La radiothérapie du cancer de la prostate pour les urologues

Dossier
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Bulletin Infirmier du Cancer Vol.6-n°2-avril-mai-juin 2006
Technique et matériel
Au stade localisé, la prise en charge thérapeutique
des cancers urologiques fait appel à la chirurgie en pre-
mière intention. Depuis quelques années, la radiothé-
rapie s’inscrit aussi en première ligne dans l’arsenal des
modalités de traitement, notamment dans le cas du can-
cer de la prostate.
Ce positionnement tient compte à la fois des progrès
technologiques réalisés par la discipline sur la précision
de la balistique des faisceaux de traitement (radiothé-
rapie conformationnelle 3D et modulation d’intensité)
et de l’amélioration des résultats carcinologiques obte-
nue par l’escalade de la dose et les associations hormo-
nothérapie et radiothérapie.
C’est l’apport de l’imagerie moderne (scanner et IRM)
qui a permis au radiothérapeute d’entrer dans l’ère des
traitements tridimensionnels puis conformationnels. En
effet, l’établissement de la prise en charge du patient
sous la machine de traitement respecte une cascade
d’événements qui s’enchaînent depuis la consultation
avec l’oncologue radiothérapeute jusqu’à la dernière
séance de traitement sous l’accélérateur linéaire, comme
le fait apparaître la figure 1. Les quatre étapes succes-
sives sont systématiquement réalisées dans un ordre pré-
cis pour chaque patient traité. Elles peuvent dépendre
des conditions techniques locales.
Étape 1 : Réalisation d’une
contention adaptée au patient
La reproductibilité du positionnement du patient sous
l’accélérateur est une condition importante du gain
d’épargne dosimétrique obtenu sur les organes à risque,
vessie et rectum. La possibilité d’immobiliser le patient
La radiothérapie
du cancer de la prostate
pour les urologues :
radiothérapie
conformationnelle 3D
et modulation d’intensité
Dr Igor Latorzeff
Centre des Hautes Energies, Clinique du Parc, Toulouse
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dans un moule en mousse thermoexpansée ou dans des
cales pieds-genoux-tête assure une précision du repo-
sitionnement de l’ordre de 5 mm (figures 2 et 3). Cette
étape est réalisée au simulateur.
En cas de traitement conventionnel, la simulation des
faisceaux de traitement est réalisée durant cette étape.
Des clichés orthogonaux radiologiques sont alors effec-
tués et les volumes cibles sont déterminés par rapport
aux pièces osseuses de référence (bassin, vertèbres lom-
baires). Une opacification urétrale est proposée par cer-
taines équipes, afin de retrouver l’apex prostatique
(repéré par rapport au sphincter urétral membraneux)
sur les examens radiologiques (figure 4).
Étape 2 : repérage scanner,
planification, simulation
virtuelle
Après la réalisation d’une contention adaptée, le
patient va bénéficier d’un repérage scanner en position
de traitement. L’utilisation d’un produit de contraste iodé
varie selon les équipes et la localisation anatomique ana-
lysée. Les images scanner sont jointives et en coupes
fines afin de permettre une reconstruction en 3 dimen-
sions la plus précise possible des volumes intéressants.
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Figure 1. Prise en charge du patient atteint d’un cancer de
la prostate et traité par radiothérapie
Figure 2.
Systèmes de
contention
pour le pelvis
en mousse
polyuréthane
Figure 3.
Cale pieds-
genoux
Etape n°1
Etape n°2
Etape n°3
Etape n°4
Consultation initiale avec le radiothérapeute
Choix et personnalisation d’un système
de contention adapté au patient
et à la localisation
Acquisition des images scanner du patient
en position de traitement
Réalisation de la simulation virtuelle
balistique, images de référence
Export des paramètres de traitements
double vérification
Simulateur : Vérification de tous les champs
de traitement avec le patient par rapport
aux images de référence
Réalisation de la dosimétrie prévisionnelle
1re séance de traitement :
vérification des champs d’irradiation à
l’aide de l’imageur portal
Exportation et validation des images de
contrôle via réseau
Export des images scanner
Si images validées
par médecin
Traitement
Images de contrôle hebdomadaires
[
[
[
[
Figure 4.
Cliché
de repérage
conven-
tionnels
pour
irradier
la prostate
Cliché en simulation
latérale
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Les données anatomiques acquises sont
transférées par liens informatiques sur une
console de simulation virtuelle. Elle va per-
mettre au radiothérapeute de délimiter sur
chaque niveau de coupe les organes à
risque (vessie et rectum pour la prostate), le
volume cible macroscopique (GTV ou gross
tumor volume), le volume cible clinique
(CTV = GTV + marge). Le volume cible pla-
nifié (PTV) correspond au volume qui
englobe les différentes positions du CTV
dans le patient (organe en mouvement
propre) et les incertitudes de repositionne-
ment du patient à chaque séance de traite-
ment. Pour la prostate, le GTV ne s’applique
pas au contour sur coupes scanner car le
volume tumoral n’est pas individualisable
de l’organe (figure 5). La planification de la
balistique des faisceaux d’irradiation peut
être ainsi effectuée dans une collaboration
radiothérapeute-physicien.
Selon les données du contourage anato-
mique, à l’aide du logiciel de dosimétrie 3D,
l’équipe de dosimétrie (physicien et dosimétriste) va
représenter la position des faisceaux de traitement et
calculer la distribution de la dose délivrée au patient
(dosimétrie prévisionnelle). La console de planification
de traitement permet de déterminer virtuellement (c’est-
à-dire sans patient, d’où le nom de simulation virtuelle)
une ou plusieurs balistiques de traitement, c’est-à-dire la
position, le nombre, l’orientation, l’énergie, les dimen-
sions et la forme de chaque faisceau d’irradiation per-
mettant d’optimiser le traitement.
La radiothérapie conformationnelle 3D repose sur
une distribution de la dose calquée aux contours des
volumes cibles d’intérêt (figures 6 et 7). Pour la radio-
Figure 5. Résultat du contourage coupes à coupes des volumes d’intérêt
(vessie en jaune, CTV en orange, rectum en vert, fémurs en bleu)
Figure 6. Multi-lames se conformant au contour de la tumeur
Tumeur
Figure 7. Comparaison
d’une dosimétrie
prévisionnelle
conformationnelle 3D et
en modulation d’intensité
pour un cancer de la
prostate, avec
5 faisceaux
de traitement.
Tumeur
RTC RTCMI
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thérapie conformationnelle en
modulation d’intensité, un logi-
ciel d’optimisation de la dose
est nécessaire pour calculer une
distribution inhomogène de la
dose au sein du volume irradié.
Ainsi il est possible d’améliorer
la conformation de la dosimé-
trie (isodose concave autour du
rectum), d’augmenter la dose
délivrée au tissu tumoral et de
mieux protéger les tissus sains
environnants. C’est grâce à
l’apport de l’outil multi-lames,
inséré sur la tête de l’accéléra-
teur à la sortie du faisceau, que
la dose est conformée aux
organes par le jeu des lames
mobiles. L’existence de ces col-
limateurs multi-lames permet
d’éviter l’utilisation très contrai-
gnante et source d’erreurs des caches en plomb.
Le nombre de faisceaux de traitement varie selon
les équipes (de 5 à 9 faisceaux). La dose délivrée est
déterminée selon les groupes pronostiques de
d’Amico entre 70 et 80 Gy. Actuellement en France,
en fraction quotidienne de 1,8 à 2 Gy séance. La
durée totale de traitement (l’étalement) est donc com-
prise entre 7 et 8 semaines pour une séance quoti-
dienne, 5 jours par semaine.
Le rapport final de dosimétrie
établit ensuite les images de
référence qui sont nécessaires
au contrôle du repositionne-
ment du patient à chaque
séance. Elles sont recons-
truites à partir des images
scanner selon un mode radio-
graphique (DRR ou digitally
reconstructed radiograph). La
position des lames délimitant
par faisceau, le volume irra-
dié est représenté sur les BEV
(beam eye view ou vue
depuis la source) (figure 8).
La dosimétrie est contrô-
lée par le radiothérapeute
grâce aux histogrammes
dose/volume (HDV) qui éta-
blissent une représentation
de la dose dans l’organe dessiné par le médecin
selon la distribution de la dose calculée. La décision
de son acceptation et de sa validation est effectuée
si les doses délivrées coïncident avec les contraintes
fixées préalablement par le radiothérapeute, entre
la dose répartie au volume cible (CTV ou PTV) et la
dose reçue par les organes à risque (vessie, rectum,
têtes fémorales) (figure 9).
Figure 8. BEV sur DRR d’un champs latéral droit pour
un cancer de la prostate avec représentation 3D des
organes à risque (vessie, rectum) et des volumes cibles
(CTV = prostate + vésicules séminales, et PTV)
Figure 9. Histogramme
dose volume
d’une dosimétrie
prévisionnelle
conformationnelle en
modulation d’intensité
pour un cancer de la
prostate.bles (CTV =
prostate + vésicules
séminales, et PTV)
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Étape 3 : Simulation « réelle »
de la balistique de traitement
– médecin/manipulateur,
exécution et vérification du
traitement
Cette étape a pour but de vérifier s’il y a concordance
entre la simulation virtuelle proposée et le traitement
réel du patient. Au simulateur, le patient est remis en
position de traitement et centré grâce à des dispositifs
de laser sur son nouvel isocentre (point de concordance
des faisceaux) de traitement. Des images radiogra-
phiques des champs d’irradiation sont réalisées et com-
parées aux images de référence issues de la dosimétrie.
À l’issue de cette étape, la position et la balistique
proposées sont validées pour le patient. Lors de la pre-
mière séance de traitement ainsi qu’une fois par semaine
en moyenne, des clichés de contrôle sont réalisés grâce
au système électronique d’imagerie haute énergie dis-
ponible sur chaque appareil de traitement. Cette ima-
gerie embarquée appelée imagerie portale permet la
vérification de la position du patient sur la table de trai-
tement (figure 10).
Les logiciels associés à ce système d’imagerie per-
mettent de recaler l’image de référence et l’image de
contrôle et calculent, à partir des repères osseux du
patient, les décalages à effectuer pour retrouver la posi-
tion de référence du patient adoptée lors du passage au
scanner. Ces images sont disponibles via le réseau et
peuvent être validées par le médecin si le manipulateur
estime qu’il y a un souci de repositionnement. Lorsque
les images de contrôle initial sont validées, le traitement
débute. L’irradiation est conditionnée à l’accord entre
les paramètres initiaux et ceux réalisés, ce qui évite les
erreurs aléatoires de recopie durant le traitement.
Prise en charge des effets
secondaires du traitement
Durant une irradiation conformationnelle pour un
cancer de la prostate, le patient est exposé à deux types
d’effet indésirable irritatif aigu (rectite et cystite aiguës)
dont l’intensité est corrélée à l’importance du volume
traité, d’où la nécessité de rechercher la balistique la plus
épargnante possible.
La rectite aiguë survient quelle que soit la technique
balistique utilisée vers la 4esemaine de traitement. Elle
reste d’intensité modérée à faible si la radiothérapie est
conformationnelle au-delà d’une dose de 70 Gy délivrée
sur la prostate. Elle reste également faible à modérée si
la modulation d’intensité est utilisée au-delà de 74 Gy.
Elle se manifeste par une accélération du transit, des
diarrhées, des sensations d’hémorroïdes et la présence
de glaires. Des traitements symptomatiques peuvent être
prescrits (antispasmodiques, plâtre digestif, ralentisseur
du transit) ainsi que des mesures d’hygiène diététiques
(régime alimentaire, hydratation).
La cystite radique aiguë se manifeste de façon
conjointe à la rectite et dépend du volume de vessie inté-
gré au volume PTV traité. Elle reste d’intensité modérée
même en cas d’escalade de la dose mais reste dépen-
dante du choix technique utilisé pour la balistique des
faisceaux en cas de dose élevée (> 74 Gy). Elle se mani-
feste par une pollakiurie plus ou moins intense ainsi
qu’une dysurie et des brûlures urinaires au-delà de 70
Gy. Comme pour la rectite, le traitement fait appel à une
bonne hydratation.
Au-delà du traitement, la récupération fonctionnelle
de ces effets est rapide sur une quinzaine de jours en
moyenne. Par la suite des effets secondaires tardifs (après
le sixième mois) peuvent se manifester mais sont dépen-
dants de la dose délivrée et du volume traité.
Quels patients pour une dose
d’irradiation supérieure
à 70 Gy ?
La prise en charge thérapeutique du cancer de la
prostate est réalisée par la chirurgie, la curiethérapie et
la radiothérapie externe. Les résultats publiés [1] en tech-
nique conventionnelle donnent des taux de contrôle
local de 40 à 80 % à 5 ans pour une dose délivrée de
65 à 70 Gy. Grâce aux progrès techniques pour la déli-
mitation de la balistique par l’utilisation du scanner, la
radiothérapie conventionnelle a été remplacée par la
radiothérapie conformationnelle avec ou sans modula-
tion d’intensité.
L’irradiation du cancer de la prostate retrouve une
corrélation entre la dose délivrée et l’effet antitumoral
(définition de l’effet-dose [2]). Si on considère la défini-
tion commune des groupes à risque de progression
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