Lettre bimensuelle n°49 (16 -31 décembre 2010) Le but de SIDABLOG est d’exposer, par le biais de lettres d’informations bimensuelles accessibles à tous, le contenu d’articles scientifiques récemment publiés dans les plus importantes revues internationales. Un essai de vaccin thérapeutique Contrairement à un vaccin préventif, un vaccin thérapeutique est destiné aux personnes infectées pour renforcer leurs défenses immunitaires naturelles contre le VIH et empêcher ainsi son évolution vers le SIDA. L’une des stratégies développées par les chercheurs consiste à traiter les patients en stimulant leurs propres cellules immunitaires qu’on a d’abord prélevées en laboratoire. Les résultats d’essais thérapeutiques au cours desquels des cellules dendritiques de ces patients ont été stimulées contre le VIH révèlent des effets réels bien qu’insuffisants. Le dernier essai, réalisé en Espagne, montre une bonne tolérance mais une faible et transitoire activité antivirale. Les cellules dendritiques jouent en effet un rôle essentiel de médiation dans la réponse immunitaire contre le VIH. Elles informent les lymphocytes T CD8+ de l'infection, permettant ainsi la mise en place d’une destruction spécifique des cellules infectées par le virus. Pour renforcer la réponse immunitaire anti-VIH des personnes infectées, des chercheurs ont eu l’idée d’activer leurs cellules dendritiques. Ces cellules tout d’abord isolées sont stimulées avec leur propre virus affaibli en laboratoire. Ces cellules traitées sont ensuite réinjectées chez le patient concerné et ses effets sont mesurés au cours du temps. Un essai en double aveugle a ainsi été réalisé en Espagne sur 24 personnes infectées n’ayant pas pris de traitements antirétroviraux depuis au moins deux ans. Elles ont reçu à 15 jours d’intervalle 3 doses de vaccin contenant soit 8 millions de cellules dendritiques stimulées avec du virus inactivé par la chaleur1 (groupe traité), soit les seules cellules dendritiques (groupe témoin). On a suivi chacun d’eux pendant 48 semaines après la première injection, tant sur le plan immunologique que virologique. 1 Les virus sont incubés deux fois 30 minutes à 56°C. Ce vaccin apparaît bien toléré mais n’active que faiblement la réponse immunitaire anti-VIH. On observe alors une faible mais significative réduction de la charge virale. Une précédente étude2 réalisée en France par l’équipe du Pr Andrieu avait montré une réduction de plus de 80 % de la charge virale qui pouvait être observée plus d’un an après le début de la vaccination. Les chercheurs français avaient cependant utilisé dans ce cas une méthode chimique3 d’inactivation du virus qui pourrait être plus adaptée au développement de ce type de vaccin. A Therapeutic Dendritic Cell-Based Vaccine for HIV-1 Infection. García F, Climent N, Assoumou L, Gil C, González N, Alcamí J, León A, Romeu J, Dalmau J, Martínez-Picado J, Lifson J, Autran B, Costagliola D, Clotet B, Gatell JM, Plana M, Gallart T; for the DCV2/MANON07- AIDS Vaccine Research Objective Study Group. J Infect Dis. 2011 Feb;203(4):473-478. Cellules mammaires et virus du lait maternel Bon nombre de virus peuvent se transmettre de la mère à l’enfant. Cela peut avoir lieu durant l’accouchement pendant lequel les échanges sanguins sont nombreux, mais également par l’allaitement. En effet, malgré son extrême richesse en anticorps, de nombreux virus sont transmis via le lait maternel. On sait aujourd’hui que les cellules de la glande mammaire infectées, dont le rôle dans la transmission du VIH restait peu connu, pourraient être la source des virus libres présents dans le lait. Les facteurs de restriction de la famille APOBEC3 jouent un rôle dans l’immunité antivirale et sont efficaces contre le MMTV (Mouse Mammary Tumour Virus) et le VIH. Par exemple, APOBEC3G entre dans les virus au moment de leur formation et les virus libérés qui la contiennent présentent une forme aberrante. Elle va modifier la composition génétique du virus lorsqu’il infectera une nouvelle cellule. Le virus devient alors totalement inactif, incapable de se multiplier. L’arme développée par le VIH pour lutter contre ces mécanismes de défense est une petite protéine appelée VIF (viral infectivity factor). VIF entraîne la dégradation d’APOBEC3G empêchant ainsi son activité antivirale. Des chercheurs américains ont montré que les facteurs APOBEC3 se retrouvent au sein des cellules épithéliales mammaires (CEMs) chez les souris et les hommes et qu’ils réduisent l’efficacité des rétrovirus MMTV et VIH en s’incorporant dans les particules infectieuses. Le MMTV est très étudié sur les souris. Il infecte les cellules dendritiques de l’estomac où il est transféré dans les lymphocytes qui migrent jusqu’au niveau des glandes mammaires. Il infecte alors les CEMs pendant la puberté et la grossesse. Le lait nourrissant les souriceaux contient des virus infectieux que le système immunitaire ne peut totalement neutraliser4. Ces chercheurs ont montré in vivo sur des souris infectées par le MMTV que APOBEC3G limite l’infection des tissus lymphoïdes par le MMTV et qu’on retrouve de très faibles niveaux de virus dans les tissus mammaires et dans le lait maternel. Chez l’homme, ils ont retrouvé plusieurs membres de la famille APOBEC3 dans les cellules mammaires. Des expériences de laboratoire ont permis d’observer qu’ils peuvent contrôler la production de VIH dans ces cellules. Toutefois, on n’est pas sûr que ces cellules puissent être in vivo infectées par le virus. Ainsi l’expression des facteurs APOBEC3 dans les CEMs inhibe la transmission du virus MMTV via le lait maternel des souris et la production du VIH dans les CEMs en culture. Ces résultats suggèrent donc qu’on pourrait se servir de ces facteurs pour contrôler la propagation du virus de la mère à l’enfant au moment de l’allaitement. 2 Therapeutic dendritic-cell vaccine for chronic HIV-1 infection. Lu W, Arraes LC, Ferreira WT, Andrieu JM. Nat Med. 2004 Dec;10(12):1359-65. 3 Les virus sont inactivés avec de l’aldrithiol-2. 4 Les cellules lymphoïdes maternelles fournissent une immunité passive ; en effet une forte réponse humorale neutralisante anti-MMTV entraîne un recouvrement des virions par des anticorps rendant les virus non infectieux, et sont ainsi transmis au nouveau-né. APOBEC3 proteins expressed in mammary epithelial cells are packaged into retroviruses and can restrict transmission of milk-borne virions. Okeoma CM, Huegel AL, Lingappa J, Feldman MD, Ross SR. Cell Host Microbe. 2010 Dec 16;8(6):534-43.