Au Fil de la Pierre bleue
La pierre bleue, comme le bois, a un fil dans le sens duquel le tailleur de
pierre, comme le menuisier, peut exercer plus librement son talent.
Les argiles, ou plutôt ici dans le Pays de Nozay, des argilites dites sil-
teuses (Silt : limon de grain de grosseur intermédiaire entre l’argile et le
sable) ont donné naissance à une roche métamorphique qui se débite en
feuillets plus ou moins épais .
Parmi les critères de distinction, celui de la coloration est sans doute le
plus frappant. Les nuances les plus fréquentes oscillent dans la palette
des bleus – du bleu-gris pâle au bleu-noir –.
Le schiste ordo-
vicien ( du nom
d’une période de
l’ère primaire) de
Nozay en Loire-
Atlantique à grain
très fin, s’avère
remarquable.
Connu sous le
nom de « pierre
bleue de No-
zay », il a été mis en œuvre pour la construction d’églises (Nozay, Joué-
sur-Erdre, Conquereuil) ou d’ouvrages d’art du chemin de fer, ainsi que
dans l’habitat (linteaux, escaliers à vis, cheminées…), mais aussi en palis
de clôture ou de construction, en bordure de trottoirs et pour la confection
de croix et d’auges. ; cette roche a même pu donner quelques réalisations
d’art funéraire très élaborées. L’intrusion d’un massif granitique ayant dé-
veloppé une auréole de métamorphisme thermique a favorisé ici le déve-
loppement d’un schiste plus massif se délitant en plaques épaisses.
Certains extraits sont tirés de :http://rao.revues.org/1384#tocto2n8
De la roche au Paysage
L’observation du patrimoine bâti en dit généralement long sur la géologie d’une
région et la nature des roches locales.
On utilisait traditionnellement les
roches exploitées localement à l’ex-
ception de quelques édifices presti-
gieux.
On peut ainsi repérer la présence
de schiste dans le sous-sol en se
fiant aux murs et aux toitures des
maisons. Ici comme dans les autres
régions françaises la géologie s’ins-
crit dans le patrimoine bâti.
Mais la diversité des reliefs correspond elle aussi à celle des sous-sols.
Les terrains schisteux sauf exception ne donnent pas des reliefs très marquants,
ils correspondent souvent à des secteurs déprimés de la topographie.
Par contre, les grès, et en particulier, les grès quartzites, dits grès armoricains
sont des roches dures qui ont très bien résisté à l’érosion.
Ils constituent souvent l’arma-
ture des plus hauts reliefs dans
la région de Nozay comme dans
le reste de la Bretagne.
Les roches présentes sont is-
sues d’importantes couches de
sédiments siliceux et de boues
micacées déposées dans le
fond d’une mer qui a envahi les
terres du domaine central pour
une longue période pendant
l’ère primaire Ces sédiments don-
neront plus tard les schistes de Nozay ( ou schistes ardoisiers d’Angers) et les
grès armoricains datés de 460 M années
Rocher des amoureux (schistes durs) dominant Juzet.
Naissance d’une montagne
et genèse de schistes
A l’époque hercynienne, lors de l’ère primaire, se constitue une montagne
puissante à la rencontre de deux plaques tectoniques, Gondwana, le conti-
nent du sud et la Microplaque Armorica du continent nord, par disparition
d’un océan.
Entre 360 et 270 millions d’années, la formation de la montagne hercynienne
provoque un plissement des sédiments paléozoïques (de l’ère primaire).
Les roches sédimentaires déposées auparavant dans une mer peu profonde,
à la marge de la région septentrionale du Gondwana sont alors métamorphi-
sées par les déformations engendrées et les hausses de température et de
pression.
Les argilites issues de boues argileuses deviennent des schistes lorsqu’elles
sont faiblement métamorphisées.
Sur Le schiste, ces
transformations sont
devenues visibles avec
l’acquisition d’une struc-
ture en feuillets caracté-
ristiques des roches
faiblement métamorphi-
sées, qui ont été plis-
sées.
Les couches de sables
ont donné des grès, en
particulier les grès ar-
moricains datés de
l’Ordovicien (- 460 M années ) qui structurent de nombreux reliefs.
Des plis synclinaux (concaves) (exemple du secteur de Nozay) et des plis
anticlinaux (convexes) (exemple de l’anticlinal de Lanvaux ) d’orientation
WNWESE affectent les sédiments métamorphisés et sont à l’origine d’un
relief de type appalachien (Les roches dures résistant à l’érosion constituent
les hauteurs alors que les roches plus tendres telles que les schistes briové-
riens faiblement métamorphisés sont attaquées plus puissamment et forment
les vallées)
La vallée du Don est un exemple de cours d’eau qui s’est frayé un chemin au
travers notamment des schistes tendres de l’anticlinal de Lanvaux.
Nord de la Bretagne
Source des croquis : hp://pagesperso.univ-brest.fr/~suanez/Pg_Cours/Docs_Etudiants/GEO52A_doc4.pdf
Conjointement au plissement des sédiments paléozoïques (ère primaire), des
batholites de granite (G) remontent au travers de ces sédiments et contribuent à
un métamorphisme de contact par élévation des températures à proximité du
granite se refroidissant, donnant naissance à des schistes plus compacts
comme dans la région de Nozay.
Après la mise en place des plissements du cycle hercynien, l’érosion du Massif
s’est produite durant tout l’ère secondaire et s’est accélérée au tertiaire.
Il en a résulté une pénéplaine rigide qui subit le contrecoup de la formation des
Alpes et des Pyrénées par une déformation générant un escalier de failles .
Quelques brèves incursions marines ont lieu au cours de l’ère tertiaire avec un
bras de mer peu profond qui traverse la Bretagne dans lequel s’effectue des
dépôts de faluns (sables coquilliers).
Une période récente marquée par plusieurs phases de Glaciation a favorisé une
Formation de la Chaîne hercynienne en Bretagne
Pays Nantais
Laurasie et
Microplaque
Armorica Plaque
Gondwana
aille
G
Région de
Nozay
aille
aille
Dès la période Gallo-romaine, la
pierre bleue est utilisée comme en
témoignent la réalisation de chaus-
sées de voies romaines avec des
dalles de schiste placées sur chant
dont la robustesse est attestée par
leur présence vingt siècles plus tard.
Des exemples de telles constructions
sont en effet encore visibles au
Grand-PontVeix sur Conquereuil
mais également au Moulin de l’Angle
en Nozay.
Dans une époque moins lointaine la Pierre bleue a connu une époque floris-
sante avec l’âge d’or du XVIe siècle. Manoirs, hôtelleries, auberges de l’époque
témoignent de l’utilisation du schiste de Nozay qui est réelle tant dans l’architec-
ture savante mais également dans la vie de tous les jours. De cette époque sub-
sistent encore les escaliers hélicoïdaux des tourelles desservant l’étage ou les
combles. De belles pierres ont également été employées à l’ornementation princi-
pale, la cheminée dont le manteau est parfois orné d’un écu sculpté.
Jean de Laval, baron de Châteaubriant et
donc seigneur de Nozay a su mettre à l’hon-
neur ce matériau vers 1530 pour la construc-
tion de son Château Renaissance, notam-
ment pour l'escalier d'apparat, d'architecture
Renaissance italienne, dont les marches sont
en schiste, mais également pour la galerie
sud, très originale, avec ses vingt-deux ar-
cades à colonnes de schiste contrastant avec
la galerie de briques rouges prolongée par un
pavillon en retour, lui aussi percé d’arcades.
La forte concentration de manoirs et de logis nobles en schiste dans la région
de Nozay peut s’expliquer par la présence sur place de l’ancien rendez-vous de
chasse de la famille des Laval, les garennes de la Ville-au-Chef. Jean de Laval,
seigneur de Châteaubriant, gouverneur de Bretagne, en ayant fait une maison de
plaisance, au temps de François Ier.
Après le XVIe siècle florissant, survient une période de deux siècles la
pierre de Nozay cesse d’être employée pour les parements des encadrements de
portes et fenêtres des belles demeures au profit du tuffeau du Val de Loire.
Loin des meneaux et des linteaux chanfreinés du XVIe siècle, les ouvertures
en schiste du XVIIe siècle arborent des arêtes saillantes.
De l’Usage de la Pierre bleue
Voie romaine : PontVeix (Conquereuil)
Château de Châteaubriant (Galerie sud)
La reprise de l’exploitation des carrières de schiste de Nozay s’opère de façon
spectaculaire au XIXe siècle sous l’impulsion notamment de l’ingénieur alsacien
Jean Jacob Franck qui modernise et industrialise l’extraction du schiste.
Le schiste est utilisé de multiples façons, tant dans l’habitat lui-même
(escaliers, encadrement de portes et fenêtres, linteau sculpté, meneaux, dallage
au sol) que dans ses constructions annexes (moulins, fours à pain, granges,
étables, hangars, lavoirs.)
ou dans les divers ouvrages façonnés dans
ce matériau (éviers, tables, auges, bacs, abreu-
voirs, murettes, palis…)
Les ouvrages funéraires, les croix, et les édifices
religieux ont su mettre à profit la finesse du grain
de cette roche.
Localement, certains
schistes présentent un débit
en baguettes très allongées.
Ces schistes esquilleux, dits «
en barrettes » ont été exploi-
tés dans la région de Nozay :
ne pourrissant pas, ils rempla-
çaient avantageusement le
bois pour échalas dans les
vignes et collecteurs de parcs
à huîtres.
De nouvelles carrières ont même été ouvertes dans la région de Marsac/Don
à la suite du renouvellement du vignoble nantais, atteint par le phylloxéra à la fin
du XIXe siècle.
Mais la mécanisation des vendanges et la crise du bâtiment, dans les années
1970 ont porté un coup fatal aux carrières de schiste de la région de Nozay.
Seule subsiste une exploitation où la commune de Nozay en comptait jus-
qu’à une vingtaine.
Usage de la Pierre bleue (suite)
Baie sculptée (Maison Montmorency, Puceul)
Escalier hélicoïdal en schiste
Baguees de Schiste (carrière de Bel-Air (Marsac/Don))
Géologie du Massif Armoricain
Une longue succession d’événements géologiques est à l’ori-
gine de la grande diversité des roches qui constituent le sous-
sol du Massif Armoricain (Ardoises, Calcaires, Schistes, Grès,
micaschistes, Gneiss, Granites, roches volcaniques).
On peut diviser le Massif Armoricain en 3 grands domaines
principaux : Le Domaine du Nord au nord du Cisaillement
Nord Armoricain. Voir carton ci-contre
Le Domaine du Sud court de la pointe du Raz
au seuil du Poitou (Prédominance des roches métamor-
phiques (micaschistes, gneiss) avec de nombreux affleure-
ments de granite) Le domaine Sud Armoricain tient sa
structure et ses roches principalement de la formation de la
Chaîne hercynienne, il y a environ 300 M années.
Le Domaine central occupe la partie médiane de la Bretagne, il correspond prin-
cipalement à un ensemble de terrains sédimentaires, ardoises, schistes et grès.
Le métamorphisme y est léger et les granites y affleurent moins que dans les deux
autres domaines. La région de Nozay est au sud de cette zone
Héritage de la collision continentale entre l’avancée ibéro-aquitaine de la plaque Gondwa-
na et de la microplaque Armorique, à l’origine de la Chaîne Hercynienne (Varisque), les
failles du Cisaillement Sud Armoricain (CSA) provoquent le déplacement d’importants
compartiments de roches sur de grandes distances (plusieurs centaines de Km).
Lors du soulèvement de la Chaîne hercynienne, les terrains ont subis d’importantes
phases de plissement . Une partie des roches est alors enfouie en profondeur, métamor-
phisée (à l’origine de micaschistes et de gneiss), puis de nouveau soulevée.
Cette surrection s’accompagne de la mise en place de nombreux massifs de granites.
Les grandes phases de plissements et de cisaillement (coulissage relatif de grands terri-
toire) confère au Massif armoricain sa structure directionnelle Est Ouest.
La surrection se termine par l’effondrement de bassins dans lesquels se déposent de nou-
veaux sédiments.
Pendant tout le Mésozoïque (ère secondaire), le Massif armoricain reste en grande partie
émergé alors que la mer s’étend sur le Bassin de Paris.
Notes tirées de : « Le Tour de France d’un géologue » F. Michel BRGM éditions 2008
Situation de la région de Nozay
Carte Géologique : Source : hp://csem.morbihan.fr/dossiers/atlas_env/etat/geologie.php
La région de Nozay dans le cadre bleu est marquée par la succession de synclinaux et d’an-
ticlinaux orientés ESE WNW, parallèlement à l’axe de la branche Nord du cisaillement sud
Armoricain qui font alterner les schistes tendres du Briovérien dans lesquels la rivière du Don
s’est installée largement et les grès armoricains, et les schistes de Nozay plus résistants à
l’érosion et qui sont à l’origine des zones de relief du secteur.
Le caractère original tient ici à l’intrusion d’un massif granitique ayant développé une auréole
de métamorphisme thermique qui a donné naissance à un schiste plus compact et dans cer-
taines carrières, a permis d'extraire des "palis" d'environ 7 m de long.
Localisation des Carrières
Lieux-dits occupés : La Grande-Haie, La Croix-Laurent, Le Parc,
par des carrières La Chenuetière, L’étang, La Villatte,
Coisbrac, La Croix-Jarry, Les Pompierres,
Les Mernais, La Colle, La Touche-de-Boissais
Aujourd’hui les carrières de Nozay sont pour la plupart comblées ou remplies d’eau.
extraction du schiste À Nozay
Ampélites
Schistes d’Abbaretz
Grès d’Abbaretz
Argilites bariolées
Siltes micacées
Schistes de Nozay
Grès
Synclinorium de Nozay
Leucogranites
Prolongement du
Leucogranite
Microdiorite quartzique
Filon de quartz
Roches plutoniques et loniennes
Sur chaque lieu-dit, il y avait souvent plusieurs carrières et plusieurs exploitants:
(Fond de carte extrait de la carte géologique du BRGM au 1/50 000 de NOZAY)
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