SEP, la sclérose en plaques : une affection

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Article de synthèse
SEP, la sclérose en plaques :
une affection dysimmunitaire
Docteur Brigitte CAPRON
Service de Neurologie
CHU de Charleroi - site de Vésale
Mots-clés : inflammation démyélinisante, système nerveux central, SNC
L
a sclérose en plaques (SEP) est une affection dysimmunitaire, caractérisée par une
atteinte inflammatoire démyélinisante multifocale et chronique du système nerveux central (SNC), entraînant une atteinte progressive du tissu cérébral, conduisant à un état
neurodégénératif.
La SEP se manifeste quand une lésion inflammatoire focale interrompt des voies nerveuses cliniquement relevantes. La plupart des lésions de SEP sont cliniquement asymptomatiques, donc, le moment d’apparition des symptômes et le type de symptôme exprimé
au début de la maladie relèvent en partie du hasard. La sévérité de la maladie est ainsi
extrêmement hétérogène et largement imprévisible. C’est la première cause d’handicap,
d’origine non traumatique, chez l’adulte jeune.
L’évolution clinique naturelle de cette maladie est variable. La SEP peut présenter 3 patterns principaux : une forme évoluant par poussée(s)–rémission(s) (PR), une forme secondairement progressive (SP) et une forme primaire progressive (PP).
La majorité des malades (85%) débute avec une forme rémittente (poussée-rémission).
La poussée (déficit neurologique d’apparition aiguë) est associée à un processus inflammatoire focal dans le SNC. Ce phénomène semble sensible aux traitements immunomodulateurs (et éventuellement immunosuppresseurs).
La survenue d’une poussée est en général imprévisible et le degré de récupération variable.
Les traitements immunomodulateurs disponibles actuellement réduisent le taux d’exacerbation clinique (et radiologique) mais leur influence sur le pronostic à long terme de la
maladie n’est pas encore très clair.
En effet, avec le temps et avec l’âge, le taux de poussée diminue et beaucoup de ces
malades, présentant à l’origine une forme PR évoluent vers une forme secondairement
progressive. Dans celle-ci, le handicap neurologique (touchant plus particulièrement l’autonomie à la marche) s’aggrave progressivement au fil des années, sans qu’il n’y ait plus
nécessairement d’exacerbation clinique aiguë (poussée).
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Les malades avec une forme primaire progressive de SEP présentent une progression
d’un handicap depuis le début de leur maladie. Ce type d’évolution est, quant à elle, plutôt associée à un processus de neurodégénérescence, sur lequel les traitements actuellement disponibles (immunomodulateurs et immunosuppresseurs) n’agissent pas.
Les mécanismes moléculaires sous-jacents à la progression de la maladie ne sont pas
bien connus.
La sévérité de la SEP varie considérablement d’un patient à l’autre, pouvant aller de formes agressives, entraînant un handicap sévère en quelques années à peine, jusqu’aux
formes bénignes, avec un handicap mineur après une longue durée d’évolution.
Cette hétérogénéité de la sévérité de la SEP pourrait refléter la diversité des processus
biologiques impliqués dans les lésions de la gaine de myéline (neuro-inflammation), dans
les lésions axonales (neuro-dégénération), voire dans la réparation (remyélinisation,
croissance axonale et plasticité cérébrale).
Il semble toutefois que ces 3 formes évolutives (PR, SP et PP) représentent un phénotype continu d’une même maladie dans laquelle des facteurs familiaux (génétiques et/ou
environnementaux) influencent l’équilibre relatif entre la neurodégénérescence
(progression) et la neuroinflammation (poussées).
Figure 1
Les mécanismes responsables de l’apparition de cette maladie acquise sont difficiles à
établir car elle est probablement d’origine plurifactorielle, mais différents arguments laissent supposer une intrication complexe de susceptibilité génétique individuelle et de facteurs environnementaux.
Nous allons discuter ci-après des différents facteurs pouvant favoriser l’établissement
d’une SEP et ceux pouvant influencer l’évolution de la maladie.
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OBSERVATIONS ÉPIDÉMIOLOGIQUES GÉNÉRALES
La sclérose en plaque est une maladie de l’adulte jeune (pic d’incidence vers 30 ans),
deux fois plus fréquente chez la femme que chez l’homme, avec une répartition géographique inégale. La prévalence dans nos régions se situe aux alentours de 1/1000.
Figure 2
Il semble exister deux facteurs de risque principaux pour la sclérose en plaques, génétiques et environnementaux.
Figure 3
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SUSCEPTIBILITÉ GÉNÉTIQUE
ARGUMENTS EN FAVEUR D’UNE INFLUENCE GÉNÉTIQUE
Bien que la prévalence actuelle dans nos régions soit de 1/1000, le risque semble
majoré chez les personnes ayant un membre de leur famille atteint de la maladie. Si l’un
des parents est atteint de SEP le risque est de 4-5%, si les deux parents sont atteints, le
risque s’élève à 15%. Dans les familles de jumeaux monozygotes, si l’un des jumeaux
est atteint, le risque de l’autre s’élève à 30%.
Les études épidémiologiques sur les différents groupes ethniques d’une même région montrent que les évolutions cliniques sont souvent différentes. Par exemple, les
Afro-américains ont un début plus tardif de la maladie, une forme plutôt optico-spinale
(névrite optique et atteinte médullaire) et un décours plus agressif que les Américains
caucasiens d’une même région des USA.
En France, il a été démontré que les patients d’origine nord-africaine ont une maladie
plus progressive, des poussées plus sévères et une rapide accumulation de handicap
que les patients d’origine européenne, et ce indépendamment du fait qu’ils soient immigrés ou nés en Europe. Ceci est un argument supplémentaire en faveur de l’hypothèse
d’une influence génétique sur l’expression clinique de la SEP et sa progression.
I
l n’existe sans doute pas un gène unique responsable du développement de la sclérose en plaques, mais plutôt une susceptibilité conférée par l’interaction de différents gènes
entre eux et/ou avec des facteurs environnementaux.
Depuis les années ’70, où une association entre le type d’allèle HLA exprimé et le risque
de SEP a été identifié, plusieurs études génétiques (GWAS ou Genome Wide Association Studies) ont été entreprises et différents gènes ont été clairement associés avec une
susceptibilité pour la SEP.
Ces différentes variations génétiques pourraient non seulement influencer le risque de
développer la SEP, mais également jouer un rôle dans l’hétérogénéité de l’évolution clinique.
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PHYSIOPATHOLOGIE DE LA MALADIE
P
our comprendre le rôle des différents gènes étudiés, il faut revenir à la physiopathologie de la maladie…
La phase initiale de la lésion de démyélinisation est caractérisée par une rupture de la
barrière hémato-encéphalique et par une infiltration des lymphocytes et des monocytes
activés d’origine sanguine. Le primum novens de la maladie ne se situe donc pas au niveau du système nerveux central mais bien au niveau systémique.
Dans le répertoire immunitaire du sujet normal, il existe un petit nombre de clones lymphocytaires T, inactifs ou dormants, dirigés contre des épitopes de diverses protéines de
la myéline, comme la protéine basique de la myéline (MBP), la myelin-associated glycoprotein (MAG) …
D
es facteurs génétiques probables (déficience de l’immunorégulation) et environnementaux conduisent à l’activation et à la prolifération de ces clones auto-réactifs, ainsi
qu’à leur passage dans le SNC au travers de la BHE.
Ainsi, dans le compartiment périphérique, les lymphoctes T CD4 + (LT CD4) myélinoréactifs (faisant partie du répertoire immunologique normal), sont stimulés par la présentation d’un exo-antigène (par exemple d’origine virale) dont la structure est proche d’un
auto-antigène de la myéline (mimétisme moléculaire).
C
ette présentation est réalisée par une cellule dendritique, ou cellule présentatrice
d’antigène, par le biais d’un complexe majeur d’histocompatibilité de type II (CMH II).
Il en résulte ensuite une activation et une prolifération de ces LT CD4 naïf (Th0).
Ceux-ci peuvent potentiellement se différencier en LTh1 (responsables de l’immunité cellulaire), en LTh2 (responsable de l’immunité humorale), en LTh17 (qui sont des cellules
pro-inflammatoires) ou en LT reg (qui sont des cellules régulatrices).
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SCHEMA
L
es cytokines pro-inflammatoires (TNFalpha et INFgamma), induisent une surexpression des intégrines sur la membrane lymphocytaire et des molécules d’adhérence intercellulaire qui sont leurs ligands respectifs, sur les cellules endothéliales. Le lymphocyte
T autoréactif activé (au contraire du LT naïf) pourra ainsi se fixer sur les cellules endothéliales de la BHE et traverser l’endothélium grâce à la libération d’une métalloprotéinase 9 qui va lyser la membrane basale.
A l’intérieur du SNC, les LT CD4 sont réactivés par la présence des cellules présentatrices d’auto-antigènes de la myéline, libèrent des cytokines pro-inflammatoires (IL-12,
TNFalpha et INFgamma), recrutent des LT CD8 cytotoxiques et des lymphocytes B pouvant produire des auto-anticorps et induisent ainsi l’apoptose de certains oligodendrocytes, la perte axonale et la démyélinisation.
La balance Th1 (pro-inflammatoire)/Th2 (anti-inflammatoire) est donc globalement déséquilibrée en faveur de la réponse Th1. Toutefois, les deux systèmes sont simultanément suractivés : la libération de cytokines anti-inflammatoires (IL-4 et IL-10) est, elle
aussi, augmentée dans le SNC et les cellules Th2 et Treg pourraient inhiber en partie
cette cascade pro-inflammatoire.
GÈNES CANDIDATS À UNE SUSCEPTIBILITÉ GÉNÉTIQUE
L
es gènes codant pour les protéines intervenant dans ces voies représentent donc
des candidats comme facteurs génétiques pouvant influencer le décours de la maladie.
L
es différents gènes étudiés ont ainsi été classés selon leur niveau d’implication :
Gènes impliqués dans la rupture de la BHE : la première étape dans la formation des
plaques est la rupture de la BHE permettant aux cellules immunitaires de pénétrer dans
le SNC. Cette migration des cellules inflammatoires dans le SNC requière différents
complexes ligands-récepteurs.
Etude du polymorphisme des molécules d’adhésion (CCR5 D32, VCAM-1 ou ESélectine).
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Gènes impliqués dans l’initiation de la réponse inflammatoire auto-immune : les
cellules T jouent un rôle majeur par la reconnaissance de l’auto-antigène. Leur activation
et prolifération impliquent au moins deux signaux : le premier nécessite le contact entre le
récepteur de la cellule T (TCR) et l’antigène présenté par un CMHII ou HLA II exprimé
par une cellule présentatrice d’antigène ; le second est délivré par des molécules costimulatrices de type cytokines pro ou anti-inflammatoires.
Ainsi, différents gènes codant pour les molécules HLA, TCR ou les facteurs costimulateurs ont été étudiés comme candidats de susceptibilité à la SEP. Il a ainsi été
bien démontré que les gènes de l’haplotype HLADR15 (plus particulièrement HLADRB1*1501) augmentent le risque relatif de SEP de 2 à 4 fois. Cette susceptibilité est liée
au fait que ce type de HLA est capable de lier un auto-antigène de la myéline avec une
grande affinité, accroissant ainsi la réponse des cellules T auto-immunes.
HLADRB1*15 a été associé de manière significative avec un phénotype féminin et un début précoce dans plusieurs études, et ce dans toutes les formes cliniques (RR, SP ou
PP). La fréquence de cet haplotype est effectivement beaucoup plus élevée chez les patientes atteintes de SEP que chez les malades masculins.
Par contre, l’haplotype HLADRB1*04 pourrait avoir un effet protecteur contre l’inflammation et diminuer le risque de poussée.
Les allèles HLA pourraient dès lors influencer le risque et la durée de la phase inflammatoire de la maladie. Leur influence est très probable, bien que non encore clairement démontrée.
Gènes impliqués dans la régulation de l’inflammation : le niveau, la cible et la durée
de la réponse inflammatoire sont fortement régulés par l’équilibre entre les molécules pro
et anti-inflammatoires.
L
a réponse auto-immune dans la SEP est médiée par les LTCD4+Th1, même si de
nouveaux arguments indiquent un rôle crucial des cellules de type Th17. Les thérapeutiques de première ligne comme l’acétate de glatiramère et les interférons béta réduisent
l’activité clinique dans la forme poussée-rémission probablement en favorisant un shift
des réponses Th1 vers Th2.
Cette efficacité thérapeutique implique donc un rôle potentiel des gènes modulant le phénotype de la réponse immune.
Il a ainsi été suggéré que le polymorphisme modulant l’interaction entre l’IL1 et son récepteur, IL1-Ralpha, pourrait influencer le devenir du patient SEP : une tendance pour
une association entre une haute production de l’allèle IL-1Ralpha et une SEP bénigne a
été trouvée dans différentes études.
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Le TNFalpha est une cytokine pro-inflammatoire produite par les macrophages et les cellules Th17. Le taux de TNF est corrélé avec l’activité de la maladie et un polymorphisme
du gène du récepteur au TNFalpha semble associé à une susceptibilité accrue à la SEP.
Gènes impliqués dans un processus de dommage neuronal et de réparation : outre
la neuro-inflammation, un processus de neuro-dégénérescence est également impliqué
dans l’accumulation du handicap dans la SEP. Ces dommages neuronaux résultent d’un
déséquilibre entre les voies de neuro-dégénérescence et les voies de neuro-protection.
Les apolipoprotéines E (ApoE) favorisent la régénération axonale et myélinique après
une lésion et ont des effets anti-oxydants et anti-inflammatoires. Le niveau des ApoE est
diminué dans le LCR des patients SEP et les modèles murins de SEP traités par des
peptides mimétiques de l’ApoE ont un meilleur devenir et un plus haut niveau de régénération après des poussées.
Ces gènes ont donc été étudiés et il semblerait que ApoE4 ait une influence défavorable
sur la SEP et ApoE2 une influence favorable sur la sévérité de la maladie.
Gènes impliqués dans le métabolisme de la vitamine D et son mode d’action :
Nous le verrons plus loin, la vitamine D peut jouer un rôle dans la survenue de la SEP et
son évolution. Dès lors, le polymorphisme de son récepteur VDR est également étudié.
E
n résumé, les études épidémiologiques ont clairement démontré que la susceptibilité à la SEP est contrôlée par des gènes, tout comme il semblerait que le phénotype
clinique de la SEP puisse être modulé par des variations génétiques.
Cependant, l’effet du polymorphisme génétique n’est pas toujours facile à comprendre
étant donné les interactions complexes possibles des différents gènes entre eux
(relations épistatiques, redondance, par exemple), mais également entre gène et facteurs environnementaux influençant l’expression de ceux-là.
A l’heure actuelle, les nombreuses études génétiques entreprises n’ont pas permis de
clairement identifier des allèles variants. Identifier les gènes modulant les phénotypes
de la SEP peut améliorer notre compréhension des processus biologiques impliqués
dans la progression clinique de la maladie et peut mener à l’identification de cibles thérapeutiques intéressantes. Les variants génétiques pourraient être utilisés comme
marqueurs pronostics précoces, fournissant une aide à la décision thérapeutique.
Les larges cohortes disponibles dans GWAS doivent être poursuivies pour mettre en
relation les différents marqueurs cliniques et radiologiques et la fonction génique, en
tenant compte des interactions gène-gène et gène-environnement.
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FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX
T
rois facteurs de risque environnementaux ressortent actuellement des différentes
données de la littérature : une hypovitaminose D, une infection ancienne à l’Ebstein-Barr
virus et le tabagisme, avec des effets qui pourraient être cumulatifs.
RÔLE DE LA VITAMINE D
GENERALITES
L
a vitamine D est une hormone stéroïde métabolisée successivement au niveau de la
peau (soleil ou UVB), du foie et des reins, en métabolite actif la 1,25-dihydroxyitamine D3
(calcitriol). Ce métabolite est reconnu par certains tissus contenant des récepteurs spécifiques à la vitamine (VDR) dont le SNC et des éléments du système immunitaire.
E
n effet, outre ses effets bien connus sur le métabolisme phosphocalcique, la vitamine D semble avoir d’importants effets généraux, en particulier anti-inflammatoire et antiprolifératif, mais aussi des effets modulateurs sur les facteurs de croissance et la neurotransmission.
Ces actions moins connues de la vitamine D ont été envisagées pour la première fois il y
a 30 ans environ lors de la découverte de récepteurs à la 1,25 dihydroxyvitamine D3
dans différentes lignées de cellules néoplasiques.
Ensuite, l’observation que les patients atteints de sarcoïdose présentent des taux élevés
de 1,25 dihydroxyvitamine D3, liée à l’expression de a1hydroxylase par leur macrophage,
a permis de mettre en évidence que le système immunitaire peut potentiellement produire de la 1,25 dihydroxyvitamine D3 et induire une réponse autocrine ou paracrine des cellules immunitaires exprimant le récepteur à la vitamine D.
Les recherches qui ont suivi ont montré que la vitamine D joue effectivement un
rôle actif dans la régulation de facettes spécifiques de l’immunité humaine.
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ÉLÉMENTS DE SANTÉ PUBLIQUE
L
es apports quotidiens en vitamine D ont été réévalués, il y a peu, à au moins 2000UI
par jour, ce qui est majoré par rapport aux recommandations d’il y a quelques années.
Les apports alimentaires quotidiens via une alimentation non-enrichie en vitamine D sont
relativement marginaux dans nos régions, aux alentours de 100UI.
Les rayons solaires restent dès lors la principale source de vitamine D, fournissant à
peu près 90% de ce qui est nécessaire. Cependant, même si un bain de soleil de 15 à
30 minutes en été peut fournir jusque 10-20000UI, ce capital disparaît en quelques semaines et ne peut pas être reconstitué tout au long de l’année, sauf dans les contrées
tropicales.
De plus, les personnes âgées et les sujets à peau noire sont moins capables de synthétiser de la vitamine D que les sujets jeunes ou de race blanche, qui s’ils se protègent trop
du soleil peuvent également rapidement se retrouver en un état d’insuffisance en vitamine D.
E
nfin, les femmes ont en général un taux de vitamine D sérique plus bas que celui
des hommes et lorsqu’elles sont enceintes ou qu’elles allaitent, leurs besoins en vitamine D augmentent et sont rarement compensés.
Dans la pratique médicale, les gériatres et les pédiatres sont attentifs à ces carences et
supplémentent leurs patients, mais dans les tranches d’âge intermédiaire (adolescents et
adultes) ce n’est pas vraiment pratique courante.
E
nfin, les femmes ont en général un taux de vitamine D sérique plus bas que celui
des hommes et lorsqu’elles sont enceintes ou qu’elles allaitent, leurs besoins en vitamine D augmentent et sont rarement compensés.
Dans la pratique médicale, les gériatres et les pédiatres sont attentifs à ces carences et
supplémentent leurs patients, mais dans les tranches d’âge intermédiaire (adolescents et
adultes) ce n’est pas vraiment pratique courante.
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C’est en général le taux sérique de 25-hydroxyvitamine D (qui a une demi-vie de quelques semaines) qui est représentatif du statut global des réserves en vitamine D de l’individu. Ainsi, les valeurs internationales sont comprises entre 75 et 200 nmol/l, on parle
d’insuffisance entre 25 et 75 nmol/l et de déficience en-dessous de 25 nmol/l. Le seuil de
75 nmol/l n’est pas arbitraire mais correspond au niveau sérique en-dessous duquel l’hormone parathyroïde est stimulée par le manque de vitamine D, et sous lequel l’ostéoporose et les fractures pathologiques deviennent fréquentes.
On peut donc suspecter une carence ou une insuffisance en vitamine D, quand il existe
une déprivation d’exposition solaire, soit à l’échelle d’une population pour des raisons climatiques, soit à l’échelle d’un individu qui passe peu ou pas de temps au soleil.
ETUDES EXPERIMENTALES
L
es études sur l’encéphalite autoimmune expérimentale (modèle murin expérimental
de SEP) ont clairement démontré un rôle protecteur de la vitamine D administrée avant
l’inoculation de la maladie, mais également une amélioration significative des signes cliniques lorsqu’elle est administrée après l’apparition de la maladie, démontrant ainsi un effet à la fois protecteur et curateur. A l’inverse, une diète sévèrement restrictive en vitamine D entraîne une maladie de sévérité accrue.
Dans ce modèle expérimental, l’effet anti-inflammatoire de la vitamine D pourrait être lié
à une réduction du nombre de macrophages, à un effet de régulation des cytokines, à un
effet protecteur sur la myéline par activation des oligodendrocytes ou à un effet immunomodulateur sur les LT en inhibant le développement de Th1 et en favorisant les Th2 et
les LTreg.
Ces effets de la vitamine D pourraient être assez similaires à ceux de l’interféron béta.
La vitamine D est un stimulateur puissant des mécanismes associés
à l’élimination des pathogènes.
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E
lle peut être produite sous forme active par des macrophages humains normaux
(exprimant une alpha1 hydroxylase) stimulés par de l’INFglpha, de même que par des
cellules dendritiques immatures, potentielles cellules présentatrices d’antigène.
Elle peut ainsi avoir une action autocrine voire intracrine suite à l’expression par ces macrophages de récepteur à la vitamine D (VDR). Le VDR lié à son ligand joue un rôle
dans le contrôle de l’expression de certains gènes présentant au niveau de leur promoteur une région appelée « élément de réponse à la vitamine D » (VDRE). La vitamine D
effectue ainsi une « down-regulation » de l’expression de certains récepteurs aux LT
(TLR), supprimant ainsi les réponses inflammatoires normalement activées par ces récepteurs. De ce fait, la vitamine D favorise une réponse immunitaire innée appropriée
en évitant une réponse immune exagérée et les dommages tissulaires qui y sont fréquemment associés. De même, au niveau des cellules dendritiques, la vitamine D diminue leur capacité à présenter l’antigène aux lymphocytes T, inhibant ainsi leur activation
et leur prolifération ; par là, elle agit encore pour promouvoir la tolérance immunitaire.
Les LT naïfs expriment peu de VDR, mais le taux d’expression de ce récepteur augmente
fortement quand les cellules T prolifèrent après activation par un antigène. Il semble, in
vitro, que la vitamine D favorise la différenciation en cellules Th2 (associées à l’immunité
humorale et produisant des cytokines anti-inflammatoires) plutôt qu’en cellules Th1
(associées à l’immunité cellulaire et produisant des cytokines pro-inflammatoires.
La vitamine D pourrait également jouer un rôle d’inhibition sur la migration des LT vers
les ganglions lymphatiques, favorisant leur séjour (« homing ») dans certains tissus spécifiques.
Comme pour les LT, les LB actifs, mais pas les inactifs, expriment un récepteur
VDR. La vitamine D régulerait leur prolifération et leur production
d’immunoglobulines en inhibant leur différenciation en plasmocytes,
favorisant la production de cellules B mémoires.
ETUDES EPIDEMIOLOGIQUES
I
l existe à l’heure actuelle assez bien d’études épidémiologiques suggérant un lien entre
la latitude, l’exposition au soleil, le taux de vitamine D et la SEP.
Une hypothèse raisonnable est que la latitude influence le risque de SEP par le biais du
niveau d’exposition solaire et du taux sérique de vitamine D.
Effectivement, il est observé depuis longtemps que la latitude a un effet sur la prévalence
de la SEP qui augmente avec la distance de l’équateur, aussi bien dans l’hémisphère
nord que l’hémisphère sud (Europe, USA, Australie et Nouvelle Zélande).
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Article de synthèse
A
l’inverse, une très basse prévalence est observée dans les régions tropicales comme en Equateur.
Chez les migrants, on observe une nette différence de prévalence selon l’âge à laquelle
cette migration s’est produite : avant l’âge de 15 ans, l’immigrant tend à adopter le niveau
de prévalence de son pays d’accueil ; après l’âge de 15-20 ans, il présente un risque intermédiaire entre la prévalence observée dans son pays d’origine et celle de son pays
d’accueil, mais ses enfants auront le même risque que les autres habitants de son pays
d’accueil. Cette observation met en cause d’une part, une action protectrice soutenue
d’une exposition solaire antérieure reçue dans leur pays d’origine durant leur enfance
(l’effet protecteur pouvant persister) pour ceux qui migrent d’une région à faible prévalence vers une région à haute prévalence, mais aussi un effet protecteur permanent et immédiat d’un climat ensoleillé si la personne a immigré avant l’âge normal du début de la
SEP. Pourrait entrer également en jeu un effet protecteur relatif de diverses infections
contractées durant l’enfance dans ces pays à faible prévalence de SEP (ce point sera
discuté dans un des paragraphes suivants).
Il a été démontré que la population de toutes les régions tempérées présente un taux sérique moyen de vitamine D beaucoup trop bas et que ces taux sont réduits de 20 à 30
nmol/l en hiver (comparativement aux taux estivaux). Par exemple, en Finlande, le taux
moyen de vitamine D dans la population générale est de 44nmol/l en été et de 24 nmol/l
en hiver. Par contre, au Brésil, il reste supérieur à 100nmol/l toute l’année, y compris
dans les populations dénutries.
L
e taux de vitamine D sérique semble être affecté par d’autres facteurs que l’exposition solaire comme l’âge, le sexe, la couleur de la peau, le type de vêtements portés (port
du voile), la nourriture (supplémentée ou non en vitamine D) et le degré d’urbanisation.
Enfin, pour faire le lien avec le paragraphe précédent, il reste difficile d’expliquer les différences ethniques et notamment pourquoi les afro-américains, les asiatiques et les indiens d’Amérique sont de manière inhérente plus résistants à la SEP comparés aux sujets de race blanche, en dépit du fait qu’ils résident dans des régions tempérées avec
une haute prévalence de la maladie.
C’est là que le rôle de la génétique entre en jeu, et plus particulièrement les locus de susceptibilité au niveau des gènes HLA de classe II. Cependant, la distribution géographique de la maladie ne peut pas uniquement être attribuée au pattern génétique étant donné que des individus appartenant à la même population ethnique ont des risques de SEP
très différents dans des régions de latitude différente.
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Article de synthèse
N
ous l’avons vu, la vitamine D agit via un récepteur (VDR) qui va influencer la transcription de différents gènes au sein du génome, dits «gènes répondant à la vitamine D »,
par liaison à des VDREs présents au niveau de leur promoteur.
C’est ainsi que Ramagopalan et al. ont découvert un VDRE extrêmement conservé et
fonctionnel (réceptif à la vitamine D) dans le promoteur des gènes HLA DR2, dont l’allèle
HLA DRB1*15, le principal locus de susceptibilité à la SEP identifié. Cette découverte
fournit un argument direct pour une interaction biologique entre ce locus de susceptibilité
et la vitamine D, principal facteur environnemental.
Il serait dès lors plausible qu’un manque de vitamine D dans la petite enfance puisse affecter l’expression de HLA DRB1 dans le thymus ; ce qui pourrait résulter en une perte
de tolérance centrale, accroissant peut-être le risque d’auto-immunité dans la vie ultérieure.
QUESTIONS ET APPROCHE CLINIQUE PRATIQUE CONCERNANT LA
VITAMINE D DANS LA SEP
N
ous sommes dans l’attente des résultats concernant l’utilisation à large échelle de
l’utilisation thérapeutique de la vitamine D dans la SEP, mais on peut déjà tenter de répondre aux questions suivantes :
Est-ce que la vitamine D a un rôle protecteur dans la SEP
Les études épidémiologiques et expérimentales rendent ce rôle très probable.
Est-ce que la vitamine D peut jouer un rôle dans la progression de la maladie
quand elle a débuté
Les études sont à peine débutées, il n’est pas encore possible de répondre à cette
question. Néanmoins, les premiers résultats sur des petites cohortes et de courte
durée (1 an) semblent montrer une plus grande proportion de patients avec une
progression de leur EDSS (échelle d’évaluation du handicap dans la SEP) dans le
groupe recevant de fortes doses de vitamine D (> 40000ui/j) par rapport au groupe
en recevant une plus petite dose (<4000ui/j). Il semble également que les patients
ayant une SEP depuis moins de 5 ans et présentant une poussée dans les deux
dernières années ont des taux de vitamine D inférieurs à une même population de
patient SEP libre de poussée depuis 2 ans. La vitamine D pourrait donc avoir un
effet protecteur contre les poussées dans la forme relapsing-remitting.
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Article de synthèse
M
AIS même si à court terme l’exposition à de fortes doses de vitamine D ne semble pas montrer d’effets secondaires, il reste encore beaucoup de questions par rapport à l’innocuité et l’efficacité sur le long terme. Les patients ayant une forme progressive de la maladie semblent être ceux présentant le taux le plus faible de vitamine D,
cependant, un effet de la vitamine D sur la progression de l’EDSS chez ces patients
reste encore à démontrer. De plus, il faut garder à l’esprit que la réponse des patients
à un supplément de vitamine D dépend également du profil génétique des gènes
ayant un VDRE dans leur promoteur, tout comme de leur génotype HLA II.
Doit-on systématiquement doser le taux sérique de vitamine D chez nos patients
SEP
La réponse est oui et il faut supplémenter les patients en carence ou en insuffisance, et ce à tous les stades de la maladie. L’objectif consiste ainsi à rétablir un niveau optimal de 100nmol/l, ce qui correspond à un apport quotidien de 1000 à
3000 UI à ajuster selon le titre initial.
Par ailleurs, en plus des suppléments per os, il faut les encourager à développer
des activités en plein air et à favoriser une exposition solaire. Cette mesure devrait permettre d’améliorer la santé générale de nos patients en normalisant leur
métabolisme phospho-calcique, mais peut-être aussi en diminuant leur asthénie,
en optimisant leur force musculaire ou en réduisant leur susceptibilité à diverses
infections.
RÔLE DES INFECTIONS ET DE LA VACCINATION
L
es données épidémiologiques concernant les populations migrantes semblent impliquer des facteurs environnementaux dans l’enfance, et peut- être aussi durant la vie
adulte, comme déterminants du risque de SEP.
La nature de ces facteurs n’est pas encore bien identifiée mais les infections survenues
dans l’enfance pourraient jouer un rôle, connu sous le nom d’ « hypothèse de l’hygiène ».
Au cours de l’évolution, nos défenses immunitaires se sont organisées contre un nombre croissant de germes. Néanmoins, les adaptations de notre style de vie ont abouti à
une aseptisation progressive de notre environnement quotidien.
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Article de synthèse
L
a réduction de l’exposition du système immunitaire à divers germes pathogènes dans
l’enfance pourrait avoir modifié ce système de défense et entraîné un déséquilibre de ses
réactions, privilégiant la synthèse de molécules pro-inflammatoires, responsables d’une
inflammation chronique.
Par conséquent, le système immunitaire est devenu hypersensible, réagissant démesurément à des allergènes bénins. Cette hypothèse expliquerait l’incidence croissante des
affections allergiques et auto-immunes, et notamment de la SEP dans les pays industrialisés.
Cette hypothèse, évoquée il y a plusieurs années d’ici, suppose qu’un agent infectieux,
relativement peu nuisible, confère une immunité protectrice lorsqu’il est acquis durant la
petite enfance, mais un effet pathogène quand il survient plus tard dans la vie du sujet.
Donc, paradoxalement, la SEP serait plus fréquente dans les régions où cet agent infectieux potentiel est moins prévalent et où son exposition est retardée.
Environ 14 agents infectieux ont démontré ainsi une association avec la SEP, mais l’Ebstein-Barr virus ou EBV semble émerger comme étant comme le candidat le plus probable
pour ce rôle étiologique. L’infection à EBV durant la petite enfance semble fortement influencée par les conditions d’hygiène : dans les pays en voie de développement, tous les
enfants sont séropositifs pour l’EBV à l’âge de 4-6 ans, tandis que dans les pays plus industrialisés, plus de 50% des enfants ne sont pas encore immunisés contre l’EBV à cet
âge-là.
Donc, le manque d’anticorps anti-EBV chez l’adulte jeune serait un bon marqueur d’une
majoration du niveau d’hygiène et conférerait ainsi un risque accru de SEP. Effectivement, le risque de SEP chez les patients EBV-séronégatifs est extrêmement bas (10x
plus bas).
Par contre, le risque de SEP est accru chez les adultes ayant une histoire de mononucléose (cliniquement expressive) dans l’adolescence ou à l’âge adulte (risque 2 à 3X plus
élevé).
Il est également bien établi que les anticorps anti-EBV deviennent significativement élevés 5 ans ou plus avant l’apparition des symptômes de SEP.
Principalement, il s’agit du titre des anticorps de type EBNA, exprimés durant l’infection
latente.
Au moment du diagnostic de SEP, l’infection par EBV serait déjà au stade latent et il
n’existe pas de signe sérologique de réactivation.
U
n obstacle majeur pour accepter le rôle éventuel de l’EBV dans la SEP, c’est l’absence d’EBV lui-même dans les lésions de SEP.
RMC-2012 2 16
Article de synthèse
C
ependant, si l’on tient compte de la physiopathologie
de la SEP, notamment d’un point de départ systémique, il
pourrait s’agir d’un phénomène de mimétisme moléculaire,
d’autant que l’isolement de lignées cellulaires spécifiques
de EBNA-1 montre une réaction croisée avec des antigènes de la myéline.
D
ans cette hypothèse de l’hygiène, on doit également évoquer le rôle de certains parasites intestinaux, dont les helminthes. Des études épidémiologiques ont en effet montré que l’existence d’une infection helminthique durant l’enfance protège contre le développement de diverses affections auto-immunitaires (SEP mais aussi la recto-colite ulcéro-hémorragique ou RCUH). Ces vers parasites ont développé la capacité de survivre
dans le corps humain sans être rejetés. Ils ont donc développé des moyens de freiner
l’activité du système immunitaire. Ainsi, certains helminthes se sont montrés efficaces
dans l’encéphalite autoimmune expérimentale (modèle murin de SEP). La prévalence de
la SEP est plus faible dans les pays où les infections helminthiques sont endémiques.
L’administration d’helminthes à des patients SEP semble également réduire le taux de
poussées de la maladie, ainsi que le nombre de lésions actives à l’IRM, sans effets secondaires gênants (sous réserve de petites cohortes). Des essais cliniques sont actuellement en cours en Amérique du Nord, mais un certain nombre d’entreprises commerciales ont vu le jour (prématurément) pour répondre à la demande de nombreux patients.
C’est le cas de « Autoimmune therapies® » basée à Tijuana au Mexique, qui propose
pour plusieurs milliers de dollars un traitement à base de larves de Necator americanus
(ankylostome).
Différentes études ont permis de démontrer que la vaccination contre la grippe n’influence pas la survenue d’une poussée chez les patients SEP, de même que la vaccination
contre l’hépatite B ou le tétanos. Les données concernant les autres vaccins (fièvre jaune, rougeole, rubéole …) ne sont pas suffisantes.
ROLE DU TABAGISME
Dans l’ensemble, les diverses études soutiennent l’hypothèse que fumer la cigarette m o difie le décours clinique de la SEP et favorise la progression de la maladie.
RMC-2012 2 17
Article de synthèse
Les fumeurs qui présentent une première poussée clinique inflammatoire (= syndrome cliniquement isolé ou CIS) sont près de 2x plus susceptibles de développer une
SEP cliniquement définie (plusieurs poussées) que les non-fumeurs sur une période
de 3 ans.
Les individus avec une SEP PR ont un risque accru (3x) de développer une forme
secondairement progressive s’ils fument ou qu’ils ont fumé, en comparaison avec
d’autres qui n’ont jamais fumé.
De manière similaire, le risque de présenter une forme primaire progressive est significativement plus élevé chez les fumeurs que chez les non-fumeurs.
Le décours évolutif significatif entre des ex-fumeurs et des fumeurs actuels suggère cependant que certains de ces effets pourraient être partiellement réversibles, ce qui devrait encourager les neurologues à conseiller à leur patient d’arrêter de fumer.
Dans les études d’imagerie par IRM, le tabagisme semble être associé avec une
augmentation de la rupture de la BHE, un volume lésionnel plus important, de même qu’une atrophie cérébrale plus marquée.
Une étude prospective n’a pas démontré de susceptibilité accrue sur le risque de
développer une SEP à l’âge adulte dans une population chez qui les mères fumaient durant la grossesse (en comparaison à un groupe contrôle) et pendant leur
enfance. L’association de la survenue de la sclérose en plaques avec un tabagisme
actif à l’adolescence ou l’âge adulte semble plus évidente dans diverses études.
L
’effet du tabagisme actif à la cigarette se manifeste probablement par un effet neurotoxique, mais également immunomodulateur. Le noyau aromatique benzo(A)pyrène, un
des majeurs produits de la cigarette, semble atténuer l’effet de la vitamine D sur les macrophages par le biais de son récepteur VDR, en stimulant l’expression de la 24hydroxylase qui mène à une forme inactive de la vitamine D (24,25 dihydroxyvitamine
D). Les mécanismes exacts sont encore inconnus mais certains composants toxiques
sont activement délétères sur la modulation de l’immunité engendrée par la vitamine D.
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Article de synthèse
AUTRES FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX INFLUENÇANT LA SEP
Menstruation, contraception orale, technique de reproduction assistée,
grossesse, postpartum et allaitement
I
l a été montré une association entre la période prémenstruelle (6j avant les règles) et
les poussées : 42% des poussées chez les femmes débuteraient durant la période prémenstruelle. Il ne semble pas y avoir d’effet protecteur de la contraception orale làdessus.
On connaît assez peu les effets de la contraception orale sur le décours de la SEP, mais
les données dont on dispose à l’heure actuelle ne montrent pas d’influence significative
sur le degré d’handicap atteint après une certaine période d’évolution.
Un taux accru de poussée est observé après l’utilisation de techniques de reproduction
assistée chez les patientes SEP et plus particulièrement après les périodes d’induction
par administration de GRH et de supplémentation en progestérone. Un taux réduit
d’oestrogènes, la cessation momentanée du traitement immunomodulateur ou le stress
de la situation sont différents facteurs qui pourraient être impliqués.
La grossesse en elle-même semble avoir un effet protecteur, avec une réduction significative du taux de poussée, nettement plus marquée au dernier trimestre, tandis que la
période du post-partum s’accompagne d’un risque élevé de poussée, impliquant différents facteurs comme la chute hormonale, le stress et la fatigue.
L’allaitement ne semble pas influencer défavorablement le taux de poussée après l’accouchement, voire pourrait avoir un certain effet protecteur.
Stress non-traumatique
L
a croyance qu’un stress peut engendrer une poussée est très répandue parmi les
patients SEP. Cependant, la nature de cette relation entre stress et SEP est complexe.
Différents types d’agents stressant peuvent avoir différents effets et l’impact des événements d’une vie stressante dépende de l’équilibre entre les événements positifs et négatifs.
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Article de synthèse
L
es données d’imagerie montrent un risque accru de plaques actives en association
avec des conflits ou une perturbation de la routine quotidienne.
Les différentes études montrent ainsi un impact, mais modéré, des événements stressants de la vie sur le taux de poussée dans la SEP, probablement par le biais d’une influence du stress sur le système immunitaire (via l’axe hypothalamus – hypophyse - glande surrénale).
Traumatisme physique, anesthésie et chirurgie
I
l n’y a pas d’arguments convaincants quant au fait qu’un traumatisme physique ou une
chirurgie puisse influencer la progression naturelle du handicap dans la SEP.
De même, les anesthésies générales ou locorégionales ne semblent pas influencer la
survenue d’une poussée ou l’évolution du handicap.
Radiothérapie
L
a réalisation d’une radiothérapie à proximité du cerveau ou de la moelle engendre un
risque accru de neurotoxicité en comparaison avec des patients n’ayant pas une affection
démyélinisante préalable.
Habitudes alimentaires, statut nutritionnel et exercice physique
C
ertaines études sont démontré une corrélation positive entre la mortalité dans la
SEP et la consommation d’acides gras saturés.
Un régime riche en oméga 6 pourrait être favorable (diminution du taux de poussée) tandis que les oméga 3 ne modifient pas la progression de la maladie.
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Article de synthèse
D
e plus, chez les patients présentant une SEP évoluée, une perte de poids, une dénutrition et des carences en vitamine D sont fréquemment présents. D’un autre côté,
l’obésité est fréquemment retrouvée également due à l’immobilisation progressive et la
diminution d’activité physique avec une moindre consommation énergétique, la prise de
corticostéroïdes et d’antidépresseurs.
Les études montrent une stabilisation de l’EDSS à des niveaux plus bas (ce qui signifie
un handicap moindre) par la pratique d’un exercice physique régulier, avec une meilleure
tolérance physique à l’activité.
De plus, il semble qu’une activité physique peu importante soit associée à de moins bonnes performances cognitives.
Médication
D
es résultats préliminaires sur le modèle expérimental d’encéphalite autoimmune ont
suggéré un effet bénéfique des statines.
Cependant, une étude clinique associant de l’atorvastatine (40 ou 80mg) avec de l’interféron béta 1B dosé à 44µg, a montré un risque accru de poussée clinique ou de plaques
actives à l’IRM en comparaison avec un groupe recevant uniquement de l’interféron béta
1B (effet antagoniste sur le système immunitaire ?).
La prudence est donc de mise avec les statines
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Article de synthèse
CONCLUSIONS
D
eux périodes d’exposition à des facteurs environnementaux semblent critiques : la petite enfance et l’adolescence/début de l’âge adulte. Durant ces périodes, les facteurs environnementaux interagissent avec les facteurs génétiques qui
sont inhérents à chaque individu, pour fournir un risque global de développer la
maladie. Cette interaction entre divers facteurs environnementaux entre eux et
avec la susceptibilité génétique est complexe et peut encore être influencée par
des facteurs actuels. L’infection à EBV est ubiquitaire chez les patients SEP et
pourrait agir de manière permissive en étant nécessaire mais pas suffisante pour
le développement de la SEP plus tard dans la vie. La déficience en vitamine D
tôt dans la vie pourrait influencer l’immunogénèse et perturber la manière dont le
système immunitaire réagit contre l’EBV, prédisposant alors la personne infectée
au développement ultérieur d’une SEP. Indubitablement, d’autres facteurs de risque, comme le tabagisme, interagissent l’un avec l’autre à différentes étapes pour
produire le phénotype ultime de la SEP.
Etant donné les arguments forts pour une implication de l’EBV et de la vitamine
D dans la SEP, le contrôle de ces deux facteurs devrait jouer un rôle dans les
stratégies de prévention de la SEP. La première option, la plus simple est la supplémentation en vitamine D avec un minimum de 1000 ui par jour. Cependant, la
sélection des patients qui doivent en bénéficier et le moment auquel il faut le réaliser doit encore être déterminé (ex : mère pendant la grossesse, tout le monde durant l’enfance, parent au premier degré d’un patient SEP…).
L
a seconde option de prévention de la SEP est le développement d’un vaccin
contre l’EBV. Cette option doit être envisagée avec précaution car les conséquences à long terme d’une telle vaccination sont encore inconnues. Par exemple, un vaccin qui ne serait que partiellement efficace pourrait avoir simplement
pour effet de retarder une infection à EBV, ce qui pourrait augmenter, plutôt que
diminuer, la prévalence de la SEP. En théorie, un vaccin vivant atténué serait
plus approprié en ce sens qu’il induirait une forte réponse des cellules T envers
les épitopes d’EBV mais n’exprimerait pas EBNA1 dans sa phase latente.
Par ailleurs, outre les traitements modifiant l’évolution de la maladie
(immunomodulateurs), une série de facteurs, sur lesquels on peut potentiellement
agir, peuvent aussi influencer le décours de la sclérose en plaques (tabagisme,
post-partum …).
Une bonne connaissance et compréhension de ces facteurs est
importante pour gérer individuellement et conseiller adéquatement
ces patients atteints de SEP.
RMC-2012 2 22
Article de synthèse
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