C’est quelque chose qui est lointain et qui vient d’ailleurs mais qui m’a
créé. Ensuite l’islam m’a formé par le biais, au départ, d’une esthétique.
Quand on est français au XXème siècle, on parle d’islam. J’ai été
profondément marqué par la musique et la poésie issues des cultures
islamiques et au-delà de ça, l’islam m’a ouvert à quelque chose que je
n’avais jamais saisi dans ma culture traditionnelle chrétienne. Cela m’a
ouvert à Dieu et à la présence de Dieu. Cela peut paraître étrange, mais
parfois, quand on est dans sa culture de naissance, il y a des choses qu’on
ne voit pas, que l’on ne voit plus, voire, quand on a grandi dans les
années 60/70 que l’on rejette. Et puis, par le bonheur de la rencontre de
l’autre et des autres on se met brusquement à voir quelque chose que l’on
n’aurait jamais vu chez soi, et l’islam m’a permis de saisir quelque chose
de Dieu, mais pas par la grandeur de Dieu. Ensuite le christianisme m’a
formé également, d’abord sans que je le sache en grandissant simplement
dans cette culture. Puis à l’âge adulte en l’acceptant, en me rendant
compte que ce qui me touchait dans les religions des autres, ce
bouddhisme, cet islam que j’avais approchés étaient là présents ici autour
de moi avec des gens que je pouvais comprendre et qui pouvaient m’être
proches sous une forme qui me convenait pleinement. Le détour par
l’autre m’a permis de revenir à ce qui était traditionnellement ma culture
et je pense que cela a été fondamental dans mon trajet. Passer par ces
autres biais m’a permis de me soulager d’un sentiment de vieillerie, de
lourdeur, de poussière et de raideur que pouvait avoir le christianisme que
j’ai pu connaître dans mon enfance. J’ai pu ainsi, à l’âge adulte accéder à
quelque chose d’ouvert et de joyeux. Mais si les religions contribuent à la
construction de l’identité, pourquoi ? Est-ce qu’il y en a besoin ? Je pense
foncièrement qu’il y a des choses dans la vie que nous vivons qui ne
peuvent ni être pensées, ni être vécues, ni être conçues en dehors du
religieux. Le religieux est une part de la vie humaine qui ne peut pas être
pris en charge par autre chose. C'est-à-dire que tout ce qui est de l’ordre
de l’esprit, de la présence et du lien humain que l’on a avec les autres tout
ceci nécessite le religieux, ou, réciproquement, si le religieux n’est pas là
ou nié, il y a toute une part de l’homme (l’esprit, les rapports entre les
hommes) qui ne peut pas vraiment être pensée, conçue et vécue. C’est
pour cette raison que j’émets quelques doutes quant à la possibilité d’une
spiritualité laïque puisqu’on en parle, sachant que l’absence de cette
dimension religieuse et spirituelle fait qu’il y a un pan de la vie qui ne peut
être vécu ce qui n’empêche pas que ce courage de la certitude est la
chose la plus importante du monde dans notre vie sociale. Je ne fais pas
le lien entre spiritualité et vérité mais tout ce qui est de l’ordre de la