il y a aussi les
pressions et les modèles sociaux. Revient l’exemple d’une femme technicienne de
surface et le l’homme qui devient garagiste. Lors de la discussion, certaines filles
avouent subir des pressions sociales et/ ou familiales. D’autres disent que rien ni
personne ne les influence. L’une d’entre elle formule son projet : devenir policière. Elle
espère ne pas se décourager. Un garçon révèle que son souhait le plus cher, c’est de
devenir chocolatier. Un autre souhaite devenir chirurgien.
Nous évoquons la féminisation de nombreuses professions comme de l’autre l’arrivée
de plus en plus de garçons dans des corps métiers au départ très féminins.
La discussion se termine sur quelques constats. Il semble plus facile pour un garçon
que pour une file de faire des études .Cependant, certains élèves font remarquer à
juste titre que notre société évolue. On parle de l’actualité politique avec la loi sur la
parité dans le monde du travail. Nous concluons notre entretien sur des messages
d’encouragement. Sans doute faut-il que chacun gagne en confiance, comprenne qu’il
faut s’investir dans le travail scolaire si on veut se donner les moyens de ses
ambitions…
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Document élèves 1
L’homme et la femme : des êtres humains à part égale ?
1-Recherche des caractéristiques de l’humain : que faut-il à chacun d’entre nous
pour être humain ?
a-Définition de l’être humain.
b-Que peut-on dire au terme de ce premier moment d’analyse ?
Les moitiés séparées cherchent à se rejoindre
Mais d’abord, il faut apprendre ce qu’était la nature de l’être humain et ce qui lui est arrivé. (…)
Premièrement, il y avait trois catégories d’êtres humains et non pas deux comme maintenant, à savoir le mâle
et la femelle. Mais il en existait encore une troisième qui participait des deux autres, dont le nom subsiste
aujourd’hui, mais qui, elle, a disparu. En ce temps là, en effet, il y avait l’androgyne, un genre distinct qui,
pour le nom comme pour la forme, faisait la synthèse des deux autres, le mâle et la femelle. Aujourd’hui cette
catégorie n’existe plus. (…)
Deuxièmement, la forme de chaque être humain était celle d’une boule, avec un dos et des flancs arrondis.
Chacun avait quatre mains, un nombre de jambes égal à celui des mains, deux visages sur un coup rond
avec, au dessus de ces deux visages en tout point pareils et situés à l’opposé l’un de l’autre, une tête unique
pourvue de quatre oreilles. En outre, chacun avait deux sexes et tout le reste à l’avenant (…)
Cela dit, leur vigueur et leur force étaient redoutables, et leur orgueil était immense. Ils s’en prirent aux dieux
(…). C’est alors que Zeus et les autres divinités délibérèrent pour savoir ce qu’il fallait faire (…). Après s’être
fatigués à réfléchir, Zeus déclara : « Il me semble, dit-il, que je tiens un moyen pour que, tout à la fois, les
êtres humains continuent d’exister et que, devenus plus faibles, ils mettent un terme à leur conduite
déplorable. Je vais sur le champ les couper en deux (…). Et, il coupa les hommes en deux comme on coupe
les œufs avec un crin. (…)
Quand donc l’être humain primitif eut été dédoublé par cette doublure, chaque morceau, regrettant sa
moitié, tentait de s’unir de nouveau à elle. Ils s’enlaçaient mutuellement, parce qu’ils désiraient se confondre
en un même être. (…)C’est donc d’une époque aussi lointaine que date l’implantation dans les êtres humains
de cet amour, celui qui rassemble les parties de notre antique nature, celui qui de deux êtres tente de n’en
faire qu’un seul pour ainsi dire guérir la nature humaine. Chacun d’entre nous est donc la moitié
complémentaire d’un être humain…sans cesse donc chacun est en quête de sa moitié complémentaire.
Platon, Le Banquet 189 e-190 c
2-La différence peut-elle mener à des discriminations ?
a-Définition du mot : vient du latin « discriminatio ». C’est le fait de séparer un groupe social
des autres en le traitant plus mal. On a comme synonyme le terme ségrégation.
b-Des discriminations existent dans la société. Lesquelles ?
c-Pensez-vous que cette situation est injuste ?
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Document élèves 2
Attention ! ils arrivent au lycée
Un exercice proposé aux élèves de 3ième
Lisez attentivement la liste des faits suivants qui peuvent illustrer certaines idées
sur la situation des femmes dans le monde. Quelle(s) idée(s) vous inspirent-ils ?
Situation des femmes dans le monde
Au niveau mondial :
- Les 2/3 des 867 millions d’analphabètes adultes sont des femmes.
- Les 2/3 des enfants non scolarisés sont des filles.
- Les femmes fournissent les 2/3 des heures totales travaillées, elles ne reçoivent que
10% du revenu mondial.
- En 1995, le travail domestique non rémunéré des femmes a été estimé à 11 milliards
de dollars, soit presque la moitié du PIB mondial, évalué à 23 milliards.
- Les femmes salariés ne gagnaient, en moyenne, en 1999, que 40 à 80 % du salaire des
hommes.
- Plus de 30 % des femmes sont confrontées à la violence domestique.
- Près de 80 % des 27 millions de réfugiés recensés sur la planète sont des femmes.
- 4 millions de femmes et de filles sont vendues chaque année à des marchands
d’esclaves, des proxénètes ou des maris.
- 80 à 90 % des familles pauvres sont des ménages avec une femme seule.
- Les femmes ne représentent que 14 % des parlementaires du monde entier.
(chiffres PNUD 2000, BIT 2000, Wistat 2001)
Voici quelques « perles »
Pour info, leurs auteurs sont souvent des filles !
- Les hommes sont plus intelligents que les femmes puisqu’elles sont en majorité
analphabètes ou non scolarisées
- On peut dire que les femmes ne servent à rien puisqu’elles ne sont pas intelligentes.
- Les femmes sont en dessous de tout.
- Les femmes n’ont rien à faire dans la société à tout point de vue donc elles sont en
trop.
- Il y a trop de femmes dans le monde donc, il faut les supprimer.
- Les femmes tiennent beaucoup de place dans le monde et elles ne sont pas capables
de grand chose.
- Les femmes font exprès d’avoir une mauvaise situation ou alors elles ne sont pas
assez intelligentes pour s’en sortir.
De quoi méditer et s’inquiéter…
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Compte-rendu des séances hommes-femmes
par le professeur de philosophie
Compte-rendu des séances sur le thème suivant :
la place des femmes dans la société.
Le jeudi 12 mai 2005.
L’intervention s’est déroulée avec deux classes de troisième durant cinquante cinq
minutes environ. Les séances se sont effectuées en présence du professeur de
français de la classe et du professeur de philosophie. Nous avons choisi
d’installer la vingtaine d’élèves autour d’une table ronde que nous avons partagé
avec eux.
Au préalable nous avions préparé une fiche de travail pour les élèves à partir de
laquelle nous avons guidé le débat dans les deux classes.
Nous commençons par demander aux élèves de réfléchir l’intitulé du questionnaire
distribué en début de séance. Nous le lisons ensemble :
Hommes et femmes : des êtres humains à part égale ?
Nous précisons aux élèves que cette discussion a pour origine un travail d’analyse qu’on
leur a confié quelque temps plus tôt sur la place des femmes dans la société. Ce
travail avait donne lieu à des maladresses dans le traitement des données chiffrées
qu’ils devaient interpréter.
D’emblée des réactions se font entendre à propos de la forme interrogative de
l’intitulé. Des réponses affirmatives sont formulées. Nous précisons alors qu’en
philosophie il faut trouver des arguments pour valider nos réponses et en vérifier la
valeur ou la justesse.
Au final, l’ expérience avec deux classes de troisième au profil assez différent est
très intéressant. Les élèves sont dépourvus de tout a priori. Ils se lancent dans la
discussion avec spontanéité et plaisir. Ils échangent leurs points de vue tantôt avec
une pointe d’humour tantôt avec plus de sérieux.
Je découvrais pour ma part les élèves du collège. Je tiens à souligner que les deux
entretiens m’ont procuré beaucoup de plaisir et même de bonheur. J’ai découvert chez
ces jeunes garçons et jeunes filles une réelle capacité à réfléchir mieux un désir de
penser. Ils ont envie de dire et de comprendre . Ils sont surtout besoin qu’on les
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mettent en confiance à un moment de leur vie scolaire où s’installe l’indécision et
l’inquiétude.
On pourrait considérer que de tels ateliers sont déplacés compte- tenu des
nombreuses difficultés scolaires rencontrées par certains élèves. Cependant, j’ai pu
constater dans les deux classes que la pensée se met en mouvement et que peuvent
s’élaborer des idées que les uns et les autres écoutent et comprennent. Dans ces
ateliers nous avons été attentifs au fait que les élèves doivent échanger et qu’il faut
essayer d’aboutir à une construction collective.
Pour terminer, je tiens à remercier mes collègue de lettre sans qui ce travail n’aurait
pas été possible . Ce sont eux qui ont orienté le contenu du travail et m’ont aidé à
cerner les objectifs pédagogiques et didactiques.
Je remercie également le principal du collège qui a planifié ces séances et qui m’a aidé
à définir ce projet sur le plan du fond et de la forme. Un merci tout particulier à ma
collègue documentaliste du collège qui participe pleinement à cette expérience en se
faisant le relais précieux entre tous les participants et acteurs.
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Compte-rendu des séances
par la collègue de lettres
Bilans de séances par Virginie FAYOLLE.
Professeur de français en classe de troisième
Première année
La séance en 3° 3 s’est déroulée en demi groupe. Elle est un prolongement et un
éclairage supplémentaire de la séquence consacrée à la place de la femme dans la
société.
Les réactions durant la séance ont été très positives. Les élèves se sont prêtés au
jeu sans problème. Seuls deux ou trois élèves habituellement réservés sont restés
en retrait.
Suite à ce travail, une élève a observé que la question de départ avait été petit à
petit écartée. Les raisons sont explicitées avec le groupe et , en fait , comprises.
Deuxième année :
La classe :
Le projet est mené pour la deuxième année. Les 3°2 forment un groupe très
hétérogène : un groupe de filles motivées et sérieuses, un groupe capable d'attention
mais plus irrégulier et un groupe composé de garçons essentiellement qui rencontrent
de grandes difficultés et qui sont peu motivés.
Reconduire l'atelier m'est donc apparu comme un challenge : comment donner une
place à chacun ?
Le déroulement des deux séances :
La première séance a été un peu difficile à lancer car le groupe était composé de
garçons très immatures, ricanant et peu enclins au débat a priori. Mais, à force de les
solliciter et de les prendre à parti au fil de la séance, certains sont entrés dans la
discussion et la séance s'est bien déroulée.
La deuxième séance a été bien meilleure. Nous avons été filmés, mais cela n'a pas
perturbé les échanges. Le texte, contrairement à la fois précédente, a été utilisé. Les
élèves ont apprécié cet éclairage. Il me semble indispensable de maintenir cette
lecture : le texte est beau, évocateur et les élèves n'ont que peu d'occasions de lier
Plaron.
Pourquoi avons-nous mis en place ce projet ?
Tout d'abord, il est parfaitement cohérent avec le travail mené toute l'année : il
renforce la réflexion sur l'orientation (comment choisir une formation sans se laisser
enfermer dans des stéréotypes ?) , il vient approfondir un thème récurrent de
l'année (la place de la femme dans la société, les rapports entre les hommes et les
femmes), et il permet de consolider la maîtrise de l'argumentation. En effet, grâce à
16
l'atelier, nous offrons une véritable situation de débat durant laquelle chacun exprime
son opinion.
Cette activité, il est vrai, nous permet de sortir des activités classique. Elle offre un
autre moyen d'expression dans la classe.
Quel avenir pour l'atelier-philo ?
Il me semble évident que le projet est efficace et bénéfique. Les élèves l'apprécient
(voir leurs remarques) et moi aussi !
Je pense même que l'on devrait envisager plusieurs séances (deux ou trois), afin de
sensibiliser plus tôt nos élèves à l'argumentation et à la réflexion philosophique.
17
ATELIER 2
L’IDEE
DE GUERRE JUSTE
DEMARCHE ET DOCUMENTS
SUPPORTS
18
DEMARCHE
En se proposant comme thème de réflexion le couple guerre/paix on doit tout d’abord
définir :
1) la guerre
2) la paix
On peut maintenant se poser la question de savoir s’il existe des guerres justes.
Peut-on parler de guerres justes ou de justes causes pour faire la guerre ?
L’expression « guerre juste « pose un problème difficile celui du droit à la violence.
En effet, si on fait l’hypothèse de guerres justes alors on rend légitime c’est-à-dire
moralement acceptable le recours à la force. Que fait-on sinon justifier l’usage de la
violence pour résoudre un conflit ?
Que peut-on en penser ?
Selon vous, la violence peut-elle faire droit entre les hommes et les Etats ? Quelles
seraient les conséquences d’une telle idée ?
Le problème avec la violence, c’est qu’elle entraîne l’homme dans une spirale infernale.
En effet, la violence appelle toujours la violence. Cela signifie que la force finit par
s’épuiser dans la vengeance. L’usage de la force de plus ne résout absolument pas les
querelles. Elle les entretient plutôt.
Difficile par conséquent de défendre moralement
l’usage de la force qui est une
puissance naturelle nous enfermant dans la peur de l’autre. La logique de la violence
fait qu’on ne se parle plus alors qu’il serait peut-être nécessaire de vider la querelle
par le dialogue.
Comment alors justifier moralement l’usage de la force entre les hommes quand on
dispose de tous les moyens nécessaires pour discuter ?
Il faut prendre conscience qu’entre individus pourvus de raison la force ne fait pas
droit. Le droit à la violence entre toi et moi et entre les Etats pose problème. Il est,
en effet, plutôt choquant d’assimiler violence et justice. Il est toujours risqué et
dangereux de faire usage de la force pour rétablir ses droits.
Comment rompre le cercle vicieux de l’utilisation de la violence entre les hommes ?
19
Il s’agit de privilégier la résolution juridique des conflits. Seul, le droit c’est-à-dire
les lois valables pour tous peuvent nous faire sortir de la spirale infernale de la
vengeance. C’est lorsque les lois limitent et régulent les actions des hommes et des
Etats que la paix devient possible.
En ce sens, la guerre n’est pas une fatalité dans l’histoire. D’ailleurs, la paix est bien
plus avantageuse pour les peuples que les états de guerre permanents qui épuisent les
richesses humaines et matérielles.
Pourquoi existe t-il néanmoins un droit à la guerre ? ( Conférence de la Haye en 1907)
Reconnaître un droit à la guerre c’est dire à tous les Etats que dans un conflit armé
tout n’est pas permis. Il y a des actions que les armées ne doivent pas commettre.
Ainsi, l’état de guerre n’autorise pas les pillages, les vols, les viols… C’est de cette
façon qu’apparaît la notion de crime de guerre. Le droit intervient donc quand la force
s’exerce afin de lui rappeler ses limites. Ceux qui ignorent le droit sont sanctionnés.
En toute logique, une guerre serait dite juste lorsqu’elle fait prévaloir le droit. Une
guerre est juste quand le droit impose à l’usage de la violence des limites restrictives.
On dira que le droit régule la
20
Document élèves 1
Y a-t-il des guerres justes ?
1- Selon vous, la violence peut-elle être utilisée comme un moyen pour
résoudre les conflits entre les hommes et les Etats ?
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------2- Quelles conséquences pour les hommes et les Etats si on justifie l’usage de
la violence ?
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
3- Comment rompre le cercle vicieux de l’utilisation de la violence entre les
hommes et les Etats ?
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------4- Pourquoi existe-t-il aujourd’hui un droit à la guerre ? ( conférence de la
Haye en 1907)
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
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Document élèves 2
Déclaration universelle des droits de l’homme (extraits)
Article 3 : Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.
Article 4 : Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits
sous toutes leurs formes.
Article 5 : Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Article 9 : Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé.
Article 13 :
1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat.
2. 2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.
Article 18 : Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la
liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction
seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et
l'accomplissement des rites.
Rappel sur quelques impératifs à respecter, Algérie, 1959
Il y a des lois morales, même révolutionnaires. Les mépriser ne peut qu’aviver la résistance de l’adversaire et
jeter le doute sur la légitimité de notre action en Algérie. Les ignorer ne peut qu’entraîner un durcissement
des cœurs, un retour à la barbarie, un échec à long terme de la mission à remplir. Sans parler des
conséquences lointaines, des répercussions et des ressentiments sur la conscience, la mentalité, les cœurs de
ceux qui font la guerre. (…)
A les mépriser et les ignorer, on risque fort de perdre un jour ce que l’on prétend sauver aujourd’hui par
n’importe quel moyen.
En cette guerre d’Algérie, comme en toute autre, un certain nombre de règles morales subsistent, plus
impératives que jamais :
-
L’adversaire a le droit d’être respecté,
le blessé, d’être soigné,
le prisonnier, d’être traité humainement,
le mort, d’être enterré,
Jugements et exécutions sommaires, tortures, demeurent interdits.
Achever un blessé constitue un crime (prendre garde aux réflexes de fausse pitié et à l’usurpation du
droit de décision qui ne nous revient pas).
Exposer un cadavre à la curiosité publique, ou obliger la population à défiler devant lui, a toutes
chances d’être une erreur psychologique lourde de conséquences et un manquement à des principes
élémentaires de civilisation.
S’acharner sur un cadavre, le dépouiller ou le mutiler, c’est revenir à des mœurs barbares dont il
vaudrait mieux ne pas entendre parler.
Mépriser un adversaire ne grandit pas celui qui nourrit de tels sentiments, mais le dégrade.
En tous ces domaines, il ne faut pas se laisser forcer la main par les circonstances, l’ambiance, les passions
partisanes, l’urgence de la mission à remplir, les « durs ». Le respect de l’adversaire est le signe de maturité
humaine et morale.
Père Henri Péninou, Réflexions sur les devoirs du soldat. Notre vie chrétienne en Algérie (1959), présenté par Jean
Charles Jauffret, Montpellier : Université Paul Valérie, 1998.
22
Compte-rendu des séances « l’idée de guerre juste »
par le professeur de philosophie
Séance 1 du 26 mai
L’intervention se déroule avec une classe de troisième en présence de leur professeur
d’histoire géographie.
Au préalable, nous avions préparé une fiche de travail pour les élèves. Quatre
questions portant sur la violence et son usage permettaient de préparer un peu la
discussion du jour.
En guise de préambule nous expliquons aux élèves ce qui nous a conduit à travailler
avec eux sur le thème de la guerre. On plante le décor à l’aide de deux questions :
Pourquoi les Etats continuent-ils à se faire la guerre ?
N’existe t-il pas d’autres choix politiques possibles ?
On esquisse alors à l’aide du programme d’histoire un semblant de réponse. Nous
rappelons qu’en 1919 la S.D.N. s’est cru capable d’éviter les guerres. Ensuite, soixante
pays en 1928 ont signé un pacte déclarant la guerre « hors la loi ». Seulement en
1939, la seconde guerre mondiale éclate et ruine tous les espoirs. En 1947, on parle
encore de guerre avec celle qu’on nomme la guerre froide. Ce bref rappel nous permet
de poser la question centrale :
Y a t-il des guerres justes ?
Dans un premier moment, nous nous efforçons de réfléchir sur l’expression
« guerre juste »
Des élèves répondent et soulignent qu’il y a une opposition. Ils font très justement
remarquer que la guerre et la justice ne vont pas bien ensemble. Quelque chose
choque. Nous prenons soin de préciser ce qui nous vient à l’idée quand nous parlons de
guerre. Spontanément les élèves évoquent la violence, la mort, la brutalité, les
bombardements, la souffrance des civils… Mais quand il faut préciser ce qu’il faut
comprendre par « juste » une confusion apparaît dans l’esprit des élèves. Quelques
élèves confondent légal et légitime. Nous tentons alors de clarifier la différence.
Nous expliquons ce qui renvoie à la loi et ce qui relève par exemple de la conscience
morale.
Nous poursuivons ensuite la discussion en prenant appui sur la question n°1 de la fiche
de travail. La violence peut-elle être utilisée comme moyen pour résoudre les conflits
entre les hommes et les Etats ?
Une réponse négative se formule immédiatement. Mais nous prenons le temps de
distinguer l’usage de la violence entre les individus et l’usage de la force armée entre
Etats. Il faut en outre préciser que se sont des Etats qui se déclarent la guerre et
pas des hommes.
23
La discussion se précise peu à peu. On demande si un Etat peut justifier sur le plan
moral le choix de la force armée ? Cela permet de souligner que la guerre n’est pas
autre chose qu’une forme d’action politique.
Les élèves participent pleinement au débat et tentent de formuler des réponses. Leur
professeur d’histoire intervient pour leur rappeler quelques contenus de cours. Il les
invite à réfléchir à l’aide de quelques exemples. La classe prend conscience de la
difficulté de la question. Prenons l’exemple des résistants français durant la seconde
guerre mondiale. Pour certains les actes de sabotage étaient des actes de bravoure et
pour les Allemands il n’y avait là qu’actions terroristes.
Les élèves qui participent activement à la discussion réalisent que la question des
guerres justes est épineuse. Sera t-il possible de trancher la question ? D’autres
exemples sont choisis ce qui permet de garder un débat concret et vivant. D’autre
part, nous essayons de ne pas caricaturer le sujet.
Nous enchaînons alors avec la question n°2 de la fiche de travail. Les élèves
reconnaissent que la violence appelle la violence. Si on use de la violence pour résoudre
ses différents on prend toujours le risque de s’enliser et de s’enfermer dans un
cercle vicieux. Alors, un Etat peut –il réellement faire un usage compréhensible de la
violence armée ?
L’histoire montre que dans certains cas l’intervention militaire semble requise. On
tente de s’expliquer. Prenons le cas d’un Etat qui opprime sa population et qui la prive
de certains droits fondamentaux comme celui de pouvoir s’exprimer librement. On
évoque la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 Promulguée par
l’O.N.U. L’article 5 dit par exemple que nul ne doit être soumis à la torture, ni à des
traitements cruels ou inhumains.
Avec mon collègue d’histoire nous évoquons le cas de l’ex-Yougoslavie. L’O.N.U. en
1990-91 a décidé d’envoyer sous mandat international des militaires. On les appelle les
casques bleus ou soldats de la paix. Ils ne se battent pas mais ont pour mission de
protéger les civils. Avec l’ex-Yougoslavie on est face à une guerre inter-ethnique où
bosniaques et serbes se massacrent. Nous évoquons les camps de réfugiés, les
massacres ethniques ( Srebrenica), les bombardements de civils ( ville d’Osijek en
Croatie). Que s’est t-il passé sinon une purification ethnique ? Cependant, une
intervention internationale suffit-elle pour faire d’une action militaire une guerre
juste ?
Les élèves sont partis prenante dans la discussion et ils évoquent la guerre du Golfe.
Leur professeur leur précise que le président des Etats –Unis d’Amérique n’a pas
l’accord de l’O.N.U. pour intervenir en Irak. G. Bush évoque comme justification de ses
interventions militaires la présence d’un « Axe du Mal » et parle de « just cause ».
Nous poursuivons notre réflexion avec la question n°3. Les élèves reconnaissent qu’on
pourrait remplacer la violence par le dialogue. En effet, les chefs d’Etats peuvent se
rencontrer et discuter. Cela mettrait fin à la violence et à sa spirale infernale. La
diplomatie plutôt que la guerre dit un élève.
Nous nous dirigeons ainsi vers la conclusion en posant cette question :
24
Est-ce qu’une guerre livrée au nom des droits de l’homme peut être considérée comme
une guerre juste ?
On souligne que les droits de l’homme sont des principes moraux universels. En 1789 la
France reconnaît que tous les hommes sont égaux en droits. Chaque citoyen se voit
reconnaître des droits ( expression, pensée, culte…) inaliénables. Des élèves sont
intervenus pour citer ces droits et dire qu’ils impliquent aussi des devoirs !
On établit alors le lien entre ces droits fondamentaux et la Déclaration Universelle
des droits de l’Homme de 1948 qui ainsi établit un droit international supérieur au
droit des tous les pays. Nous distribuons aux élèves de la classe un court extrait de
cette déclaration. Nous avons gardé le préambule et les articles 1 à 5 puis 9 et 18.
Ainsi, si on parle de droit à la guerre depuis 1907 c’est pour dire que les Etats ne
peuvent pas faire n’importe quoi. Un Etat criminel est sanctionné par le droit
international. On cite des expressions comme celle de crime de guerre, crime contre
l’humanité et crime contre la paix.
On fait un dernier bilan. On voit très bien que la question est impossible à trancher
facilement. Ce qu’on peut néanmoins souligner c’est qu’il est tout à fait impossible de
moraliser une guerre. C’est de cette façon que des élèves parviennent à faire la
distinction entre action militaire et action humanitaire. Nous les aidons à préciser un
peu la nature d’une action humanitaire. Cette dernière consiste à soulager les
populations civiles en apportant vivres et médicaments. Quant à la guerre, elle reste
un acte brutal qui occasionne toujours ce que l’on nomme pudiquement des «
dommages collatéraux. »
Pour terminer ce rapport d’intervention je tiens à remercier mon collège d’histoire
géographie Y. Tamain sans qui ce travail n’aurait pas été possible. Ses interventions,
lors de la discussion, ont su canaliser la réflexion des élèves et les motiver dans leurs
réponses.
Coup de chapeau à nos élèves de troisième qui se sont montrés face à ce sujet
ambitieux et difficile curieux et actifs. La classe s’est bien comportée mais un groupe
plus restreint aurait sans doute permis à davantage d’élèves de s’exprimer.
Séance 2 du 2 juin
La séance s’est déroulée en classe entière en présence du professeur d’histoiregéographie. Nous installons les élèves autour d’une table que nous partageons avec
eux.
Je présente le thème et rappelle la question retenue : Y a t-il des guerres justes ?
Je prends quelques minutes pour « planter le décor « . Quelques éléments du
programme permette de débuter la discussion. En 1919, la S.D.N. se croit capable
d’éviter les guerres. En 1928, quelques pays signent un pacte déclarant la guerre
« hors la loi « . Malheureusement, en 1939 la seconde guerre mondiale éclate. On
constate que les bonnes volontés sont restées impuissantes face à la guerre. Celle-ci
d’ailleurs revient sur la scène en 1947 avec ce que l’on nomme la guerre froide.
25
Nous commençons alors l’échange avec les élèves. Nous demandons de réfléchir sur le
couple « guerre-juste « . Nous leur demandons ce que cette association leur inspire.
D’emblée des mains se lèvent et quelques élèves prennent la parole. Tout aussi
naturellement ils s’écoutent les uns les autres. Les réponses sont justes et
pertinentes. Ainsi, quelques élèves soulignent l’opposition entre guerre et juste. Un
élève tient à préciser qu’une guerre, c’est toujours « sale » .Toutes les guerres, dit-il,
font des morts et des destructions.
Beaucoup de participation et de vivacité dans cette classe. Visiblement les élèves qui
prennent la parole se sentent à l’aise. Se sont les élèves eux-mêmes qui trouvent les
exemples de guerres pour alimenter le débat. Ils prennent en charge la question et
n’ont guère besoin d’être sollicité.
Nous reprenons quelques propos afin de définir les différentes formes de guerres.
Sont citées, les guerres d’indépendance, les guerres de libération, de conquête. Il y a
aussi des peuples nous dit un élève qui ne se supportent pas… Une jeune fille évoque la
guerre pour établir la démocratie… Un autre enchaîne avec le terrorisme. On parle
enfin de guerre larvée.
La discussion est très animée . Pas de temps mort. Les élèves rebondissent sur les
propos de leurs camarades. Nous nous efforçons alors de les aider à faire le
point pour structurer la réflexion.
Quelques élèves veulent proposer des exemples de guerres justes. Ils citent : la Côte
d’Ivoire avec l’armée française. Nous précisons alors que l’O.N.U. a envoyé un
contingent de casques bleus. Nous expliquons l’idée de mandat international. Après un
moment d’hésitation quelques élèves parlent de force d’interposition. Les casques
bleus ne se battent pas mais aident les populations en difficulté. Les soldats de
l’O.N.U. forment un corps d’armée internationale. On les surnomme les soldats de la
paix car ils défendent un droit international. La discussion de poursuit avec d’autres
exemples. L’ex-Yougoslavie est citée . Un élève souligne que le rôle de l’O.N.U est
limité. Le débat prend un aspect critique voire polémique. Nous trouvons cela
intéressant . C’est le signe que les élèves s’accaparent la question. Une élève
intervient pour dire que peut-être l’idée de guerre juste n’est qu’un prétexte. Il y a
toujours précise cette élève des intérêts pour tel ou tel pays à faire la guerre.
D’autres enchaînent et évoquent des intérêts économiques et hégémoniques. Un élève
évoque le besoin de pétrole. Un autre parle de domination politique.
La discussion suit son cours et s’enrichit . Un élève parle de la guerre en Irak. Nous
précisons alors que pour les guerres du Golfe le président des U.S.A. n’a pas l’accord
de l’O.N.U. . G.Bush veut poursuivre l’œuvre de son père, il parle « d’axe du mal « et
de « just cause ».
Nous demandons alors pour résumer notre parcours de prêter attention à la question
2 de la fiche de préparation. Nous posons la question de savoir si l’usage de la violence
entre toi et moi peut être un bon moyen pour régler nos différents ou problèmes.
Mieux, la violence entre les Etats ou pays est-elle le meilleur des moyens ?
Les réponses sont immédiates . Quelques élèves font remarquer que l’utilisation de la
force aggrave les problèmes . On ne résout rien du tout ! On parle ainsi de spirale de
26
la violence, de cercle vicieux et même de vengeance car les rancunes s’installent. Nous
évoquons brièvement un cas d’actualité .
Entre Etats mieux vaudrait discuter, parler. Le mot diplomatie est mentionné.
Quelques élèves soulignent les graves conséquences de la violence entre les hommes.
D’autres disent que certains pays utilisent la violence pour se faire entendre par les
Etats. Ils citent le terrorisme. Un élève évoque la tragédie du 11 septembre 2001. Le
nom d’Oussama Ben Laden est prononcé. Nous nous arrêtons un instant sur l’action
terroriste. A l’aide de leur programme, quelques élèves évoquent les résistants
français durant la seconde guerre mondiale. Les résistants rapportent les élèves ont
fait sauter des ponts , les lignes de chemins de fer,
attaqués
des
convois
militaires allemands… Du côté des résistants français l’action terroriste est une
action de libération. Ils se battent pour libérer le pays de l’occupation allemande. Le
terroriste français fait acte de courage. Seulement, l’armée allemande les fusille pour
crimes et attentats.
De nombreux échanges ont lieu grâce à des élèves qui s’approprient le sujet de façon
admirable. En effet, ils ne se coupent pas la parole et ont toujours des choses à
rajouter… Nous refermons la parenthèse sur le terrorisme avec d’autres exemples
( basques, bretons, corses…)
La question de départ est à nouveau formulée afin de préparer la conclusion du débat.
Y a t-il des guerres justes ?
La notion de guerre juste a t-elle un sens ou bien est-elle absurde ?
Nous soulignons qu’il est en tout cas impossible de moraliser la guerre. Une guerre est
une action politique pas une action humanitaire.
Seules les organisations humanitaires comme la Croix rouge, les médecins sans
frontières en aidant les populations peuvent donner un sens au mot justice( morale).
La discussion se termine sur l’idée qu’il vaut mieux des débats que des combats.
De l’avis général, pour intervenants et élèves , le temps nous a manqué. Une excellente
atmosphère s’était installée entre nous. Chacun avait envie de prolonger ce moment.
On regrettera le fait que nous n’ayons pas pu travailler en groupe plus restreint pour
permettre à d’autres élèves de parler.
La grande majorité des élèves se comporte très bien. Certains participent très
activement tandis que d’autres sont réceptifs et écoutent. Cependant le nombre
facilite le décrochage de quelques élèves déjà en difficulté.
Il est intéressant de constater que des élèves habituellement en retrait en cours
participent et s’expriment sans gêne particulière.
On soulignera une dernière fois la courtoisie des élèves les uns envers les autres. Lors
de cette séance, ils ont cherché à compléter les réponses de leurs camarades et
construit des réflexions critiques judicieuses.
27
Compte-rendu des séances
par les collègues d’histoire-géographie
Bilan de séance par Yoann TAMAIN professeur d’histoire-géographie
En classe de troisième
La séance s’est avérée être très « productive « malgré un sujet, « Y a t-il des
guerres justes », qui pouvait sembler un peu difficile à aborder avec des élèves de 3°.
De nombreux élèves se sont au contraire pris au « jeu » et ont bien répondu aux
questions posées permettant ainsi de créer les conditions favorables à un dialogue
entre eux et les deux professeurs.
Certains élèves ont bien évidemment « refusés « de participer, et ont montré des
difficultés à s’intéresser au sujet proposé. Il s’agit souvent d’élèves qui sont déjà en
difficulté dans d’autres matières et qui ont généralement du mal à rester concentrés.
Mais il faut souligner que des élèves qui habituellement ne prennent que très
rarement la parole en classe sont intervenus à plusieurs reprises dans la discussion
pour apporter parfois des éléments très pertinents.
Je suis intervenu à plusieurs reprises pour soumettre des exemples aux élèves, tirés
de leur programme d’histoire afin d’alimenter leur réflexion. Ainsi des élèves, en
partant de faits concrets, de connaissances qu’ils maîtrisent, ont pu avancer assez
facilement dans leur cheminement intellectuel.
En conclusion, cette heure a dans l’ensemble été très positive, les élèves ont fait
preuve de beaucoup d’intérêt pour les pistes de réflexion lancées par ma collègue de
philosophie. Ils se sont montrés , et nous avons été parfois surpris, capables d’une
grande qualité de réflexion, de pertinence dans leur argumentation. Eux-mêmes ont
beaucoup aimé abordé des questions de leur programme sous un autre angle, mais
aussi découvrir ce que peut être la philosophie. Ils se sont rendus compte qu’ils
pouvaient très bien élaborer une pensée et la développer même sur un sujet qui leur
paraissait un peu ardu.
28
Bilan de séance par Christiane Devillard professeur d’histoire-géographie
En classe de troisième
L’intervention se déroule avec une classe de 27 élèves en présence du professeur
d’histoire et de la documentaliste.
Avec le professeur d’histoire, les élèves avaient rapidement eu une trentaine de
minutes pour préparer une fiche de travail avec quatre questions portant sur le thème
de la violence et de son usage : « Y a t-il des guerres justes ? »
On commence l’intervention en essayant de définir les deux termes « guerres » et
« juste ». De nombreux élèves donnent leur définition du terme « guerre ». On entend
massacre, dégâts, violence, génocide, guerre sale, mort innocente, peur torture,
humiliation, crime contre l’humanité…
On parle de guerre pour gagner son indépendance ( rapport avec le cours sur la
décolonisation), pour sauver ses libertés ( rapport avec la seconde guerre mondiale et
son opposition au nazisme) pour des intérêts politiques et même économiques (rapport
avec les deux blocs). On prononce les termes de » guerre froide. »
Avec les définitions de l’adjectif « juste » quelque chose choque les élèves car il y a
totale opposition entre guerre et justice. Pour eux une guerre ne peut pas être
morale. Si une guerre était juste, elle serait soumise à des règles, peut-être
défendrait-elle une cause, peut- être apporterait-elle quelque chose ?
En prenant l’exemple des U.S.A. et de leur intervention en Irak les élèves
s’interrogent sur ce qu’est une guerre de libération. Ils se demandant si ce n’est pas
une guerre où les intérêts américains prévalent.
Nous orientons la discussion en se servant de la question n°1 : les élèves semblent
répondre « non » et évoquent la notion de vengeance, le fait que se sont les Etats qui
déclarent la guerre et non les hommes ( allusion à Hitler voulant se venger contre le
Diktat de Versailles) . Les élèves interviennent en rappelant d’autres notions retenues
en cours d’histoire sur la seconde guerre mondiale , les problèmes dans l’exYougoslavie, la guerre en Irak, le problème en Côte d’Ivoire.
Ils évoquent la Résistance en 1940-1944. Pour eux les résistants sont les défenseurs
de la liberté contre l’oppression alors on leur fait remarquer que pour l’Allemagne ils
étaient des terroristes. La classe se rend compte de la difficulté de la question.
Avec la question n°2, les jeunes acceptent et comprennent l’idée que la violence
appelle la violence ( allusion à leur vie au collège) : il est difficile parfois de « faire le
premier pas vers l’autre », de dialoguer. Pour eux la négociation devrait pouvoir
exister ; ils abordent l’O.N.U. et son action en faveur de la paix. Les élèves ont de
nombreux exemples qui leur viennent à l’esprit : échec de la S.D.N. après la première
guerre mondiale échec des casques bleus contre les massacres dans l’exYougoslavie.non –intervention en Irak casques bleus « soldats de la paix » mais aussi
« force d’interposition armée »
29
Les élèves interviennent sans jamais se couper la parole, les idées semblent «
rebondir » d’une intervention à l’autre et enrichissent la discussion et la réflexion.
Avec la question n°3 , les élèves reconnaissent l’importance du dialogue, de la
diplomatie, du rapprochement entre les Etats. Ils parlent de la construction de l’Union
Européenne et de cette Europe de paix qui existe depuis 1957 et qui est basée avant
tout sur la reconnaissance des Droits de l’Homme.
Est-ce qu’une guerre livrée au nom des Droits de l’Homme peut-être considérée
comme une guerre juste ? Peut-être mais les Etats ne peuvent pas faire n’importe
quoi. Les élèves pensent encore une fois à l’exemple des U.S.A. qui en Irak sont
intervenus contre « l’Axe du mal », dont les armes sont responsables de « dégâts
collatéraux »…
L’heure paraît passer trop vite et nous devons faire un dernier bilan : les élèves
considèrent que la question « guerre juste » reste sans réponse car impossible de
rendre morale une guerre qui n’est que violence et assaut de brutalité. Pourtant une
dernière idée apparaît : on pense que la paix est synonyme de progrès, de richesses
économiques et les élèves pensent que faire progresser le développement assurera la
paix. Il faut donc aider, soulager les populations et on en vient à évoquer l’aide
humanitaire toujours indispensable.
P.S. Un groupe de 27 élèves actifs, curieux, maladroits mais très intéressés.
C.DEVILLARD.
30
ATELIER 3
LE LOUP OU LA DISTINCTION
ENTRE LE REEL ET
L’IMAGINAIRE
DEMARCHE ET DOCUMENTS
SUPPORTS
31
Démarche
Je commence tout d’abord par me présenter aux élèves et les remercie de leur
accueil.
Je présente avec mon collègue la nature de la démarche. En clair, nous leur proposons
de participer à une discussion sur le thème du loup. Un thème qu’ils connaissent déjà
bien grâce au travail effectué avec leur professeur de français.
Que va t-on faire exactement pendant cette séance ?
philosophie ?
Pourquoi cet atelier de
Bien sûr pas un cours de philosophie comme en terminale. Cependant, nous allons
mener un vrai travail de réflexion à partir du questionnaire que leur a donné leur
professeur : Monsieur Paire.
Une petite précision avant de commencer. Définissons la discipline que j’enseigne en
terminale : faire de la philosophie , c’est apprendre à réfléchir, échanger des idées.
C’est apprendre à écouter les autres et à construire un raisonnement.
Prenons à présent le questionnaire et commençons la discussion :
Question n°1 : Trouver trois expressions avec le mot « LOUP ».
« se jeter dans la gueule du loup » ; « avoir une faim de loup » ; « être connu comme
le loup blanc » ; « les loups ne se mangent pas entre eux » ; « hurler avec les loups » ;
« l’homme est un loup pour l’homme ».
Nous passons en revue un certain nombre de ces expressions et nous les expliquons. A
partir de là nous posons la question 2 de la fiche de travail.
Question n°2 : Quelle idée du loup ces expressions donnent-elles ? Quel point
commun présentent-elles ?
On est confronté à une image du loup tout d’abord bien peu flatteuse. L’idée du loup
est très caricaturale. En effet, on retient l’idée de cruauté et de méchanceté. En
conséquence on se fait une idée plutôt négative de l’animal . Celui-ci se présente
comme une bête nuisible et dangereuse pour l’homme. Rien que l’expression « avoir
une faim de loup » évoque l’idée d’une bête à l’appétit féroce. On a alors à l’esprit
l’image d’un loup prédateur qui nous terrorise.
32
N’oublions pas par exemple que dans la religion chrétienne, le loup est l’ennemi de
l’homme. Il est même le symbole du mal et l’incarnation du diable. Ainsi quand le loup
dévore un être humain , il lui vole son âme d’après des croyances populaires.
Avant d’aller plus loin dans la discussion nous distribuons un document montrant
différentes représentations du loup. Un titre permet de saisir l’enjeu du débat : le
loup réel et le loup imaginaire.
Nous demandons aux élèves de classer et de commenter ces documents. Que
découvre t-on ?
Le loup imaginaire : Le document en haut à droite montre l’image d’un petit enfant en
train de se faire dévorer tout cru par un loup qui ressemble assez à un chien. En tout
cas l’attaque est cruelle et violente. On voit la bête enfoncer ses crocs dans tête de
l’enfant.
Un document montre ensuite une tête de loup. On ne voit donc
que la gueule et le regard agressif de la bête. C’est assez caricatural. Le loup est
représenté avec des crocs acérés prêts à déchirer les chairs.
On a ici deux images ou représentations effrayantes qui entretiennent la peur du loup.
Le document tout en bas est une reproduction de la bête du
Gévaudan au 18° siècle qui a soit disant dévoré femmes et enfants pendant plusieurs
années. Ce n’est même plus un animal mais une chose avec des griffes comparables à
celles d’un oiseau de proie. Les griffes ressemblent donc à des serres. L’animal est
une sorte d’être hybride moitié chien monstrueux moitié oiseau. La bête se tient audessus d’un cadavre déchiqueté, la gueule entrouverte. Les crocs sont pointus. La bête
semble se lécher après un macabre festin.
Au centre, on trouve la louve de la mythologie romaine. Elle
allaite Romulus et Remus les fondateurs de Rome. Une autre représentation du loup
apparaît. Ici la louve représente la mère nourricière qui protège ses petits.
Le loup réel :
En haut à gauche un document nous montre le loup réel. Il
s’agit de l’animal qui vit en meute dans quelques forêts. Les loups sont des animaux
sociables. Ils ont donc des moyens de communiquer entre eux. C’est ainsi qu’ils jouent
pour marquer leur place dans le groupe. Les loups sur ce documents ne se battent pas.
Ils communiquent. Leur comportement est une sorte de langage.
Question n°3 : La peur du loup. Quelle est l’origine de cette peur ?
La peur vient surtout d’une confusion . On confond le loup imaginaire et le loup réel
car on oublie d’observer les loups. On se contente d’interpréter leurs agissements
aveuglés par des croyances populaires tenaces.
33
Ainsi, l’histoire tragique de la bête du Gévaudan laisse des traces dans les
imaginations. Le loup est une bête fabuleuse, un monstre hideux. Un être hybride
moitié ours et moitié louve. On croit au loup-garou. Des individus seraient capables de
se transformer en loups certaines nuits et de tuer la veuve et l’orphelin.
Mais lisons un extrait de L’hiver des loups d’E.Brissou-Pellen.
Nous lisons le résumé et introduisons à la lecture du document :
Cette histoire devrait nous aider à mieux comprendre cette confusion entre le réel et
l’imaginaire dans l’esprit des hommes. Nous verrons également les conséquences qu’elle
entraîne.
Des deux extraits nous mettons en évidence le fait que la peur du loup déchaîne la
violence. Les villageois tiennent un raisonnement stupide. Ils semblent capables d’aller
jusqu’au meurtre à cause de leurs superstitions. Il veulent brûler Jordane qu’ils
prennent pour un loup-garou. On constate la bêtise et la méchanceté des hommes.
Pourquoi ont-ils une telle attitude ? Tout simplement à cause de leur ignorance. C’est
parce qu’ils ignorent tout des loups qu’ils deviennent violents et peureux.
Autrement dit, on a peur quand on ne dispose d’aucune connaissance sur un sujet. C’est
bien le cas des villageois qui pensent se débarrasser de leur peur en assassinant une
toute jeune fille.
Question n°4 : Définir le mot « superstition ».
Un comportement superstitieux est un comportement dépourvu de logique. On dit que
aussi que c’est un comportement irrationnel. Quand on est superstitieux, on croit que
certains actes peuvent selon les cas avoir des conséquences positives ou négatives.
Celui qui est superstitieux cherche des signes à interpréter. Le fait par exemple de
briser un miroir signifie de la malchance. Dans le roman qui met en scène Jordane, les
villageois croient que le comportement des loups apportera la vérité sur la jeune fille.
Au lieu de raisonner, ils s’en remettent au hasard.
Question n°5 : Résumer la scène :
La scène représente deux bergers en train de chasser un loup. Ce dernier vient de
tuer une brebis. Les bergers avaient pourtant bien protégé leur bétail. Ils avaient
construits un enclos tout près de la bergerie et de la maison . Seulement le loup est
rusé et sournois. Le loup est ici encore représenté de façon négative. Il vole et tue
comme un prédateur nuisible. On entretient le mythe du loup dévorant ses proies.
Déjà très pauvres, les bergers ne peuvent que haïr cette bête. Ils ne cherchent pas
du tout à la connaître tout entier livrés à leur colère
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Document élèves 1
Atelier de philosophie : le loup
1-Trouver trois expressions contenant le mot « loup ». Donner leur sens.
2-Quelle idée du loup ces expressions donnent-elles ? Quel point commun présente-t-elle ?
3-La peur du loup : pourquoi les hommes ont-ils peur du loup ? Qu’est-ce qui fait naître cette
peur ?
4-Pouvez-vous définir le mot superstition ?
5-Résumer la scène présenté par l’image ci-dessous (XVIIème siècle). Quelle idée du loup veutelle donner ? A quelle catégorie de population s’adresse-t-elle ?
35
Document élèves 2
36
Document élèves 3
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Compte-rendu des séances sur le loup
par le professeur de philosophie
Séance 1
Nous avons travaillé avec seulement la moitié de la classe. Ce choix de diviser
l’effectif global nous permet d’inciter plus d’élèves à participer. Les élèves les plus
réservés ou les plus en difficulté arrivent souvent à s’exprimer contrairement à leur
habitude. Mais, dans ce premier groupe, les élèves habituellement en retrait le sont
hélas restés malgré nos sollicitations.
Une fiche de travail comportant cinq questions a été au préalable remise à chaque
élève. Ils ont pu ainsi préparer la séance. En consultant les fiches de travail, je
constate avec quel sérieux et quelle application ils ont répondu aux questions posées.
Précisons que la fiche de travail a été construite en collaboration avec mon collègue
de français. J’ai proposé une réflexion sur la distinction entre le réel et l’imaginaire à
partir du thème retenu. Ensuite, mon collègue a relié la problématique aux impératifs
de son programme. C’est ainsi, qu’un texte de référence s’est plus ou moins imposé :
L’hiver des loups d’Evelyne Brissou-Pellen. Nous avons ensuite choisi quelques
représentations du loup appartenant à la tradition et liées à des croyances populaires.
Nous les avons confrontées à une photographie montrant des loups en train de jouer
dans la neige. La première étape de notre travail consistait à marquer l’opposition
entre l’image négative du loup dans l’opinion et l’animal réel sociable et intelligent. Les
deux extraits de textes de L’hiver des loups ont permis de rechercher l’origine de la
peur du loup. On a pu voir que la peur est enracinée dans l’ignorance et que celle-ci
engendre à son tour la violence. Un lien à été alors établi entre ignorance et
superstition.
Les élèves se sont parfaitement comportés lors de cette séance. Apparemment aucun
problème de compréhension n’a été rencontré pendant la discussion. La définition de
la superstition a été exemplaire.
Spontanément des mains se sont levées au tout début de la séance. Sept ou huit
élèves souhaitaient prendre la parole afin de rendre compte de leur travail de
recherche. Il s’agissait, en effet, de proposer des expressions contenant le mot
« loup ». Visiblement, ils avaient passé du temps à consulter le dictionnaire car des
explications complétaient toujours les expression proposées.
Le questionnaire constituait la trame de l’intervention. A chaque fois nous obtenions
des réponses plutôt précises et argumentées. La distinction entre le réel et
l’imaginaire semble au terme de la discussion bien établie tout comme le mécanisme de
la violence en l’homme.
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Il est remarquable de constater que les élèves sont tout à fait capables de mettre en
place un raisonnement et d’exploiter leurs connaissances. De plus, aucun élève ne
coupe la parole à un autre. Nous échangeons les uns et les autres très naturellement.
Dans ce groupe, seuls deux ou trois élèves sont restés passifs et peu intéressés. Tous
les autres ont été très actifs pendant plus de cinquante minutes. Ils n’ont pas relâché
leur attention.
Lors de cette séance nous nous sommes servis du tableau afin de faire apparaître les points
essentiels et quelques mots de vocabulaire.
Je remercie vivement mon collègue de français ainsi que Marie-Françoise CHATRE
notre documentaliste qui coordonne tout le travail d’équipe.
Séance 2
Après présentation du thème et de la nature du travail, nous débutons l’examen de la
fiche que les élèves ont préparé.
Spontanément de nombreuses mains se lèvent. Manifestement, les élèves ont envie de
prendre la parole. Ils rendent compte de ce qu’ils ont trouvé. En conséquence, nous
écrivons au tableau le fruit des différentes recherches. Sur le plan du vocabulaire,
les élèves se sont donnés la peine de relever toutes les expressions contenant le mot
« loup ». Nous leur demandons d’analyser le sens de ces expressions et de dégager les
connotations. La progression de l’analyse s’effectue sans aucune difficulté. Cela nous
autorise à faire valoir des oppositions conceptuelles. Nous mettons en relief la
distinction entre le loup imaginaire et le loup réel à l’aide d’un document regroupant
des reproductions issues de sources diverses. Des représentations fantastiques
côtoient une photographie de l’animal réel.
Nous invitons les élèves à décrire ce qu’ils voient. Le groupe suit bien. On ne constate
aucun « temps mort ».
Le tableau nous sert toujours de support. Les élèves visualisent ainsi l’essentiel.
Quelques uns prennent des notes. Nous leur proposons ensuite de lire l’extrait d’un
roman. Il s’agit de « L’Hiver des loups » d’Evelyne Brissou-Pellen. Mon collègue de
français demande à certains élèves de se relayer dans la lecture. Nous soulignons
alors le lien entre l’ignorance des villageois et la peur qu’ils éprouvent à l’égard des
loups. Le mécanisme de la violence est ainsi dégagé .C’est la peur qui engendre en
l’homme la violence meurtrière. Dans le roman, les villageois veulent brûler une jeune
fille. Ils la rendent responsable de l’arrivée des loups non loin de leur village. Ils
l’accusent de sorcellerie et veulent la tuer pour conjurer le sort. Les élèves
comprennent très bien l’absurdité d’un tel raisonnement. L’un d’entre eux remarque
même une gradation ou montée en puissance de la bêtise des hommes. Nous soulignons
encore les oppositions conceptuelles majeures :
Raison/imagination ;réflexion/imagination ;raison/superstition ;raison/croyances
irrationnelles.
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Nous terminons la séance par une définition du mot superstition et par la description
du schéma proposé par mon collègue.
Cette seconde séance s’est très bien déroulée. Seul, un élève n’a pas fait le travail
demandé chez lui. Il n’a pas participé non plus. Dans l’ensemble, le groupe s’est montré
intéressé. J’ai apprécié le dynamisme et la participation des élèves. Enfin , encore
une fois, on doit reconnaître un réel souci de bien faire.
Au terme de ces deux séances en classe de 6° il convient de souligner le sérieux avec
lequel les élèves ont préparé l’heure consacrée à cet atelier. La participation est
excellente. Je dois dire encore que les élèves sont d’une extrême politesse les uns
avec les autres. Ils s’écoutent et à l’occasion se critiquent. Ils corrigent aussi les
erreurs qui peuvent être commises par les uns ou les autres.
Les élèves posant habituellement des problèmes de discipline se sont montrés
discrets car ils n’avaient pas fait le travail. D’autre part, ils n’ont pas trouvé le moyen
de perturber la séance étant donné que les séquences s’enchaînaient bien grâce au
dynamisme des participants.
De mon point de vue, les objectifs sont remplis tant sur le fond que sur la forme.
Soulignons qu’il faut longuement préparer les séances avec le collègue . En effet, il
convient de donner un support de travail clair et argumenté. La logique interne des
documents sélectionnés doit apparaître aux élèves. Notre souci a été de respecter les
impératifs du programme de français. Nous avons voulu aider les élèves à travailler
leur vocabulaire et à approfondir des idées. Les oppositions conceptuelles ont été
étonnamment bien comprises. La distinction entre le réel et l’imaginaire ainsi que le
lien entre l’ignorance, la superstition et la violence sont apparus avec netteté.
A nouveau, je tiens à remercier mes collègues : B. Paire, professeur de français et
M.F. Chatre documentaliste au collège.
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Compte-rendu des séances par le collègue de lettres
Bernard Paire
Atelier de philosophie, classe de 6eme 1
J’ai accepté volontiers de collaborer à l’atelier d’initiation à la philosophie proposé
par ma collègue Madame Grimaud , dans la mesure où il est vite apparu que cette
démarche se prêtait bien à un travail pluridisciplinaire avec le français , et
correspondait aux programmes et objectifs de la classe de 6eme :
- lecture critique d’un texte ou d’une image
- discussion et échange d’idées sur un thème déterminé
- formulation orale d’un avis étayé d’arguments
Le thème de la peur du loup, fait souvent l’objet de séquences de lecture en classe
de 6eme , par la fascination qu’il exerce sur les élèves. Il a été présenté de manière
rigoureuse et attrayante (textes et iconographie ) par Geneviève Carbone (Gallimard
découverte n°124) . Nous l’avons retenu aussi dans la mesure où l’actualité locale – la
réintroduction éventuelle de loups dans la montagne roannaise – nous fournissait un
thème intéressant de débat , voire de polémique, qui ne peut laisser indifférents
enfants et adultes !
L’atelier de philosophie avait été précédé d’une séquence de présentation des
questions et des supports qui allaient être abordés :
- lecture : - textes polémiques ( le loup est-il nuisible ? articles de la revue Alpes
magazine)
- textes documentaires et scientifiques
- légendes locales ( le loup-garou de la Verrerie , Frédéric Noëlas)
- textes des Archives départementales de la Lozère : témoignages et
« descriptions » de la bête du Gévaudan
- extraits de l’hiver des loups (E.Brisou-Pellen , folio junior n° 877)
- images : - iconographie antique , dessins anciens , photographies
- travail de rédaction : A partir d’une représentation ancienne de la bête du
Gévaudan, imaginer le témoignage d’un habitant qui aurait « vu » l’animal.
A partir de ces supports , les enfants ont pu découvrir les questions que suscite la
question du loup et qui constituent déjà un début de démarche philosophique :
- ces témoignages sont-ils réalistes et crédibles ?
- existe-t-il des preuves de la dangerosité supposée du loup ?
- comment peut-on démonter le mécanisme de la peur ?
- pourquoi la connivence homme /loup est-elle suspecte ?
La plupart des élèves perçoivent bientôt une logique dans la construction du
mythe( ignorance > imagination > peur > préjugé > superstition ) qui débouche sur une
lecture critique de quelques passages de l’hiver des loups – y compris dans l’analyse
41
de phénomènes de religion ou de sorcellerie - , et sur la formulation d’avis et de
tentatives d’explications : pourquoi l’image du loup est-elle le plus souvent péjorative ?
Le débat « philosophique » peut ainsi commencer : il demande rigueur , écoute de
l’opinion de l’interlocuteur , remise en cause éventuelle des ses propres certitudes et
capacité à forger un jugement personnel dans le respect de celui de l’autre … autant
de compétences indispensables à un collégien de 6eme, bien au-delà de la classe de
Français.
La séance a été appréciée de la plupart des élèves qui se sont sentis valorisés par
l’intérêt que leur portait une enseignante qui travaille habituellement avec des
« grands » et par leur propre capacité à participer à un débat de qualité en présence
de plusieurs adultes .
Bernard PAIRE , professeur de Français en 6eme1 , février 2006
42
ATELIER 4
La fonction des mathématiques :
Valeur de l’abstraction
DEMARCHE ET DOCUMENTS
SUPPORTS
43
Démarche
A quoi servent les mathématiques ?
Support : Les cours de mathématiques.
Objectif : Montrer que l’abstraction mathématique permet de mieux comprendre
le monde dans lequel on vit.
A quoi servent les mathématiques ?
Introduction : Des questions se posent : à quoi sert le calcul ?
: à quoi sert l’abstraction ?
: à quoi sert la géométrie ?
Il y a beaucoup d’esprits qui se révoltent contre les mathématiques. On ne les aime
pas car elles demandent de la discipline. On les trouve autoritaires avec tous leurs
symboles. Bref, elles ne séduisent guère et pourtant elles constituent un outil
indispensable dans notre société . Si on veut comprendre le monde dans lequel nous
vivons il faut faire des mathématiques. Elles sont et on va expliquer pourquoi et en
quoi un bagage nécessaire dans la vie.
Alors, à quoi peuvent bien servir les mathématiques appris à l’école dans la vie de tous
les jours ?
On va tenter de comprendre que l’abstraction mathématique sert à mieux comprendre
le réel ou la nature des phénomènes. C’est parce que notre monde est plein d’énigmes
et de choses étranges que les mathématiques nous sont indispensables.
Les mathématiques, cette prodigieuse invention de l’esprit humain va nous aider à
percer les secrets de l’univers tout au moins à mieux le comprendre.
On calcule pour se faire une idée plus précise des phénomènes, on mesure afin
d’effectuer des travaux, de construire…
1) L’homme veut comprendre le monde dans lequel il vit.
2) Le danger existe quand on veut trop valoriser les mathématiques.
44
L’exemple support : le médecin qui fait procéder à des analyses sanguines afin de
diagnostiquer une maladie. On fait des dosages sanguins :on calcule des taux de sucre
par exemple. Les mathématiques aident à soigner.
A quoi servent les mathématiques ?
Introduction : CF.
Question n°1
Des questions se posent.
A quoi sert le calcul ?
A quoi sert l’abstraction ?
A quoi sert la géométrie ?
De nombreux esprits se révoltent contre les mathématiques. On ne les aiment pas car
elles exigent de la discipline. On les trouvent autoritaires avec tous leurs symboles.
Trouver du plaisir intellectuel quand on fait du calcul et des opérations
mathématiques demande du temps. Le temps d’acquérir le sens de la logique dans la
plupart des cas.
Les mathématiques ont donc du mal à séduire.
Pourtant, elles constituent un outil indispensable dans notre société. Il faut en effet
faire des mathématiques si l’on veut se donner les moyens de comprendre le monde
dans lequel on vit.
Alors, en quoi , pourquoi et comment les mathématiques sont-elles un bagage
nécessaire dans la vie ?
A quoi peuvent bien servir les opérations mathématiques que l’on apprend à l’école ?
On peut donner une définition des mathématiques : elles sont pour nous au quotidien
un outil, un langage c’est-à-dire une invention de l’esprit humain.
I° PARTIE
CF.
Question n°2.
Quelle est la valeur et l’utilité des mathématiques ?
Quelle est la raison d’être des mathématiques dans la société ?
Posons nous la question de la fonction des mathématiques.
45
Notons tout d’abord que les physiciens, les chimistes, les biologistes, les médecins
utilisent les mathématiques . Tous les phénomènes de la nature trouvent leur
traduction en langage mathématique. En effet, on mesure, on évalue et on pèse. On
transforme les qualités en quantités mesurables. C’est ainsi que les mathématiques
nous parle du monde dans les équations par exemple. Les phénomènes sont remplacés
par des symboles mathématiques afin d’être mieux compris et mieux maîtrisés. Si on
calcule des grandeurs ou bien des volumes c’est pour connaître l’objet et l’utiliser.
En conséquence, les mathématiques permettent de résoudre de nombreux problèmes
puisque elles ramène l’incompréhensible à du compréhensible.
Par exemple, c’est grâce aux mathématiques que l’on connaît mieux le système solaire.
La trigonométrie permet de comprendre et de résoudre des questions ou problèmes
célestes.
On dira qu’utiliser les nombres pour calculer et faire des opérations plus ou moins
compliquées ou abstraites, c’est sortir de l’ignorance, des croyances et
éventuellement des superstitions.
Grâce à l’outil mathématique, l’homme apprend à raisonner, à produire des jugements
logiques sur le monde. On constate que les mathématiques sont liées au développement
de l’intelligence. En effet, elles permettent de percer les secrets de l’univers, de la
nature et du vivant. Les symboles mathématiques correspondent à quelque chose. Ils
renvoient au monde dans lequel on vit.
Exemple :
A quoi servent dans la vie les fractions ?
Une fraction représente un rapport, une proportion ou bien une mesure. Une fraction
s’additionne, se soustrait, se multiplie ou bien se divise.
Fractionner, c’est partager une grandeur en parts égales ce qui peut être selon les cas
plus ou moins difficile.
L’utilisation des fractions se justifie par le fait qu’une fraction est bien plus parlante
que les décimales. C’est le cas pour les probabilités.
Prenons l’exemple d’un jeu de cartes. Le nombre total de cartes du jeu est de 52. La
probabilité de tirer un AS vaut :
4/52
ou
1/13 soit
0.07692307.
Les fractions à condition de savoir s’en servir et les calculer est donc fort utile. Elles
clarifie notre compréhension des choses.
1/3 est bien plus évident à comprendre que 0.333333….
46
L’idée à laquelle on aboutit est la suivante : l’effort de mathématisation du monde et
des phénomènes qui passe par l’abstraction et le symbole rend ce qui nous entoure
plus compréhensible ou plus abordable.
L’abstraction est donc la base du savoir.
C’est ainsi qu’encore une fois, les mathématiques permettent de comprendre l’être
vivant ou l’organisme vivant. Ce sont les calculs mathématiques qui aident à détecter
une maladie, une perturbation organique ou un dérèglement.
Qu’est-ce qu’une prise de sang ? Lors d’un dosage sanguin, on procède à des calculs,
des mesures et des évaluations précises.
On peut par exemple calculer un taux d’alcoolémie. On peut aussi calculer la glycémie à
jeun c’est- à -dire le taux de sucre dans le sang afin de détecter un éventuel diabète.
On évalue chez certains le taux de cholestérol et la limpidité du sérum sanguin…
C’est la lecture des résultats qui va donner au médecin des indications nécessaires
pour adapter un traitement et donc soigner ou guérir.
Les mathématiques ne servent donc pas à rien. Dans ce cas précis, l’infiniment petit
devient réalité parce qu’on effectue des opérations abstraites et que l’on transforme
une chose en symboles mathématiques.
Les représentations chiffrées donnent une réalité à des phénomènes microscopiques
et invisibles.
On voit que les mathématiques ont toute leur place dans le quotidien. Que ferionsnous sans elles ? Difficile des les bannir de nos pratiques quotidiennes dès l’instant où
elles se définissent comme un langage universel.
Les mathématiques sont une langue permettant l’accord des esprits. Contrairement au
langage courant qui peut tromper. En effet, un mot peut avoir plusieurs sens. Les
mathématiques sont un langage univoque ce qui est très pratique.
II° PARTIE
CF.
QUESTION n°3
Quels reproches peut-on éventuellement faire aux mathématiques ?
On peut se demander si les opérations mathématiques nous permettent de trouver la
vérité.
47
Est-ce que la traduction mathématique des phénomènes vivants par exemple respecte
bien les choses dont elle parle.
L’abstraction ne trahit-elle pas les phénomènes ?
Indéniablement, les opérations mathématiques apportent des connaissances mais si on
valorise trop les mathématiques on risque de confondre la réalité avec les symboles
artificiels utilisés par les mathématiques.
Ainsi, n’oublions pas que derrière les symboles mathématiques il y a par exemple des
êtres vivants.
Reprenons l’exemple de la prise de sang.
Les mesures que sont effectuées disent ce qui est normal et ce qui ne l’est pas en
fonction de seuils artificiels ou de généralisations. On regroupent dans une norme
générale les hommes de tel age à tel age. On calcule la norme en fonction d’un poids
moyen. Or chaque être est particulier. En conséquence, les seuils de normalité ne
peuvent que varier.
A 0.8g/l d’alcool certains sont incapables de conduire. Pour d’autres le seuil de
tolérance sera plus bas ou plus haut.
Les mathématiques exigent du sens. Autrement dit, l’outil ne remplace pas la chose. La
mesure et le calcul sont des garanties scientifiques mais ils ne disent certainement
pas tout du monde. C’est la raison pour laquelle, il y a place pour la poésie, la musique,
la danse…
Conclusion : Retenons la valeur opératoire des mathématiques.
Elles sont une construction abstraite féconde et pratique indispensable dans notre
société technique. Elles sont une bonne façon de parler du monde mais il ne faut pas
en faire un dogme. Une équation par exemple n’est jamais qu’une forme symbolique
utile. Une équation traduit un phénomène elle ne le remplace pas.
48
Document élèves 1
FICHE DE PREPARATION
1-Tentez de définir ce que sont les mathématiques.
2-Selon vous, les mathématiques ont-elles une utilité dans la société ? Si
oui, que nous permettent-elles de faire ?
3-Que pourrait-on reprocher aux mathématiques ?
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Document élèves 2
A travers l'histoire
Le recueil de données astronomiques et leur étude de plus en plus poussée
ont obligé les mathématiciens à développer la trigonométrie.
Regiomontanus (1436-1476) rédige le premier un ouvrage sur la résolution
des triangles, c'est-à-dire les relations existant entre les angles et les côtés : dans un
triangle quelconque ABC, on démontre des relations du type AB sin B = sin C.
Cette trigonométrie de Regiomontanus est utilisée dans le procédé de triangulation
qui a permis de mesurer la longueur du méridien terrestre.
C'est tout l'art de la cartographie qui utilise ces propriétés pour réaliser sur
La sphère armillaire permet de
une carte plane la représentation des réalités de l'espace en respectant si possible
représenter
les
mouvements
distances, angles et aires, sachant que dans tous les procédés, les trois ne peuvent
apparents du ciel.
être conservés simultanément.
Dans le plan, les trois côtés d'un triangles sont des segments et la somme des trois angles est égale
à 180 °. Sur une surface courbe, les segments sont remplacés par des lignes, les géodésiques, de telle façon
que la distance entre deux points soit minimale. Sur un sphère, ce sont les grands cercles qui ont pour
centres le centre de la sphère. Un triangle est obtenu en traçant les arcs de grand cercle joignant trois
points de la sphère et on a démontré alors que la somme des trois angles du triangles est supérieur à 180°.
Depuis l'Antiquité, les mathématiciens ont découvert de nombreuses propriétés
des nombres entiers.
Toutes les recherches de leurs démonstrations ont abouti au développement de la cryptographie,
sciences des codages, qui assure la confidentialité des les échanges d'informations. Elle a de nombreuses
utilisations dans la vie de tous les jours, ainsi cartes bancaires, carte vitale, etc sont codées par des grands
nombres auxquels sont adjoints des clés. Ces clés permettent soit de déchiffrer des messages, soit de
déceler des erreurs de transcription dans les documents.
Par exemple, chaque livre est identifié par son ISBN (International Standard book number) qui
commence par le chiffre indiquant sa langue, 2 pour le français, puis suit le numéro de l'éditeur, ensuite
vient le numéro de l'ouvrage publié par cet éditeur, enfin vient la clé, nombre entre 0 et 10. Cette clé se
calcule ainsi : prendre la suite des neuf premiers chiffres du code ISBN à partir de la gauche, multiplier
par 10 le premier, par 9 le second, par 8 le troisième et ainsi de suite jusqu'à multiplier par 2 le
neuvième, ajouter les 9 nombres obtenus, écrire le multiple de 11 immédiatement supérieur à cette
somme, calculer la différence entre cette sommes et ce multiple de 11. Vérifier la clé figurant sur le code
ISBN de votre livre de 3°.
Depuis l'Antiquité, à côté de la sphère, corps considéré comme le plus
parfait, on sait qu'il n'existe que cinq polyèdres réguliers : le tétraèdre, le cube,
l'octaèdre, le dodécaèdre, l'icosaèdre. Ce sont les solides de Platon.
Un ballon devrait avoir la forme idéale d'une sphère. Comme le patron
d'une sphère n'existe pas, pour confectionner un ballon de football, on s'en
approche par un icosaèdre tronqué. L'icosaèdre est celui des polyèdres réguliers
qui possède le plus de faces, vingt, et, à chacun de ses douze sommets se rejoignent
cinq faces triangles équilatéraux.. En coupant chacune des arêtes au tiers de sa
longueur, on obtient un icosaèdre tronqué.
Ce solide semi-régulier comporte 60 sommets et 32 faces, 20 sont des hexagones et 12 des
pentagones, les 90 arêtes ont toutes la même longueur. On retrouve donc la formule d'Euler: S + F= A +2
Où S est le nombre de sommet, F le nombre de faces et A le nombre d'arêtes. Certaines molécules
chimiques associent des atomes de carbone et prennent la forme d'un tel icosaèdre tronqué. Ces
molécules, appelées fullerèmes, ont été mises en évidence par trois Prix Nobel. Outre les propriétés de
symétrie, elles sont résistantes et tournent facilement sur elles-mêmes. On comprend alors pourquoi un
ballon de football a pris cette forme .
50
Compte-rendu des séances les mathématiques
par le professeur de philosophie
Compte-rendu de séance du jeudi 23 mars 2006. Professeur : Mme Guillermin.
Atelier de philosophie avec un groupe d’élèves de troisième.
Sujet :
A quoi servent les mathématiques ?
Nous travaillons avec un groupe de quinze élèves environ. Pour la première fois, je
rencontre des élèves plutôt dissipés. Mais tout de suite l’un d’entre eux très poliment
demande d’expliquer ce qu’est la philosophie.
Je peux donc me présenter et définir le plus clairement possible la nature critique de
la discussion philosophique. Avec ma collègue, j’insiste sur le fait que réfléchir sur une
question, c’est l’analyser dans le but d’échanger des idées. Certains font le
rapprochement avec l’argumentation en français.
Nous débutons alors notre travail avec une première question.
Qu’est-ce que les mathématiques ? Pouvez-vous en donner une définition ?
Quelques élèves demandent à prendre la parole. Certains ont consacré du temps à la
fiche de préparation et lisent leur réponses.
Je note au tableau les réponses intéressantes. Un certain nombre de critères sont
retenus. Nous demandons aux élèves de rechercher des exemples. Ils s’appuient sur
l’arithmétique et l’algèbre. Nous insistons sur le vocabulaire utilisé. Très vite , le
seconde question s’impose.
Les mathématiques sont-elles vraiment utiles ? Pourquoi faire des mathématiques à
l’école ?
Des exemples pris dans la vie courante aident certains élèves à saisir qu’il n’y a pas de
gratuité absolue. Ma collègue les canalisent dans leur réflexion. Nous travaillons alors
avec rigueur et insistance la notion d’abstraction. Nous montrons que le statut des
mathématiques est un peu ambigu. En effet, l’abstraction décourage autant qu’elle
peut être efficace pour comprendre le monde qui nous entoure. On parvient à mettre
en relief l’utilité du calcul mathématique. Si l’on fait des mathématiques , c’est parce
qu’elles développent notre intelligence. On apprend grâce à elles, la rigueur et la
discipline. Certains élèves admettent que c’est utile mais très difficile. Le niveau du
groupe nous oblige à être très précises dans notre démarche. Nous choisissons des
exemples scientifiques afin de valider l’efficacité du langage mathématique. Nous
montrons que faire des mathématiques ne se réduit pas à un pur jeu formel. Les
mathématiques ont permis de faire progresser nos connaissances en astronomie et en
51
médecine. De par l’exigence de méthode qu’elles imposent les mathématiques prouvent
déjà qu’elles occupent une place importante dans l’ordre du savoir.
Les élèves de ce groupe ont besoin de travailler avec des éléments concrets. Nous
prenons ainsi l’exemple du diagnostic médical. L’analyse de sang s’exprime dans un
langage mathématique. On établit, en effet, des dosages, afin de cerner la nature des
problèmes de santé du patient. C’est en interprétant les résultats en fonction de
l’individu que le médecin adaptera un traitement. Les mathématiques grâce à
l’abstraction permettent des calculs et des mesures précises. On connaît même des
phénomènes qui sans elles seraient restés invisibles et insoupçonnables. Les signes
mathématiques sont univoques au contraires des mots que nous utilisons
quotidiennement. Ainsi, elles font accéder à une compréhension universelle.
Tous ces éléments sont travaillés avec le groupe qui est ainsi ramené à une réflexion
plus conceptuelle et donc plus rigoureuse.
Lors de cette séance, certains élèves ont éprouvé des difficultés à soutenir leur
attention. Ils cherchaient souvent l’anecdotique. Avec ma collègue, il fallait veiller à
cadrer et répéter les éléments acquis afin de faire avancer l’analyse.
Au final, le groupe est plutôt satisfait. L’ambiance a plutôt été chaleureuse même si
certains se sont montrés un peu dissipés. A noter que trois ou quatre sont demeurés
totalement muets.
L’objectif pédagogique que nous nous étions fixé est atteint. Cependant, la séance a
été plus épuisante qu’avec d’autres élèves.
Notre conclusion s’élabore à partir de la dernière question de leur fiche.
Quel reproche peut-on faire aux mathématiques ?
Nous développons un certain nombre de termes clés. Ainsi, le mot langage est repris
et approfondi, tout comme celui de signe et symbole. C’est la notion d’abstraction qui
permet de montrer qu’il ne faut pas confondre l’expression mathématique du monde
avec la réalité.
Les mathématiques traduisent le monde avec exactitude, elles ne le remplacent pas. Il
existe d’autres façons de parler du monde et de l’homme. On peut songer à la musique
et à la peinture par exemple.
52
Compte-rendu des séances par les collègues de mathématiques
Marianne Guillermin et Angélique Lamy
Bilan de séance par Marianne Guillermin
Les séances se sont déroulées en demi-groupes les jeudis 23 et 30 mars.
La classe concernée est relativement bavarde et a eu du mal à se concentrer comme à
son habitude.
Certains élèves ont « refusé » de participer. Cette réaction n’ayant aucun lien avec
leur rapport aux mathématiques.
D’autres ont participé volontiers mais il a fallu que Mme Grimaud les sollicite
beaucoup.
Le sujet « A quoi servent les mathématiques ? » les a laissés perplexes. Ils l’ont
trouvé dur et très abstrait.
Cependant cette expérience a été très positive ; en effet, elle a très souvent changé
leur vision des mathématiques et la classe aurait souhaité faire d’autres séances sur
d’autres thèmes.
Marianne Guillermin professeur de mathématiques en 3ème.
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Bilan de séance par Angélique Lamy
La séance avec les élèves de 3°2 s’est déroulée le vendredi 7 avril en deux groupes de
15 élèves.
Habituellement, cette 3°2 est une classe assez passive qui subit les cours. Néanmoins,
dans ce cadre là, et en demi groupe, les élèves ont participé et ont permis de créer
des conditions propices à un échange avec les enseignantes et avec leurs camarades.
A l’aide d’exemples concrets donnés par les élèves, par ma collègue de philosophie et
moi-même, nous avons pu donner une vision plus concrète des mathématiques et
montrer leur rôle dans la vie quotidienne.
Dans les deux groupes, les élèves en difficulté scolaire ou timides n’ont pas osé
participer au vu du regard des autres ou en raison de leur incompréhension. Toutefois,
ils se sont intéressés aux échanges et ont été attentifs. Très peu d’élèves n’ont
montré aucun intérêt mais ce sont des élèves qui ne trouvent pas de motivation, pas
de sens à l’école en général.
Dans le 2ième groupe, la discussion a dévié vers la suprématie des sciences, sur les bacs
scientifiques dans l’orientation ; cela reflète les interrogations des élèves de 3ième qui
ont réfléchi à leur projet d’orientation.
Cette expérience a été positive, elle a très souvent changé la vision qu’avaient les
élèves de la matière et leur a fait prendre conscience de l’intérêt, de la place des
mathématiques dans la vie quotidienne, dans la société.
La séance a paru trop courte aux élèves mais intéressante, enrichissante.
Pour ma part, elle m’a permis d’avoir un échange différent avec les élèves par rapport
à un cours classique d’apprentissage et d’insister davantage sur l’intérêt de la matière
en s’appuyant sur de nombreux exemples.
Angélique Lamy, professeur de mathématiques en 3ième
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LE POINT DE VUE
DES
ELEVES
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LA PHILO , C’EST TROP !!
Les 3ième ont écrit
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Les 6ième ont écrit
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Les 3ième ont écrit
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Bilan des 3°2 sous forme de questions.
Quelques impressions recueillies par leur professeur de français
Que pensez-vous du travail en demi-classe ?
Les élèves apprécient une ambiance plus agréable et de « bonnes conditions pour
débattre » (Idriss). Il y a moins de bruit et « on s'écoute » .
La parole peut être distribuée plus facilement à chacun, selon Hanan, et « le débat
est plus vivant »
Les thèmes abordés sont-ils intéressants ?
Une élève déclare : "C'est bien d'attacher de l'importance aux femmes car celles-ci
ont longtemps été négligées".
Les élèves, en général, ont aimé confronter leurs points de vue: « connaître et
comparer les différents points de vue ».
Le travail a permis de « mieux argumenter les réflexions »
L'éclairage nouveau apporté par le débat a été perçu ; « On a étudié ce sujet mais
de manière différente ».
Quels sont les liens avec les cours de français ?
Dans l'ensemble, chacun a compris l'intérêt de l'atelier et nous avons explicité cela
en introduction.
Un élève déclare même : « on approfondit, on assimile mieux le thème étudié ».
Que pensez-vous de la co-animation ?
L'échange des points de vue entre eux et nous a été très apprécié : « chacune des
profs nous a fait part d'opinions personnelles, c'est bien » dit Hanan. Voilà en
effet, un exercice qui permet à tous, à moi y compris, de parler franchement et de
se livrer un peu.
Souvent l'idée de complémentarité ressort : la co-animation sert « à nous diriger
dansnotre discussion », dit l'un. « On
nous explique deux fois plus », dit l'autre.
Enfin, nombreux sont ceux qui note que "cela sort de l'ordinaire". Et je partage
entièrement cette idée !
Avez-vous apprécié ce travail ?
Si quelques-uns restent indifférents ou mal à l'aise en toute occasion, le bilan
semble cette année encore très positif.
Les élèves ont été ravis de la liberté de ton, des échanges parfois vifs, de la
confrontation des idées (« différencier les idées reçues de ce que pensent les gens
en réalité », pense un élève).
Ils ont apprécié la nouveauté et quelques-uns sont satisfaits d'avoir "un avant-goût
des cours de philosophie au lycée.
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BILAN APRES
UNE ANNEE D’EXISTENCE
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Analyse des objectifs par le professeur de philosophie
Bilan des ateliers de philosophie : année-scolaire 2004/2005 et 2005/2006.
Ateliers réalisés en classe de troisième et de sixième.
Les ateliers philosophiques en classe de troisième montrent qu’on peut parfaitement
faire pratiquer la philosophie avant la classe de « terminale ».
Les thèmes choisis en collaboration avec mes collègues du collège permettent aux
élèves d’exploiter des connaissances acquises en cours. Un questionnaire élaboré le
plus souvent en commun ou soumis à l’approbation des collègues sert de fil directeur à
l’analyse de la question. La grande majorité des élèves prend soin de préparer à la
maison ce questionnaire. Un certain nombre travaille à cette occasion avec le
dictionnaire notamment en sixième. Les autres s’efforcent de donner des réponses
précises aux questions qui leur sont soumises. En règle générale, les séances
permettent à la plupart des élèves de tester leurs connaissances et donc de
participer activement à l’oral. Les échanges sont jusqu’à présent animés mais très
courtois. La réflexion est toujours conduite avec rigueur afin de pouvoir argumenter
et analyser les idées ou réponses proposées. Nous nous efforçons d’introduire des
distinctions conceptuelles dont le niveau d’abstraction varie. Ainsi, en histoire quand
nous traitons la question des guerres justes, nous travaillons l’opposition guerre/paix
et la différence entre le légal et le légitime. Les exemples donnés la plupart du temps
par les élèves et relayés par le collègue d’histoire permettent un développement
intéressant des notions. On peut prendre un second exemple. En français, en classe de
troisième nous construisons avec les élèves la notion d’humanité. Cela nous autorise à
introduire la distinction humain/animal. Nous approfondissons alors ensemble des
critères spécifiques à l’humanité comme la conscience et l’utilisation d’un langage
articulé. Il faut souligner que se sont les élèves qui lors de la première séance avec ma
collègue de lettres ont trouvé les qualités propres à l’être humain. Systématiquement,
dans tous les groupes, nous effectuons un travail sur les arguments proposés.
L’objectif étant , en effet, de développer l’esprit critique des élèves. Si nous laissons
chacun s’exprimer, nous intervenons toujours pour éviter l’écueil du bavardage futile.
Dans ces ateliers de philosophie, les élèves se sentent vraiment exister . D’ailleurs,
lors de petits sondages anonymes, ils ont insisté sur le plaisir intellectuel ressenti. Ils
apprécient d’être parti-prenante de la réflexion. Ils travaillent avec les enseignants.
Ils sont devenus l’espace d’une heure acteurs à part entière. C’est pourquoi des élèves
en difficultés scolaire parviennent à s’impliquer contrairement à leur habitude. Se
sont évidemment mes collègues qui me l’ont signalé à plusieurs reprises après les
séances. Nous avons fait le pari de voir des élèves penser par eux-mêmes en leur
donnant envie de s’intéresser. De ce point de vue, le contrat semble respecté. La
rigueur du dispositif pédagogique que je me suis imposée au départ, en qualité
62
d’enseignante en philosophie, porte ses fruits. Il faut néanmoins rester prudent et
modeste. La démarche est encore expérimentale. Le recul est de plus insuffisant.
Toutefois, ce travail me permet de repenser l’acte même d’enseigner. Le profil de nos
élèves change et il n’est pas toujours aisé de s’adapter. En tout cas, mettre en valeur
l’interdisciplinarité est très instructif. Indéniablement la démarche en équipe modifie
l’approche de notre travail avec les élèves. Pour ma part, je trouve cela motivant et
porteur de signification. En effet, l’introduction de ces différents ateliers ont
provoqué chez la plupart des élèves, un regain d’intérêt pour leur discipline. Nous
avons pu, par exemple, le vérifier lors de la séance avec ma collègue, professeur de
mathématiques en classe de troisième. Evoquer la question de l’utilité des
mathématiques nous a conduit à démontrer à l’aide de leur programme l’intérêt du
raisonnement mathématique. Nous avons approfondi ensemble l’accord surprenant
entre discipline et plaisir.
J’espère avoir encore l’opportunité de poursuivre cette action à l’avenir. Le travail est
difficile et il demande énormément de temps. Cependant, travailler en collaboration
entre collègues apporte autant sur le plan humain que sur le plan pédagogique.
Jacqueline GRIMAUD, professeur de philosophie.
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Petit bilan de la documentaliste après une année d’existence
Ma participation :
C’est plutôt en tant qu’ "observatrice ", et accessoirement " photographe " que je participe
aux séances, dans la mesure de mes disponibilités. Mon intervention orale consiste à essayer
d'établir un lien avec des notions documentaires, à faire référence à des livres disponibles au
CDI, ou à participer au débat.
En amont, c’est au niveau de la discussion préalable à la mise en place d’une séance que
j’apporte ma petite collaboration aux collègues (suggestions, références documentaires). Par
la suite, je sers de " relais " entre les différents intervenants.
Depuis un an que le dispositif fonctionne, j’ai pu constater que :
-La plupart des professeurs sollicités participe de "bon cœur" à cette innovation pédagogique
même si certains ont quelques appréhensions qu'il faut dissiper (crainte que les élèves
n'accrochent pas ; inquiétudes quant à l'attitude des élèves pénibles ; mauvais souvenir laissé
par les cours de philosophie en terminale… ).
Une collègue d'EPS, discipline à laquelle nous n'avions pas spontanément pensé, s'est elle
même proposée pour participer à l'action.
On peut dire qu’une véritable synergie entre les différents collègues impliqués s’est créée.
Par ailleurs, il me semble qu'à l'issue de ces séances, le regard des professeurs sur leurs
élèves a changé.
-Les élèves manifestent beaucoup d’intérêt lors des séances ; ceux qui d’ordinaire sont
repérés comme " perturbateurs " adoptent un tout autre comportement sentant bien qu’ils
seraient "décalés " par rapport aux autres. Soit ils décident de participer et leurs
interventions sont pertinentes, soit ils observent. En tout cas, c'est une occasion pour eux de
se valoriser.
On peut, par ailleurs, espérer qu'ils garderont une trace de ce travail dans leur mémoire car
c'est une chance pour eux, voire un privilège de participer à une véritable "leçon de
philosophie".
-C’est en grande partie grâce à la motivation, à l’enthousiasme, à l'investissement personnel
de ma collègue de philosophie que cette action prend petit à petit une autre dimension.
Il convient de préciser que nous sommes soutenus par nos chefs d’établissement , Mme
Charnay-Dufour Principale adjointe du collège ainsi que M. Nomade, Proviseur de la cité
scolaire qui nous donnent les moyens de réaliser nos objectifs ( heures supplémentaires,
aménagement des emplois du temps) et bien sûr, M. Pellet, notre intendant qui partage nos
convictions.
En tant que documentaliste, je me réjouis que d’autres éditeurs, notamment Bayard et
Gallimard, suivant l’exemple de Milan, proposent des collections invitant les enfants et jeunes
adolescents à se poser des questions philosophiques sans attendre la classe de terminale
(collections « Chouette penser ! » chez Gallimard et « Petites conférences » chez Bayard).
Certes, il faut rester prudent sur la qualité des ouvrages à venir compte tenu des enjeux
financiers inhérents à tout commerce, cependant le questionnement philosophique auquel
invite ces différentes collections répond sans doute à un besoin de tout individu quel que soit
l’âge. Ainsi, ne peut-on pas envisager que la philosophie s’installe au collège ?
La documentaliste collège : Marie-Françoise Châtre ; le dd/05/yy
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