Le Verbe s`est fait chair, i

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2e dimanche après Noël.
Sir 24, 1-12 ; Eph 1, 3-18 ; Jn 1, 1-18.
Le Verbe a habité parmi nous.
« Le Verbe s'est fait chair, il a habité parmi nous ». Il est le Dieu-avec-nous,
Emmanuel, tous les jours de cette nouvelle année ; il est éternel et cependant il demeure
toujours en nous dans le temps qui passe. Dieu est venu habiter parmi nous pour que nous
habitions dans son éternité.
« Le Verbe s'est fait chair... et nous avons vu sa gloire ». Cette Épiphanie, cette
manifestation de la gloire de Dieu a été longuement préparée : de toute éternité, « au
commencement était le Verbe », préexistant dans le sein du Père, dit l'Évangile de Jean.
« Avant toujours », disait la première lecture, la Sagesse subsistait, telle une Personne, en sa
présence et dans son intimité.
Le Verbe est venu dans sa création. La Sagesse a reçu une mission : « Viens t'établir
parmi les fils de Jacob », viens y demeurer, très exactement y fixer sa tente : l'image évoque
l'exode. Depuis qu'Adam avait été chassé du paradis, l'homme était un errant, un déraciné,
n'ayant pour abri qu'un toit d'emprunt, une tente qu'on roule. Dieu est venu rejoindre son
peuple en marche dans le désert : la nuée lumineuse couvrait la tente où demeurait l'arche
d'alliance.
Établi en Terre sainte, le peuple se bâtit un temple : la Sagesse s'enracine dans la cité
bien-aimée, dans Jérusalem, son patrimoine. Mais à ceux qui ont une confiance exagérée
dans le temple, les prophètes annoncent que Dieu n'habite pas une maison faite de main
d'homme, et ils prédisent la ruine du temple.
Dans son exil, le peuple sera-t-il privé de la présence de Dieu ? Non, car Dieu ne
renonce pas à habiter dans un peuple sanctifié par son Esprit : sa présence, sa Shekinah, est
toute spirituelle. Le temple nouveau sera une maison de prière pour tous les peuples.
Longuement préparé, attendu, le Messie peut venir : lorsque les temps sont
accomplis, le Fils unique de Dieu prend chair de la Vierge Marie, couverte par la nuée de
l'Esprit-Saint. Jésus est le vrai temple, la demeure de Dieu parmi les hommes.
Dieu n'a donc envoyé son Fils qu'au temps opportun : après avoir parlé tant de fois et
de tant de manières, en ces jours qui sont les derniers, Dieu nous a parlé par son Fils (Hb 1).
La pédagogie de Dieu révèle sa philanthropie : comme une mère parle à l'enfant qu'elle
porte en elle avant que paraisse son visage, Dieu s'est habitué progressivement à habiter
avec l'homme. Par condescendance, Dieu s'est accoutumé à l'homme, ose dire saint Irénée :
« Le Verbe de Dieu, alors qu'il était parfait, s'est fait petit enfant avec l'homme, non pour luimême, mais à cause de l'état d'enfance où était l'homme, afin d'être saisi selon que l'homme
était capable de le saisir ».
La relation est réciproque : si Dieu vient habiter parmi nous, c'est pour que nous
habitions avec lui.
Saint Paul, dans la deuxième lecture, nous livre le secret de notre destinée : de toute
éternité, Dieu nous a choisis en son Fils pour être saints et devenir pour lui des fils par Jésus
Christ. Pour réaliser ce programme sublime, il faut que nous revêtions le Christ, dit ailleurs
saint Paul, c'est à dire que le Christ soit notre habit, que nous prenions l'habitude de vivre
avec lui, que nous nous conformions par mode d'avoir, d'habitus, par grâce, à ce qui Lui est
par nature, par essence. « Voilà ce que le Père a voulu dans sa bienveillance ».
Hélas, les hommes peuvent refuser cette lumière du Verbe de vie que Dieu leur offre :
mais alors, ils ne sont plus que ténèbres. « Dieu absent, c'est l'homme évanescent », dit
Daniel-Ange, qui poursuit avec ses formules bien frappées : « Dieu refoulé, génération
névrosée ; Dieu refusé, Dieu transféré, vie éternelle projetée en mille bagatelles,
l'immortalité travestie en immoralité, l'héroïsme dans l'hédonisme. Dieu au cimetière, c'est
l'homme en enfer ». L'enfer, disait Claudel, est partout où n'est pas Jésus.
« Mais ceux qui ont reçu la parole de Dieu, ceux qui croient au nom du Fils, il est
donné de pouvoir devenir enfants de Dieu... ils sont nés de Dieu », ils sont connaturalisés
divins. Dans le milieu divin, ils vivent avec un sens affiné qui leur rend comme évident le
monde surnaturel. « Il fait Dieu » écrivait un converti, comme on dit : « Il fait soleil ». La
fréquentation de Dieu crée une habitude qui est comme une seconde nature. « À force de le
manger, un jour Dieu sera mon instinct », a dit Marie Noël. Et lors de la rencontre éternelle,
nous pourrons interpeller le Seigneur : « Nous nous sommes fréquentés, dans le temps ».
Écoutons encore saint Irénée : « Par sa venue comme homme, le Pain parfait du Père se
donne à nous sous forme de lait afin que, nourris pour ainsi dire à la mamelle de sa chair et
accoutumés par une telle lactation à manger et boire le Verbe de Dieu, nous puissions garder
en nous-mêmes le Pain de l'immortalité qui est l'Esprit du Père ».
« Dieu, personne ne l'a vu, mais le Fils unique, qui est dans le sein du Père nous le
fait connaître », en nous tournant vers Lui. Puisse ce mouvement de conversion s'accomplir
durant toute cette année, afin qu'avec le temps se réalise le vœu de saint Paul : « Que le Dieu
de Notre Seigneur Jésus Christ, le Père dans sa gloire ouvre votre cœur à sa lumière pour
vous faire comprendre l'espérance que donne son appel, et la gloire sans prix de son
héritage ». Amen.
Fr. Jean-Gabriel, Kergonan
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