www.bernard-rigo.ch, Journées Romandes de Soins Infirmiers, p. 5
Dès lors, nous dit Platon, il est fort à parier que ces hommes-prisonniers vont se
mettre à tenir ces ombres imparfaites, pour le monde réel…. : pour le Vrai, pour le
Beau, ou encore pour le Bon ou le Juste.
Mais qu’arriverait-il si, un jour, un de ces hommes prisonniers, étant arrivé à se
détacher, se retourne et contemple enfin les objets dont il n’apercevait jusqu’ici que
les ombres ? Force sera alors, pour lui, de constater que ce qu’il tenait pour Vrai,
Beau ou Bon, n’était justement qu’une ombre.
Et si cet homme, à la suite de sa découverte, voulait faire-part à ses compagnons
d’infortune de ce qu’il a vu, il risquera probablement, dira Platon, de ne pas être cru.
C’est pourquoi, parce que par les sens nous ne pouvons « voir » ou imaginer ce qui
est derrière nous, car nous restons prisonniers au fond de la caverne, c’est alors par
un autre canal que nous sera donné le moyen de « voir » ce monde supra-sensible
qui contient les « Idées ».
Et c’est ainsi qu’au premier dualisme entre le monde sensible et le monde
suprasensible, Platon va en ajouter un deuxième : celui entre le corps et l’âme.
Car c’est cette dernière qui peut, seule, découvrir les « Idées », tout simplement
parce qu’avant de s’incarner dans un corps, elle a pu auparavant contempler ce
monde des « Idées » (monde dans lequel elle retournera lorsqu’à la mort du corps,
elle sera libérée…étant de nature immortelle).
Cependant, pour Platon, lorsque l’âme entre dans un corps, lorsqu’elle s’incarne,
l’âme oublie ce qu’elle avait auparavant pu contempler. De telle manière qu’il s’agit
pour elle de se ressouvenir de ce qu’elle avait vu et contemplé, avant son
incarnation.
Il est intéressant de noter qu’en grec le concept de vérité se dit : « alètheia », soit :
un « a » privatif, et « lèthe » qui veut dire « oubli »
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Ce sera alors la tâche du philosophe que d’aider autrui à cette ressouvenance, on
parle alors de réminiscence, et dont le modèle, pour Platon, était Socrate qui
pratiquait l’art de la « maïeutique »
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Ainsi donc, avec son modèle philosophique de la théorie des « Idées », Platon peut
donc s’opposer à Protagoras, pour qui l’homme était la mesure de toutes choses, en
posant que ce sont les « Idées » qui vont servir de mesure aux choses, et plus
particulièrement pour ce qui est de la Vérité dans le domaine de la connaissance, du
Beau dans le domaine de l’esthétisme, et du Bien ou du Juste dans le domaine de
l’éthique.
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Après un grand nombre de siècles passés dans l'Hadès, les âmes des justes et celles des méchants qui avaient expié leurs
fautes aspiraient à une vie nouvelle, et obtenaient la faveur de revenir sur la terre habiter un corps et s'associer à sa destinée.
Mais avant de sortir des demeures infernales, elles devaient perdre le souvenir de leur vie antérieure, et à cet effet boire les
eaux du Léthé, qui provoquaient l'amnésie. Le « Léthé » est donc aussi, dans la mythologie grecque, le nom du fleuve que
traverse l’âme avant de revenir à la vie. (cf http://fr.wikipedia.org/wiki/Léthé
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Le concept se réfère au personnage de la mythologie grecque : Maïa, qui veillait aux accouchements, et désigne une
technique de bien poser les questions pour que la personne interrogée puisse exprimer (accoucher) des connaissances qu’elle
n’aurait pas encore conceptualisées. On dit que la mère de Socrate était sage-femme !