dossier faire ses graines ses graines Ce n’est pas si compliqué de faire ses graines, sutout si l’on commence par un quatuor estival tomatespoivrons-basilic-tagètes. L e jardinier désireux de faire ses propres semences, issues de son potager, se doit de retenir quelques notions de base qui l'aideront dans son projet. Contrairement à la plupart des plantes d’origine tropicale (maïs, tomate, aubergine, melon…), certaines espèces cultivées (navet, carotte, poireau) sont dites bisannuelles, c'est-à-dire qu’elles ne déploieront leurs parties florales et ne mûriront leurs graines qu’après un hiver passé en terre. Elles vont donc rester en place longtemps dans le jardin : jusqu’à 14 mois pour le poireau ! Pour reproduire ou améliorer une population de plantes, il faut effectuer une sélection minimale, année après année, en conservant les légumes les plus beaux et les plus représentatifs de la variété. La plupart des catalogues grainetiers présentent photos précises de chaque variét é: cela vous aidera à bien choisir la vôtre. Allogames ou autogames Les plantes dites “allogames” pratiquent la fécondation croisée : elles produisent du pollen destiné à d’autres fleurs, 22 les 4 saisons n° 195 | juillet - août 2012 T. ALAMY Réussir C. BOUÉ F. BOUCOURT faire ses graines dossier Suivant la quantité de graines de tomates que vous souhaitez récupérer, utilisez des petits récipients (bols ou petits pots) ou carrément un seau pour laisser fermenter la pulpe des tomates. tandis que leur propre pistil sera fécondé par un pollen étranger. A la floraison, isolez vos plantations des autres variétés de la même espèce, sous peine de voir apparaître des croisements non désirés. Notamment les courges, dont on doit éloigner les différentes variétés parfois jusqu’à 2 km les unes des autres – ce qui correspond au rayon d’action des insectes pollinisateurs. Pour conserver intacte une variété de courgette ou de potimarron, incluez vos voisins dans cet isolement car eux aussi peuvent cultiver des courges dans leurs jardins, ainsi que les composts négligés où les courges spontanées sont souveraines. Les plantes dites “autogames”, s’autofécondent et ne présentent pas de risque d’hybridation car elles n’ouvrent leurs fleurs que lorsqu’elles sont déjà fécondées par leur propre pollen. Dans ce groupe se trouvent le pois, le haricot, la laitue, la tomate. Graines de tomates, c'est facile Cette dernière est l’une des semences les plus faciles à récolter : la maturité des graines corres- pond au moment où l’on cueille les fruits. Après avoir repéré les pieds de tomates de votre choix, récoltez les fruits bien mûrs. A ce stade, plusieurs possibilités. Pour les méticuleux – ou lorsqu’on n’a que deux ou trois tomates à préserver –, il faut dégager une par une les semences entourées de leur mucilage à la pointe du couteau. A noter l’intéressante variante sur le thème, proposée par Michel Coquille, abonné des 4 Saisons (voir encadré). Une autre technique consiste à laisser fermenter la pulpe des tomates préalablement ouvertes et écrasées dans un bol, et à rallonger d’un peu d’eau de pluie. Au bout de deux jours, on obtient une moisissure grise en surface : battez le tout avec un fouet de cuisine, puis laissez la bonne graine, plus lourde, se déposer au fond du récipient. Rincez puis mettez-les ensuite immédiatement à sécher en situation chaude et ventilée, étalées sur un carton propre ou un tissu. Il ne restera ensuite qu’à les gratter pour les décoller du support avant de les stocker dans un endroit sec et frais. juillet - août 2012 | les 4 saisons n° 195 23 dossier faire ses graines Poivrons et piments, goûteux et piquants Comme les tomates, poivrons et piments – appartenant à la même espèce botanique – ne présentent pas de difficultés particulières pour le jardinier semencier, si l’on prend garde d’éloigner leurs différentes variétés de 50 m environ, afin d’éviter les croisements involontaires. Sa semence mûrit en même temps que la récolte, généralement en fin d’été, lorsque le poivron prend sa couleur définitive, passant, selon la variété, du vert au rouge, jaune, orange… A ce stade, choisissez les pieds les mieux formés, les plus sains, les plus productifs, et les plus proches de la variété désirée et récoltez les 24 les 4 saisons n° 195 | juillet - août 2012 C. BOUÉ Voici la méthode, d’une étonnante simplicité, de l’un de nos abonnés, Michel Coquille. Ce membre de la société d’horticulture de l’Yonne cultive jusqu’à 130 variétés de tomates anciennes et procède ainsi depuis au moins vingt ans. Récupérez les graines dans les tomates à l’aide d’un économe, sans les tremper dans l’eau. Posez-les sur une feuille de sopalin, à 3 ou 4 cm les unes des autres en tous sens. Notez bien sur le sopalin la variété ainsi que la date car les graines germeront pendant cinq ou six ans. Laissez-les sécher plusieurs jours à l’air libre. Pour les conserver, évitez les tiroirs en formica, qui dégage du formaldéhyde empêchant la germination. L’année suivante, le semis est tout aussi simple : étendez votre feuille de sopalin sur votre mélange de terreau et de sable largement humidifié, puis recouvrez d’1/2 cm de terreau. Posez une vitre au-dessus, mettez au chaud et découvrez lorsque les graines ont levé. Repiquez comme vous le faites habituellement. C. BOUÉ O. MAHDI Tomates : la méthode Coquille Pour les piments et poivrons, le tri des graines ne pose guère de problème si vous avez pris soin de détacher les graines (ci-dessus) et de compléter cette phase par un tamisage (en haut) pour éliminer les derniers bouts de chair sèche. fruits très mûrs. Il est possible de les laisser finir leur maturation, étalés sur des claies bien ventilées, surtout en fin de saison, lorsque la météo est plus aléatoire. Les gourmets réaliseront une sélection gustative, avec des axes bien différents : si l’on recherche la douceur chez le poivron, c’est le piquant du piment que désireront conserver les amoureux de cuisine exotique – et les masochistes ! Sélectionnez, dans ce cas, les fruits les plus forts, ceux qui, faute d’oignons, vous feront pleurer abondamment durant l’enterrement de la vieille tante moustachue. C.BOUÉ C. BOUÉ faire ses graines dossier La récolte des graines de basilic se fait lorsque les hampes florales se déssèchent en laissant apparaître, le long de la tige, des réceptacles contenant chacun une graine (à gauche). Selon la taille des graines, tamisez avec des mailles plus ou moins grosses. Mais avec une passoire (à droite), ça marche aussi très bien ! Incisez les fruits retenus en préservant le placenta central sur lequel se trouvent les graines. Pour les piments, cette partie est la plus piquante : prenez un masque, des gants et détachez les semences de couleur blanc crème à la pointe du couteau. C’est le moment d’écarter les graines brunes ou noires, mal formées, qui ne germeront pas. Mettez-les, ensuite, à sécher rapidement, avant de les stocker dans un lieu adapté (frais, sec et à l’abri des rongeurs). Elles conservent la plupart du temps leur capacité à germer durant 3 ou 4 ans. Basilic, l’arôme du pistou Le mode de culture du basilic “porte-graine” n’est pas très différent de celui que l’on destine à la consommation. Il convient surtout de réaliser un semis assez précoce pour permettre à la plante de finir la maturation de ses semences avant les jours courts et les frimas de l’automne. En effet, les variétés de basilic peuvent présenter des différences notables de ce point de vue, depuis les classiques (‘Citronnelle’, ‘Cannelle’, ‘Pourpre’,…) au cycle relativement rapide, jusqu’aux basilics plus exigeants en chaleur (‘Thaïlandais’, ‘Fin vert’…). Ces derniers, pour donner des graines viables sous nos climats, auront souvent besoin d’être aidés d’un peu de plastique ou même d’être cultivés en serre. Gardez-vous, pour autant, de trop sélectionner sur la précocité, en préservant les pieds premiers venus car, paradoxe du semencier, c’est la quantité de feuilles que l’on cherche et la lenteur à monter, ce qui est antagoniste avec la production précoce de graines. Mieux vaut préserver soigneusement les caractères propres à la variété cultivée, le port de la plante, la couleur et la taille des feuilles. Mais la première des sélections va concerner le goût, le parfum si diversifié des nombreuses variétés proposées aux jardiniers. Que l’OM perde des matchs, ça arrive, mais que le pistou perde son arôme et c’est toute la cuisine provençale qui, soudain, vacille ! Songez-y en goûtant les feuilles de vos meilleurs pieds. Lorsque les hampes florales se dessèchent et virent au brun et que les feuilles sont tombées, pincez une terminaison entre vos doigts : doivent apparaître quelques petites semences noires et prêtes à tomber à terre. Coupez au sécateur toute la plante (sans terre) ou bien branche par branche si la maturité n’est pas complète. Mettez votre récolte à sécher, étalée ou suspendue en juillet - août 2012 | les 4 saisons n° 195 25 MODESTE HERWIG/BIOS VISIONS BOTANICAL/BIOS dossier faire ses graines grenier. Par un jour ensoleillé, marchez dessus en faisant rouler les hampes sous vos pieds, ou bien tapez-la fortement dans un sac fermé. Passez ensuite les graines dans un tamis adapté pour écarter les déchets. Les jolies semences noires brillantes se conservent souvent trois ans – au sec, bien sûr ! Tagètes, triez à l'automne Dès le début de l’été, le tagète démarre sa floraison : petites fleurs rouge brique surlignées de jaune pour les variétés naines ou gros pompons jaune vif et orange vif pour la rose d’Inde. Veillez à conserver les deux coloris. Ayant longtemps cultivé la rose d’Inde, j’ai constaté, d’une année sur l’autre, la raréfaction des tons orange et je me suis astreint à ressemer, à parts égales, des graines issues des deux couleurs. Récoltez lorsque les sépales sont secs (mi-septembre jusqu’à mi-novembre). La tigelle qui alimente le réceptacle des graines est, elle aussi, sèche et cherche à se recourber. Arrachez toute la tête de la main (en maintenant parfois le pied de l’autre main pour ne pas le déraciner), puis portez votre récolte à l’abri. Etalez-la en couche mince et retournez-la régulièrement. Voici un bon travail pour les veillées hivernales : prenez chaque tête des deux mains, 26 les 4 saisons n° 195 | juillet - août 2012 Il faut veiller à conserver les deux coloris des tagètes, les gros pompons orange vif (à gauche) comme les fleurs rouge brique (ci-dessus). N'en cultiver qu'une seule variété entraînerait la raréfaction de la seconde. ôtez les pétales séchés du sommet (premier nettoyage), puis dégagez les semences noires du milieu en roulant les sépales. Si certaines graines (en général la tête entière) sont grisées ou moisies, écartez-les illico : ne conservez que celles bien noires et longues, seules susceptibles de germer. Les tagètes miniatures sont les plus délicats à trier. Complétez ce travail par un tamisage. Faites traverser les poussières et les petits résidus, mais mettez des gants, ça pique ! Pour la germination, comptez 20 jours maximum. Christian Boué, auteur de Produire ses graines bio aux éditions Terre vivante. EN SAVOIR PLUS ◗ Produire ses graines bio Légumes, fleurs et aromatiques, 272 p., 27,40 €, éd. Terre vivante. L'auteur, Christian Boué, est membre du Biau Germe depuis dix-huit ans et cultive chaque année entre un et deux hectares de semences dans le Lot-et-Garonne.