Rapport d'appréciation du Commissaire à la santé et au bien-être du Québec sur les services en santé mentale Des recommandations intéressantes pour l'amélioration des services, aucune perspective pour les aînés et la participation réelle des utilisateurs! Le 5 décembre 2012, le Commissaire à la santé et au bien-être, Monsieur Robert Salois, publiait le Rapport d'appréciation de la performance du système de santé et de services sociaux 2012 : pour plus d'équité et de résultats en santé mentale au Québec. Ce rapport présente l'état du réseau des services en santé mentale au Québec qui a été analysé par le Commissaire dans le cadre de différentes consultations, entre autres, et les recommandations proposées par celui-ci. En quelques mots, ce rapport propose de lutter contre la stigmatisation, miser davantage sur la prévention, en particulier auprès des jeunes de moins de 25 ans, consolider les services de première ligne, élargir le panier de services de la Régie de l'assurance-maladie du Québec (RAMQ) pour les y inclure les psychothérapies offertes dans le secteur privé et mieux reconnaître et financer adéquatement les organismes communautaires travaillant dans le secteur de la santé mentale. Et maintenant, du point de vue de la personne utilisatrice, comment analyser les recommandations de ce rapport? Permettre un renouveau des services en santé mentale Le Commissaire à la santé et au bien-être fait preuve d'une grande clairvoyance dans son évaluation des services en santé mentale et propose une nouvelle vision qui vise à permettre une meilleure collaboration entre les secteurs publics, privés et communautaires ainsi que pour passer d'une culture du médicament à celle de la diversité des traitements en santé mentale. Prévenir et mieux intervenir pour permettre le rétablissement À ce qui a trait à la prévention, le Commissaire souligne qu'il est important d'agir, en priorité, auprès des 25 ans et moins. Pourquoi? D'une part, agir auprès de ceux-ci permettra d'empêcher l'apparition de la maladie mentale, réduira les conséquences de celle-ci et permettra une meilleure inclusion sociale à long terme. Il est démontré, en particulier, que les personnes de moins de 25 ans qui ont trouble de santé mentale ont un taux de diplomation inférieur à la moyenne. Il faut souligner, également, que 20 % des enfants ou adolescents auront un trouble mental et que 70 % à 80 % des troubles mentaux commenceront avant 25 ans. Trois points sont soulignés par le Commissaire pour améliorer le traitement des personnes utilisatrices. 1. Premièrement, pour améliorer les services publics, il est important, d'une part, de mettre fin à la fragmentation des services en santé mentale. Ce projet s’articule par une meilleure coordination des services, par le renforcement des soins de première ligne1, une uniformisation de l’accès au guichet unique à l'intérieur de la province, qui constitue la porte d'entrée aux différents services et en adaptant les services aux jeunes de 18 à 24 ans. C’est ce groupe d’âge qui consulte le moins. D'autre part, le réseau doit être mis à contribution pour accentuer la lutte contre la stigmatisation par la reconnaissance de l'apport des pairs aidants, en reconnaissant la contribution des utilisateurs et en privilégiant l'approche par le contact avec des personnes en rétablissement pour promouvoir une approche positive de la santé mentale auprès de la population et des employés du réseau de la santé. 2. Deuxièmement, le Commissaire exerce un vibrant plaidoyer pour une reconnaissance réelle de l'expertise du secteur communautaire. Il souligne que les organismes communautaires qui travaille dans le secteur de la santé mentale améliore les conditions de vie des personnes utilisatrices, offrent un service souple et personnalisé et favorise la solidarité et les transformations sociales. Malgré le fait qu'en 1989 le gouvernement ait reconnu le secteur communautaire comme un partenaire, le Commissaire a souligné que le financement est largement insuffisant. Il est opportun de souligner que celui-ci est passé de 9,4% en 2005-2006 à 8,8% en 2010-2011 par rapport aux dépenses totales en santé mentale du Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Il s'agit d'un sous-financement récurrent qui vient affecter la qualité des services donnés dans un contexte de hausse de la demande. Par ailleurs, le rapport souligne, également, que le secteur public ne reconnaît pas l'expertise et la valeur des organismes communautaires. Il est donc urgent de financer les organismes pour qu'elles puissent jouer pleinement leurs rôles. 3. Troisièmement, cette recommandation a fait le tour des médias. Il s'agit d'inclure les services de psychothérapies dans les services couverts par le RAMQ. Il propose cette recommandation pour deux raisons. Selon le Commissaire, il est important de diversifier les approches thérapeutiques, car il manque d'alternative. Le traitement par la médication est souvent la seule option. Il est important de souligner qu'il y a une forte adhésion de la population à la psychothérapie. Par ailleurs, l'accès public à des services privés de psychothérapie permettrait une plus grande égalité sociale, car l’accessibilité à ces services privés est souvent un obstacle pour les travailleurs à bas revenu. Il est opportun de souligner que le délai d’attente dans un CLSC pour l’accès à une psychothérapie est souvent très long. 1 Les services de première ligne représentent le point de contact de la population avec le réseau de la santé. Ils comprennent un ensemble de services courants de santé qui s'appuient sur une infrastructure légère et peuvent être dispensés en cabinet privé, en CLSC, en centre de santé ou à domicile, Source : http://www.dsp.santemontreal.qc.ca/dossiers_thematiques/services_preventifs/thematique/sante_des_populatio ns_et_services_de_sante/strategies/definitions.html Renouveler l'approche entre les partenaires Le rapport souligne deux grands problèmes reliés à la santé mentale dans la société québécoise. On retrouve un problème à l'intégration au travail pour les personnes souffrantes de troubles de santé mentale, en particulier chez les personnes atteintes de troubles graves de santé mentale, car près de 80 à 90% se retrouvent sans emploi. Il insiste également sur le fait que les programmes d'aide à l'emploi ne sont pas orientés vers l'intégration au travail et que les mesures d'Emploi-Québec ne tiennent pas compte des besoins des personnes prises avec des troubles de santé mentale. Devant ces constats, il est nécessaire de moderniser ces programmes afin d'assurer la participation sociale des utilisateurs de service en santé mentale. L'accès à un logement convenable, par ailleurs, est particulièrement difficile pour les personnes atteintes de problèmes de santé mentale. Il y a une difficulté d'accès pour 27 % pour celles-ci, alors qu'il est de 15 % pour la population en général. Il est donc important de soutenir le maintien de plusieurs initiatives intersectorielles pour l'accès au logement autonome. Mieux mesurer la qualité des services Le Commissaire souligne le manque d'indicateurs et de données valables pour mesurer la performance des services en santé mentale. Il est important de souligner qu'il n'y a pas de données à l'égard de l'utilisation de la loi P-382, qui est une mesure exceptionnelle, et le MSSS, lors de la publication du Plan d'action en santé mentale 2005-2010 (PASM) n'a pas déterminé de cibles précises et mesurables assorties d'indicateurs pour chacun de ses objectifs. Il est donc important de modifier cette approche et d'avoir accès davantage à des indicateurs pour mesurer la qualité des soins et des services offerts. Aînés et démocratisation de la gestion des services : deux grands oubliés L'absence de mesures pour les personnes âgées Selon l'Institut de la statistique du Québec (ISQ), les aînés de 65 ans représenteront tout près de 23 % de la population en 2025 et en 2022, on comptera plus de personnes âgées dans la 2 La Loi P-38 est une loi d'exception pouvant être utilisée si aucun autre recours n'est possible. Comme cette loi contrevient à la Charte des droits et libertés de la personne, elle se doit d'être très stricte dans son utilisation. La Loi P-38 s'applique lorsque la personne dont l'état mental présente un danger grave et imminent pour elle-même ou pour autrui. Bien évidemment, la notion de danger peut laisser place à l'interprétation et elle est le seul critère à évaluer pour appliquer cette loi. Évidemment, cette loi est utilisée dans les cas où la personne nous semble présenter un danger et qu'elle refuse de consulter son psychiatre ou d'être hospitalisée. Dans ces moments, les policiers peuvent intervenir de force et obliger une personne à une garde préventive. Source : http://www.alpabem.qc.ca/index.php?option=com_content&view=article&id=119:la-loi-p-38 province que de jeunes de moins vingt ans. Il n'y a pas de doute, la présence des aînés augmentera au cours des prochaines années. Il est également important de souligner qu'en 2008, 19% des aînés ont connu un niveau élevé de l'indice de détresse psychologique. 3 En termes de santé mentale, on peut souligner que 22,4 % des personnes âgées vivant à domicile sont touchées par un trouble de santé mentale.4 Devant un tel portrait, il aurait été souhaitable que le Commissaire se penche sur la situation des aînés afin d'analyser leur accessibilité aux services en santé mentale, leurs visions de la maladie mentale, leurs perspectives de rétablissement et leur participation sociale. Pour bien préparer le Québec à son vieillissement, il est nécessaire de bâtir des services en santé mentale qui vont répondre à leurs besoins. Une gestion sans participation réelle des utilisateurs À plusieurs reprises, le Commissaire a souhaité davantage inclure les utilisateurs dans l'organisation des services sans présenter un nouveau modèle d'organisation. Le rapport démontre bien que l'on ne peut pas maintenir le statu quo. Pourquoi? Le Commissaire a en présenté quelques-unes des difficultés des services en santé mentale : pas de cibles et d'indicateurs dans le PASM 2005-2010, difficulté à mesurer la qualité des services, nonreconnaissance du secteur communautaire et sous-financement chronique, inégalité d'accès au guichet unique pour tous les Québécois, etc. Il est urgent de laisser davantage de place aux utilisateurs dans l'organisation des services et de passer des consultations aux décisions. En terminant... Sans aucun doute, le Commissaire à la santé et au bien-être fait preuve d'une grande audace avec ses propositions. Si elles sont mises en œuvre, elles vont permettre une plus grande accessibilité aux services en santé mentale, une diversification de l'offre de traitement, un meilleur financement du secteur communautaire et une meilleure gestion de la qualité des services. Il est nécessaire de réfléchir collectivement sur l'adaptation des services en santé mentale envers les aînés et pour laisser une réelle place aux utilisateurs dans la gestion et dans la planification de ceux-ci. Vous trouverez le rapport complet sur le site du Commissaire à la santé et au bien-être 3 Institut de la statistique, Quelques indicateurs de santé chez les aînés, Que révèle l'Enquête 2008, Avril 2012, Numéro 37 4 Louise-Maude Rioux-Soucy, 75e Congrès de l'ACFAS- La dépression et l'anxiété guettent aussi les vieux qui restent chez eux, Le Devoir, 12 mai 2007