Des cosmétiques

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Des cosmétiques
au bord du chemin
Des femmes qui font cueillette de feuilles et de fleurs sur un sentier au cœur
de la Dordogne. Charmant tableau bucolique. Que vont-elles faire de leur récolte ?
Décorer la table, agrémenter leur salade ?
Suivons-les chez la Sorcière Gentille pour le savoir…
Par Elodie Bralia, texte et photos
D
es cosmétiques "maison",
rien de moins ! Voilà ce
que ces femmes vont apprendre à fabriquer avec le fruit de
leur cueillette. Elles sont venues
pour découvrir les plantes et certains de leurs usages. Je fais partie
du voyage et j’en suis ravie. Ravie
car dans mon idée de décroissance il y a bien sûr le désir de
z Marie-Luc et ses apprenties cueilleuses
consommer différemment, d’éviter
au maximum ce qui est emballé et qui vient de loin, de moins gaspiller et… de moins acheter aussi. Et c’est cette dame, qui pourtant
fait des cosmétiques qu’elle commercialise, qui va nous l’enseigner.
Pour découvrir les vertus des feuilles, des fleurs et des racines,
quoi de mieux que d’apprendre de ceux qui savent ? Marie-Luc
Sarrazin, notre guide sur les chemins, est formée à la botanique et
la phytothérapie, et partage volontiers son savoir. À l’occasion de ce
stage ouvert à tous, nous allons découvrir quelques-unes de ses recettes (voir p 30). Décoction, infusion, macération… des mots qui
évoquent des préparations ancestrales, et qui, dans l’imaginaire (le
mien en tout cas) renvoient à ces secrets qu’on partage en petits
groupes d’initiées, et à ces rites pratiqués par les femmes depuis
que le monde est monde. Allons-y.
Nous revoici donc toutes six, cueillant sous l’œil de la Sorcière Gentille (1). Nous prélevons des fleurs : achillées millefeuilles, soucis,
bourrache… Des feuilles : plantain lancéolé, ronce, menthe, lierre,
ortie, fraisier sauvage… Marie-Luc
nous confie que cette plante a des
vertus astringentes, que telle autre
est anti-inflammatoire, qu’on peut
faire des infusions de ces fleurs-ci
pour apaiser les irritations, utiliser
celle-là en cataplasme… Vous saviez, vous, qu’on peut se laver les
mains en frottant quelques feuilles
z Savon-minute avec la saponaire
de saponaire entre ses doigts ? Ou
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en faire une infusion pour se laver les cheveux ? L’exercice, quoique bon enfant, est tout de même studieux : nous suivons notre
guide car la cueillette doit se faire en connaissance de cause (2).
Nous écoutons et questionnons, en remplissant nos paniers. On
se raconte un peu au cours de cette balade : d’où venons-nous,
qu’attendons-nous de cette journée ? Et là-dessus nous sommes
d’accord: nous voulons apprendre à faire des produits naturels et
simples, pour tous les jours.
À ce propos, dans notre idée de "cosmétiques", pas question de
crèmes miracles qui feraient maigrir d’ici ou gonfler de là, mais
z Fleurs de bourrache
dossier
plutôt de ce qui nous sert à tous : se laver le visage, le corps, les
cheveux. Et ce qui nous permet d’entretenir notre peau et de la
réparer quand elle en a besoin. Convaincues de longue date, si l’on
veut du bio dans nos assiettes et nos verres, comment pourrait-on
supporter des produits chimiques pour la santé de notre peau ?
Avec une surface de plus d' 1,80 m2 pour une personne moyenne,
elle est notre plus grand organe après tout, notre lien avec l’extérieur. Elle est en première ligne à subir les effets de ce qui nous
entoure, ce qui nous touche. Qu’on vive en ville ou à la campagne.
Pour plusieurs raisons elle est plus exposée et plus fragile qu’elle
ne l’était à l’origine (quand les rayons du soleil nous parvenaient
plus doucement, qu’on avait plus de poils et le cuir plus épais
et tanné). Nos modes de vies, la sédentarité, le confort apporté
par les d’hui, parfois, le petit fait de l’eczéma, la grande s’est faite
piquer par un insecte, papa s’est brûlé dans la cuisine, et avec le
froid maman a les mains et les lèvres desséchées. Bref, au jeu
des sept familles, tout le monde va avoir besoin d’un vinaigre ou
d’un baume de temps en temps. Alors quoi de mieux que trouver
ce dont on a besoin à nos pieds ? De (ré)apprendre que dame
Nature a mis toutes les solutions à ces besoins là, aussi, en nos
amies les plantes ?
Bref, dans le secret de cette gynécée, pas question de chercher à
éliminer le moindre poil ou d’effacer toute ride d’expression (voire
toute expression !). Non, ici, vous l’aurez compris, on parlera plutôt
de prendre soin de soi, de s’accorder un moment, de se faire du
bien. C’est pour cela qu’on profitera de ces instants pour nettoyer
en douceur et apaiser ce qui rougit, gratte ou tiraille.
Nos paniers sous le bras, nous retournons à l’atelier de savonnerie, pour la préparation. Là c’est le grand déballage : certaines
sont venues avec leurs flacons et leurs pots de verre. Très vite, la
z Infusion de fleurs de souci (calendula)
grande table autour de laquelle nous sommes réunies est envahie :
on étale nos précieuses plantes, on trie, les bols et casseroles vont
en accueillir certaines… Ça sent bon l’herbe coupée et c’est une
joyeuse effervescence qui nous gagne ! Notre Gentille Sorcière
va tout d’abord nous montrer comment on fait infuser les plantes
pour garder au maximum leurs propriétés. Voici ses conseils : les
fleurs et les feuilles fraîches passeront à la casserole, mais pas
plongées directement dans
l’eau bouillante. Elles seront
recouvertes d’eau froide,
et l’on mettra un couvercle avant de faire chauffer
jusqu’au frémissement, en
évitant les gros bouillons.
Ça y est. Nous filtrons l’in-
fusion qui deviendra lotion nettoyante. Pendant qu’elle refroidit,
nous apprenons à faire du lait végétal, de la crème hydratante, du
gommage maison… Nous discutons et partageons ce savoir-faire,
ces gestes tout simples, et le plaisir d’être ensemble, de fabriquer
avec nos petites mains. Et nous testons ! L’heure est venue de prendre soin de nous. Ça commence par le lait végétal, appliqué sur
de petits carrés de tissus qu’on imbibe. C’est du recyclé : un t-shirt
découpé nous a fourni ces lingettes qu’il suffira de laver pour s’en
resservir. La peau du visage débarrassée de cette première couche
(de poussière, de terre ou de pollution peu importe), on passe
au gommage. Une première en ce qui me concerne, et l’effet est
visible immédiatement. L’expression "doux comme une peau de
pêche" prend du sens à mes yeux. Bon, par manque d’habitude,
j’ai fait légèrement durer l’exercice et j’ai un peu rougi… Pas mal
z Cueillette de saponaire
même ! Passons sur les détails de la suite du grand nettoyage,
et sachez que pour finir, nous n’avons rien jeté. Feuilles, fleurs,
lotion, lait, tout a fini dans une grande bassine pour un joyeux bain
de pieds collectif sous les arbres. On s’est échangé des trucs "de
grand-mère". Vous savez bien, tout le monde connaît au moins
un de ces remèdes. Certains s’oublient hélas, mais ils peuvent
ressurgir sitôt qu’on y réfléchit et qu’on se laisse porter, qu’on se
replonge en esprit à une époque où l’on savait écouter les bonnes
femmes, au vrai et joli sens du terme.
Après cette rafraîchissante journée, ce sont six femmes détendues,
au visage reposé, qui rentrent chez elles. Je crois bien qu’elles ont
toutes trouvé ce qu’elles étaient venues chercher.
Pour ce voyage initiatique, merci à Marie-Luc, décidemment la plus
gentille des sorcières qu’on ait pu voir en Dordogne
Pour en savoir plus :
BioBulle
La Peyre 24260 MAUZENS et MIREMONT
http://biobulle.canalblog.com
Tél: 05 53 05 74 37 mail : [email protected]
Notes :
1 : Longtemps, elle a mis ses formules en pots sous ce nom, et puis elle a
décidé de faire autre chose. Mais les gens du coin, qui avaient trouvé dans
ses préparations la solution à leurs petits maux quotidiens, ne l’entendaient
pas de cette oreille ! Ils continuaient à lui écrire pour lui commander leur
pommade. Elle a fondé, avec Christine Laurent, sa société, adhérente à
Nature & Progrès.
2 : Ne ramassez que les plantes que vous avez appris à identifier et utiliser.
Ou allez-y avec quelqu’un qui les connaît.
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