PREFECTURE PYRENEES DE REGION MIDI- L’économie résidentielle et le développement local : conséquence ou levier ? Rapport Octobre 2007 Philippe Estèbe Yves Janvier Sophie Tievant Laurent Davezies SOMMAIRE 1. Synthèse de l’étude .......................................................................................... 3 2. Objet et méthode de l’étude ............................................................................. 12 3. Les principales composantes de la base économique des pays de MidiPyrénées ........................................................................................ 17 Quatre types de pays en Midi-Pyrénées ............................................................... 17 Quel impact de la base économique sur les fondamentaux des pays ? ........... 23 4. La prise en compte des enjeux de l’économie résidentielle par les pays.... 40 Pays Albigeois Bastides ........................................................................................ 43 Pays d’Armagnac ........................................................................................ 47 Pays Bourian ........................................................................................ 51 Pays Lauragais ........................................................................................ 55 Pays Midi-Quercy ........................................................................................ 60 Pays Pyrénées Cathares 64 Pays Ruthénois ........................................................................................ 67 Pays Vallée des Gaves ........................................................................................ 72 5. Entretiens conduits avec des “entrepreneurs résidentiels” ......................... 76 6. Annexe : données sur les unités urbaines des pays de Midi Pyrénées..... 107 2 1. Synthèse de l’étude L’économie résidentielle est entrée dans le vocabulaire courant depuis plusieurs années, grâce notamment aux travaux pionniers de Laurent Davezies. Elle fait l’objet, notamment dans les territoires ruraux, de jugements extrêmement tranchés. Pour les uns, il s’agit de l’avenir du monde rural, dès lors que l’agriculture est résiduelle, du moins en termes de population occupée. Pour les autres, il s’agit d’une « fausse économie », qui entretient l’illusion de l’activité, alors qu’elle n’est alimentée que par des revenus venant de l’extérieur, et donc renforce la dépendance du territoire. Dans ce travail, avec le service étude du SGAR de Midi-Pyrénées, nous n’avons pas pris parti ; nous ne sommes ni pour, ni contre l’économie résidentielle (bien au contraire). L’économie résidentielle, autrement dit, la présence, dans un territoire, de personnes porteuses de revenus qui proviennent d’activités menées ailleurs que dans ledit territoire, est un phénomène réel. Notre propos n’est ni d’en faire l’apologie, ni le procès, mais de le comprendre, ou du moins de participer à sa compréhension et à celle des conséquences qu’il entraîne. Cette étude a cherché à identifier le poids de l’économie résidentielle dans les pays de Midi-Pyrénées, à comprendre la manière dont les acteurs du développement local en tiennent compte et, éventuellement, l’utilisent comme un levier pour le développement. L’étude a enfin permis de rencontrer différents « entrepreneurs résidentiels » qui permettent de cerner le nouveau visage de l’économie rurale, autant, sinon mieux que l’approche statistique. Définitions La richesse d’un territoire infra national (ce que l’on appelle la « base économique ») provient de deux sources : - les revenus de la production de biens et de services que les agents économiques localisés dans le territoire « vendent » à l’extérieur ; on parle alors de base « productive ». - les revenus liés à la résidence dans le territoire de personne qui n’y travaillent pas, mais qui sont susceptibles de dépenser : il s’agit principalement des retraités, des résidants actifs dans d’autres territoires et des touristes. L’ensemble de ces revenus (productifs+résidentiels) détermine un niveau de demande potentielle, qui, à son tour alimente des activités domestiques, tournées vers la satisfaction des besoins de la population résidante, qu’elle travaille, ou non, dans le territoire considéré. 3 1. Le poids de l’économie résidentielle dans les Pays de Midi-Pyrénées Composition du revenu basique des ménages dans les pays de Midi-Pyrénées (2000) 19% 17% Basique productif privé Salaires publics 9% 28% 15% Salaires résidentiels importés Revenu des retraites Dépenses touristes Dans leur ensemble, les pays de Midi-Pyrénées sont fortement alimentés par les revenus d’origine résidentielle : pour l’ensemble des pays (le calcul est fait hors unité urbaine, pour saisir la réalité de l’espace rural), les deux premières sources de revenu sont les retraites (28 % du revenu) et les dépenses touristiques (19% du revenu). Cependant, cette donnée d’ensemble recouvre d’importants contrastes. Un premier résultat de l’étude réside dans la permanence de pays ruraux dont l’économie, en Midi-Pyrénées, est essentiellement productive. La grande périphérie régionale, celle qui est faiblement sous influence métropolitaine, continue d’être un territoire de production, soit industriel, soit agricole, soit les deux. Cela n’est pas totalement surprenant et correspond à une géographie nationale : les emplois industriels (du moins dans une définition restrictive de l’emploi industriel 1 ) sont proportionnellement plus nombreux en milieu rural qu’en milieu urbain. Grâce à une industrie agroalimentaire très importante (1er employeur industriel en Midi-Pyrénées) mais aussi grâce à une activité industrielle qui s’est maintenue, voire développée dans les espaces ruraux (par exemple dans le pays de la vallée de la Dordogne lotoise), tous les pays de Midi-Pyrénées ne sont pas uniquement voués aux revenus résidentiels. 7 pays sur 32 présentent ce profil productif. Parmi ceux-ci, l’Armagnac présente la composante productive la plus élevée des bases de Midi-Pyrénées. 1 Les emplois strictement industriels de pure « production » sont, on le sait, désormais minoritaires dans le procès de fabrication. Ainsi, la proportion d’emplois industriels dans la population active estelle à Colomiers, inférieure à Lacaune par exemple. 4 Armagnac 17% 25% Basique productif privé Salaires publics Salaires résidentiels importés Revenu des retraites 9% 29% Dépenses touristes 7% Les autres pays se partagent en trois grandes catégories : − Les pays périurbains, dont les ménages disposent d’un revenu caractérisé, par rapport à la moyenne des pays, par une proportion supérieure de salaires importés, touchés dans les pôles d’emplois (villes centre notamment) et « ramenés » au domicile, du fait de la dissociation entre domicile et travail. Parmi ceux-ci, le pays du Girou-Tarn, aux portes de Toulouse, présente la plus forte composante de salaires importés. Girou-Tarn-Frontonnais 5% 14% Basique productif privé 7% 27% Salaires publics Salaires résidentiels importés Revenu des retraites Dépenses touristes 32% − Les pays de retraités, dont les ménages disposent d’un revenu caractérisé, par rapport à la moyenne des pays, par une proportion dominante (supérieure à 30 %) de pensions de retraites. C’est le pays des Coteaux, sur le plateau de Lannemezan, qui illustre le mieux cette catégorie. 5 Coteaux 11% 15% Basique productif privé 8% Salaires publics Salaires résidentiels importés Revenu des retraites 36% − Dépenses touristes 17% Les pays touristiques, dont les ménages disposent d’un revenu alimenté, dans une proportion très importante, par les dépenses touristiques (nuits d’hôtel, rémunération d’emplois touristiques, dépenses liées aux résidences secondaires, etc.) Le pays « Vallée des Gaves », au Sud de Lourdes, cumule les retombées de l’activité de pèlerinage et du tourisme pyrénéen. Vallées des Gaves 11% Basique productif privé 7% Salaires publics 10% 48% Salaires résidentiels importés Revenu des retraites Dépenses touristes 17% Cette typologie est fondée sur la composante principale des revenus des ménages, relativement à l’ensemble des pays. L’économie résidentielle joue donc un rôle fondamental dans l’alimentation des pays en revenus, même pour ceux qui présentent une composante productive importante. Cependant, ce poids de l’économie résidentielle ne constitue pas nécessairement une garantie de « bonne santé » d’ensemble pour les pays. 6 2. Conséquences et usages de l’économie résidentielle Les revenus résidentiels ne pénalisent pas le dynamisme économique des pays Vaut-il mieux être « productif » ou « résidentiel », et, si l’on est « résidentiel », vaut-il mieux être alimenté par des « salaires importés », des « retraites » ou des « dépenses touristiques » ? L’étude ne permet pas de répondre à ces questions : les indicateurs varient considérablement et ne montrent pas clairement de corrélation entre une source d’alimentation de revenu et les « fondamentaux » du développement local — population, emploi, revenu. On a ci-dessous, classé selon ces trois registres les 10 premiers pays, et les 10 derniers, en termes de performance : on verra qu’il est bien délicat de trouver un schéma récurrent à cette échelle. Pays productifs Pays périurbains Pays de retraités Pays touristiques Dynamisme démographique Les 10 premiers Girou-TarnFrontonnais Lauragais Montalbanais Sud Toulousain Bourian Cocagne Foix Haute-Ariège Portes d'AriègePyrénées Cahors et sud du Lot Midi-Quercy Ensemble des pays Variation Variation de de population population 1975-99 1990-99 74% 26% 32% 33% 12% 16% 11% 19% 11% 9% 9% 7% 6% 5% 10% 13% 13% 6% 5% 4% 3% 2% Les 10 derniers Comminges Est Quercy Haut Rouergue en Aveyron Pyrénées Cathares Albigeois et Bastides Nestes Rouergue Occidental Armagnac Couserans Sidobre Monts de Lacaune Variation Variation de de population population 1975-99 1990-99 -6% -3% -6% -3% -6% -7% -9% -9% -10% -3% -6% -4% -2% -3% -10% -10% -3% 2% -14% -5% 7 Création d’emplois Les 10 premiers Val d'Adour Cahors et sud du Lot Girou-Tarn-Frontonnais Auch Bourian Portes de Gascogne Variation de l'emploi salarié privé 19932003 47% 40% 39% 38% 38% 37% Cocagne 36% Vallée de la Dordogne lotoise 34% Lauragais 33% Montalbanais 32% Ensemble des pays Les 10 derniers Coteaux Garonne-Quercy-Gascogne Comminges Est Quercy Foix Haute-Ariège Albigeois et Bastides Vign. Gaillac. Bastides et Val Dadou Pyrénées Cathares Sidobre Monts de Lacaune Autan 22% Variation de l'emploi salarié privé 19932003 17% 16% 14% 14% 10% 9% 4% 3% -4% -16% Revenu des habitants Les 10 premiers Est Quercy Coteaux Ruthenois Monts et Lacs du Levezou Rouergue Occidental Couserans Haut Rouergue en Aveyron Auch Portes de Gascogne Cocagne Ensemble des pays Variation du revenu par habitant 19902000 Les 10 derniers Variation du revenu par habitant 19902000 43% Sidobre Monts de Lacaune 36% Foix Haute-Ariège 35% Tarbes et Haute Bigorre Vallée de la Dordogne 34% lotoise 33% Garonne-Quercy-Gascogne 33% Midi-Quercy 20% 19% 19% 31% 29% 28% 27% 24% 18% 18% 16% 14% Armagnac Pyrénées Cathares Autan Bourian 19% 19% 19% Une seule récurrence est perceptible : dans l’ensemble, les pays « productifs » font moins bien que les autres. Ils sont moins dynamiques du point de vue de la 8 démographie, du point de vue de la création d’emploi et de celui de la croissance du revenu par habitant. Pour autant, il ne suffit pas d’être alimenté par des salaires importés, des retraites ou des dépenses touristiques pour bien se porter. Inversement, cela signifie aussi que les pays « résidentiels » (pris globalement) ne sont pas dans des situations moins bonnes que les pays « productifs ». Autrement dit, être alimenté par des retraites, des salaires importés ou du tourisme n’empêche pas de créer des emplois et de voir le revenu moyen croître. La présence de revenus d’origine résidentielle constitue un potentiel que les acteurs territoriaux, publics ou privés, peuvent ou non choisir de développer. La « réception » de l’économie résidentielle par les acteurs du développement territorial Dans le cadre de cette étude, nous avons rencontré deux types d’acteurs du développement territorial : les entrepreneurs et les responsables politiques. Les hésitations des acteurs institutionnels Pour la plupart des acteurs institutionnels rencontrés, l’apport de revenus résidentiels ne constitue pas une économie « réelle ». Pour deux raisons principales : d’une part parce que, en matière de développement local, on ne raisonne pas, ou très peu « marché », c’est-à-dire confrontation de l’offre et de la demande. − La demande est réputée extérieure, et le seul développement économique qui vaille se fonde d’abord sur une économie de l’offre : le développement du territoire passe par la capacité de son tissu économique à produire des biens (agricoles ou industriels) et des services (touristiques le plus souvent) qui seront « vendus » à l’extérieur. Le tourisme est la seule activité fondée sur la captation de revenus résidentiels reconnue comme « économique » par la plupart des acteurs institutionnels − La deuxième raison est que, pour la plupart d’entre elles, les activités domestiques qui satisfont la demande intérieure d’un territoire rapportent peu de taxe professionnelle aux collectivités territoriales, et, du coup, sont moins visibles et moins valorisées que les activités réputées industrielles (ou artisanales) dont les élus appréhendent plus facilement l’impact dans la fiscalité territoriale. Du coup, l’hypothèse de développer des activités économiques « endogènes », susceptibles de capter le revenu présent dans le pays, n’est pas vraiment entrée dans les stratégies de développement territorial. Pour la plupart des acteurs institutionnels, un résidant (périurbain ou retraité), c’est d’abord un coût en termes de services collectifs, ça n’est pas un acteur économique (même si les résidants eux aussi « rapportent » aux collectivités en impôts ménages et en dotations globales). 9 Cette prise de distance par rapport à l’idée de fonder des stratégies locales de développement, pour tout ou partie, sur la captation de revenus trouve une autre justification dans la mobilité des personnes et les habitudes de consommation. Les pays périurbains par exemple, souffrent d’une évasion considérable du potentiel de consommation, du fait de la localisation des grandes zones commerciales dans la première couronne des villes centres. Ils ont le sentiment d’une impasse financière : ils accueillent des habitants qui rapportent certes des taxes, mais qui coûtent très cher en équipements et en services, sans pour autant sécuriser les retombées sur les commerces et l’artisanat local. On peut penser d’ailleurs que cette tension à l’égard du développement résidentiel s’est accrue localement avec le développement des intercommunalités à taxe professionnelle unique. Les communautés de communes ou d’agglomération financent des équipements collectifs dont le coût est proportionnel à la population avec des ressources fiscales (la taxe professionnelle) bien moins élastiques et répondant souvent à d’autres logiques. Dans certains cas, la tension entre communes et intercommunalités peut être forte : les premières ont intérêt à accueillir des habitants parce qu’elles continuent de percevoir les impôts ménage, alors qu’une part des équipements est financée par les intercommunalités ; inversement, les secondes ont plutôt intérêt à une certaine prudence démographique, de façon à ne pas grever des budgets déjà tendus. Les acteurs des pays se font souvent l’écho des intercommunalités, d’où leur méfiance par rapport à ce qui n’apparaît pas comme une économie « réelle ». Cependant, dans certains pays, les acteurs ont commencé d’intégrer cette idée que la captation des revenus peut-être une bonne stratégie de développement local, à condition de s’en donner les moyens. On verra plus loin le détail des stratégies de développement local fondée sur les revenus résidentiel ; bornons-nous ici à dire qu’elles se fondent toutes sur une mobilisation de la demande potentielle à partir d’une analyse des revenus présents sur le territoire, avec une question permanente : comment faire en sorte que les revenus se transforment en demande et rencontrent une offre. Différentes solutions sont possible dont ou trouvera les éléments en deuxième partie de ce rapport. Les Pays entament donc une évolution : il ne s’agit pas de se « convertir » à l’économie résidentielle, il s’agit plus simplement d’en reconnaître les risques, les limites et d’en exploiter les potentialités. La mutation de l’économie rurale Simultanément, il se passe autre chose, que nous avons essayé de décrire dans la troisième partie de ce rapport, grâce à des entretiens individuels. Le repeuplement des espaces ruraux, auquel on assiste depuis une quinzaine d’année (au-delà du phénomène des « néo ruraux » valorisé et stigmatisé dans les années 1970) fini par produire des effets sui generis. On assiste à l’émergence d’entrepreneurs résidentiels, qui font de leur lieu de résidence non seulement un lieu d’activité, mais encore un facteur de production. En ce sens, il ne s’agit ni d’une évolution de l’économie agricole, ni du fameux « télétravail », mais bien d’une catégorie d’activité qui utilise le lieu, et le valorise, dans des productions d’une extrême diversité. C’est 10 un Anglais qui organise des classe de découverte de la nature pour des élèves d’école privées anglophones ; c’est un consultant qui conjugue art, conseil et gîte rural ; c’est un maire rural qui a compris tout le parti qu’il pouvait tirer de l’héliotropisme des retraités du nord de l’Europe ; c’est un groupe de copain qui monte un projet culturel et satisfait un public de rurbains loin de la métropole toulousaine, etc. Tous ces récits n’aboutissent pas à des succès ; les « galères » sont souvent plus nombreuses que les réussites. Mais ils témoignent tous d’un mouvement de fond : l’économie rurale se transforme profondément. Certes, en termes d’occupation du sol, l’agriculture demeure dominante ; en termes de population active occupée, les ouvriers forment la catégorie la plus nombreuse dans les espaces ruraux. Mais entre les champs et l’usine, des activités émergent, qui valorisent autrement le paysage, et le « vendent » , en l’accompagnant de services sophistiqués à une clientèle urbaine, voire aux urbains « desserrés » installés en milieu rural. Double économie résidentielle donc : des personnes qui entreprennent là où elles résident, et qui drainent une clientèle de résidants au-delà de l’offre traditionnelle d’artisanat et de commerce, en offrant des services complexes (loisirs, éducation, sport, découverte de la nature, …). Ces activités demeurent à la marge, mais elles ne sont pas marginales : elles portent une nouvelle économie rurale, ni régressive, comme on pouvait l’espérer (ou le craindre) dans les années 1970, ni banalisante (lorsque l’on imagine une « urbanisation progressive des campagnes). Il s’agit d’une fonction spécifique de l’espace rural dans la France contemporaine, pour laquelle on n’a pas encore de mot, mais qui est sans doute promise à un bel avenir. 11 2. Objet et méthode de l’étude Objet de l’étude La préfecture de région Midi-Pyrénées a souhaité disposer d’un état des lieux et d’une réflexion prospective sur l’économie résidentielle dans les pays de la région (au sens de la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire). L’expression « économie résidentielle » est devenue, en quelques années, un des maîtres mots du développement local. Quelques travaux pionniers ont en effet mis en évidence que, pour un territoire donné 2 , l’écart est permanent entre la richesse produite (qui se mesure au moyen du PIB) et le revenu des habitants. Autrement dit, si, en gros, à l’échelle d’une nation, le produit intérieur brut et le revenu intérieur coïncident (avec quelques nuances liées notamment à la rémunération des facteurs non résidents, par exemple les dividendes versés hors du territoire national), plus l’échelle est grande (autrement dit, plus le territoire est petit), moins ces deux grandeurs s’ajustent. Déjà, à l’échelle des régions, on a pu constater un phénomène de divergence contre intuitive : les PIB régionaux par habitant s’écartent, alors que les revenus moyens régionaux convergent. Ainsi, la production et la consommation ne s’ajustent-elles pas à l’échelon local ; plus précisément, le revenu disponible par habitant à l’échelle locale ne correspond que de façon très lointaine à la richesse produite par le territoire concerné (mesurée en termes de valeur ajoutée). C’est que, pour un territoire infra national donné, les sources d’alimentation du revenu individuel sont multiples et que celles qui proviennent de la production de biens et de services vendus hors du territoire, et correspondant donc à un gain sur « le reste du monde », apparaissent minoritaires par rapport à d’autres sources. Celles-ci sont d’ordre variable et correspondent au profil de ceux qui résident dans le territoire —d’où l’expression « économie résidentielle ». Ces revenus, liés à la résidence, sont de cinq types. Il s’agit d’une part des revenus perçus en un lieu et « rapatriés » au lieu de domicile : une grande partie des espaces périurbains voire ruraux sont dans cette situation de voir le revenu des ménages alimenté par des salaires « importés » ; c’est en quelque sorte la « face cachée » des territoires trop vite qualifiés de « dortoirs » : ils bénéficient d’un apport de revenus qui ne correspond pas à une production faite sur place. Il s’agit d’autre part des revenus des retraites, dépendant évidemment du nombre de retraités vivant sur le territoire. Ceux-ci correspondent à une économie « résidentielle » dans la mesure où il s’agit de revenus qui « entrent » dans le territoire en provenance du reste du monde (ils sont financés par la solidarité 2 On entend ici par « territoire » un espace délimité par une administration ou une collectivité territoriale, doté d’institutions en charge de son développement et de sa cohésion sociale. 12 nationale ou des fonds privés nationaux ou internationaux) sans correspondre à une production « vendue » à l’extérieur du territoire. Il s’agit ensuite des revenus provenant du tourisme : on peut dire qu’il s’agit de la contrepartie d’une « production » du territoire (la qualité des paysages, de l’accueil, des produits touristiques, etc.) ; mais cette production consiste dans la qualité résidentielle et donc l’attractivité du territoire concerné. Au nombre des revenus qui entrent dans le territoire, il faut aussi compter l’ensemble des traitements des fonctionnaires publics. Ceux-ci correspondent bien à des revenus tirés sur l’extérieur (les traitements sont financés par le budget de l’Etat) et sont liés à la « résidence » plus ou moins volontaire des agents de l’Etat. Enfin, dernier revenu de type « résidentiel » : l’ensemble des transferts sociaux hors retraite (minima sociaux, remboursements de sécurité sociale, allocations chômage, allocations familiales). Même si ces revenus de transferts peuvent correspondre à des situations individuelles de pauvreté ou de précarité, ils n’en représentent pas moins une richesse qui alimente un territoire donné. Au total, les revenus perçus sur un territoire sont liés à la fois à ce que ce territoire est capable de produire et de vendre à l’extérieur, mais aussi à ce qu’il est capable de « capter » en raison de son attractivité propre (ménages périurbains, retraités, touristes, etc.). Cette approche n’est pas seulement analytique ; elle permet de comprendre la formation de l’un des concepts de base, trop souvent oublié en économie territoriale : la demande. En effet, la demande locale n’est pas seulement liée aux salaires versés par les entreprises productives et exportatrices, industrielles ou de services—dans une aire urbaine moyenne, ceux-ci représentent environ le quart des revenus perçus par les ménages. Le revenu de type « résidentiel » alimente près de 70 % en moyenne du revenu des habitants d’un territoire donné. Comment expliquer ce paradoxe apparent ? Autrement dit, il faut bien que certains produisent, pendant que d’autres « profitent » de la richesse ainsi produite, sous la forme de redistribution. L’explication tient à deux grands mécanismes. L’existence de grandes machines nationales à redistribuer d’une part (les retraites, la sécurité sociale, la fonction publique) et la grande mobilité des personnes d’autre part qui fait que de l’argent gagné dans un pôle productif peut être dépensé dans un espace plus résidentiel (par exemple, du fait de la dissociation entre domicile et travail, à cause du tourisme ou encore grâce à la mobilité des retraités). La conjonction de mécanismes de redistribution et de phénomènes de mobilité permet à de nombreux territoires ruraux, naguère condamnés par la science économique et qui faisaient le désespoir des aménageurs du territoire, se trouvent aujourd’hui en situation plutôt favorable, parfois meilleure que celle des pôles productifs, autrefois accusés de « vider les territoires de leur substance ». 13 Schéma 1 : le circuit territorial des revenus Consommations de loisir (tourisme, rés. 2re) Fonction /territoire résidentiels Fonction /territoire récréatifs Exportation de revenus (migrations domicile - Fonction/territoi re productifs Salaires publics, pensions, transferts sociaux Reste du monde Consommation s quotidiennes Salaires publics, pensions, transferts sociaux Vente de biens et services Ce mécanisme de redistribution territoriale invisible est vérifié à toutes les échelles : à l’échelle nationale, entre les régions productives (Île-de-France, Rhône-Alpes, Alsace, Nord Pas de Calais, Alsace, Pays de Loire…) et le reste du territoire ; à l’échelle régionale entre les métropoles et leur environnement périurbain ou rural, bénéficiant du desserrement urbain et des dépenses de loisir des métropolitains ; à l’échelle locale même, entre les villes moyennes et leur territoires environnant, de fait de l’étalement des ménages, même à cette échelle. Il est cependant évident que l’existence d’un revenu dans un territoire donné ne constitue, pour ledit territoire, qu’une potentialité. Autrement dit, une des questions du développeur local est bien celle-ci : comment transformer du revenu en demande, comment lui faire rencontrer une offre et comment celle- ci peut-elle se traduire en emplois domestiques (tournés vers la satisfaction de la demande interne au territoire), permettant d’alimenter l’économie locale par « captation » du revenu existant ? A ce jeu de captation, tous les territoires ne sont pas logés à la même enseigne, autrement dit, tous ne bénéficient pas à la même hauteur des bienfaits potentiels de l’économie résidentielle. L’existence d’un tissu préexistant de services, par exemple dans les chefs-lieux de canton, constitue un atout, à partir duquel peuvent se développer de nouvelles activités pour desservir la demande locale. Cependant, on constate aussi la croissance diffuse d’un emploi de service, parfois très sophistiqué (on pense aux médecins et aux infirmières pour ne citer que ces exemples) dans des tissus périurbains ou ruraux ; l’emploi répondant à l’économie résidentielle ne se résume d’ailleurs pas à des emplois de services au sens classique du terme : le bâtiment, l’artisanat, le commerce peuvent aussi, comme on le vérifie souvent, bénéficier de cet apport de revenus. Il est donc intéressant de s’interroger sur la place que l’économie résidentielle occupe dans le développement des territoires ruraux en Midi-Pyrénées, d’autant plus que cette région, comme d’autres, est depuis longtemps réputée souffrir d’une 14 hypertrophie de la métropole régionale au détriment des autres composantes du territoire régional. Méthode de l’étude L’analyse des pays de Midi-Pyrénées a été conduite à partir des sources de revenu. Cette approche consiste à combiner les données fiscales sur le revenu des ménages dont on dispose à l’échelle départementale aux données du recensement à l’échelle du périmètre étudié. Les revenus considérés comme productifs sont liés à des activités qui se localisent dans le territoire pour produire et pour « exporter ». Ils sont calculés à partir de diverses conventions. Certaines activités sont intégralement considérées comme « basique » : il s’agit des activités industrielle et agricole, dans la mesure où on fait l’hypothèse que leur produit n’est pas consommé sur place ; d’autres activités sont considérées comme basique en fonction de leur « coefficient de localisation » : si le taux d’emploi dans un secteur (par exemple médical) apparaît anormalement élevé par rapport au taux départemental ou régional, alors on fait l’hypothèse qu’une partie de ce secteur peut être considéré comme basique, dès lors qu’il « exporte » une partie de son activité ; le surplus est donc considéré comme du revenu net qui « entre » dans le territoire considéré. Le revenus considérés comme résidentiels sont liés à la « présence » de titulaires de revenus dans le territoire : les revenus des migrants alternants, calculés à partir du fichier MIRABELLE ou du fichier (lorsque l’on en dispose, ce qui n’est pas le cas dans cette étude) déclaration annuelle de salaires (DADS) ; le revenus des retraités, donnés directement par la direction générale des impôts (DGI) ; le revenu du tourisme, calculé à partir des emplois touristiques et d’un prorata lié au nombre de résidences secondaires dans le territoire considéré. Pour ces raisons, le calcul de la base n’est possible qu’en 1999, dans la mesure où l’on ne dispose pas de données détaillées au-delà. Cependant, les analyses en termes de revenu et d’emploi sont prolongées jusqu’à une date plus récente, en fonction des informations disponibles auprès des fournisseurs de données. Une fois que l’on a calculé la « base » des pays, on a étudié les effets de ce potentiel de consommation sur l’emploi. Autrement dit, on s’est demandé si telle composition de la base était plus ou moins amicale avec le développement d’activités « domestiques », c’est-à-dire des activités qui desservent la demande locale. C’est toute la question de l’étude : existe-t-il des configurations basiques plus ou moins favorables au développement local ? L’analyse à l’échelle des pays s’est faite en deux temps : Un premier temps où l’on a exclu du périmètre les unités urbaines d’une aire urbaine lorsqu’il y en avait une. On s’intéresse en effet plutôt à l’espace rural (ou ce qu’il est convenu d’appeler ainsi). Dans un deuxième temps, les unités urbaines ont fait l’objet d’un traitement spécifique que l’on trouvera en annexe. 15 Carte 1 : les pays étudiés et leur dynamiques démographiques 16 3. Les principales composantes de la base économique des pays de Midi-Pyrénées Quatre types de pays en Midi-Pyrénées Une typologie Le premier résultat de l’approche par les revenus basique constitue met à jour une diversité relative de « modèles » territoriaux. Lorsque l’on classe rapidement les territoires en fonction de la composante principale de leur base, on voit nettement se détacher quatre types de configuration basique. Un premier type peut être qualifié de « productif » dans la mesure où sa base productive privée atteint ou dépasse 20 % du total du revenu entrant dans le territoire. Un deuxième type peut être qualifié de « périurbain » : le revenus « importés » par les migrants alternants dépasse 16 % du total des revenus entrants et atteint dans certains cas 30 %. Un troisième type est dominé par les retraités : les revenus de pension dépassent 30 % du revenu entrant. Un quatrième type se signale par la domination des revenus touristiques, qui peuvent atteindre 50 % du revenu entrant dans le territoire. 17 Tableau 1 : classement des pays en fonction de la composition de leur base économique Pays productifs Revenus de la production Pyrénées Cathares Haut Rouergue en Aveyron Garonne-Quercy-Gascogne Vallée de la Dordogne lotoise Sidobre Monts de Lacaune Portes de Gascogne Armagnac 20,0% 20,5% 20,5% 21,0% 21,4% 24,4% 24,8% Pays périurbains Ruthenois Coteaux Portes d'Ariège-Pyrénées Auch Cocagne Lauragais Sud Toulousain Tarbes et Haute Bigorre Autan Montalbanais Girou-Tarn-Frontonnais Pays de retraités Val d'Adour Comminges Est Quercy Midi-Quercy Cahors et sud du Lot Rouergue Occidental Vign. Gaillac. Bastides et Val Dadou Albigeois et Bastides Pays touristiques Monts et Lacs du Levezou Bourian Foix Haute-Ariège Nestes Couserans Vallées des Gaves Revenus de la production 19,9% 14,8% 14,0% 19,4% 17,4% 14,7% 12,8% 12,6% 15,6% 16,6% 13,6% Revenus de la production Salaires publics 10,4% 7,4% 11,6% 8,6% 6,7% 9,8% 9,2% Salaires publics 7,6% 8,2% 7,9% 10,9% 8,6% 9,4% 9,0% 8,8% 5,7% 7,3% 6,8% Salaires publics 19,5% 11,2% 14,8% 9,8% 9,4% 6,1% 17,8% 14,2% 19,4% 9,2% 8,6% 6,6% 19,2% 15,8% 9,1% 8,8% Revenus de la production 19,6% 15,0% 9,8% 12,5% 7,1% 11,0% Salaires publics 6,8% 8,7% 8,3% 9,7% 5,4% 6,8% Salaires résidentiels importés 8,1% 6,5% 10,0% 7,1% 7,1% 13,2% 7,1% Revenu Dépenses basique des touristes 2001 retraites 30,3% 15,9% 26,0% 29,2% 30,6% 10,9% 27,5% 24,7% 24,5% 30,5% 27,2% 12,0% 28,7% 17,4% Salaires résidentiels importés 16,8% 17,4% 18,0% 18,9% 20,0% 20,4% 23,6% 23,7% 24,6% 27,5% 32,3% Revenu Dépenses basique des touristes 2001 retraites 26,6% 17,1% 35,9% 10,9% 31,2% 13,3% 27,4% 9,3% 28,9% 10,0% 30,3% 10,8% 31,2% 8,1% 23,3% 21,2% 30,0% 9,8% 26,6% 6,0% 26,7% 5,3% Salaires résidentiels importés 12,9% 11,9% 14,9% 14,1% 14,5% 11,9% 14,2% 15,7% Revenu Dépenses basique des touristes 2001 retraites 35,0% 9,6% 30,3% 26,7% 30,4% 22,4% 29,4% 14,8% 30,2% 19,4% 29,9% 20,4% 31,5% 9,8% 32,2% 13,7% Salaires résidentiels importés 9,3% 10,4% 14,5% 7,3% 9,2% 10,3% Revenu Dépenses basique des touristes 2001 retraites 22,8% 30,9% 29,1% 25,2% 19,1% 38,4% 20,0% 42,6% 22,1% 46,8% 16,7% 47,9% Transferts sociaux 15,3% 10,3% 16,4% 11,3% 9,8% 13,4% 12,8% Transferts sociaux 12,1% 13,0% 15,7% 14,0% 15,1% 14,3% 15,3% 10,5% 14,3% 16,0% 15,3% Transferts sociaux 13,1% 10,5% 11,4% 14,7% 13,2% 11,7% 16,2% 13,8% Transferts sociaux 10,6% 11,7% 9,9% 7,8% 9,5% 7,3% 18 Carte 2 Les pays « productifs » sont des territoires que l’on pourrait autrement qualifier de « ruraux ». Ils sont situés à la périphérie de la région : Pyrénées Cathares, Haut Rouergue, Vallée de la Dordogne lotoise, Sidobre monts de la Lacaune, Portes de Gascogne et Armagnac. Autrement dit, ce sont des pays qui se trouvent faiblement dépendants de pôles d’emplois urbains et qui dont la population, pour une large part travaille sur place. Certains pays peuvent apparaître comme composites ; par exemple, le pays des Portes de Gascogne est partagé entre une partie rurale et productive et une partie qui se trouve sous influence toulousaine croissante, ce qui se marque notamment par l’importance des salaires importés dans le revenu entrant, le plus élevé de ce groupes. D’autres pays de ce type combinent une forte base productive (relativement à l’ensemble de l’échantillon) avec d’autres sources de revenus qui « équilibrent » la base du territoire. C’est par exemple le cas du Haut Rouergue, de la Vallée de la Dordogne lotoise, et du Sidobre qui, à une base productive honorable ajoutent d’importants revenus du tourisme (entre 24% et 30% du revenu entrant dans le territoire). Les Pyrénées Cathares, le Pays de Garonne Quercy Gascogne et celui de l’Armagnac ajoutent à leur base productive des retraites dont le poids est important (autour de 30% du revenu entrant). 19 On peut donc distinguer, au sein de ce type, trois sous-groupes : Productif et périurbanisation en marche (portes de Gascogne) Productif et tourisme (Haut Rouergue, Dordogne lotoise, Sidobre) Productif et retraites (Pyrénées Cathares, Garonne Quercy Gascogne, Armagnac). La décomposition du revenu productif fait aussi apparaître des spécificités. Haut Rouergue, Garonne Quercy Gascogne, Portes de Gascogne et Armagnac ont une forte (relativement à l’échantillon) base agricole, qui peut dépasser 5% du revenu total (alors que la moyenne des pays est à 1,4%). Les Pyrénées cathares, la Vallée de la Dordogne lotoise et Le Sidobre ont une base agricole faible mais des revenus basiques productifs privés important : il s’agit là, on le sait, de territoires dans lesquels il existe encore des activités industrielle en milieu rural et une population ouvrière importante. On trouve donc une géographie humaine et économique ancienne qui distingue des pays ruraux agricoles de pays ruraux industriels, rejointe par trois phénomènes contemporains : la périurbanisation, le vieillissement et le tourisme. Les pays périurbains regroupent les territoires situés à la périphérie des principales aires urbaines de la région. Dans ce type, sans surprise, se classent les territoires qui environnent la capitale régionale : Girou Tarn Frontonnais, Lauragais, Cocagne, Sud Toulousain. Autour des autres villes régionales, on trouve le pays d’Auch, le Ruthénois, le pays de Tarbes Haute-Bigorre et le pays des coteaux qui manifestement subit l’influence tarbaise, le pays d’Autan autour de Castres et Mazamet. Deux pays subissent sans doute une double influence : il s’agit des portes d’Ariège où se font vraisemblablement sentir les influences superposées de la métropole toulousaine et de l’aire urbaine de Pamiers ; et du Montalbanais où le même phénomène se produit entre une périurbanisation sous influence métropolitaine et une périurbanisation de proximité provenant du chef lieu du Tarnet-Garonne. Ici aussi, on trouve des sous-types, mais de façon moins marquée que dans le groupe précédent, comme si la vague de périurbanisation tendait à écraser les autres sources de revenu. Certains territoires disposent d’une petite base productive, mais plus faible que celle du groupe précédent, il s’agit du Ruthénois, du Pays d’Auch et du pays de Cocagne. Dans deux cas sur trois (Ruthénois et pays d’Auch), la composante agricole demeure relativement forte (autour de 5% du revenu entrant dans le territoire), alors que pour le pays de Cocagne, en dépit de son nom, c’est une (très petite) base productive privée qui subsiste, derniers vestige d’un tissu industriel diffus. Le deuxième sous-type est composé de pays qui disposent d’une forte base de retraites : il s’agit des pays des coteaux, de la porte d’Ariège, du Lauragais, du sud toulousain et de l’Autan. La décomposition des bases productives montre que pratiquement dans tous les cas, l’activité agricole est résiduelle (en termes de revenu, sinon en termes d’occupation de l’espace) et que les revenus productifs 20 privés sont très bas. On est donc dans le cas inverse du précédent, celui de la disparition du système rural antérieur, qu’il ait été agricole ou industriel, nourrissant de forts bataillons de retraités. Pour partie aussi, il peut s’agir de retraités « importés » retournant dans leur territoire d’origine ou transformant, au moment du passage à la retraite, leur résidence secondaire en résidence principale. Les pays de retraités se caractérisent par un poids des retraites important dans la base économique. Celles-ci pèsent plus de 30 % des revenus entrant sur le territoire et sont de loin les revenus dominants. Dans cette catégorie se rangent Le Val d’Adour, le Comminges, l’Est Quercy, le pays du vignoble gaillacois, le pays de l’Albigeois. Dans ce groupe, on trouve des territoires périphériques (Est Quercy et Val d’Adour) et des territoires « péricentraux », aux marges du cœur métropolitain de la région (Vignoble gaillacois, Albigeois, Comminges. Ces territoires présentent des soldes migratoires positifs mais peu élevés : ils sont donc plutôt marqué par le vieillissement sur place de la population, même s’il ne faut pas exclure une petite attractivité périurbaine au moment du passage à la retraite. On trouve trois sous-types dans cette catégorie : Des pays dont la base combine des pensions de retraites avec des revenus touristiques honorables : le Comminges et l’Est Quercy (il faut savoir que le pays du Comminges comprend plusieurs stations pyrénéennes sur son territoire et qu’il s’agit donc d’un pays très composite unissant un piémont vieillissant à une montagne fortement marquée par l’activité touristique). Des pays qui disposent d’une base productive relativement élevée, Val d’Adour et Vignoble gaillacois, dans les deux cas, liés à une activité agricole maintenue. Un pays, l’Albigeois, qui combine les retraites avec des salaires résidentiels importés, liés au desserrement de l’aire urbaine d’Albi. Les pays touristiques enfin sont pratiquement en totalité situés dans les Pyrénées : Foix haute Ariège, Nestes, Couserans, Vallée des Gaves ; à quoi s’ajoutent le pays Bourian dans le Lot et les monts et lac du Levezou, en Aveyron. On ne peut pas parler véritablement de sous-type, même si dans les monts et lac du Levezou on trouve une base productive relativement importante (de l’ordre de 20% du revenu entrant) et dans le pays Bourian un poids relatif fort des pensions de retraites (près de 30%). Cependant tout se passe comme si l’activité touristique dominait tellement (pour certains pays pyrénéens, elle atteint 50 % du revenu entrant) qu’elle écrasait les autres sources de revenus. 21 Tableau 2 : typologie détaillée des pays de Midi-Pyrénées Composante basique dominante Sous-types Productif périurbanisé Productif touristique Productif Productif et retraités Périurbain pur Périurbain touristique Périurbain productif Périurbain Périurbain et retraités Retraités et périurbanisation Retraites Retraités et productif Retraités et tourisme Tourisme pur Touristique Tourisme et retraités Tourisme et productif Pays Portes de Gascogne Haut Rouergue Dordogne lotoise Sidobre Pyrénées Cathares Garonne Quercy Gascogne Armagnac Girou Tarn Frontonnais Montalbanais Tarbes Haute Bigorre Ruthénois Pays d’Auch Coteaux Porte d’Ariège Pyrénées Cocagne Lauragais Sud Toulousain Autan Albigeois et bastides Midi-Quercy Rouergue occidental Val d’Adour Vignoble Gallacois, Bastides et Val Dadou Comminges Est Quercy Foix Haute Ariège Nestes Couserans Vallée des gaves Bourian Monts et lacs du Levezou Une lecture historique et géographique Cette typologie correspond à une lecture géographique et peut-être historique. Le type périurbain est le plus nombreux. Le type dominé par les retraités est le plus souvent combiné avec un autre pilier économique : salaires importés, tourisme ou permanence d’une base productive. Globalement, le type périurbain et le type productif s’excluent mutuellement : on ne rencontre pratiquement pas de pays productif qui dispose d’un volume important de salaires importés (hormis portes de Gascogne) ; seuls deux pays périurbains sur onze disposent d’une activité productive (Ruthénois et pays d’Auch). Le type touristique est celui qui se rencontre le plus souvent à l’état pur : l’économie de la montagne est totalement dépendante du tourisme ; la base productive a 22 disparu et elle n’est pas sous influence urbaine, du moins pour ce qui concerne les navettes domicile-travail. Au plan géographique, les quatre catégories forment, dans l’espace régional, un système en couronnes : la grande périphérie régionale est soit productive, soit touristique ; le cœur du système régional est composé, sans surprise, de pays périurbains ; entre les deux, se glissent des pays plutôt spécialisés dans l’accueil de retraités. Evidemment, ce schéma est… schématique, en ce sens qu’il souffre de nombreuses exceptions et notamment celle-ci que la géographie des catégories de pays n’est pas si nette et continue qu’il l’indique. Mais il décrit une tendance, qui correspond peutêtre à un processus historique : Les espaces sous influence urbaine, liés au formidable desserrement des ménages et à l’étalement résidentiel des années 1980 à 2000. Les espaces relativement autonomes, au moins au plan résidentiel qui fondent leur développement sur leurs propres forces (productives ou touristiques). Les espaces interstitiels, pas encore gagnés par la périurbanisation mais ne disposant plus de base autonome (ou d’atouts spécifiques) qui forment une sorte de ceinture grise autour du cœur métropolitain. Une des questions, que l’on ne sait pas résoudre pour l’instant, est de savoir si cette structure est stable ou si elle correspond à des phases de transition vers un modèle unique. On ne peut pas s’empêcher de penser à un processus d’incorporation métropolitaine qui agit dans trois dimensions : l’étalement des actifs, le retour des retraités dans les espaces ruraux en limite de périurbanisation, la spécialisation de certains territoires périphériques dans la consommation touristique. Les pays productifs sont ceux qui n’ont pas (encore ?) été transformés par ces trois phénomènes : étalement résidentiel, mobilité des retraités, développement du tourisme et des loisirs. Quel impact de la base économique sur les fondamentaux des pays ? Dans cette partie, on s’interroge sur l’effet de la base économique sur les indicateurs de « bonne santé » des territoires étudiés. Autrement dit, existe-t-il des pays dont la composition basique est plus ou moins amicale avec la croissance du revenu et celle de l’emploi ? Existe-t-il une formule « magique » du développement local qui permettrait de transformer le revenu en demande, et la demande en emploi. La démographie Tableau 3 : démographie et solde migratoire des cadres et des retraités 23 Variation de population 1975-99 Armagnac Garonne-Quercy-Gascogne Haut Rouergue en Aveyron Portes de Gascogne Pyrénées Cathares Sidobre Monts de Lacaune Vallée de la Dordogne lotoise Auch Autan Cocagne Coteaux Girou-Tarn-Frontonnais Lauragais Montalbanais Portes d'Ariège-Pyrénées Ruthenois Sud Toulousain Tarbes et Haute Bigorre Albigeois et Bastides Cahors et sud du Lot Comminges Est Quercy Midi-Quercy Rouergue Occidental Val d'Adour Vign. Gaillac. Bastides et Val Da Bourian Couserans Foix Haute-Ariège Monts et Lacs du Levezou Nestes Vallées des Gaves Ensemble des pays -10% 7% -6% 3% -7% -14% 4% 8% 8% 16% -3% 74% 26% 32% 10% 3% 33% 11% -9% 13% -6% -6% 13% -10% -1% 5% 12% -10% 11% -4% -9% 2% 6% Variation de population % solde cadres 1990-99 -3% 1% -3% 2% -6% -5% 3% 2% 1% 6% -2% 19% 11% 9% 5% 1% 9% 2% -4% 4% -3% -3% 3% -3% -2% 3% 7% 2% 5% -2% -2% 1% 2% -5% -4% 4% 13% 0% -19% 20% 13% -5% 38% 8% 42% 35% 22% 20% 5% 15% 13% 12% 22% 13% 8% 16% 3% -3% 8% 17% 10% 1% -5% -11% 9% 13% % solde retraités 3% 4% 11% 4% 2% 2% 12% 3% 1% 6% 4% 6% 9% 6% 6% 6% 6% 4% 3% 13% 6% 6% 7% 6% 5% 3% 16% 10% 9% 2% 6% 6% 6% L’étude de la démographie 3 (tableau 3) fait apparaître une relative régularité de comportement par type de pays. De nombreux pays accusent une baisse de population entre 1975 et 1999. C’est dans la catégorie « périurbain » qu’apparaît le plus grand dynamisme démographique, ce que confirme la carte des soldes migratoires (carte 3). Celle-ci fait en outre apparaître une sorte d’axe central régional d’attractivité résidentielle, lié sans doute en partie à l’accessibilité, routière notamment. Parmi les pays périurbains, celui des coteaux fait exception, dans la mesure où il accuse un recul : il se comporte vraisemblablement comme Tarbes, dont il dépend largement pour les emplois de ses actifs résidants. 3 L’étude de la démographie est malheureusement limitée au dernier recensement, les informations dont on dispose étant pour l’instant trop fragmentaires. 24 Carte 3 Les autres pays accusent soit une baisse, soit un dynamisme moindre que la moyenne des pays. C’est particulièrement net pour les pays productifs qui pratiquement tous perdent de la population entre 1975 et 1999. Les tendances ne changent pas vraiment lorsque l’on regarde une période plus courte (1990-1999). Certains pays connaissent un regain d’attractivité (c’est le cas par exemple du pays Vignoble gaillacois, bastide et val Dadou, sans doute du fait de a poussée toulousaine. Inversement, des pays résidentiels sont à leur tour touchés par l’évolution des aires urbaines proches : par exemple le pays d’Autan qui subit sans doute les contrecoups de l’essoufflement de Castres et de Mazamet et du pays Tarbes et Haute-Bigorre qui subit le ralentissement tarbais. La décomposition du solde migratoire en grandes catégories confirme la spécificité des territoires. Les pays productifs perdent des cadres, si l’on excepte les très remarquables performances des portes de Gascogne (où l’on retrouve le caractère composite du pays) et surtout de la Vallée de la Dordogne lotoise, dont on verra qu’elle est le seul véritable pôle d’emplois de la région, en dehors des pôles urbains. Ces pays perdent aussi des retraités, ou du moins se révèlent notoirement moins attractifs que d’autres. Ces deux phénomènes confirment les caractéristiques rurales de ces territoires, hors de l’influence métropolitaine, qu’il s’agisse du logement des cadres ou de celui des retraités. Inversement, les pays périurbains, s’ils n’attirent pas plus de retraités que la moyenne (avec néanmoins l’exception du Lauragais) sont très attractifs pour les cadres. Ce sont les pays jouxtant la métropole régionale qui obtiennent les scores 25 les plus élevés : Cocagne, Lauragais, Girou-Tarn-Frontonnais, Montalbanais et Portes d’Ariège-Pyrénées. Les pays de retraités se spécialisent dans… l’accueil de retraités : ce sont eux qui, presque systématiquement, obtiennent les scores supérieurs à la moyenne des pays, même si certains territoires dans d’autres catégories apparaissent attractifs eux aussi (Bourian, Vallée de la Dordogne lotoise, etc.) Enfin, les pays touristiques présentent un profil d’attractivité similaire à celui des pays productifs : ce n’est pas parce que leur économie dépend de la consommation urbaine que, pour autant, ils en attirent fortement la population. L’étude des soldes migratoires fait ainsi apparaître une attractivité différenciée. Lors de la dernière période intercensitaire, les cadres ont crû plus vite que les retraités, ce que l’on retrouve pour tous les pays. Mais, tendanciellement, ces deux catégories semblent s’exclure, ou du moins privilégier des territoires d’accueil différents. Les revenus 4 et la cohésion sociale L’ensemble des pays est pauvre, relativement à la moyenne de province : en prenant 100 comme indice de base pour la province en 2000, l’ensemble des pays atteint 93. Cependant, l’écart s’est resserré entre 1990 et 2000, témoignant d’un rattrapage que l’on constate dans l’ensemble des territoires ruraux. Graphique 1 4 On étudie les revenus jusqu’en 2000, alors même que l’on dispose de séries plus récentes, pour les raisons exposées précédemment. Le ratio pertinent pour les comparaisons est le revenu moyen par habitant ; pour le calculer, il faut connaître un chiffre de population, ce dont on ne dispose pas pour la totalité du territoire au moment où l’on écrit ces lignes. 26 Revenu par habitant 2000 et variation du taux de pauvreté 1996-2000 10,0% 5,0% Perte de cohésion Décrochage 0,0% Pays productifs Pays périurbains -5,0% Pays de retraités Pays touristiques -10,0% -15,0% Enrichissement Gains de cohésion -20,0% 80 85 90 95 100 105 110 Revenu par habitant (base 100 = province 2000) Le graphique 1 compare la variation du taux de pauvreté entre 1996 et 2000 au niveau de revenu par habitant en 2000 (en indice 100 par rapport à la moyenne de province). Il fait apparaître quatre types : − Les pays en décrochage, dont le revenu moyen est inférieur à celui de l’ensemble des pays et où le taux de pauvreté augmente, ou diminue moins vite que la moyenne des pays, entre 1996 et 2000. − Les pays qui tout en montrant un revenu moyen inférieur à l’ensemble des pays, connaissent un « gain » de cohésion (le taux de pauvreté diminue entre 1996 et 2000). − Les pays en perte de cohésion : le revenu augmente, mais la pauvreté diminue moins vite que pour l’ensemble des pays. − Les pays qui s’enrichissent globalement ; le revenu par habitant augmente, et le taux de pauvreté recule fortement. Les pays sont assez également répartis entre les catégories, et l’on trouve tous les types de pays dans chacune. Autrement dit, le profil (productif ou résidentiel) ou la composante résidentielle dominante ne suffit pas à expliquer la situation économique et sociale. 27 Classement des pays selon les indicateurs de revenu et de cohésion Décrochage Perte de cohésion Gains de cohésion Couserans Rouergue Occidental Sidobre Monts de Lacaune Lauragais Cahors et sud du Lot Vign. Gaillac. Bastides et Val Dadou Coteaux Val d’Adour Pyrénées Cathares Garonne-QuercyGascogne Montalbanais Portes d’AriègePyrénées Monts et Lacs du Levezou Midi-Quercy Sud Toulousain Comminges Haut Rouergue en Aveyron Cocagne Ruthenois Auch Bourian Foix Haute-Ariège Armagnac Vallées des Gaves Albigeois et Bastides Enrichissement Tarbes et Haute Bigorre Nestes Girou-TarnFrontonnais Est Quercy Vallée de la Dordogne lotoise Portes de Gascogne − Dans les pays en « décrochage », on trouve manifestement les pays industriels en grande difficulté de reconversion : Sidobre et Monts de Lacaune, Pyrénées Cathares et Garonne-Quercy-Gascogne. On trouve aussi des pays « touristiques » comme le Couserans et les Monts et Lacs du Levezou, dont on peut penser que l’économie touristique ne garantit pas un apport significatif de revenus. On trouve encore deux pays de retraités voisins, Midi-Quercy et Rouergue occidental. − Les pays en « perte de cohésion » connaissent un apport de revenus externes (salaires importés, retraites, ou tourisme) dont l’apport ne permet pas, manifestement, de réduire les écarts sociaux. On peut se demander même s’il ne contribue pas à les accroître. Une figure plausible serait la dualisation du territoire entre des « nouveaux » disposant d’un revenu supérieur, et des « anciens » dont le revenu est plus bas, sans que la présence des premiers ne bénéficie aux seconds. Il est frappant de constater qu’aucun pays productif ne figure dans cette catégorie de perte cohésion. En revanche, quatre pays « périurbains » sur 10 figurent dans cette catégorie, notamment les pays du pourtour toulousain, ce qui peut correspondre au phénomène esquissé ci-dessus. − Les pays en gains de cohésion sont ceux dans lesquels l’apport de revenus extérieurs, qu’ils soient d’ordre productif ou résidentiel contribue à réduire les écarts sociaux. Il est évident que la seule analyse par la nature des revenus ne suffit pas à rendre compte des raisons pour lesquelles les écarts sociaux se réduisent. 28 − Les pays qui s’enrichissent sont à la fois des pays touristiques bien dotés (Nestes, mais aussi Tarbes et Haute-Bigorre qui bénéficie de l’apport de revenus « importés » de Tarbes et d’importants revenus du tourisme pyrénéen) ; un pays périurbain (Tarn et Girou), un pays de retraités (Est Quercy), mais surtout deux pays productifs (Dodogne lotoise et portes de Gascogne) ? Dans ces deux derniers pays, le revenu productif est important, mais il s’appuie aussi sur un autre pilier (salaires importés pour les Portes de Gascogne et tourisme pour la vallée de la Dordogne lotoise). Il est vraisemblable que « l’enrichissement » correspond à deux mécanismes différents : l’apport de ménages à fort revenu (comme dans le cas de Tarn et Girou), le développement économique (comme dans le cas de la Dordogne lotoise). Tableau 4 Revenu par Variation du Variation habitant par taux de revenu par rapport à la habitant 1990- pauvreté 1996province (base 2000 2000 100 en 2000) Armagnac Garonne-Quercy-Gascogne Haut Rouergue en Aveyron Portes de Gascogne Pyrénées Cathares Sidobre Monts de Lacaune Vallée de la Dordogne lotoise Auch Autan Cocagne Coteaux Girou-Tarn-Frontonnais Lauragais Montalbanais Portes d'Ariège-Pyrénées Ruthenois Sud Toulousain Tarbes et Haute Bigorre Albigeois et Bastides Cahors et sud du Lot Comminges Est Quercy Midi-Quercy Rouergue Occidental Val d'Adour Vign. Gaillac. Bastides et Val Da Bourian Couserans Foix Haute-Ariège Monts et Lacs du Levezou Nestes Vallées des Gaves Ensemble des pays 18% 19% 31% 28% 18% 20% 19% 29% 16% 27% 36% 21% 23% 22% 24% 35% 22% 19% 25% 27% 27% 43% 19% 33% 26% 21% 14% 33% 19% 34% 21% 20% 24% -7,6% -2,3% -9,6% -8,9% -2,5% -4,6% -9,1% -9,4% 8,1% -4,9% -12,1% -13,0% -6,3% -1,9% -1,1% -4,6% -5,2% -15,2% -6,8% -6,3% -10,1% -10,6% 2,1% -4,7% -11,8% -5,8% -8,7% -5,3% -4,5% -0,4% -13,6% -3,3% -6,4% 90 88 91 94 91 88 95 91 93 98 91 107 95 92 86 95 97 101 90 96 93 94 88 89 89 94 92 83 95 86 94 98 93 29 Carte 4 Carte 5 30 Carte 6 Il faut cependant nuancer ce jugement : tout dépend qui vient peupler les pays périurbains. Ce n’est pas l’arrivée de populations riches qui provoque des écarts de revenus, mais d’autres causes (peut-être l’arrivée de populations pauvres), comme le montre le graphique 2. L’arrivée de cadres est plutôt bien corrélée avec le recul du taux de pauvreté dans les pays périurbains. Graphique 2 Gentrification et cohésion Variation du taux de pauvreté (19962000) 10,0% 5,0% Productif 0,0% Périurbain Retraités -5,0% Touristique -10,0% Linéaire (Périurbain) -15,0% -20,0% -40% -20% 0% 20% 40% 60% Solde m igratoire des cadres (1990-1999) 31 Un seul pays périurbain a connu une augmentation du taux de pauvres, en même temps qu’une diminution très importante des cadres : il s’agit du pays d’Autan, situé autour de Mazamet et qui subit les contrecoups des difficultés de l’aire urbaine. Au total, les gains ou les pertes en termes de revenu et de cohésion apparaissent relativement contrastés. On peut néanmoins conclure ceci que : Les pays « périurbains » est la catégorie où l’on trouve des situations sociales potentiellement tendues, qui se traduisent notamment par une perte en cohésion (moindre diminution du taux de pauvreté et variation positive du revenu). Les pays de retraités sont ceux où l’on trouve à l’inverse le plus de territoires qui connaissent des gains de cohésion (variation positive du revenu et recul de la pauvreté par rapport à la moyenne des pays). Les pays périurbains connaissent certainement des situations contrastées, qu’il faudrait étudier plus finement, où se juxtaposent des ménages aisés (cf. l’attractivité de ces territoires pour les cadres) et des ménages pauvres, dont on ne sait s’il s’agit, pour ces derniers de pauvres « de souche » ou de pauvres « importés ». Les pays spécialisés dans les retraités paraissent eux plus homogènes, peut-être du fait de leur moindre attractivité ; c’est dans cette catégorie que l’on trouve la plupart des pays qui connaissent simultanément une baisse du taux de pauvreté et un accroissement du revenu : Albigeois et Bastides, Comminges, Est Quercy, Val d’Adour. 32 L’emploi Tableau 5 Variation de l'emploi salarié privé Emplois sur actifs 1990 1993-2003 (base 100 en 1993) Armagnac 19% 96% Garonne-Quercy-Gascogne 16% 92% Haut Rouergue en Aveyron 20% 92% Portes de Gascogne 37% 87% Pyrénées Cathares 3% 99% Sidobre Monts de Lacaune -4% 98% Vallée de la Dordogne lotoise 34% 102% Auch 38% 74% Autan -16% 84% Cocagne 36% 79% Coteaux 17% 63% Girou-Tarn-Frontonnais 39% 52% Lauragais 33% 68% Montalbanais 32% 68% Portes d'Ariège-Pyrénées 22% 70% Ruthenois 31% 72% Sud Toulousain 20% 67% Tarbes et Haute Bigorre 27% 81% Albigeois et Bastides 9% 75% Cahors et sud du Lot 40% 70% Comminges 14% 76% Est Quercy 14% 82% Midi-Quercy 20% 79% Rouergue Occidental 26% 80% Val d'Adour 47% 79% 4% 88% Vign. Gaillac. Bastides et Val Da Bourian 38% 82% Couserans 19% 68% Foix Haute-Ariège 10% 72% Monts et Lacs du Levezou 28% 81% Nestes 24% 100% Vallées des Gaves 26% 77% Ensemble des pays 22% 80% Emplois sur actifs 1999 94% 88% 90% 83% 97% 100% 103% 67% 71% 74% 58% 48% 66% 63% 68% 70% 60% 80% 71% 68% 76% 73% 78% 78% 79% 81% 79% 62% 68% 73% 102% 75% 76% Variation population Variation de la Part des Part des active population femmes femmes occupée active occupée dans pop dans pop 1990-1999 act occ 1990 act occ 1999 féminine 1990-99 -2% 40% 44% 8% -3% 39% 42% 5% 3% 39% 42% 11% 2% 40% 43% 10% -7% 40% 43% -1% -8% 37% 40% -1% 6% 41% 45% 16% 2% 40% 44% 12% 3% 41% 42% 5% 5% 41% 44% 12% -2% 42% 43% 2% 20% 40% 44% 32% 16% 40% 43% 27% 11% 40% 43% 20% 6% 39% 43% 16% 7% 39% 43% 19% 13% 40% 43% 22% 2% 42% 45% 11% 2% 41% 44% 10% 4% 42% 45% 11% -4% 40% 43% 3% -1% 40% 43% 5% 3% 41% 43% 10% 2% 39% 43% 14% 0% 39% 43% 9% -2% 42% 43% 1% 2% 42% 44% 7% 5% 40% 43% 12% 14% 40% 43% 23% 7% 36% 41% 20% -3% 41% 46% 7% 5% 41% 44% 14% 3% 42% 44% 12% Variation de l’emploi total Entre 1993 et 2003, les emplois salariés privés 5 augmentent dans tous les pays, sauf dans le Sidobre et, de façon dramatique (-16%), dans le pays d’Autan. Certains pays affichent des performances remarquables, comme la vallée de la Dordogne lotoise (+34%), le pays d’Auch, le pays de Cocagne, Cahors et sud Lot (+40%), le Val d’Adour (+40%) et le pays Bourian (+ 38%). La lecture du tableau 5 fait apparaître une certaine régularité, au moins s’agissant des pays périurbains : c’est là que l’emploi salarié progresse le plus vite ; du moins, sur 17 pays qui connaissent une croissance de l’emploi privé plus rapide que l’ensemble, 8 font partie de la catégorie périurbain. On a là une confirmation des effets d’entraînement des revenus résidentiels, d’autant que cette croissance de l’emploi s’accompagne d’une variation 5 On utilise les données de l’UNEDIC, qui recense l’emploi salarié privé, de façon à disposer d’informations plus récentes que celles données par le recensement de 1999. 33 positive de la population active occupée (entre 1990 et 1999). Quatre pays touristiques sur 6 connaissent aussi une croissance de l’emploi salarié privé au cours de la même période, ce qui n’est le cas que de 3 pays de retraités sur 8 et deux pays productifs sur 7. Carte 7 Variation de la population active L’étude des variations de la population active fait apparaître de nets contrastes : elle est en recul absolu ou relatif dans la plupart des pays productifs de retraités, alors qu’elle progresse dans presque tous les pays résidentiels et les pays touristiques. Le recul de la population active dans les pays de retraités n’est pas une surprise, dans la mesure où ils se spécialisent, on l’a vu, dans l’accueil d’inactifs. Elle est évidemment plus préoccupante dans les pays productifs, où elle doit être mise en relation avec la baisse globale de population et un solde migratoire plutôt plat : les pays productifs continuent de perdre de la population et une partie de leur substance (ce qui correspond, notamment dans le secteur agricole, à une concentration des exploitations). La population active occupée féminine augmente dans pratiquement tous les pays résidentiels et dans la plupart des pays touristique. L’un des principaux facteurs discriminants, comme le montre la carte 8 réside dans la mobilisation de la population active féminine : elle décrit le même axe central que celui du solde migratoire et paraît la plus forte dans les pays limitrophes de l’aire urbaine centrale. Elle contraste nettement avec la carte 9 qui montre que l’on trouve les plus fort taux de population active féminine plutôt en périphérie, et dans les pays « productifs ». 34 Carte 8 Carte 9 35 La transformation de la population active ne semble pas, pour l’instant remettre en cause la géographie des pôles d’emplois. Globalement, les pays sont déficitaires en emplois : le nombre total d’emplois en 1999 ne représentait que 80 % de celui des actifs occupés. Au-delà, on distingue nettement deux types : les pays productifs apparaissent plutôt comme des pôles d’emploi, avec des taux d’emplois supérieurs à la moyenne des pays (mais tous, hormis la Dordogne lotoise et le Sidobre, inférieurs à 100 %) ; les pays résidentiels ont des taux d’emploi très bas, parmi les plus bas de l’ensemble. Il est à noter, qu’entre 1990 et 1999, la quasi-totalité des pays voit son taux d’emploi se dégrader, il passe pour l’ensemble de 80% à 76%, alors que la population active progresse de 3 points. Ce phénomène est significatif du processus de dissociation entre les actifs et les emplois, ces derniers se concentrant dans les aires urbaines, alors que la population continue d’occuper l’espace. Graphique 3 Polarités et variation de l'emploi Variation de l'emploi salarié privé 19932003 50% 40% 30% Productif 20% Résidentiel 10% Retraités Tourisme 0% -10% -20% 0% 20% 40% 60% 80% 100% 120% Taux d'em ploi en 1999 Le graphique 3 décrit bien ce phénomène : dans l’ensemble, les territoires productifs ont des taux d’emplois largement supérieurs à la moyenne des pays ; mais dans l’ensemble aussi, c’est dans la catégorie « productif » que l’on trouve le plus de pays dont le rythme de création d’emplois est largement au-dessous de la moyenne des pays. Ils perdent leur position relative. Inversement, ce sont les territoires périurbains qui ont les taux d’emplois parmi les plus faibles qui connaissent la progression la plus forte. Les territoires touristiques sont dans une situation plutôt favorable vis-à-vis de l’emploi, alors qu’ils ne sont pas pôles d’emploi, tandis que les territoires de personnes âgées ne présentent pas de comportement spécifique : ils sont à la moyenne des pays pour le taux d’emploi et se dispersent sur l’axe s’agissant de la croissance de l’emploi. 36 L’une des explications de ce processus peut se trouver dans le rapport entre taux d’emploi et population active, illustrée par le graphique 4. Graphique 4 Polarisation de l'emploi et évolution de la population active Variation population active 1990-1999 25% 20% 15% Productif 10% Résidentiel Retraités 5% Tourisme 0% -5% -10% 0% 20% 40% 60% 80% 100% 120% Taux d'em ploi en 1999 C’est dans la catégorie des pays productifs, dont le taux d’emploi est le plus élevé par rapport à la moyenne de l’échantillon, que l’on trouve le plus grand nombre de pays qui connaissent un recul de leur population active (ce qui, au fond, n’a rien de surprenant et confirme les données démographiques générales). La catégorie des pays périurbains se comporte exactement à l’inverse : son taux d’emploi ne progresse pas, il régresse même entre 1990 et 1999, mais c’est là que la population active augmente le plus. Les pays touristiques semblent claquer leur comportement sur celui des pays périurbains, alors que les pays de retraités se regroupent au centre de l’échantillon. 37 Les trajectoires résidentielles des pays en Midi-Pyrénées L’analyse des pays de Midi-Pyrénées à travers l’approche des revenus montre que leur économie est plus diverse qu’on ne pourrait le croire. Certes, partout, les revenus résidentiels dominent. Mais, d’une part, la composition de ces revenus est plus diverse et montre des pays qui sont plutôt alimentés par des salaires de migrants alternants (périurbains), d’autres par des pensions (retraités), d’autres encore par les revenus du tourisme (tourisme). D’autre part, il existe un nombre important de pays qui conservent une base productive honorable, essentiellement situés aux marges de la région. Certaines tendances d’évolutions sont communes à l’ensemble des pays : la plupart connaissent une croissance du revenu qui leur permet de combler l’écart avec la moyenne de province ; la plupart connaissent une variation positive de l’emploi salarié privé ; la quasi-totalité voit se dégrader son taux d’emploi, témoignant du processus généralisé de dissociation des emplois et des actifs. Au-delà de ces grandes tendances, les évolutions des pays divergent, largement en fonction des types.. A cet égard, deux catégories s’opposent clairement : la catégorie productif et la catégorie périurbain. Le type productif a un taux d’emploi supérieur à la moyenne de l’échantillon, mais perd des points, relativement à l’ensemble des pays, en matière d’emplois, de revenu et surtout de population active. Au sein de ce type, un seul pays paraît tirer ô combien, son épingle du jeu : il s’agit de la Vallée de la Dordogne lotoise (la fameuse « mechanic valley ») qui semble connaître un enchaînement vertueux : recul de la pauvreté, maintien du revenu à un indice supérieur à la majorité des pays, progression de l’emploi et de la population active, amélioration du taux d’emploi, etc. Le type périurbain connaît à la fois une croissance de la population, de l’emploi et de la population active (très largement tirée par la croissance de la population active féminine), une dégradation du taux d’emploi et pourtant, dans 7 pays sur 11, une diminution du taux de pauvreté moindre que l’ensemble de l’échantillon. C’est dans ces pays que le processus de « gentrification » est le plus manifeste, mesuré au solde migratoire très positif des cadres. Cette diversité d’indicateurs témoigne d’une situation sans doute mouvante, qui invite à analyser de plus près. Le type « retraités » se manifeste par une spécialisation croissante dans cette catégorie, ce qui se traduit par des variations très faibles, voire négatives de la population active occupée ; dans 5 pays de ce type sur 8, l’évolution de l’emploi salarié privé suit un rythme inférieur à l’ensemble des pays, alors que la situation du revenu s’améliore presque partout plus vite que pour l’ensemble des pays. Il s’agit bien de territoires dans lesquels l’argent des retraites améliore la condition des habitants, mais n’a que peu d’effet, contrairement à ce qui se passe dans la plupart des pays périurbains, sur l’emploi : il est possible que les retraités, et particulièrement les nouveaux ne consomment pas systématiquement dans leur lieu de résidence, à la différence des actifs du périurbain. Le type « touristique » regroupe des pays dont la plupart connaît une croissance démographique faible, voire négative, qui sont très peu attractifs pour les cadres et 38 un peu plus pour les retraités (4 pays sur 6). Il s’agit là d’une autre forme d’économie résidentielle, qui pour l’instant n’attire pas de résidents permanents, mais dont les performances en termes d’emplois sont, hormis pour les pays ariégeois (Couserans et Foix Haute Ariège), plutôt bonnes : le tourisme ne permet pas d’attirer de la population, en revanche, il permet de « fixer » la population active (voire dans certains cas, de participer de son augmentation par mobilisation de la main d’œuvre féminine). 39 4. La prise en compte des enjeux de l’économie résidentielle par les pays Les pages qui suivent rendent compte d'une enquête rapide réalisée auprès de techniciens responsables des structures de Pays. L'objectif était de compléter les analyses à caractère statistique conduites au cours de la première partie de l'étude par une appréciation : de la manière dont l'enjeu de l'économie résidentielle est perçu et évalué dans les diagnostics des Pays sur leur territoire, et comment ils déterminent concrètement, le cas échéant, le contenu de la stratégie et des actions de développement territorial. Ces enquêtes ne visaient pas à dresser une vision d'ensemble des politiques de développement conduites par les Pays, ni à les comparer entre elles. On s'est attaché à situer la notion et les mécanismes de l'économie résidentielle dans les démarches de réflexion des Pays et dans leurs programmes d'action ; ce faisant, de nombreux volets de l'action locale n'ont pas été abordés et sont exclus de cette présentation. En accord avec le SGAR, 8 Pays ont été sélectionnés, répartis entre plusieurs catégories de la typologie établie en première partie de l'étude : Albigeois – Bastides Armagnac Bourian Lauragais Midi Quercy Pyrénées cathares Ruthénois Vallées des Gaves On indique d'abord rapidement quelques remarques générales qui ressortent directement de l'enquête. Chaque Pays fait ensuite l'objet d'un compte-rendu qui comprend : 40 Un rappel de la structure de la base économique (calculée, rappelons-le, sur la partie du territoire hors agglomération urbaine, lorsqu'il en existe une) et de la position du Pays dans la typologie établie dans la première phase de l'étude, Une brève description du territoire destinée à situer le contexte pour éclairer les résultats de l'enquête : par facilité, on a purement et simplement reproduit ici le "portrait" du Pays disponible dans l'Atlas des Territoires (site Web de la Préfecture de Région) 6 , Le compte rendu proprement dit de l'enquête auprès des responsables techniques des Pays. Les éléments les plus marquants que l'enquête met en évidence sont les suivants : La connaissance de la notion d'économie résidentielle et de son intérêt pour l'analyse et la construction stratégique est très inégale. Une partie des interlocuteurs est peu familiarisée avec cette notion dont la compréhension n'est pas évidente, non plus que l'application opérationnelle. Il faut signaler que le qualificatif de "résidentiel" se prête à des interprétations restrictives, tendant à réduire le champ de l'économie résidentielle au domaine des services résidentiels de proximité (le "gisement d'emplois" des services domestiques). Les interlocuteurs les plus avertis ont été "branchés" sur l'économie résidentielle par des opportunités : les réflexions conduites pour la préparation de l'inter SCOT de Toulouse, un séminaire de formation d'agents de développement... Mais la découverte de cette notion est toujours récente et postérieure à l'établissement des Chartes de Pays : lorsqu'elle est explicitement prise en compte, c'est pour l'instant au niveau de la réflexion, les actions qui pourraient en découler étant encore en recherche. C'est pourquoi on verra qu'au niveau opérationnel, les projets et actions des Pays procèdent le plus souvent d'une valorisation "implicite" d'une économie résidentielle installée par les faits plus que par intention. La prise en compte de l'économie résidentielle dans les stratégies peut s'analyser, de façon générale, comme s'organisant autour de deux objectifs non réductibles l'un à l'autre : d'une part, ce qui poursuit l'objectif d'augmenter le volume des revenus 6 Il convient de rappeler que les textes de ces "portraits" (insérés plus loin dans les encadrés), sont protégés par le copyright : ©2005 Cirus-CIEU et que leur reproduction est interdite. S'agissant ici d'un document d'étude à l'usage de la Préfecture de Région, on a pris, par facilité, la liberté d'emprunter ces textes plutôt que de renvoyer les lecteurs à la consultation du site Web de la Préfecture de Région ; la question devrait être, par contre, posée si ce document était diffusé ou édité. 41 installés sur le territoire, autrement dit le volume du pouvoir d'achat local venant de l'extérieur ; d'autre part, la redistribution de ces revenus dans le territoire, ce qui implique le développement d'une offre de services marchands adaptée à chaque sous marché. La plupart des stratégies de Pays ne se préoccupent que du premier volet – schématiquement, faire venir des gens – négligeant ainsi le second qui est indispensable pour concrétiser les flux économiques à partir du potentiel créé par le premier. Sur le terrain, l'économie résidentielle est loin d'apparaître comme la panacée. Car, si la présence de porteurs de revenus crée une opportunité pour de l'activité économique, encore faut-il que cette présence ne coûte pas plus qu'elle ne rapporte. Or, les distorsions de temporalité entre les coûts induits et les recettes induites, certains contextes économiques ou territoriaux qui créent une évasion de la consommation, ou encore une attractivité qui fait venir des populations à revenus faibles pour un coût d'accueil analogue à celui des riches… autant de situations où le bilan de l'économie résidentielle peut s'avérer négatif. Cette remarque montre que les territoires auraient besoin, au delà d'un apprentissage du concept lui-même, d'outils d'analyse (prévisionnelle ?) permettant de mettre en balance les plus et les moins, ainsi que de données d'observation sur l'évolution locale des bases. Enfin, l'enquête montre à l'évidence que le concept de l'économie résidentielle ne se cantonne pas aux flux et échanges financiers. Le concept, en devenant opératoire, doit être "généralisé" pour intégrer les diverses composantes de la réalité et des stratégies locales. Il s'avère en effet que les bases des "apports" induits par la présence résidentielle prend des formes multiples, différentes des revenus, et qui peuvent être recherchées pour elles-mêmes : du capital, du réseau, de la compétence, par exemple. 42 Pays Albigeois Bastides RAPPEL DE LA STRUCTURE DE LA BASE ECONOMIQUE ALBIGEOIS - BASTIDES TYPE STRUCTURE DE LA BASE ECONOMIQUE + Revenus de la Production Salaires Public Salaires Importés Revenu des Retraites Dépenses Touristes (2001) Transferts Sociaux Actifs migrants 15,8 8,8 15,7 32,2 13,7 13,8 Moyenne des Pays 16,5 8,6 14,9 28,0 19,1 12,8 Retraités LE TERRITOIRE A GRANDS TRAITS Le Pays Albigeois Bastides recouvre la moitié nord du département du Tarn. Il s’étend sur 117 communes, offrant des entités paysagères variées : les Causses de Penne et Vaour au nord-ouest du Tarn, en passant par le pays Cordais, la forêtde la Grésigne ou les bocages du Ségala au nord et à l’est. Dans sa partie sud, au contact du Sidobre, il jouxte le Parc Naturel du Haut Languedoc qui englobe la commune de Montredon-Labessonnie. En 1999, le Pays Albigeois Bastides regroupait 125 772 habitants, dont plus de 100 000 dans l’espace urbain Albi-Carmaux. C’est donc un territoire dominé par la 43 problématique urbaine qui connaît des évolutions complexes et contrastées, tant sur le plan économique que démographique. Le pôle albigeois concentre l’essentiel de l’activité économique. Il s’inscrit dans une dynamique de croissance et de mutation réussie (pôle d’enseignement et de formations universitaires grandissant), tandis que le pôle carmausin doit encore assumer les séquelles de la disparition de l’activité minière et assurer une reconversion économique difficile. Un des atouts du territoire réside dans l’importance du secteur de l’artisanat et des métiers qui emploie dans le seul Pays Albigeois Bastides plus de 5 300 salariés, soit un tiers des effectifs de l’ensemble du département. L’aire urbaine de l’Albigeois et du Carmausin concentre l’essentiel de la population et la densité urbaine la plus forte. A l’inverse, les espaces ruraux connaissent à la fois une baisse démographique et un vieillissement de la population, avec toutefois des situations très diverses et des contrastes territoriaux. Si les communes rurales situées sur les franges du territoire, comme celle du Ségala par exemple, connaissent une baisse de population, le « pays cordais », plus proche de l’agglomération toulousaine et bénéficiant d’une image touristique forte, bénéficie d’un certain regain démographique. Hormis le pôle urbain Albi-Carmaux et certaines communes du Villefranchois, les emplois du secteur agricole représentent 25 à 56 % des emplois totaux. Ces chiffres témoignent d’une agriculture performante, pilier de l’économie rurale. Si Albi et Cordes, avec leur grande richesse architecturale et paysagère, sont les références majeures pour le tourisme, le Pays possède un réseau de sites d’une grande richesse patrimoniale (villages remarquables dont ceux de Penne ou Vaour, édifices religieux, patrimoine rural…) qui, dans leur grande variété, participent à la qualité et à la diversité des paysages, et constituent de fortes potentialités pour le développement touristique. Le territoire est organisé en 10 intercommunalités à fiscalité propre (1 communauté d’agglomération et 9 communautés de communes) soit un taux d’intercommunalité de 95 %. 44 L'ECONOMIE RESIDENTIELLE DANS LA STRATEGIE DU PAYS 1. La notion d'économie résidentielle en tant que référence pour la stratégie Du point de vue du Pays, l'économie résidentielle est perçue comme porteuse d'enjeux potentiels, mais aussi de risques. Cette notion n'alimente pas, cependant, les analyses du Pays qui met en avant l'absence totale de mesures et d'indicateurs relatifs aux phénomènes qui règlent l'économie résidentielle : d'où viennent les personnes âgées ? que consomment-elles ? quel est le flux de Toulousains qui se logent sur le territoire ? comment évolue le nombre d'actifs migrants ? Faute d'observation de ces phénomènes, il est difficile de tenir un raisonnement économique sur la manière de les prendre en compte. 2. La problématique générale de prise en compte de l'économie résidentielle L'économie du Pays est perçue principalement comme productive ; l'économie résidentielle n'est pas un enjeu majeur. De façon caricaturale, on pourrait dire que la posture du Pays par rapport aux "porteurs de revenus" provenant de l'extérieur est : "ils sont là,il faut bien leur donner les services dont ils ont besoin". Il ne s'agit donc, en quelque sorte, ni de chercher à en accroître le nombre, ni de considérer leur potentiel de consommation pour renforcer l'économie locale. Cette position est expliquée en partie par le fait qu'actuellement, le territoire est encore largement à l'écart des pressions extérieures : le trafic avec Toulouse n'a beaucoup augmenté que jusqu'à Gaillac (en 1999, la grande majorité des salariés travaillaient encore à Albi et Carmaux), le tourisme est diffus et peu développé… et les préoccupations majeures étaient liées aux difficultés de l'économie productive. Néanmoins, les prix fonciers augmentent rapidement, par effet domino : la pression des Toulousains sur la zone de Gaillac se propage sur Albi, puis sur Carmaux, puis sur les zones rurales. Cette évolution tend à transformer, pour des motifs financiers, le parc ancien des résidences secondaires en résidences principales, par vente ou mise en location. Alors que la problématique du Pays est pour le moment plutôt interne, endogène, les signes d'une transformation par l'arrivée prochaine de la vague de la métropolisation sont perçus. Le Pays, pour le moment n'anticipe pas ; mais il estime avoir besoin de mieux connaître les composantes fines de l'évolution pour pouvoir la prendre en compte. 45 3. Des exemples d'actions rattachées à la problématique Aussi, les actions en relation directe avec l'économie résidentielle sont-elles peu présentes et limitées à la mise en place des services résidentiels nécessaires. Une action particulière est dirigée vers la population des retraités. Elle est projetée en collaboration avec le pays Midi Quercy, dans le cadre d'un programme Leader. Son but est d'inciter les TPE et artisans du milieu rural à s'adapter pour tirer parti des nouveaux marchés liés au vieillissement de la population (sans distinguer ceux qui ont vieilli sur place et ceux qui viennent de l'extérieur prendre leur retraite). Par ailleurs, un projet de grand centre commercial à côté d'Albi est motivé par l'objectif d'empêcher l'évasion de la consommation du bassin Albi – Gaillac vers Toulouse 46 Pays d’Armagnac RAPPEL DE LA STRUCTURE DE LA BASE ECONOMIQUE ARMAGNAC TYPE STRUCTURE DE LA BASE ECONOMIQUE + Revenus de la Production Salaires Public Salaires Importés Revenu des Retraites Dépenses Touristes (2001) Transferts Sociaux Retraités 24,8 9,2 7,1 28,7 17,4 12,8 Moyenne des Pays 16,5 8,6 14,9 28,0 19,1 12,8 Productif LE TERRITOIRE A GRANDS TRAITS Le Pays d’Armagnac est situé au nord-ouest du département du Gers, en limite des Landes et du Lot et Garonne. Il s’étend sur 105 communes réparties sur 7 cantons. A la croisée des influences océanique et méditerranéenne, le Pays d’Armagnac présente un territoire relativement homogène où vallons et collines, rivières et étangs alternent dans le paysage. Ce territoire, presque entièrement voué à l’agriculture, est marqué par l’empreinte des vignobles d’Armagnac. De forte notoriété, la viticulture est son secteur phare. Depuis une trentaine d’années, ce territoire a connu une forte baisse démographique (perte de 15 % de sa population) pour s’établir en 1999 à 43 658 habitants. L’éloignement des axes importants (RN 124 notamment) et la concurrence des préfectures voisines (Agen, Auch et Mont-de-Marsan) expliquent en partie la faible attractivité d’un territoire peu structuré par son tissu urbain. Pour autant, il est à noter l’arrivée de nouveaux résidents choisissant d’habiter un « lieu préservé », tout en travaillant sur des pôles d’emploi extérieurs (Agen, Mont-de-Marsan). L’agriculture domine l’économie locale (le secteur primaire approche les 30 % de la population active). Les céréales et la vigne sont très présentes sur un territoire agricole très structuré par l’industrie agroalimentaire et marqué par la filière viticole à travers l’Armagnac, les Côtes du Condomois ou le Floc de Gascogne. D’importantes coopératives céréalières, caves viticoles et entreprises d’abattages et de transformation de palmipèdes maillent le territoire. La forte présence du bois est 47 également à l’origine de la création d’une filière industrielle pourvoyeuse d’emplois, principalement dans les villes d’Eauze et de Condom. Un des grands atouts de ce Pays réside dans la richesse de son patrimoine architectural et historique dont les éléments bâtis (châteaux, villages pittoresques, édifices religieux…) parsèment le territoire. Un autre atout est celui de la qualité des paysages et de cet « art de vivre gascon » fondé sur l’attachement aux valeurs rurales et identitaires. Dans ce contexte, le tourisme est un atout essentiel pour le développement du Pays, dont l’offre touristique locale en termes de sites, bases de loisirs, circuits pédestres, festivités et hébergement est la plus riche et la plus diversifiée du Gers. Quelques exemples de sites ou festivals de forte renommée : la station thermale de Barbotan, le pôle culturel de l’abbaye de Flaran et les animations sportives et festives (sports mécaniques à Nogaro, festival de « Bandas » à Condom, féria de la Pentecôte et « Tempo Latino » à Vic–Fezensac…). Le territoire est en partie organisé autour de 4 communautés de communes à fiscalité propre, soit un taux d’intercommunalité de 61 L'ECONOMIE RESIDENTIELLE DANS LA STRATEGIE DU PAYS 1. La notion d'économie résidentielle en tant que référence pour la stratégie Jusqu'à récemment, l'action locale était principalement orientée vers le maintien de la démographie et le rétablissement d'une dynamique résidentielle positive. Maintenant, la baisse démographique est arrêtée et d'autres enjeux apparaissent. L'économie résidentielle n'est pas appréhendée en tant que référence explicite pour construire les analyses et structurer la stratégie. Mais les principales composantes économiques de celles-ci sont déterminantes sur le territoire, et leur prise en compte alimente évidemment la politique territoriale. Dans le diagnostic, elles apparaissent de façon ambiguë, comme un enjeu positif par certains côtés, comme une source de difficultés par certains autres. 2. La problématique générale de prise en compte de l'économie résidentielle Compte tenu de ce qui précède, la prise en compte de l'économie résidentielle est thématique, voire sectorielle, sans référence à une stratégie globale. Selon les thèmes, le Pays réagit de façon différente. 48 Au niveau de l'analyse, le potentiel représenté par les arrivées de revenus extérieurs est perçu comme perturbateur des équilibres locaux. Jusqu'à présent, l'Armagnac s'estimait, par exemple, à l'écart de l'arrivée massive d'étrangers (retraités ou résidants secondaires) ; ce phénomène est en cours de développement : agents immobiliers spécialisés sur les clientèles étrangères, arrivée de personnes ayant un pouvoir d'achat disproportionné à celui des locaux, montée des prix fonciers et immobiliers, pénurie de logements pour les jeunes locaux… Le Pays constate ces phénomènes, mais n'a pas de stratégie structurée par rapport à cela : les encourager? les freiner ? comment ? De façon assez analogue, le Pays a une posture passive par rapport au développement des migrations alternantes vers les villes. C'est encore peu important quantitativement (pas de grandes villes à proximité), mais de plus en plus les opportunités immobilières locales font l'objet de parutions dans des journaux immobiliers des départements voisins : l'intérêt porté au territoire par des urbains qui cherchent une résidence est en émergence. 3. Des exemples d'actions rattachées à la problématique Il ne faut donc pas s'étonner que les enjeux de l'économie résidentielle fassent aussi bien l'objet de projets de développement que de mouvements de résistance : quant aux retraites en général, leur apport économique n'est pas jugé très positif. En effet, le Pays est historiquement un territoire agricole et, bien que la population, vieillie, soit à la retraite dans une forte proportion, la richesse qui en résulte est très faible en raison du bas niveau des retraites agricoles. L'enjeu économique des retraites résulterait donc plutôt de l'arrivée de retraités étrangers en provenance d'Europe du Nord (surtout Pays Bas). Mais l'économie résultante fonctionne en circuit fermé et échappe largement aux circuits locaux, sauf pour les dépenses courantes : par exemple, les Hollandais font venir les artisans du bâtiment de chez eux (les Anglais, par contre, sont perçus comme faisant travailler les locaux). Un projet immobilier à Castelnau d'Auzan - opération de 320 logements, avec commerces et services intégrés, pour des retraités hollandais - suscite ainsi de forte oppositions locales, en dépit de son intérêt du point de l'emploi (150 emplois induits). par contre, le Pays voit depuis peu arriver en petit nombre des étrangers actifs, qui s'installent notamment sur des activités NTIC (le territoire est bien couvert par l'ADSL). Cette dynamique a été soutenue localement par l'opération "Solo", 49 consistant à mobiliser les communes pour remettre en état le patrimoine communal et pour encourager les propriétaires locaux à réhabiliter des logements, qui sont mis à la disposition de ces immigrants. L'intérêt des Hollandais pour le territoire touche aussi la population active : un guide touristique – "Découvertes" - édité par le Pays a été acheté en 2 000 exemplaires par un organisme économique hollandais, pour alimenter sa promotion d'installations d'actifs en France ! en ce qui concerne le tourisme, le Pays mène une action forte de mise en valeur d'un potentiel important : sites d'intérêt national ou régional, paysages, culture locale… En dehors de la station thermale de Barbotan les Thermes (200 à 300 lits hôteliers, 500 meublés, 16 000 curistes) la mise en valeur s'appuie sur une offre importante de gîtes et chambres d'hôtes. L'effort porte essentiellement sur la promotion (guide "Découverte", topoguide, mise en ligne d'un SIG des ressources touristiques), le développement des réseaux de sentiers (saint Jacques de Compostelle) et l'accompagnement de projets privés ou publics. Cependant, les actions restent ciblées sur l'accueil et l'offre "occupationnelle", sans actions conçues directement pour capter les revenus des touristes au moyen d'activités marchandes, en dehors de l'hébergement. La place des enjeux de l'économie résidentielle, dans ce Pays dont l'économie traditionnelle relève principalement de la production, reste ainsi seconde par rapport à des axes orienté vers le productif. En témoignent, par exemple, les actions de valorisation des produits locaux, et surtout le projet, particulièrement structurant, du "Mécanopôle" de Nogaro (350 emplois envisagés à 5 ans), appuyé sur le circuit automobile, l'aérodrome, un lycée technique et la présence historique de PME spécialisées dans la sous-traitance de mécanique de précision 50 Pays Bourian RAPPEL DE LA STRUCTURE DE LA BASE ECONOMIQUE BOURIAN TYPE STRUCTURE DE LA BASE ECONOMIQUE + Revenus de la Production Salaires Public Salaires Importés Revenu des Retraites Dépenses Touristes (2001) Transferts Sociaux Tourisme 15,0 8,7 10,4 29,1 25,2 11,7 Moyenne des Pays 16,5 8,6 14,9 28,0 19,1 12,8 Retraités LE TERRITOIRE A GRANDS TRAITS Le Pays Bourian regroupe 59 communes situées dans la partie ouest du département du Lot. Son territoire, desservi par la l’A20 Paris-Toulouse, s’inscrit entre la vallée de la Dordogne au nord, et la vallée du Lot au sud. Il est mitoyen à l’est du Parc Naturel Régional des Causses du Quercy. Une mosaïque compartimentée de micro-paysages (vallons, plateaux, forêts) en fait sa particularité. Elle donne à la Bouriane une forte identité géographique et paysagère, subissant à la fois les influences des Causses du Quercy (ambiance méditerranéenne) et du Périgord (châtaigneraie). Au plan démographique, le Pays Bourian se distingue par une évolution positive de sa population (+ 7,9 % entre 1990 et 1999) bien supérieure à celle du Lot ou de MidiPyrénées. Le solde migratoire positif confirme l’attractivité de ce territoire. La densité de population la plus forte concerne l’axe Gourdon-Payrac au nord, et la zone périurbaine au sud, au contact de la vallée du Lot (canton de Catus). En dehors de la 51 ville de Gourdon qui comptait 4 882 habitants en 1999, le reste du territoire est maillé de petits villages dont la moitié possède moins de 200 habitants. Avec 45 % des établissements, l’agriculture est la dominante forte dans l’économie du Pays. Elle est suivie par les commerces et services (27 %). La majeure partie d’entre eux est regroupée dans le canton de Gourdon, la capitale de la Bouriane jouant son rôle de ville-centre. Le secteur industriel (7 %) est dominé par les industries agroalimentaires et du bois, en liens étroits avec le milieu rural. L’artisanat est également très présent sur le territoire. Le secteur agricole repose principalement sur une polyculture variée et sur l’élevage. Les productions animales (bovin viande en tête) représentent plus de 80 % de la production totale. Toutefois cette production reste modeste au regard de la région (1% de la production animale de Midi Pyrénées). Le Pays, avec ses spécificités, n’échappe pas à la tendance générale d’une diminution du nombre des exploitations et d’une régression de la Surface Agricole Utilisée. Avec un taux de boisement de 52 % par rapport à la surface totale du Pays, la forêt tient une place très importante en Bouriane, tant sur le plan économique que paysager. Il s’agit d’une forêt essentiellement privée où pin maritime, chêne et châtaignier sont les principales essences productives. Le Pays Bourian dispose d’un riche patrimoine architectural et culturel. De nombreux monuments anciens et sites remarquables, bénéficiant de protections patrimoniales et paysagères, sont répartis sur l’ensemble du territoire. Mais c’est sur la qualité des paysages et de son environnement, propices à développer un cadre de vie agréable, que repose l’attractivité du Pays Bourian. A cela, il répond par une très bonne capacité d’accueil sur l’ensemble du territoire (gîtes, chambres d’hôtes, campings, centre de vacances…). Le territoire est couvert en quasi totalité (98,3 %) par des structures intercommunales à fiscalité propre (5 communautés de communes). 52 L'ECONOMIE RESIDENTIELLE DANS LA STRATEGIE DU PAYS 1. La notion d'économie résidentielle en tant que référence pour la stratégie La notion d'économie résidentielle, peu connue du responsable technique du Pays, est absente de l'analyse et des choix stratégiques du Pays. 2. La problématique générale de prise en compte de l'économie résidentielle Les bases de l'économie résidentielle n'en sont pas moins présentes sur le territoire et elles sont prises en compte dans la stratégie du Pays. Mais il est caractéristique que le positionnement du Pays soit explicitement ciblé sur l'accueil (faire venir, faire rester un peu plus longtemps…). L'esprit général de la politique du Pays est ainsi de faire en sorte que les gens "soient bien" plutôt que de chercher à leur offrir des opportunités de dépenser sur place. C'est donc, schématiquement, le premier volet du mécanisme de l'économie résidentielle (capter des revenus extérieurs) qui oriente principalement la stratégie du Pays. 3. Des exemples d'actions rattachées à la problématique En liaison avec l'économie résidentielle, trois axes sont présents dans la stratégie du Pays : par rapport à l'activité touristique, le pays se positionne comme lieu de séjour. Sans disposer en son sein d'éléments puissants d'attraction, le territoire est à proximité de grands sites (Rocamadour, le Lot, la Dordogne…) et la stratégie est de faire résider dans le Pays les touristes qui "consomment" ces sites extérieurs au territoire. Ce sont donc les dépenses liées à l'hébergement qui sont principalement visées, avec le support de structures d'accueil de tourisme rural : gîtes, chambres d'hôte et aussi des résidences secondaires (Hollandais, Anglais). Les actions sont cohérentes avec cet enjeu et visent à attirer et faire rester quelques jours de plus en améliorant l'offre "nature" et "patrimoine" : sentiers, pêche, rando, routes thématiques, circuits découverte, animations d'été, loisirs de proximité… vis-à-vis des résidants permanents, le Pays conduit une politique d'attraction et de maintien : offre de logements, notamment locatifs (construction neuve, lotissements) et services résidentiels à la 53 population (équipements et commerces de Gourdon, en particulier). Les actifs étrangers (Anglais notamment) alimentent de façon significative les flux d'immigration (double résidence ou résidence permanente). les retraités sont nombreux (33% de 60 ans et plus), dont beaucoup arrivent de l'extérieur ou reviennent au pays, directement ou par "consolidation" d'une résidence secondaire à la prise de retraite. Vis-à-vis de cette population, la Pays développe des services de santé et des prestations à caractère social (services publics et privés) visant à répondre aux "besoins" spécifiques des personnes âgées. Mis à part les recettes marchandes liées à l'hébergement (location, construction et maintenance immobilière, vie quotidienne), l'économie résidentielle s'analyse pour le Pays plutôt comme une source de dépenses collectives que comme une présence rémunératrice. 54 Pays Lauragais RAPPEL DE LA STRUCTURE DE LA BASE ECONOMIQUE LAURAGAIS TYPE STRUCTURE DE LA BASE ECONOMIQUE + Revenus de la Production Salaires Public Salaires Importés Revenu des Retraites Dépenses Touristes (2001) Transferts Sociaux Actifs migrants 14,7 9,4 20,4 30,3 10,8 14,3 Moyenne des Pays 16,5 8,6 14,9 28,0 19,1 12,8 Retraités LE TERRITOIRE A GRANDS TRAITS Le Pays Lauragais concerne un territoire de 153 communes, à cheval sur deux régions (Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon) et trois départements : la partie garonnaise située dans l’aire d’influence de l’agglomération toulousaine, la partie audoise qui se structure autour de Castelnaudary et se tourne vers Carcassonne et la partie tarnaise orientée vers la ville de Revel. Au nord-est de son territoire s’inscrit le Parc Naturel Régional du Haut-Languedoc qui inclut deux communes du Tarn. D’est en ouest, il est traversé par l’autoroute A61 qui relie l’Océan à la Mer Méditerranée, via la vallée de la Garonne et le Canal du Midi. Bien que très étendu, le Pays Lauragais présente une cohésion et une identité territoriale forte. Son périmètre retrouve à peu de choses près l’unité territoriale du Lauragais « historique ». 55 En 20 ans, le Pays Lauragais a connu une forte croissance démographique. Ce sont les communes situées dans la sphère de l’agglomération toulousaine qui gagnent le plus d’habitants, tout en étant confrontées aux problèmes de la périurbanisation. En revanche certaines communes rurales du Tarn et de l’Aude, situées sur les franges du territoire, à l’écart des grands axes de communications, ont connu un déclin démographique et un vieillissement de leur population. L’ensemble du territoire est composé essentiellement de noyaux villageois. C’est au centre de son périmètre, dans le Sillon Lauragais, et dans sa partie nord-est que se concentre l’urbanisation qui se structure autour des 3 pôles de Castelnaudary, Villefranche-de-Lauragais et Revel. C’est dans ce réseau de villes que se concentre l’essentiel des industries agroalimentaires, de l’artisanat et des services. Le Pays Lauragais est un territoire à forte vocation agricole basée sur une production traditionnelle de céréales et protéagineux dans des domaines de grande taille. Cette concentration des terres s’accélère sous l’effet du vieillissement des actifs agricoles. L’économie du territoire est dominée par l’agroalimentaire qui concentre la plupart des établissements de plus de 50 salariés. L’industrie de transformation du bois à Revel et Sorèze participe au développement du patrimoine local et influe sur le tourisme de proximité (artisanat de Durfort). Le Pays Lauragais possède un riche patrimoine architectural. Villages anciens, bastides, édifices religieux jalonnent son territoire (bastide de Bram, beffroi de Revel, cloître de Saint Papoul…). A cela s’ajoute d’autres éléments d’un patrimoine architectural dispersé (pigeonniers, moulins, maisons de maître…) qui participe à la qualité des paysages des collines et coteaux du Lauragais. Le canal du Midi constitue à lui seul un patrimoine exceptionnel. Classé au patrimoine mondial de l’Humanité par l’UNESCO, il est un repère fort au sein du Pays Lauragais. Cet ensemble constitue un gisement de développement important mais dont les potentialités sont encore à ce jour trop méconnues. Le territoire est en partie organisé autour de 9 communautés de communes à fiscalité propre soit un taux d’intercommunalité de 79 % 56 L'ECONOMIE RESIDENTIELLE DANS LA STRATEGIE DU PAYS 1. La notion d'économie résidentielle en tant que référence pour la stratégie Jusqu'à récemment, l'économie résidentielle ne faisait pas partie, en tant que telle, des références utilisées pour la réflexion sur le développement du Pays. Bien entendu, le vieillissement de la population ou le fort solde migratoire de Toulousains faisaient partie des analyses, mais ces phénomènes étaient seulement considérés comme inducteurs de besoins d'équipements et de services pour la population. Dans la Charte, le raisonnement est ainsi conduit en référence aux différents types de sous populations. Les élus du Pays ont découvert la notion d'économie résidentielle dans le cadre du travail sur l'interSCOT de la région de Toulouse, qui associe le SCOT de Toulouse et 3 SCOT de la périphérie, dont celui qui couvre la partie Haut Garonnaise du Pays du Lauragais. Dans le cadre de cette réflexion, les territoires périphériques, dont le Lauragais, ont pris conscience que le pôle urbain toulousain concentrait l'économie productive et que leur économie s'appuyait principalement sur le résidentiel, avec un peu de productif. La distinction entre économie productive et économie résidentielle est maintenant placée au cœur de la réflexion. 2. La problématique générale de prise en compte de l'économie résidentielle La réflexion conduite par le Pays s'efforce de considérer l'ensemble de son territoire, en dépit de sa géographie compliquée (à cheval sur 3 départements, avec un SCOT côté Toulouse, un SCOT sur Revel et pas de SCOT vers Castelnaudary) ; sur le plan institutionnel, la revendication porte sur l'engagement d'un seul SCOT sur l'ensemble du Pays. C'est la partie Haut Garonnaise du territoire qui est la plus directement soumise à la pression résidentielle de Toulouse : 41 % des actifs travaillent dans le pôle toulousain ; en 8 ans, toutes les capacités d'accueil ont été saturées, les prix fonciers s'envolent, les promoteurs forcent la main des collectivités, les populations arrivent… et, bien entendu, demandent les services résidentiels élémentaires : écoles, crèches… Ainsi, le mécanisme à l'œuvre – et sa vitesse – fait que l'installation de l'économie résidentielle sur le territoire impose d'abord d'investir pour l'accueil avant de pouvoir bénéficier des retombées positives : 57 avant de rapporter, l'économie résidentielle coûte. Or, dans le Lauragais, les collectivités locales n'ont pas de ressources financières suffisantes pour prendre en charge les investissements, faute de base économique productive. Ainsi, l'économie résidentielle, lorsqu'elle est, comme ici, subie et non régulée, peut s'avérer être un piège économique. Dans le cas du Lauragais – comme sans doute de tous les territoires en périphérie de l'agglomération de Toulouse – le piège se referme complètement sous l'effet d'un autre mécanisme. En effet, on estime que 70 % de la consommation des résidants est captée par les offres de l'agglomération centrale, hors du périmètre du Pays, notamment par les concentrations commerciales de Labège et de Portet. Ainsi, de l'économie résidentielle, le Lauragais ne "bénéficie" que des coûts induits par l'accueil - les retombées économiques du potentiel de consommation lui échappant - sans disposer de recettes productives (par le biais de la TP notamment) pour y faire face. 3. Des exemples d'actions rattachées à la problématique Aujourd'hui, la problématique qui vient d'être exposée est à la base des réflexions de l'inter SCOT car elle met à l'évidence en cause l'étendue et le fonctionnement des périmètres de solidarité. Ces réflexions étant en cours, les actions opérationnelles – correctives des dysfonctionnements territoriaux structurels ou permettant de reprendre localement l'initiative – ne sont pas encore définies. Par contre, plusieurs thèmes majeurs de préoccupations auxquels elles devraient apporter des solutions sont bien identifiés : des projets sont annoncés pour créer, toujours en périphérie immédiate de la ville centre, donc hors du Pays, des centres commerciaux conformes au nouveau concept "ludo-commercial", constituant des "macro offres" intégrant loisirs et commerces. Naturellement, si aucune régulation n'intervient, la réalisation de tels projets concourrait à accentuer encore les dysfonctionnements constatés. comment les collectivités locales du Pays peuvent-elles financer (en investissement et en fonctionnement) les équipements et les services de base répondant aux besoins induits par les nouveaux arrivants ? Sur un plan théorique, on pourrait se féliciter de ce que le mécanisme de l'immigration provoque la croissance du secteur "salaires publics" de l'économie résidentielle ; mais, pour que ce mécanisme soit localement "vertueux", il faudrait que ces salaires soient bien tous alimentés par la redistribution (la part restant à la charge des collectivités du Pays restant marginale), ainsi que les investissements en équipements nécessaires au fonctionnement de ces services publics. compte tenu du différentiel d'attractivité entre l'agglomération centrale et les Pays périphériques vis-à-vis des entreprises, comment rééquilibrer les composantes productive et résidentielle de l'économie locale pour restaurer un système ayant la capacité de s'auto entretenir ? 58 que faut-il négocier, parallèlement, pour faire jouer la solidarité territoriale et pour instaurer un dispositif régulateur ? comment maîtriser, au sein du Pays lui-même, la dynamique des flux d'arrivées et calibrer les rythmes de consommation foncière ? comment, dans les petites communes du Pays, intégrer les nouvelles populations alors qu'elles ont des pratiques et des valeurs urbaines, qu'elles sont absentes dans la journée… ? Au delà de la fourniture des services élémentaires, comment faire se rejoindre les deux populations pour assurer la cohésion sociale ? La vie associative locale n'est pas préparée à ce rôle, et les moyens manquent aux collectivités pour développer des activités et opportunités de rencontres. La situation du Pays Lauragais montre bien que le développement de l'économie résidentielle, dès lors que les vitesses et l'ampleur des phénomènes ne permettent plus d'en absorber les impacts en restant à la marge du fonctionnement établi, induit les mêmes types de difficultés et les mêmes besoins de gestion que l'économe productive : il faut être capable d'investir avant d'en tirer les bénéfices. 59 Pays Midi-Quercy RAPPEL DE LA STRUCTURE DE LA BASE ECONOMIQUE MIDI QUERCY TYPE STRUCTURE DE LA BASE ECONOMIQUE + Revenus de la Production Salaires Public Salaires Importés Revenu des Retraites Dépenses Touristes (2001) Transferts Sociaux Retraités 17,8 9,2 14,1 29,4 14,8 14,7 Moyenne des Pays 16,5 8,6 14,9 28,0 19,1 12,8 Productif LE TERRITOIRE A GRANDS TRAITS Le Pays Midi Quercy regroupe 48 communes situées dans la partie orientale du département du Tarn-et-Garonne. Il bénéficie du passage de l’A 20 Toulouse-Paris et d’une bonne desserte routière reliant les villes voisines de Montauban et Villefranche-de-Rouergue. Situé entre le Parc Naturel Régional des Grands Causses au nord et la forêt de la Grésigne au sud, s’étendant des portes de Montauban aux frontières du Lot, de l’Aveyron et du Tarn, il offre une grande diversité de paysages et une richesse des milieux naturels exceptionnelle. En témoigne la notoriété de certains sites naturels (gorges de l’Aveyron, causses du Quercy) et les très nombreuses protections environnementales (une quarantaine de Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique sont recensées sur le territoire). Le Pays Midi Quercy a formé le projet de se constituer en Parc Naturel Régional dont l’enjeu sera la préservation et la valorisation de ce patrimoine exceptionnel. 60 Hormis le pôle constitué autour de Caussade et les communes situées à l’ouest dans l’aire urbaine de Montauban, ce Pays se présente comme un territoire intermédiaire à dominante rurale. Avec 39 241 habitants en 1999, il bénéficie d’un accroissement démographique dû à des soldes migratoires positifs, l’arrivée de nouveaux habitants venant compenser le vieillissement de la population. Alors que les communes proches de Montauban et de l’A 20 bénéficient de forts taux de croissance démographique (28% en 20 ans), que le pôle Caussadais progresse modérément, la partie est du pays souffre de dépeuplement. En contrepartie, c’est sur les cantons est de Saint-Antonin-de-Noble-Val et de Caylus (partie très touristique du Pays) que se concentrent les résidences secondaires (42% du parc du département). Pour un territoire à dominante rurale, ce Pays présente un tissu industriel relativement important (19,6 % d’emplois salariés dans le secteur industriel). Les établissements se concentrent dans la partie ouest du territoire, sur la commune de Caussade et les communes proches de Montauban et de l’A20. Alors que le secteur tertiaire, véritable potentiel de croissance, concentre plus de 25 % de la population active, l’emploi agricole connaît une forte baisse de ses effectifs (13 % de la population active). Cependant ce territoire est encore très agricole. Il bénéficie d’une variété de sols et de petites régions à l’origine d’une diversification des productions et d’une qualité de produits : grandes cultures, vignobles sur les coteaux du Bas Quercy, vergers irrigués dans les plaines alluviales de l’Aveyron et de la Lère, élevage bovin et ovin sur les Causses du Quercy. Ce territoire dispose d’un patrimoine naturel, paysager et culturel de grande qualité. (gorges de l’Aveyron, causses du Quercy, village de Saint-Antonin-de-Noble-Val, château de Bruniquel, abbaye de Baulieu…). La forte notoriété de nombreux sites draine chaque année des milliers de touristes. Bénéficiant d‘atouts considérables (proximité des bassins de clientèle, capacité d’accueil importante, hébergement et activités variées…), le tourisme est pour ce Pays un secteur à fort potentiel de développement. Le territoire est couvert à 97,9 % par des structures intercommunales à fiscalité propre (4 communautés de communes). 61 L'ECONOMIE RESIDENTIELLE DANS LA STRATEGIE DU PAYS 1. La notion d'économie résidentielle en tant que référence pour la stratégie A la création du Pays, en 2003, non seulement on ne parlait pas d'économie résidentielle, mais le développement économique ne faisait pas partie des enjeux stratégiques. La stratégie était entièrement tournée vers la préservation patrimoniale et le Pays se posait en coordinateur, porteur de cohérence, plus qu'en initiateur et promoteur de projets. Les axes de travail étaient : charte paysagère, plan énergie, charte environnement, charte habitat. Depuis quelques mois, le Pays s'oriente vers le développement, mais dans l'optique précise du "développement durable". La notion d'économie résidentielle n'est pas présente en tant que telle, ni dans les analyses, ni dans les réflexions stratégiques du Pays. 2. La problématique générale de prise en compte de l'économie résidentielle Néanmoins, certains axes de travail, notamment dans le cadre de la préparation d'une candidature Leader, traitent de mécanismes apparentés à l'économie résidentielle. Il s'agit, pour l'essentiel, de la recherche d'une meilleure valorisation des ressources locales (au sens large) en s'appuyant sur les marchés représentés par les touristes et les résidants travaillant à Montauban ou Toulouse. Néanmoins, il s'agit plus alors, semble-t-il, de tirer parti d'opportunités de marché repérées que de mener une stratégie systématique qui, par exemple, chercherait aussi, en amont , à accroître celles-ci ; le potentiel représenté par la présence de revenus extérieurs est analysé plutôt en référence à des besoins à satisfaire qu'en référence à un pouvoir d'achat disponible. En particulier, le Pays ne se positionne pas pour le moment par rapport à l'immigration externe et ses effets induits. Vis-à-vis du développement des lotissements résidentiels, l'effort porte sur leur qualité, plutôt que sur la régulation de leur multiplication par des promoteurs toulousains : expérience d'un "éco hameau", guide de bonne conduite pour les municipalités démarchées par des promoteurs, accompagnement des communes qui le souhaitent dans des démarches de type HQE… 62 3. Des exemples d'actions rattachées à la problématique Les projets du Pays ayant un rapport direct avec le développement se placent plutôt dans l'objectif de croissance de l'économie productive ; c'est surtout cette entrée qui est, semble-t-il, à l'origine des projets. Mais si certaines actions relèvent essentiellement de cette logique (participation à la "foire à l'installation" de Limoges pour recruter des actifs immigrants, création d'un télécentre pour des télétravailleurs d'entreprises toulousaines 7 , par exemple), d'autres émargent aussi à l'économie résidentielle, car ils visent à exploiter concrètement des marchés induits par la présence de revenus "importés" : dans le cadre du programme Leader, une opération (portée conjointement par les Pays Midi Quercy et Albigeois – Bastides) vise à faire prendre en compte par les TPE (artisans, commerçants, services…) les évolutions de marché induites, d'une part, par le vieillissement de la population, d'autre part par les nouvelles populations, ces deux dynamiques créant de nouveaux besoins. L'opération associe un diagnostic des nouveaux "besoins" et une action sur les entreprises et sur les reprises d'entreprises une étude action s'engage, ayant pour but de développer une filière courte "bio" : analyse du système productif actuel, analyse des débouchés potentiels sur le territoire (supposés liés directement à la présence de personnes de culture "urbaine"), accompagnement des entreprises dans la saisie du marché. vis-à-vis des touristes, un "plan de tourisme durable" prévoit de développer des offres à haute valeur ajoutée, en valorisant par du service et de la prestation humaine les activités fondées sur les ressources patrimoniales : interprétation du paysage et du patrimoine rural, accompagnement d'activités nature (spéléo, rando…). Autrement dit, le projet est de faire passer le tourisme d'une consommation de "produits secs" à une consommation de produits intégrant du service. un centre commercial comprenant une grande surface va ouvrir dans un bourg rural ; l'objectif du maire est de réduire ainsi l'évasion vers Montauban de la consommation des résidants. Cependant, c'est un projet isolé, qui n'entre pas dans une politique délibérée à l'échelle du Pays. L'esprit général de tels projets est cohérent avec l'un des enjeux de l'économie résidentielle : mettre des offres marchandes à disposition de la demande potentielle constituée des revenus importés. 7 Les insuffisances actuelles de l'accès à l'ADSL sont considérées comme un obstacle majeur au développement économique du Pays 63 Pays Pyrénées Cathares RAPPEL DE LA STRUCTURE DE LA BASE ECONOMIQUE PYRENEES CATHARES TYPE STRUCTURE DE LA BASE ECONOMIQUE + Revenus de la Production Salaires Public Salaires Importés Revenu des Retraites Dépenses Touristes (2001) Transferts Sociaux Retraités 20,0 10,4 8,1 30,3 15,9 15,3 Moyenne des Pays 16,5 8,6 14,9 28,0 19,1 12,8 Productif LE TERRITOIRE A GRANDS TRAITS Le Pays des Pyrénées Cathares (Mirepoix-Pays d’Olmes) fédère 56 communes s’inscrivant dans les limites des cantons de Mirepoix et Lavelanet. Mitoyen de l’Aude, il est situé à la frange sud-est du département de l’Ariège, entre le Lauragais au nord et les Pyrénées au sud. Territoire de contacts entre plaine et haute montagne, ce Pays bénéficie de paysages et de sites naturels remarquables (chaîne du Plantaurel, massif de Tabe, forêt de Bélesta, gorges de la Frau, vallée de l’Hers…). En raison de la grande richesse de ses milieux naturels, il dispose de nombreuses protections (Zone d’Importance Communautaire pour les Oiseaux, Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique, 64 Faunistique et Floristique, site Natura 2000). Haut lieu symbolique du Catharisme, le site classé du château de Montségur, de renommée internationale, est l’élément phare et identitaire du Pays. Le Pays comptait 25 828 habitants en 1999, soit 18,6% de la population du département de l’Ariège. Une situation démographique à la baisse affecte plus particulièrement le canton de Lavelanet, conséquence directe de la crise du textile (vieillissement de la population, départ des jeunes). Ce canton qui regroupe 43% de la population du Pays est celui qui a connu la plus forte baisse démographique entre 1990 et 1999. En contrepartie, les variations de population à la hausse sur le canton de Mirepoix témoignent d’un certain dynamisme, faisant de Mirepoix un nouveau bassin d’habitat aux soldes migratoires positifs. L’armature urbaine du Pays repose sur les trois bourgs centres de Lavelanet, Laroque d’Olmes et Mirepoix, véritables bassins de vie regroupant l’essentiel des commerces, équipements et services. En dépit de la crise du textile et les pertes d’emploi induites, ce territoire, après d’importantes restructurations, concentre 30 % de l’emploi industriel du département de l’Ariège. L’économie locale est dominée par l’industrie, le secteur textile restant le premier employeur du pays (77 % des effectifs). Malgré les difficultés conjoncturelles, cette industrie textile constitue une véritable filière, objet d’initiatives de développement industriel (Système Productif Localisé Pays d’Olmes-Montagne Noire). Bien qu’en perte de vitesse, l’artisanat reste également un secteur dynamique à l’échelle du Pays. Malgré la déprise agricole et la baisse du nombre des agriculteurs, l’agriculture demeure un élément essentiel de l’économie et un pilier de l’identité culturelle. Caractérisé par une agriculture traditionnelle (élevage et polyculture), le secteur agricole se tourne aujourd’hui vers une démarche de qualité (AOC, Label Rouge) et reste le garant de la protection des paysages. Haut lieu du catharisme, ce Pays bénéficie de sites majeurs très fréquentés (Mirepoix, châteaux de Roquefixade et Montségur) et d’un potentiel touristique très riche (bastide, église romane, cascade et lac…). Devenu une réalité économique, le tourisme se diversifie tant au niveau des structures d’accueil que des activités culturelles et de plein air. Toutefois les potentialités en terme d’accueil, de valorisation et d’identification des sites sont encore à ce jour trop méconnues et pas assez développées. 65 Le territoire est couvert à 87,5% par des structures intercommunales à fiscalité propre (3 communautés de communes). L'ECONOMIE RESIDENTIELLE DANS LA STRATEGIE DU PAYS 1. La notion d'économie résidentielle en tant que référence pour la stratégie Le cas du Pays Pyrénées Cathares est un cas particulier. En tant que structure, le Pays n'intervient pas dans le domaine économique ; ce sont les communautés de communes qui montent, individuellement, les projets inscrits au Contrat de Pays. Au niveau du Pays, il n'y a donc pas de réflexion économique, a fortiori pas de réflexion sur l'économie résidentielle. 2. La problématique générale de prise en compte de l'économie résidentielle La structure de Pays est en charge du secteur culturel. L'activité culturelle est considérée comme un facteur d'attractivité pour faire venir des immigrants et inciter les résidants à rester sur place. Elle contribue ainsi à la politique économique générale orienté vers la compensation des pertes d'emplois productifs. L'objectif à court terme est d'obtenir le label "Pays d'Art et d'Histoire" qui pourra servir d'appui pour le maintien du paysage et du cadre de vie. 66 Pays Ruthénois RAPPEL DE LA STRUCTURE DE LA BASE ECONOMIQUE RUTHENOIS TYPE STRUCTURE DE LA BASE ECONOMIQUE + Revenus de la Production Salaires Public Salaires Importés Revenu des Retraites Dépenses Touristes (2001) Transferts Sociaux Actifs migrants 19,9 7,6 16,8 26,6 17,1 12,1 Moyenne des Pays 16,5 8,6 14,9 28,0 19,1 12,8 Productif LE TERRITOIRE A GRANDS TRAITS Le Pays Ruthénois regroupe 57 communes situées au cœur de l’Aveyron. Le territoire s’organise autour de l’agglomération centrale et attractive de Rodez. Il est desservi par deux grands axes structurants, la RN 140 et la RN 88. Ces deux routes relient le Pays Ruthénois aux territoires voisins et à l’agglomération toulousaine ainsi qu’aux autres métropoles régionales via le réseau autoroutier de l’A20 et de l’A 75. Trois grandes entités paysagères composent le territoire : au centre le Causse Comtal, au nord les collines du Rougier de Marcillac, au sud les bocages et pâturages du Ségala. L’extrême partie sud-est du territoire jouxte le Parc Naturel Régional des Grands Causses. Le Pays ruthénois s’articule autour de la Communauté d’agglomération des huit communes du Grand Rodez (seule entité du département à dépasser 50 000 67 habitants) et d’un réseau de bourgs-centres (entre 1000 et 2000 habitants), éléments structurants de l’espace rural et de la vie sociale. Ce territoire est dominé par la problématique urbaine et connaît des évolutions complexes et contrastées. Sur le plan démographique, l’évolution de la population est différente entre les communes de l’agglomération qui bénéficient de gains de population, et les franges rurales plus éloignées qui se dépeuplent. Avec l’arrivée grandissante de nouveaux résidents, les bourgs-centres les plus attractifs et certaines communes situées bien au delà de l’aire urbaine de Rodez sont confrontés aux difficultés que peut entraîner la périurbanisation : pression foncière, étalement de l’habitat, besoins accrus en services et équipements, allongement des distances de déplacement entre le bassin d’emplois de Rodez et les lieux de résidence. A côté des fonctions administratives et des services que lui confère le statut de Préfecture, l’agglomération de Rodez est le premier bassin d’emploi du département (40 % des établissements aveyronnais sont implantés sur le Pays). Ce bassin s’inscrit dans une dynamique de croissance et de mutation réussie (poids croissant des filières agroalimentaire, mécanique, bois et ameublement, BTP, informatique). Le tissu économique repose sur un réseau de PME-PMI (90 % des entreprises ont moins de 10 salariés). Pour autant, il existe une dizaine d’entreprises dépassant la centaine de salariés dont la Société Bosch qui joue un rôle déterminant dans l’économie locale (1850 salariés). Malgré les difficultés du monde agricole, l’agriculture demeure un secteur performant et une composante essentielle de l’identité locale. Elle se caractérise par une adaptation des exploitations et une diversité des productions en fonction des spécificités territoriales : vin de Marcillac, élevages bovins et ovins. L’image du Pays est renforcée par la valorisation des labels de qualité : vin AOC Marcillac, Label rouge Veau d’Aveyron et du Ségala, Agneau fermier de l’Aveyron, Bœuf Fermier d’Aubrac… Ce Pays bénéficie de nombreux sites remarquables, tant d’un point de vue paysager qu’en raison de la richesse de ses milieux naturels (Causse Comtal) et de son patrimoine bâti (châteaux, églises, villages dont ceux de Salles-la-Source et de Conques…). Cet ensemble de ressources, accompagné d’un réseau de structures d’accueil sur l’ensemble du territoire, confirme les fortes potentialités de développement touristique du Pays Ruthénois. 68 Le territoire est organisé en 6 intercommunalités à fiscalité propre (1 communauté d’agglomération et 5 communautés de communes) soit un taux d’intercommunalité de 89,5 %. L'ECONOMIE RESIDENTIELLE DANS LA STRATEGIE DU PAYS 1. La notion d'économie résidentielle en tant que référence pour la stratégie Pour le Pays ruthénois, la référence aux enjeux de l'économie résidentielle n'était pas explicite au moment de la préparation de la Charte de Pays : les actions concernant les principales catégories concernées (actifs migrants, retraités, etc) avaient essentiellement une finalité sociale ou visaient à "maintenir" sur place les résidants en améliorant leurs conditions de vie. C'est avec la préparation d'une candidature Leader que la logique de l'économie résidentielle s'introduit dans la réflexion du Pays, avec la formulation d'enjeux concernant la "capture" de revenus extérieurs et le développement d'offres débouchant sur la création d'emplois induits par le tourisme. Dans la présentation des constats amorçant la préparation de la candidature Leader, figure en bonne place un schéma illustrant concrètement la logique de l'économie résidentielle. 2. La problématique générale de prise en compte de l'économie résidentielle Dans la partie rurale du Pays ruthénois (qui inclut Rodez), les bases d'une économie résidentielle sont déjà en place et font naturellement partie du fonctionnement du Pays : actifs migrants travaillant à Rodez, tourisme assez développé. L'enjeu identifié est donc plutôt de tirer parti de cette "présence" en développant des offres qui lui soient adressées. La particularité de la stratégie de la candidature Leader est de mobiliser des moyens qui poursuivent simultanément, de façon intégrée, un objectif économique (capter des revenus extérieurs) et un objectif de cohésion sociale (intégration des anciens résidants, des "touristes" et des nouveaux arrivants). Pour cela, le parti général retenu est de mobiliser les personnes physiques pour les rendre directement acteurs et contributifs de cette synergie. Cette problématique conduit en fait à élargir le raisonnement de l'économie résidentielle à d'autres dimensions que celle des revenus, et à l'appliquer au domaine culturel, aux mouvements de capitaux ou à l'organisation des transports. 69 Compte tenu de l'organisation spatiale du Pays, environ 40% des résidants actifs de la zone rurale travaillent "en ville" (agglomération de Rodez) : à l'échelle locale, le rapatriement des revenus est donc perçu comme une composante importante du fonctionnement de l'économie territoriale. Néanmoins, la question de l'évasion de leur consommation sur les centres commerciaux de la ville centre ne se pose pas dans les mêmes termes que dans le Lauragais ; le Pays est étiré en longueur et les habitudes d'achat en Aveyron font que les bourgs centres (Naucelle, Marcillac, Requista…) sont encore bien équipés en services et commerces. Par ailleurs, le Schéma de structure commerciale de l'agglomération de Rodez a été préparé par une commission mixte ville-centre/espace rural et a tenu compte d'un objectif de maintien d'une offre dans les bourgs ruraux. 3. Des exemples d'actions rattachées à la problématique Plusieurs projets illustrent la démarche du Pays : pour maintenir l'attractivité du Pays (attirer, mais aussi éviter les départs), le Pays lance un programme de rénovation de logements, mais sur la cible spécifique des propriétaires non résidants localement. Le but est de les faire réinvestir et remettre les logements sur le marché ; le mécanisme joue donc sur des flux de capitaux en provenance de l'extérieur. Ce projet est jugé très cohérent avec l'histoire et la culture aveyronnaise : il y a beaucoup d'Aveyronnais à Paris, par exemple, qui ont gardé des liens étroits avec leur pays d'origine, qui y reviennent à la retraite et qui, depuis Paris, sont promoteurs et prescripteurs des productions et des offres touristiques locales (des "apports en nature", en quelque sorte). dans le cadre d'une meilleure utilisation des ressources locales pour accroître le bénéfice tiré de la présence des touristes, un projet a pour but de transmettre à ceux-ci la culture locale en utilisant la population elle-même comme vecteur de transmission ; d'où l'intention de développer des actions intergénérationnelles et provoquant des interrelations entre diverses sous-populations : les anciens, les professionnels et les touristes. Il s'agit là, d'une part, d'échanges qui ne sont pas forcément monétarisés, d'autre part, de la recherche d'un bénéfice de nature sociale, considéré par le Pays comme relevant de l'économie résidentielle au sens large. un troisième exemple de la démarche du Pays est un projet de développement du covoiturage, s'adressant notamment aux actifs migrants. Le dispositif prévoit un site Internet sur lequel chacun peut rentrer les caractéristiques de son trajet quotidien ; un logiciel comparera ces données et indiquera à chacun par e mail les personnes effectuant des trajets proches. Dans ce cas, l'intention est de développer une sorte d'auto gestion collective, créatrice d'économies et de lien social. Plus généralement, l'effort porte sur la mise au point de projets qui, pour une part, captent des revenus ou des capitaux à l'extérieur (avec ou sans "présence" physique sur place) et qui, pour une autre part, développent, en utilisant mieux les ressources locales, des offres pour que ces masses financières soient concrètement dépensées et introduites dans les circuits économiques locaux. Pour 70 ces derniers, il paraît difficile de distinguer les offres "d'économie résidentielle" et les autres, les services s'adressant aux gens présents, quelle que soit l'origine de leurs revenus. 71 Pays Vallée des Gaves RAPPEL DE LA STRUCTURE DE LA BASE ECONOMIQUE VALLEES DES GAVES TYPE Résidentiel touristique Moyenne des Pays STRUCTURE DE LA BASE ECONOMIQUE Revenus de la Production Salaires Public Salaires Importés Revenu des Retraites Dépenses Touristes (2001) Transferts Sociaux 11,0 6,8 10,3 16,7 47,9 7,3 16,5 8,6 14,9 28,0 19,1 12,8 LE TERRITOIRE A GRANDS TRAITS Le Pays Vallées des Gaves est situé dans le département des Hautes-Pyrénées. Il s’étend sur 89 communes et correspond approximativement au bassin versant de la haute vallée du Gave de Pau. Il bénéficie d’un positionnement favorable en raison de ses liens inter-régionaux avec les villes de Pau et Tarbes et de la bonne desserte de son territoire (A 64, aéroport). Il est marqué par la présence de la ville de Lourdes, lieu de pèlerinage mondialement connu, et par la richesse de ses sites naturels de haute renommée dont le cirque de Gavarnie. Sa partie sud s’inscrit dans le Parc National des Pyrénées. 72 Ce Pays est un espace faiblement peuplé (moins de 40 000 habitants) avec une évolution démographique légèrement à la baisse, liée à un vieillissement de la population. La répartition démographique montre une dichotomie de son territoire entre le pôle urbain de Lourdes (15 203 habitants) au nord et un espace rural au sud. Entre les deux, s’inscrit l’aire urbaine d’Argelès-Gazost. Malgré leur attractivité, les communes de montagne connaissent une baisse de population (solde migratoire positif non compensé par le déficit des naissances), à l’exception de certaines d’entre elles comme Cauterets ou Barèges qui bénéficient d’une hausse démographique. L’économie de ce Pays qui a longtemps reposé sur l’industrie et l’agriculture est aujourd’hui portée par les activités touristiques (pèlerinage, thermalisme, sports d’hiver…). Le secteur tertiaire regroupe aujourd’hui les 2/3 des actifs du territoire. Toutefois le Pays a su maintenir un taux d’emplois industriels relativement important (13 %). La commune de Lourdes concentre à elle seule 56 % des emplois du territoire. Face aux difficultés importantes que connaît l’agriculture de montagne (baisse du nombre des exploitants), l’on assiste à une évolution vers une professionnalisation du milieu agricole (agrotourisme, activités découverte, hébergement…). Notons la présence, sur un territoire spécialisé dans l’élevage, de cheptels bien représentés : la race ovine Mouton de Barèges classée en AOC ou la production des brebis laitières du Val d’Azun classée sous l’appellation Tome des Pyrénées. Sur le plan touristique, ce Pays bénéficie de pôles touristiques majeurs. Outre la présence de Lourdes (deuxième ville hôtelière de France) et des stations du ski dont celle de Barèges, ce territoire se distingue par la très grande richesse de ses paysages et de ses milieux naturels. En témoignent les nombreuses protections environnementales (Parc National des Pyrénées, Zone Importante pour la Conservation des Oiseaux, Réseau Natura 2000…). Il concentre également un patrimoine bâti très riche comme en attestent les nombreux monuments historiques classés ou inscrits qui jalonnent son territoire. Ces atouts en font un territoire doté d’équipements touristiques, d’activités et de sites très fréquentés. Le territoire est couvert à près de 70% par des structures intercommunales à fiscalité propre (8 communautés de communes). 73 L'ECONOMIE RESIDENTIELLE DANS LA STRATEGIE DU PAYS 1. La notion d'économie résidentielle en tant que référence pour la stratégie Comme dans d'autres Pays, la stratégie de développement territorial n'explicite pas de référence à l'économie résidentielle en tant que concept économique. Par contre, l'économie du territoire est dominée par les mécanismes résidentiels, et principalement par la présence touristique. C'est en fait dans les diverses déclinaisons de la politique générale d'accueil que l'économie résidentielle se concrétise. 2. La problématique générale de prise en compte de l'économie résidentielle L'économie du Pays est très fortement marquée par des pôles touristiques importants : Lourdes, stations thermales, stations de ski. Il faut remarquer que la clientèle d'été est plus importante que la clientèle d'hiver. Naturellement, ce gisement d'activités relève directement de l'économie résidentielle, tant pour son volet "faire venir des revenus" que pour le volet "faire des offres pour induire localement des dépenses". Sur ce deuxième volet, au delà des services touristiques marchands stricto sensu (remontées mécaniques, soins thermaux…), la densité très importante du territoire en commerces et services représente une forte capacité de "captation" du pouvoir d'achat des touristes… Cette composante de l'économie résidentielle a une particularité : à part Lourdes, les grands équipements (ski, thermalisme, thermoludisme) relèvent du secteur public et on est donc clairement dans une sorte "d'économie résidentielle mixte". En dépit de cela, les stations et grands établissements fonctionnent dans un contexte concurrentiel les uns par rapport aux autres, ce qui pourrait évoluer sous la pression de difficultés qui se font jour dans le ski et qui pèsent sur les budgets publics. L'importance des enjeux portés par ce "grand tourisme" concentre les efforts du Pays sur la promotion du territoire pour en accroître la fréquentation ; d'une certaine manière, il semble que, ce faisant, elle détourne le Pays de s'attacher à la valorisation d'enjeux moins importants de l'économie résidentielle dont les retombées potentielles peuvent apparaître mineures. 74 3. Des exemples d'actions rattachées à la problématique En complément de l'axe majeur qui vient d'être évoqué, il existe en effet peu d'actions visant explicitement le développement de l'économie résidentielle : la population retraitée est importante. La population autochtone vieillit, mais on observe aussi des arrivées de retraités du Sud Ouest, de Bordeaux et des Charentes. Le Pays n'a pas, vis-à-vis de ces flux, de politique très structurée ; au delà de la volonté d'offrir des logements (résidences d'accueil pour personnes âgées), il s'agit essentiellement d'une politique sociale, sans action organisée visant à créer des opportunités spécifiques de dépenses adaptées à cette clientèle. Les retraités immigrants ont un pouvoir d'achat élevé, mais le potentiel qu'il représente est exploité "naturellement", du fait de l'importance du tissu commercial ; par ailleurs, ils arrivent avec un capital important, ce qui fait rentrer de l'argent, mais aussi produit des effets perturbateurs : la revente d'une maison à Bordeaux permet de payer l'immobilier plus cher que les locaux. les étrangers sont présents sur le territoire à plusieurs titres. On commence à voir s'installer (Val d'Azun) des Anglais qui, arrivant avec du capital, ouvrent des chambres d'hôte. En pays Toy, les Espagnols ont d'abord investi en résidences secondaires ; progressivement, des actifs s'installent. Les Espagnols sont assez nombreux et s'intègrent mal : beaucoup sont basques, qui parlent basque et restent entre eux, ce qui est mal vécu par les locaux. Il n'y a pas de politique particulière au niveau du Pays par rapport à l'immigration étrangère. Ce sont des gens qui ont de l'argent, mais ils font monter les prix fonciers et leur immigration est assez mal vue. Par contre, en tant que touristes, ils contribuent fortement au chiffre d'affaires des stations : les Espagnols , en particulier, sont dépensiers (achètent du matériel). le cas de Lourdes est particulier. Le site reçoit 6 millions de nuitées, mais il diffuse peu sur les environs. Des circuits de cars – de plus en plus courts – déposent les touristes dans un petit nombre de sites majeurs (Cirque de Gavarnie, par exemple), pour un repas au restaurant et les cartes postales… Les tentatives de brancher sur cette présence touristique des ventes de produits du territoire n'ont pas produit beaucoup d'effet : c'est une fréquentation très cadrée, laissant au touriste peu de possibilité d'autonomie. il y en a encore peu d'immigrants qui, travaillant à Tarbes, viennent habiter sur le territoire ; un léger flux s'est amorcé depuis que la 2x2 voies est commencée. Mais ce n'est pas perçu comme stratégique par le Pays, car le bassin d'emploi de Tarbes n'est pas très important. L'essentiel de l'action du Pays dans le champ de l'économie résidentielle porte sur le développement du tourisme autour de grands pôles. 75 5. Entretiens conduits avec des “entrepreneurs résidentiels” 76 6. Entretiens conduits avec des “entrepreneurs résidentiels” 1. ADRIAN Pays de Couserans 62 ans, anglais, installé en Ariège depuis une trentaine d'années, antérieurement prof de biologie à la British School of Paris. Vit seul dans une ancienne ferme isolée. Production / Sources de revenus Activités à Toulouse Activité de formation / enseignement (anglais) dans différents établissements d'enseignement supérieur (Ecole Supérieure de Commerce) ou entreprises (Météo France) à Toulouse Activité d'interprétariat français / anglais dans différentes entreprises à Toulouse Activités sur le territoire Activité de traduction français / anglais pour différentes entreprises ou professionnels situés à Toulouse ou ailleurs Pendant deux ans (entrée en relation par la Chambre de Commerce), accompagnement linguistique de l'activité d'une entreprise locale de fabrication de textile technique (recyclage kevlar) : formation en anglais pour les deux responsables, puis établissement de premiers contacts clients en anglais, puis interprétariat lors de voyages de prospection de marchés en GB, en Allemagne et aux USA, puis établissements de contrats en anglais. Organisation et réalisation de stages de biologie sur le terrain en Ariège pour les élèves de différents lycées britanniques privés en GB ou eu Europe (Ecole Britanniques de Paris, de Bruxelles, des Pays-Bas…), sachant que ces "biology field courses" sont une dimension obligatoire du cursus scolaire en biologie. Ces stages, d'une durée de 8 à 12 jours, concernent une centaine d'élèves par saison (juin à septembre) et quatre à cinq établissements scolaires (groupe de 12 à 20 personnes). Les activités pédagogiques se déroulent pour partie en pleine nature (sites en 77 France ou en Espagne), pour partie à la Maison du Haut-Salat à Seix où les élèves sont par ailleurs hébergés pendant tout le séjour. "Centre International de Séjours", la Maison du Haut Salat (83 lits) est située dans le Haut-Couserans et accueille congrès, stages, séminaires, formations… Propriété de la commune, elle est gérée par l'association Ethic Etapes. Les retombées de cette activité pédagogique sur le territoire : - plus de mille personnes/jour par an pour la Maison du Haut Salat qui emploie du personnel local - consommation des jeunes, qui sont de milieux aisés et ont beaucoup d'argent de poche, dans les boutiques de Seix (650 habitants) : "razzia" chez Casino, en particulier, pour ramener des souvenirs - utilisation de caristes pour les trajets aéroport de Toulouse / Seix ainsi que pour les transports sur tous les sites de travail - parfois guides de montagne Production / Autres activités non sources de revenus - Membre du conseil d'administration de l'Association Naturaliste de l'Ariège (ANA). L'ANA, aujourd'hui un CPIE (Centre Permanent d'Initiatives pour l'Environnement), organise des formations, des initiations à l'environnement pour les écoles primaires, des sorties… - Réalisation, avec une autre résidante, d'un livre sur la biologie à destination des enfants - Retape sa maison tout seul si ce n'est un artisan pour la fosse sceptique - Potager et poules pour consommation personnelle - Membre d'un orchestre de jazz New Orleans : animation de fêtes, de mariages, du festival de Saint-Lizier… Consommation - Matériaux maison, machines, outils… entièrement en Ariège - Alimentation et courant en Ariège - Services médecin, dentiste… à Toulouse Relations institutions 78 - Un contact Datar initial pour une aide éventuelle sur le projet "field course" lors de son installation : pas de suite si ce n'est une orientation sur la Maison du Haut Salat (alors en manque de clients) pour l'hébergement des étudiants. - Un tentative auprès du maire de Sainte Croix Volvestre dans le but de trouver un local pour accueillir les étudiants : pas de suite - Le maire de Seix et son adjoint : bon contact avec eux, mise en relation avec des locaux, calment le jeu avec ceux qui sont hostiles à l'activité (plaintes lorsque les groupes d'étudiants traversent des prés, par exemple), mais rien de plus. De façon générale, pas de soutien ni de reconnaissance de la part des locaux (Casino, par exemple, qui fait une bonne partie de son chiffre d'affaires avec des jeunes anglais, mais les jugent par ailleurs dérangeants). - Pas d'ADSL sur la zone où Adrian habite, ce qui le pénalise beaucoup évidemment pour les relations avec ses clients traduction ou classes de biologie. Plusieurs tentatives infructueuses auprès de France Télécom. Une pétition groupée avec d'autres professionnels du coin également pénalisés pour obtenir le soutien du maire de Camarade : sans succès non plus. *** LES POINTS REMARQUABLES 1. Hybridation des revenus Comme un certain nombre de gens sur les territoires ruraux, il vit sur des logiques diverses, composites. Impossible, donc, de le faire entrer dans une catégorie. 2. Ecosystème spécifique qui constitue une ressource pour des scolaires : c'est donc l'exploitation du milieu naturel qui rapporte de l'argent. Un mode d'exploitation intelligent, spécifique et rémunérateur de la ressource verte. 3. Des étrangers sur le territoire : on peut les faire dépenser, mais aussi exploiter leur savoir-faire, leurs ressources. L'étranger, ce n'est pas que de l'argent sur le territoire. 4. Problème des équipements communication : zéro investissement du territoire. 79 80 2. PIERRE Pays de Couserans La quarantaine, vit seul avec sa mère sur l'exploitation familiale, une ferme isolée. Agriculteur depuis 1987, a créé en 2000 son entreprise en travaux agricoles et forestiers. Production / Sources de revenus J'ai une entreprise en travaux agricole et forestier. Je fais de la prestation de broyage – déchiquetage de bois à l'extérieur et j'ai aussi sur place une activité de production/vente de bois énergie en plaquettes forestières. Les plaquettes forestières, c'est pour alimenter les chaufferies (chaudières de collectivités ou de particuliers) ; quand c'est de la réduction de volume, c'est de la déchetterie qui peut être mélangée à du compost. Je travaille donc soit en prestation à l'extérieur, soit sur place : - prestation à l'extérieur : je loue ma prestation en Haute-Garonne, dans l'Aude, les Hautes-Pyrénées, les Pyrénées Atlantiques, les Pyrénées Orientales ou, même, en Espagne. Ce sont des missions qui vont de un jour à vingt jours, - production sur place : je produis mes propres plaquettes sur mes propres bois : pour des chaudières locales et pour ma consommation personnelle. Je vis depuis toujours sur l'exploitation familiale. On se chauffait au fuel et, avec la flambée du pétrole, on est passé au bois parce qu'on a une propriété avec des bois. Mais, du coup, il y a eu cette corvée énorme de le ramasser et de le sécher etc. pour approvisionner la chaufferie ; et aussi, en tant qu'agriculteur, en nettoyant les bords des parcelles, je me trouvais avec ces encombrants et ces résidus… Et un jour, j'ai repéré sur une foire agricole ce système de broyage et de réduction des branches. Et j'ai découvert que ce système fonctionnait en Aveyron. Et comme, sur une commune, ils avaient monté un gros projet de chaufferie bois pour une maison de retraite, je me suis lancé… Mais il y a eu un gros bug parce qu'il y a eu une dispute entre les maires, ce qui fait que je me suis retrouvé avec la machine que j'avais achetée et plus de contrat… A l'époque, c'était un complément d'activité parce que j'ai gardé pendant deux ans l'activité agricole et mes revenus industriels, c'était en complémentaire, en BIC. Je suis agriculteur depuis 1987. J'avais une centaine de vaches laitières et, en tant qu'agriculteur, j'avais beaucoup de mal par rapport à la production parce que je n'ai pas eu la possibilité d'avoir un quota laitier suffisant. Quand j'ai arrêté l'exploitation, ma mère avait la retraite agricole et, moi, je travaillais sur des terres en indivision et je payais des amendes de pénalité de dépassement des quotas. C'était un travail 81 hyper contraignant, beaucoup de travail, quasiment tous les jours un pépin dans le troupeau… et tout ça pour ouvrir le tank à lait pour le mettre à l'égout. Alors j'ai changé d'activité, déjà parce que j'avais du bois en propriété et, ensuite, parce que j'étais libre de le faire… J'ai encore sur mes terres une production de fourrages sur les prairies. Mais la vente de fourrage, ce n'est pas vraiment un revenu : ça me permet juste de couvrir … ? et de garder mon statut d'agriculteur. Aujourd'hui, avec mon entreprise, j'ai moins de pression. Mais, au niveau revenus, c'était en plein boum il y a deux ou trois ans et, là, ça baisse ; c'est pour ça que je loue ma prestation jusqu'en Espagne… En paroles, on parle énormément de ce produit et du bois énergie – c'est même un peu fatigant – mais, en pratique, il y a un ralentissement sur tous les projets. Il y a les idées, mais la mise en place ne se fait pas. En plus, il y a maintenant la concurrence des plaquettes industrielles, et le développement des petites chaudières échappe à la plaquette forestière. Et il y a en plus les lobbies EDF et pétrolier… J'ai acheté mes deux machines pour une valeur de 500.000 F ; et j'ai eu une aide Etat / Europe / région pour l'une des deux, une subvention de 50.000 à 60.000 F, soit 25 à 30% de son prix. Les autres machines dont j'ai besoin – tracteurs, remorques…je les ai conservées de mon activité agricole. Pour le stockage, j'ai aménagé les bâtiments de l'exploitation. La retraite de ma mère ? Non, ça ne rentre pas dans les revenus. C'est séparé (deux foyers fiscaux). Et on habite dans deux parties séparées de la maison. Si mon activité génère des emplois ? Oui, parce qu'il faut bien stocker le produit ensuite. Consommation Mes dépenses pour ma production locale – le carburant pour mes machines etc. – c'est en local, à part pour les pièces détachées. Quand je travaille en prestation extérieure – par exemple pour des chantiers en Espagne – je consomme à l'extérieur. Sinon, pour ma consommation personnelle, c'est tout en local au département. Relations avec les institutions 82 Des aides financières ? Non, je n'ai rien eu. Des conseils ? Non plus. C'est l'inverse : c'est moi qui ait apporté beaucoup d'informations à tout le monde sur ce produit. On me téléphone souvent pour me demander des informations sur mon activité. Les chambres consulaires ? Non, il y a une dizaine d'années, j'étais le marginal… Des agents de développement, on en voit depuis deux ans seulement ici ; avant, non. Il y a une grosse différence pour les plaquettes forestières entre le Nord et le Sud de la France. Dans le Nord, ils ont commencé plus tôt et ça marche beaucoup mieux. Et puis, dans le Sud, c'est terrible : la philosophie n'aide pas au redéveloppement. Et l'Ariège est pire que tout. Si j'ai l'opportunité de me domicilier en Haute-Garonne, je le ferai. On est plus écouté, plus soutenu, on a des gens plus compétents en face de soi (pour la comptabilité, par exemple) ; je le sais parce que j'ai des copains en Haute-Garonne. En plus, ici, les moyens de communication sont catastrophiques : le mobile ne passe pas et on n'a pas l'ADLS. Il me faut toute la soirée pour ouvrir mes e-mails. Et dès qu'il pleut fort, on n'a plus d'électricité, plus d'Internet et plus de téléphone… C'est un gros, gros handicap. On a fait une pétition à 15 qu'on a déposée en mairie : pas un élu n'a soutenu notre demande, et on n'a eu qu'une seule réponse de France Télécom... qui nous parle de 2009 ! Il n'y a aucun soutien des entreprises ici. *** LES POINTS REMARQUABLES 1. Passage d'un système de production classique à un système hybride où, à la fois, il vend, mais il rapatrie aussi sur le territoire des revenus tirés à l'extérieur 2. Echec car reconversion fondée uniquement sur le système local. 3. Problème des équipements communication. Zéro investissement du territoire. 83 3. MARTIN Pays de Couserans Un couple d'anglais, la cinquantaine, installé depuis cinq ans dans une grande ferme isolée avec deux enfants de 20 et 17 ans. C'est l'homme qui parle, dans un français assez difficile à comprendre. Production / sources de revenus (du couple) Nous avons six gîtes de vacances d'une capacités de 30 à 40 personnes au total. Pendant l'année, quatre sont loués avec un contrat de dix mois à des "professionnels", et deux sont réservés pour le tourisme de week-end. Pendant l'été (juillet – août), tous les gîtes sont loués pour le tourisme à des clients : 90 % de français et un peu des belges, 10% d'anglais. La différence pour l'argent est énorme : un mois en juillet / août correspond à dix mois de location sur l'année. Pour la location à l'année, les professionnels qui sont chez nous en ce moment sont, par exemple : deux parisiens qui cherchent pour une nouvelle vie, une personne consultante pour l'écologie, un berger qui commence la transhumance aujourd'hui et sa femme aide-soignante, un jeune espagnol qui veut construire une maison écologique, un professeur des écoles qui a une mutation ici pour l'année… C'est assez rare d'avoir des professionnels parce qu'il y a beaucoup de personnes ici qui vivent ici avec la CAF ; mais je ne veux plus de hippies parce que j'ai eu beaucoup de problèmes avec eux… Oui, nous avons aussi des touristes pour le week-end, même en dehors de l'été : par exemple, nous avons beaucoup de stagiaires de danse car il y a un studio de dans au Mas d'Azil qui organise un stage par mois. Nous sommes arrivés ici en mai 2002. Nous étions avant en G-B, près de Cambridge, où j'avais une entreprise de consultant en marketing et vente ; ma femme était prof. Mon business était international et concernait principalement le textile, qui s'est effondré en Europe. Nous avions une grosse maison en G-B que nous avons vendue pour une grosse somme d'argent, et nous avons cherché une maison sur Internet en France. Nous voulions une propriété qui puisse convenir pour une entreprise touristique et aussi pour une activité équestre. Le cheval était notre hobby en Angleterre et nous avons amené ici nos quatre chevaux. Pourquoi une propriété en France ? Pour avoir une qualité de vie sans le stress de mon business international. Par la biais de mon activité, j'avais beaucoup de contacts : j'ai exploré les possibilités en France, en Espagne, et même en Floride. Finalement, j'ai trouvé en France. Il s'agissait de trouver un équilibre entre des revenus et un style de vie. La première piste, c'était dans le Nord de la Dordogne, mais c'était trop cher 84 et il n'y avait pas de potentiel pour une entreprise. La deuxième piste, en Dordogne aussi, mais il n'y avait que des anglais et nous n'avions pas envie de vivre avec des anglais. La troisième piste, c'était ici, en Ariège : une très grande propriété avec des écuries, un manège et 41 hectares, et le tout très peu cher il y a cinq ans. Le problème, pour les français, c'est le prix des bâtiments. Pour les français, c'était cher mais, pour les anglais, c'était un très bon prix. Et nous étions arrivés ici avec une grosse somme d'argent. Dans notre zone, les locaux ne peuvent pas investir de l'argent parce qu'ils n'ont pas d'argent. Nous avons fait beaucoup beaucoup de travaux dans le bâtiment : pendant cinq ans. Qui a fait le travail ? Moi et mon voisin, un artisan maçon, mais au noir (il ne faut pas le dire). Maintenant c'est fini. Quand je suis arrivé, j'avais beaucoup d'argent à la banque et j'ai investi beaucoup ; maintenant tout est dans les bâtiments. Toutes nos économies sont dans la propriété : environ un million d'euros au total. Pour les revenus, nous sommes maintenant autonomes avec notre activité de gîtes. Ma femme a aussi une pension britannique pour longue maladie : ce n'est pas énorme mais c'est régulier, donc ça nous a aidés. Mes enfants ont maintenant 20 et 17 ans. Ils ont passé le BEPC ici et parlent le français sans problème. Mon fils ira l'an prochain à l'Université de Manchester pour un diplôme de français. Ma fille est au lycée agricole de Castelnaudary et prépare un diplôme hippique : elle pourra créer ensuite une école d'équitation ici. Au bout du compte, on est très heureux : c'est une vie complètement différente. Je n'ai jamais travaillé autant de ma vie, mais ce n'est pas le même stress. Les soins médicaux pour ma femme sont superbes. Et les gens en Ariège - les amis qu'on s'est faits ici - sont très sympathiques. Consommation / contribution à la vie locale - Les travaux sur les bâtiments de la propriété pendant cinq ans avec un artisan maçon (au noir) - La maladie de ma femme : jusqu'à il y a quinze jours, dialyses trois fois par semaine à St Girons + taxis trois fois par semaine (là, elle vient d'avoir une greffe de rein à Rangueil). - En juillet et août, nous avons beaucoup de touristes et ils vont dans les supermarchés et les restaurants 85 - Accueil des stagiaires de l'école de danse du mas d'Azil - Organisation tous les ans en novembre d'une course orientation VTT de deux jours (Challenge Polaris, cf. site sur Internet), événement apparemment important dans le monde VTT Relations avec les institutions - Nous louons les gites sur Ariège.com - Les contacts avec la mairie et la préfecture sont nécessaire pour les attestations pour les chèques vacances. - A part ça, je n'ai pas eu de contacts avec les pouvoirs publics français parce que je n'ai pas vraiment cherché et ça n'est pas arrivé non plus. Quand nous sommes arrivés ici, notre gros problème, ça a été la langue. Personne ne parlait anglais en Ariège et c'était très difficile d'expliquer notre situation (pareil pour ma femme à l'hôpital). Comment on a appris ? Avec nos voisins et beaucoup de bouteilles de vin ! - Des subventions ? Non, on n'a rien demandé parce qu'on avait de l'argent. Et, de toute façon, les démarches auraient été trop difficiles pour nous à cause du problème de langue par rapport à ce qu'on aurait obtenu à la fin. - Ce qu'on pourrait souhaiter aujourd'hui ? Comme l'Ariège a un parc régional, nous avons été invité à plusieurs réunions par l'office du tourisme qui veut investir de l'argent dans la zone. Mais ils ne nous demandent pas comment faire. Par exemple, ils installent plein des panneaux indicateurs pour des chemins qui n'existent plus, juste parce qu'ils sont sur la carte… Mais il n'y a plus de chemin ! Quand j'organise le challenge VTT avec mon correspondant anglais qui vient pour le préparer avec moi, c'est très compliqué pour les itinéraires. - Autre chose : il est nécessaire pour une entreprise ici d'avoir Internet, et nous n'avons pas l'ADSL ; à 3 kilomètres, ça marche, mais pas ici… *** LES POINTS REMARQUABLES 1. Un produit logement transitoire 2. … qui répond à une demande comme le montre la diversité de la population hébergée (ce qui montre aussi que les territoires ruraux peuvent être des lieux de passage) 86 3. Attractivité des systèmes français de santé et d'éducation pour des étrangers 4. L'apport qualitatif au territoire : événements culturels et sportifs 5. Hybridation des revenus 6. Problème des équipements communication. Zéro investissement du territoire. 7. Dans l'économie résidentielle, il n'y a pas que l'apport revenus tirés de l'extérieur : il y a aussi l'apport en capital et les valeurs qualitatives compétences et énergie (le capital et l'énergie : deux matières premières) 87 4. CLAUDE Alpes de Haute-Provence (à 30 kms de Sisteron) 70 ans, en couple avec une compagne plus jeune (un foyer fiscal) Production / sources de revenus (du couple) - 20 à 30% revenus d'une activité de chambres(4) et table d'hôtes créée par la compagne de Claude : environ 110 nuitées par chambre par an ; public de l'extérieur mi-français, mi-étranger - 20 à 30% de revenus de la peinture (activité d'artiste peintre) : produite sur place et vendue hors du territoire à 90% à une clientèle en partie française, en partie étrangère - 20 à 30% de retraite (à la fois salarié et profession libérale) - 20 à 30% de revenus immobiliers : propriétaires d'une maison et de deux appartements sur le territoire (du côté de Sisteron) loués en habitat permanent à des gens qui travaillent dans la Durance. - des "petites poussières" d'honoraires de conseil (activité antérieure de consultant en libéral) Chronologie de ces revenus / activités Je fais du conseil et de la peinture depuis toujours ; mais, pour le peinture, pendant tout un temps, je peignais mais je ne vendais pas. J'ai acheté et j'habite ici depuis 35 ans. Avant, j'habitais déjà à la campagne dans un vieux bâtiment au sud de Paris en exerçant mon métier de consultant. Les propriétaires ont mis en vente : trop cher pour moi. Et j'ai trouvé un truc ici par des copains. J'ai tout de suite été très intégré à la vie locale parce qu'une jeune femme d'ici qui me trouvait très bien m'a enlevé et qu'elle était la fille d'un gros acteur de la vie locale : un entrepreneur de Sisteron. Il y a 20 ans, j'ai rencontré ma compagne actuelle qui avait une activité de restauration, quatre mois en Corse l'été notamment. Il y a dix ans, elle en a eu marre et a eu envie de se rapatrier ici ; elle a créé l'activité de chambre d'hôtes. Nos activités sont à la fois séparées et communes : je lui fournis le cadre pour les chambres d'hôtes et elle contribue à la vente de ma peinture. Tout ça, c'est donc lié à mon histoire personnelle. 88 Consommation - Consommation quotidienne, y compris pour l'activité table d'hôte : sur place - Consommation loisirs à l'extérieur : voyages, week-ends, culturel - Consommation vêtements à l'extérieur - Matériaux peinture : livrés par une grosse entreprise allemande Contribution à l'économie et à la vie locales Les chambres d'hôtes font travailler des gens : équivalent d'un deux tiers temps annuel pour l'entretien de la maison. De façon générale, on pompe de l'énergie ou du fric ailleurs qu'on réinjecte ici. En été, on doit contribuer au quart du chiffre d'affaires du bistrot du village puisqu'on lui envoie nos hôtes. Quand je vais travailler à Lyon ou à Paris, je suis payé par la Région Rhônes-Alpes ou par d'autres, et on dépense l'agent ici. Il y a pas mal de gens ici dans le coin qui vivent sur des activités mixtes. On a failli avoir des acheteurs belges pour acheter notre maison. A part ça, il y a un certain nombre de gens qui viennent chez nous et qui cherchent. Je produis aussi du lien social : par exemple quand je fais une exposition ici et qu'il y a entre 150 et 200 visiteurs - des résidants - qui viennent la voir. Je suis aussi élu depuis deux mandatures : maire de la commune d'Omergues (100 habitants), puis premier adjoint maintenant ; et Vice-président de la communauté de communes. Je me suis même présenté une fois au Conseil Général, mais sans succès. Relations aux institutions Les collectivités locales (le Département) soutiennent mon activité de création : en soutenant des manifestations type expositions ou en achetant ma production. Pour les chambre d'hôtes, ma compagne est liée à l'association départementale des Gites de France On a aussi bénéficié de subventions pour aménager les lieux. 89 *** LES POINTS REMARQUABLES 1. Hybridation des revenus à nouveau, dans le cadre d'une économie du couple 2. Utilisation des institutions à partir de son savoir faire de consultant 90 5. ESSENCIAGE Pays Midi-Quercy Essenciage est une entreprise de distillation de plantes aromatiques et production d'eaux florales et produits dérivés. L'entretien est conduit avec son créateur, G., une quarantaine d'années, en couple avec une compagne plus jeune. J'ai travaillé pendant 12 ans chez Elf-Total : au siège, sur des fonctions commerciales et de coordination d'activités. Mon changement de trajectoire et mon projet, ça s'est fait à partir de réflexions personnelles, et d'idées aussi. J'ai préféré ça plutôt que de continuer, d'acheter une maison ou un appartement etc. J'ai bénéficié d'un plan social et d'un accompagnement léger. Mon projet est né en Equateur. J'ai fait des études comparées d'implantation sur différentes zones à partir de deux critères : disponibilité en matières premières et potentiel touristique. J'ai envisagé une implantation dans une zone du Portugal, puis en Andalousie. Pour des raisons pratiques et commerciales, il n'y avait pas l'idée de la France au tout départ ; mais j'ai regardé du côté des Technopôles de Nantes et Angers. En fait, il y a eu un travail de préparation de cinq ans avant de mettre le projet en route : cinq ans, ce n'est pas trop compte tenu des volets technique et commercial de l'activité. J'ai bénéficié d'un accompagnement à la création d'entreprise à HEC pendant l'été. Il y a trois ans, j'ai contacté la filière plantes aromatiques au niveau national, et ils m'ont parlé d'un groupe de travail à Laguépie dans le cadre du SIVAM (une structure de valorisation en milieu agricole). Le maire avait déjà une réflexion sur le sujet, et ils ont trouvé mon projet suffisamment mûr. La municipalité a ensuite fait emboîter le pas à la Région et au Département sur un projet qui est assez lourd puisque j'ai fait un gros investissement : 500.000 €. Ce qui fait qu'il y a trois ans, j'ai finalement abouti tout de suite dans un site définitif ; je suis passé directement à l'étape 2 plutôt que par une première phase en agropôle. C'est un projet de production de dérivés agricoles avec des aspects innovants (l'ANVAR soutient aussi le projet aujourd'hui). L'entreprise a été créé en septembre 05, après un an de développement de mise en place de l'outil. Il y a aujourd'hui deux salariés. C'est une petite structure très jeune et très fragile mais avec un développement commercial qui fonctionne : les produits sont distribués, pour 90% à l'extérieur, dans 25 magasins à Paris et dans l'Ouest ; les 10% restants, c'est de la vente sur place. Les produits : des eaux florales et des produits dérivés qui touchent aux cosmétiques sur une thématique produits locaux et de terroir. C'est un métier qui existait dans le canton il y a 25 ans et que j'ai réactivé : 91 à l'époque, ils se distillait de la lavande qui partait en vrac vers Grasse. Une activité régionale qui avait presque été oubliée. Je travaille avec sept ou huit agriculteurs qui sont tous en bio et me fournissent en plantes. Certains étaient déjà sur le créneau, mais d'autres s'y sont mis ; pour le moment, pour eux, c'est un complément de revenus. Pour moi, la logique de la filière projet, c'est : d'abord un commercial solide avant de se lancer dans la production (et j'avais déjà une expérience commerciale). Pourquoi le critère "potentiel touristique" pour l'implantation ? Pour pouvoir expliquer l'activité et la production. Pour faire la vitrine de l'entreprise. Ce n'est que 10% du chiffre d'affaires, mais c'est important parce que c'est l'outil de promotion. La semaine dernière, j'ai eu des gens qui sont venus de Paris juste pour voir la distillerie. Ce que j'ai importé sur le territoire ? Outre le capital – 500.000 € - j'ai importé différents savoir faire, à la fois commerciaux, mais aussi techniques : j'avais appris la distillation de plantes aromatiques dans un travail de compagnonnage auprès de gens du métier et c'est ça qui m'a permis de concevoir le projet et l'outil (j'avais aussi, avant de ma lancer dans la chimie, une formation en biologie). J'ai aussi importé des modes d'approcher les problèmes un peu plus structurés : quand vous avez bossé dans une grosse entreprise, vous avez acquis une méthodologie, une organisation… un aspect culture d'entreprise et pragmatisme. Et puis je fais aussi travailler les artisans locaux pour la restauration du lieu où je travaille (une ancienne gare). C'est très difficile, aujourd'hui, de faire émerger des activités de production : il y a une toute autre inertie que dans le cas du lancement d'une simple activité commerciale ou que dans le cas d'activités de service, et je pense que ça nécessiterait donc plus d'aide. Personnellement, j'ai été aidé de manière assez soutenue, mais c'est je considère que c'est un minimum : des aides structurelles sur le matériel, un crédit bail de la commune (appuyé par la Région et le Département) pour un atelier relais (ancienne gare) + les ASSEDIC… Des activités connexes ? Je travaille avec un centre de vacances et c'est intégré comme une dimension complémentaire de l'offre offre touristique. Je suis aussi trésorier de l'Office du Tourisme. Je suis assez proche de la municipalité. J'ai de bonnes relations avec le maire : il me demande mon avis, me pose des questions… C'est un projet très ambitieux, une grosse aventure. Là, l'entreprise va atteindre son point d'équilibre dans la deuxième année, ce qui est pas mal pour une entreprise de production ! C'est possible parce qu'il y a eu un énorme travail de préparation. Sinon, il y a des obstacles énormes. Quoi par exemple ? Des inerties, notamment, comme le fait d'attendre huit mois pour un permis de construire… 92 Ce qui pourrait être amélioré ? Il y a un problème de redondance des collectivités. On m'a dit : il y a beaucoup de gens de bonne volonté autour de la table pour vous aider ; et c'était vrai. Mais, moi, j'ai eu sept ou huit interlocuteurs à gérer : à convaincre, à qui j'ai du fournir des documents, des dossiers etc. Les collectivités ne s'appuient pas forcément assez sur les "sites de proximité", comme sur celui de Saint-Antonin-Noble-Val, par exemple. Dans une des premières réunions, j'ai dit : "c'est possible d'avoir un interlocuteur unique ?" ; et on m'a répondu : "mais regardez, tous ces gens autour de la table qui veulent vous aider…". Ça, c'était le bon côté. Mais pour mon approche entreprise, c'était différent comme je l'ai dit tout à l'heure : ça se traduit par des coûts supplémentaires directs pour l'entreprise. Autre chose. Moi, je suis aidé de manière assez soutenue par les collectivités mais, à côté de ça, l'outil de travail transport (la ligne SNCF Carmaux – Paris) a été supprimée. Il y a des contradictions en matière de développement local. La liaison de communication passe par une connexion aisée vers les pôles d'activités à l'extérieur : et il ne s'agit pas du niveau régional seulement avec le TER. La valorisation de l'outil ferroviaire est ubuesque : il y a un an, je pouvais prendre le train à Carmaux (un train tous les jours à 22h30) et être le lendemain matin à 10h à Paris (ou en Allemagne, bientôt) ; aujourd'hui, avec la suppression de la ligne Carmaux – Paris (sauf pour les périodes estivales, une fois par jour sur des horaires pratiques pour les parisiens qui viennent en vacances, mais pas pour les locaux !), il me faut une journée pour le transport dans un sens, idem pour le retour et, donc, je perds deux jours sur les trois... Et, commercialement, quand je vais vendre sur mes salons, l'idée de venir à Laguépie… (environ 800 habitants à peu près sur la commune ; villes les plus proches : Villefranche-de-Rouergue ou Albi, à une demi-heure de route ; supermarché le plus proche à trente minutes). Si j'ai l'ADSL ? Oui, heureusement, c'est fondamental ! C'est le moteur privilégié du développement. Je ne serais pas là si je ne l'avais pas. Une autre difficulté. Je suis venue m'installer ici avec ma compagne. Elle est plus jeune que moi, a une formation en histoire de l'art... et vient juste d'être embauchée en tant que salariée sur l'entreprise. Il y a eu une demande du Pays pour le recensement du patrimoine, mais elle n'a même pas été reçue pour un examen de sa candidature. Ce n'est pas notre choix de travailler ensemble mais, là, il n'y a pas d'autres possibilités : en tout cas pour le moment… Dans un salon à Limoges sur l'installation en milieu rural, j'avais dit qu'un des principaux problèmes, c'était : que va faire le conjoint ? S'il faut un accompagnement des collectivités, c'est un accompagnement du conjoint dans l'implantation. 93 Ma consommation ? Tout a lieu dans la commune et les environs. Pour les loisirs culture ou les vacances ? C'est un peu tôt encore ! Pour le moment, je travaille 16 heures par jour… Après 15 ans de vie active, je suis locataire… d'anglais ! dans la commune d'à côté parce que, personnellement, j'ai fait le choix d'investir dans un projet. Les anglais apportent une dynamisme économique dans la région : si les commerces et les services tiennent, c'est grâce à eux. *** LES POINTS REMARQUABLES 1. Cinq ans de préparation pour le projet, et encore avec des savoir faire pré-requis (techniques et commerciaux) déjà acquis : il y a un rythme pour les choses, un temps de maturation nécessaire… 2. Multiplicité des interlocuteurs territoriaux qui travaillent sur un même dossier pour l'aide au lancement de l'activité ; ça a un coût pour l'entrepreneur ! 3. Le problème de l'emploi du conjoint (qui peut pourtant apporter une aide en fonctionnement dans la situation de lancement d'une activité) 4. Un choix du lieu d'implantation sur une rationalité d'entreprise (plutôt que "nature" ou "tranquillité"…) à partir de deux critères : capacités de production et potentiel touristique 5. L'importance du lieu (ancienne gare) et de l'accueil (le maire, groupe de travail) 6. Notion de "système" pour le projet : des réseaux commerciaux sur place et à l'extérieur, des agriculteurs qui vont produire la matière première… 7. Pas d'installation si pas d'ADSL 94 6. L'USINE - AUTRESENS Pays de Comminges Pyrénées L'entretien est conduit avec S., une femme d'environ 35 ans, salariée de la structure (une friche artistique et culturelle) Son conjoint est le fondateur, ils ont un petit enfant. L'association (Un Des Sens) et le lieu (L'Usine d'Art et d'Essai – Autre Sens) existent depuis cinq ans. C'est une "friche culturelle" installée dans une ancienne usine de papier à cigarettes Riz La Croix qui propose de l'art sous toutes ses formes : spectacles, expositions, musique, danse théâtre, expositions photos… On a aussi quelques mini-résidences d'artistes dont le principe est l'échange : résidence contre un spectacle. Au début de l'ouverture du lieu, on ne fonctionnait que l'été au début ; maintenant, on est ouvert tous les week-ends. Il y a un restaurant associatif qui fonctionne avant les spectacles : on peut dîner, parler, échanger… avant le spectacle. On a aussi un petit espace libraire associative. Le public est très diversifié et variable. On peut avoir de 5 personnes à 50 personnes ou plus le week-end, tout dépend de la programmation… Sauf quand il y a des spectacles pour enfants, on peut dire que les gens qui viennent ont à partir de 30 ans et jusqu'à indéfini ; on ne touche pas les jeunes. A part ça, on a un public mélangé, à l'image des gens d'ici : beaucoup de familles toulousaines de cadres qui sont venus s'installer dans le coin, des néo-ruraux installés depuis plus longtemps, des retraités, pas mal d'anglais et d'allemands, mais aussi des gens d'origine locale (on a un public traditionnel qui a travaillé dans l'usine, puisqu'elle n'a fermé qu'en 83). Ce public très diversifié est aussi lié à notre programmation : on essaye d'offrir des spectacles très variés, pour tous. Mais c'est sûr aussi que s'il n'y avait pas tous les nouveaux arrivants, ça n'aurait pas pu marcher… Des touristes ? On en a quelques uns l'été parce qu'on est proche d'une aire de camping-cars, mais on marche mieux l'hiver que l'été où il y a une offre importante de festivals. Notre clientèle est une clientèle locale de gens qui vivent dans le coin au sens large, disons dans un rayon de 30 kilomètres, y compris des petites villes du coin : on a des gens qui viennent de Saint-Gaudens ou de Saint-Girons (vingt minutes, une demi-heure en voiture) parce qu'on a une offre différente qui n'existe pas là-bas. L'association a été fondée par trois personnes : le Président (qui est mon conjoint, en fait) et deux bénévoles. Le Président était (est) un artiste plasticien qui cherchait un lieu ; il a rencontré une autre personne qui vient du théâtre et qui voulait faire une librairie ; et puis il y a eu la rencontre d'une troisième personne qui venait de la 95 recherche et voulait faire de la vulgarisation scientifique (cette idée a été mise de côté, il ne participe plus pour le moment). Ces trois personnes fondatrices de l'association ne sont pas originaires de MidiPyrénées, même s'ils y vivent depuis une dizaine d'années : deux viennent des Pays de Loire, et une de Paris. Mon conjoint (Président de l'association) a 36 ans : il est infographiste et travaille en télétravail sur un CDD pour une entreprise en Pays de Loire. C'est une entreprise de création de logiciels et lui s'occupe de la mise en page d'applications des logiciels. La deuxième personne de l'équipe des fondateurs a 65 ans et est maintenant à la retraite. La troisième a 36 ans et est au chômage actuellement. L'association emploie (employait) deux salariés : moi, qui suis la gestionnaire administrative (je suis sur un emploi mutualisé de la Région Midi-Pyrénées), et quelqu'un était là pour l'accueil du public en contrat d'accompagnement (on attend une réponse à une demande de CAE - Contrat d'Accompagnement dans l'Emploi pour réembaucher). Personnellement, je suis d'origine américaine et je viens de Marseille. Je suis ici parce que j'ai suivi mon conjoint. J'ai fait des études d'économie et d'urbanisme. J'ai passé le concours de fonctionnaire territorial mais je n'ai pas trouvé d'emploi : avant d'être salariée de l'association, j'étais vendeuse à Toulouse. Nous avons maintenant un enfant qui est à l'école ici. Toute notre consommation se fait localement, à part pour les vacances qui ont lieu en dehors du territoire. Le budget de l'association, c'est en partie des subventions (commune, Conseil Général et DRAC) et en partie les recettes du restaurant associatif qui fonctionne avant les spectacles et nous permet de nous financer. La cuisine est faite par des bénévoles. Dès le début de l'association, il y a eu une vingtaine de bénévoles autour des fondateurs (dont moi) : parce qu'il y avait besoin, ici, d'un lieu de culture, de rencontres et d'échanges qui soit plus proche que Toulouse qui est à 45 minutes. La commune de Mazères-sur-Salat (600 habitants) a soutenu l'association depuis toujours : parce que le plus compliqué, au départ, ça a été que les gens nous fassent confiance… Le bâtiment est un bâtiment privé que nous louons à une SCI. *** 96 LES POINTS REMARQUABLES 1. Transposition en milieu rural d'une activité urbaine ("friche") : il ne s'agit plus d'urbains résidant en milieu rural, mais d'une "activité" urbaine résidante en milieu rural. 2. Une offre innovante pour la consommation des urbains qui vivent en zone rural 3. A nouveau, importance du lieu (ancienne usine) et de l'accueil (le maire soutient le projet) 4. Le projet mobilise les ressources très diverses d'un collectif (salaire extérieur, chômage, bénévolat…) et les transforme en un produit culturel 5. Problème de l'emploi du conjoint 97 7. Les AMAP Pays Lauragais L'entretien est conduit avec un agent de développement local à l'origine de la création de la première AMAP dans le département. AMAP = Association pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne. Une AMAP, c'est un groupe de consommateurs qui se regroupent parce qu'ils ont la même façon de consommer et qu'ils veulent soutenir une agriculture paysanne respectueuse de l'environnement (et donc souvent biologique). Les AMAP sont montés à l'initiative des consommateurs. Il y a un aspect économique, éthique et citoyen. On veut manger sain, maintenir une agriculture paysanne respectueuse de l'environnement, et maintenir des revenus d'agriculteurs : au lieu d'engraisser les transporteurs et les grandes surfaces, le travail des producteurs est rémunéré à sa juste valeur. C'est du commerce équitable Nord – Nord. Le travail du producteur – livraison d'un panier de fruits et légumes par semaine à chaque membre de l'association - est payé à l'avance sur la base d'un contrat de six mois à un an passé entre l'association et le producteur. Le consommateur fait une douzaine de chèques libellés au nom du producteur (par exemple, si le panier de la semaine est à 15€, il va faire des chèques de 60€) et c'est le trésorier de l'association qui lui remet. Les gens sont toujours liés par un contrat, mais les chèques ne sont pas débités tous en même temps. Pour le producteur, c'est un volet très intéressant au niveau débouchés : une AMAP qui regroupe, mettons, une vingtaine de consommateurs, c'est un mode de commercialisation qui peut lui assurer la vente d'une partie de sa production. Il y a à peu près 80 AMAP sur le grand Toulouse. C'est énorme. Les agriculteurs ne sont plus sur place parce que la ceinture maraîchère de Toulouse, c'est maintenant du béton et on est alimenté par les producteurs espagnols. Les producteurs sont dans le Tarn, l'Ariège, le Gers… tous les départements autour ; il faut aller les chercher de plus en plus loin. Il y a de plus en plus de producteurs des départements limitrophes qui vont livrer leurs paniers à Toulouse. Quand les producteurs ne sont pas loin des groupes de consommateurs, il peut y avoir livraison à la ferme. Mais, sinon, ce ne serait pas écologique que tout le monde se déplace. Donc les consommateurs viennent sur un point de distribution : un local AMAP (à Toulouse, il y en a plusieurs : vous pouvez voir la liste sur le site Internet). Une AMAP correspond en général à un seul producteur ; mais il peut y en avoir plusieurs avec un contrat par producteur (en général, c'est des maraîchers, mais il y a aussi des AMAP "viande"). A l'inverse, un producteur peut être lié à deux ou trois AMAP, et ça peut représenter tous les revenus d'un producteur. Il y a même des 98 producteurs qui s'installent paysans en AMAP – c'est à dire qu'ils ont une partie de leur CA professionnel en contrats AMAP. Aujourd'hui, le Crédit Agricole pose la question et en tient compte. Les AMAP sont nées en 97, 98 vers Aubagne, à l'initiative d'un couple de maraîchers. Le modèle est inspiré du Japon où l'expérience a commencé après Hiroshima. Il s'est surtout répandu dans les villes bétonisées où il y a une forte pression sur le foncier et où l'approvisionnement en produits frais est difficile. C'est un rapport privilégié entre producteurs et consommateurs. On a son médecin de famille et son "fermier de famille". Ce mode là, c'est un circuit court de commercialisation à partir d'une demande organisée en groupe de consommateurs solvables. Si on raisonne par rapport à l'économie résidentielle en Midi-Pyrénées, il faut parler de l'afflux de populations venues du Nord : les cadres supérieurs, les CSP+ et les enseignants sont largement majoritaires dans le profil des groupes de consommateurs AMAP. Donc cette demande solvable de la place du Capitole et de l'agglomération toulousaine contribue à maintenir les activités de production des départements limitrophes. Les producteurs qui ont contractualisé avec des associations comme ça sont plutôt des petits mais, avec le succès de ce mode de commercialisation, même des producteurs installés dans le syndicalisme majoritaire (ceux qui ont bouffé les petits) s'y mettent… J'ai aidé au montage de la première AMAP du département : "l'AMAP Monde", à Castelnaudary. Ça a marché parce que j'ai ciblé des bobos qui habitent Castel mais travaillent à Toulouse (on est la quatrième couronne de Toulouse, à Castel). Avec des "pièces rapportées", j'étais sûr que ça allait marcher parce qu'ils n'ont pas de réseaux, ni de liens familiaux, ni de jardins qui pourraient leur fournir des produits mais, par contre, ils ont du pouvoir d'achat ; à l'inverse, aucun des consommateurs du groupe ne sont du coin, aucun, aucun… Dans le groupe, il y a une océanographe, une véto, quelqu'un qui travaille dans les satellites à Toulouse, des profs, des artistes… des gens qui n'ont pas de jardin et pas de famille sur place. Pour monter une AMAP, il faut déjà avoir un groupe, alors je me suis appuyé sur le noyau d'ATTAC et je leur ai expliqué. Je suis agent de développement local et j'étais sûr que ça marcherait même si tout le monde autour de moi était sceptique… Les consommateurs de "l'AMAP Monde" sont tous du Lauragais. Mais j'ai un copain maraîcher qui a un groupe de consommateurs à Balma et va toutes les semaines leur apporter un panier ; il y a des consommateurs qui ne sont pas très localisés. Par contre, toutes les AMAP sont appuyées au départ sur des militants (ATTAC, surtout) ; c'est ça qui amorce la pompe même si, ensuite, ça glisse et ça s'élargit. 99 Quel rôle possible de l'Etat ? Déjà, l'Etat a un rôle à jouer au niveau du foncier. Ensuite, plus directement par rapport aux AMAP, ce serait bien si on ne mettait pas des bâtons dans les roues en prenant au sérieux, dans les CDOA (Commissions Départementales d'Orientation de l'Agriculture), les dossiers d'installation de maraîchers qui s'appuient sur des contrats AMAP : quand l'installation progressive marche, il n'y a pas besoin de vingt milliards d'investissement pour s'installer (à titre personnel, je travaille sur l'installation progressive à l'ADEAR, une association pour le développement de l'emploi agricole et rural). C'est un enjeu de société d'avoir une production locale. Il faut que l'Etat prenne conscience que son rôle régalien comprend aussi l'alimentation : il faut une agriculture nourricière plutôt que de créer des territoires qui dépendent complètement de l'extérieur. *** LES POINTS REMARQUABLES 1. Comme la friche artistique, les AMAP représentent une offre adaptée aux résidants urbains, qui induit une dépense de leur pouvoir d'achat. Mais, à la différence de la friche, l'offre correspond à une production des ruraux, "mise en scène" cependant : c'est un produit idéologique, militant. 2. Le succès du produit fait glisser un projet initié sur l'économie résidentielle vers l'économie productive : des producteurs vendent aussi maintenant à des urbains qui vivent en ville. (on aurait le même chose pour la friche L'Usine s'ils avaient des clients qui venaient de Toulouse…). Autrement dit, une offre initiée à partir du pouvoir d'achat résidentiel peut passer dans le système productif si elle correspond aux valeurs des urbains… 100 8. LE PROJET CASTEL Pays d'Armagnac L'entretien est conduit avec Monsieur B., maire de Castelnau d'Auzan. Le projet Castel est un programme de 320 logements pour retraités : 250 logements individuels et 70 appartements (si on arrive à développer le projet puisque c'est actuellement en Cassation !) Pourquoi ce projet ? En tant que maire, je me suis penché sur les sources de revenus de la commune. Et j'ai vu que beaucoup des gens du Nord qui ont acheté dans le Sud-Ouest il y a 25 ans, à l'âge de la cinquantaine, ont aujourd'hui soixantequinze ans et ont un peu peur : "que va-t-il se passer dans ma grande maison isolée si mon conjoint décède ?". Par ailleurs, ces gens n'ont pas forcément envie non plus de rentrer en G-B ou en Hollande : ils n'y ont plus forcément de parents très proches, leur vie est maintenant ici, ils ne veulent pas perdre le soleil… Donc je me suis dit : et si on leur proposait quelque chose où ils seraient regroupés près d'un village, avec une offre médicalisée ? Je suis entré en contact avec un copain agriculteur hollandais qui est ici et qui a du réseau et il m'a dit : "fabuleux !", et on a cherché quelqu'un… Et on a trouvé un développeur de projet hollandais qui a déjà plusieurs expériences à son actif (il a régénéré un secteur de vignoble en Italie, il a fait un gros projet de 100 chambres avec du médical dans un château en Allemagne, etc.). Le promoteur : la société PROCAPITAL. Une société hollandaise, ORBIS, s'attachera à tout le côté médical ; Actuellement, on travaille avec la DDASS, les services sociaux, l'ADMR (Aide à Domicile en Milieu Rural) sur l'aspect médical du projet. On a travaillé avec la Préfecture, la DDE, etc. On a monté un PAE (Plan d'Aménagement d'Ensemble). Tous les terrains sont actuellement retenus. Tout est public à l'intérieur : routes, trottoirs, réseau etc. L'ensemble sera à 600 mètres du village : les premières maisons à 400 mètres, les autres à 1,5 km. Dans le cadre du PAE, une liaison au village a été imposée par la DDE au promoteur, ce qui est très bien, avec route, piste cyclable, trottoirs etc. Notre projet est unique de ce point de vue. Il y aura cinq types de maison et trois types d'appartements. L'achat moyen est de 550.000 € ; donc vous voyez qu'il s'agira d'une population aisée. Il y aura 45% des résidants de britanniques, 15 à 20% de hollandais, 20% de scandinaves… Les gens qui auront revendu une grande maison ? Ils ne représenteront que 15% seulement de l'ensemble parce qu'on a rebondi sur une autre clientèle. Vous savez, on travaille avec un chercheur du CNRS et on sait que dans les vingt à trente ans, il y aura dix millions d'Européens du Nord qui seront ici. 101 Les logements individuels ont un terrain entre 500 et 900 m2. Les maisons sont chères à cause de tous les services sur place : - domotique : en moins de douze minutes, le médecin sera chez les personnes si nécessaire. Il y aura un opérateur central dans le bâtiment principal de Castel et c'est lui qui appellera les pompiers pour pallier aux problèmes de langue ou d'affolement…, - dans un bâtiment de 12 millions d'Euros, il y aura une piscine d'été, une piscine d'hiver ouverte à tout le monde, idem pour le self, et une surface commerciale de 290 m2 à louer comme on veut. Les boutiques ne seront pas en concurrence avec les commerces du village : pas de boulanger ni de boucher puisqu'on en a au village, mais une banque (qu'on n'a plus), une parfumerie, etc. Les producteurs locaux auront un local de 70 m2 dans cet espace commercial. Les retombées du projet pour le territoire ? - 48 emplois dans le bâtiment principal pour la piscine, le restaurant etc., - mais on sait que le projet générera aussi 150 emplois. Des emplois de femme de ménage, par exemple : à deux demi-journées par semaine de ménage pour un logement (c'est une demande que l'on connaît), ça fait l'équivalent d'un emploi à plein temps pour cinq maisons. Mais ORBIS a listé aussi 25 catégories d'emploi qui seront nécessaires : une infirmière en permanence pour cinq maisons, des aides à domicile (ADMR) etc., - de façon plus générale, ces gens ont un potentiel de dépenses de 50.000 € par an (on le sait à partir de l'expérience de PROCAPITAL) et ils veulent profiter d'une certaine qualité de vie ici : donc ça peut être le théâtre à Toulouse, mais aussi des dépenses plus locales à Auch (60 kms), à Condom (20 kms) ou Eauze (10 kms)… 60% de leur pouvoir d'achat sera dépensé dans un rayon de 20 kms, - il y aura aussi bien sûr les retombées financières pour la commune et le département : les impôts fonciers et la taxe d'habitation, - en ce qui concerne l'aspect médical du projet, le généraliste doit être le médecin du village – qui devra s'attacher des associés : du coup, on ne perdra pas le généraliste comme dans beaucoup de zones rurales. Il faudra aussi cinq spécialistes et, là, ce sont eux qui se déplaceront ici : du coup, les généralistes pourront aussi leur adresser des locaux qui n'auront plus à se déplacer à l'extérieur, - la piscine d'hiver qui sera ouverte à tout le monde… 102 En fait, ce projet a plusieurs retombées indirectes pour les locaux : le maintien des services et la créations de services nouveaux, les taxes, la mise en place de services sociaux qui serviront les locaux (quand on a des finances, on peut faire du social), la construction de logements sociaux pour les nouveaux emplois (c'est inclus dans le PAE)… Et puis ces gens qui vont venir s'installer ici vont recevoir beaucoup de familles qu'il va falloir héberger : même s'il y a une offre de quatorze studios sur place dans le projet, cela ne suffira pas et il y aura une demande d'hébergement temporaire. Tout cela favorisera encore davantage le développement du tourisme et de l'économie, vu que ces gens sont friands de culture : ce sont de gros consommateurs… tout en étant, parallèlement, des gens plus sensibles à l'environnement que d'autres. On a des associations qui sont contre le projet ; mais, à 90%, ce sont des gens qui étaient contre moi. J'ai été élu en 2001 et je me bats depuis deux ans. Les opposants au projet parlent de camp retranché alors que ce sera ouvert à tous : tous les équipements sont publics et toutes les voies aussi ; il n'y a aucune clôture. Par contre, c'est sûr, il y aura un problème de greffe à gérer : parce qu'il y a 1100 habitants à Castlenau d'Auzan et que, là, il va y en avoir 650 de plus… *** LES POINTS REMARQUABLES 1. Le maire a joué doublement l'économie résidentielle : 1) il a joué sur la présence des étrangers implantés sur place 2) il a joué sur le fait que, devenant vieux, ils avaient besoin d'une offre nouvelle 2. Le projet est à l'inverse des phénomènes habituels en zone rurale : au lieu que la communauté locale perde son capital en le vendant à des étrangers, c'est un étranger qui investit et les nouveaux arrivants achètent un produit nouveau fabriqué avec de l'argent étranger. Autrement dit, le maire a réussi à faire investir un promoteur étranger pour créer de l'économie résidentielle dans sa commune. 3. Le projet repose sur un mécanisme hyper classique de promotion immobilière : toute l'originalité est dans la clientèle (une classe d'âge, des étrangers) et l'ampleur du projet. 4. On peut parler, pour ce projet, d'une industrialisation de l'économie résidentielle 5. A partir d'une certaine échelle d'économie résidentielle, il faut négocier sociologiquement… 103 9. JEAN-FRANCOIS ET CLERMONDE Pays des Portes d'Ariège - Pyrénées Artistes à Carla-Bayle (elle, artiste peintre, a une certaine côte dans le milieu art contemporain) Une cinquantaine d'années, habitent à 3kms à Artignac. L'entretien est conduit avec Jean-François. Je suis potier à la base et, petit à petit, je me suis orienté vers la sculpture céramique et la peinture. Ma compagne est artiste peintre depuis une trentaine d'années. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'art contemporain. Nous sommes arrivés dans la région en 88 et nous nous sommes installés au Carla, chacun avec nos conjoints respectifs de l'époque, en 96. Pourquoi à Carla-Bayle ? Parce que, depuis dix ans, il y a une volonté du maire d'en faire un village d'artisans ; de fait, c'est devenu un village d'artistes. Le maire louait donc à l'époque, sur le rocher du Carla, des ateliers à des prix modestes (ça n'était pas exactement des ateliers relais, mais ça revenait à peu près au même) assortis de logements à loyers très modérés. Ce qui fait que beaucoup de néos sont arrivés. Certains sont partis, beaucoup sont restés comme ma compagne et moi. Et il y a maintenant un gros noyau de néos qui a débordé le Carla et est installé dans la Vallée de la Lèze : des artistes (musiciens, théâtre etc.), mais aussi des agriculteurs bio, par exemple. Nous venions tous les deux du Var, elle avec son ami peintre, et moi avec ma femme. Pourquoi avoir quitté le Var ? Parce qu'au bout d'un moment, on en a ras le bol de la mentalité là-bas : tout est basé sur le financier, et le culturel est finalement assez nul… Et nous avions un ami commun qui s'était installé six mois avant au Carla. Avec le frère de ma compagne, qui est sculpteur sur bois, nous avons racheté et retapé une maison dans laquelle nous avons ouvert une galerie d'art : "La galerie de l'hirondelle". Nous sommes aussi à la base d'une association, "Rue des Arts", qui gère trois galeries municipales et organise une manifestation d'art sur juillet et août au Carla, également appelée rue des Arts : parce qu'il y a maintenant onze galeries d'art au total au Carla (tout cela se trouve sur le rocher, qui regroupe 360 habitants sur les 900 de la commune ; le reste, c'est de l'habitat très dispersé). La manifestation, qui s'appelle aussi "Rue des Arts", accueille plusieurs centaine de personnes par jour ; nous sommes juste derrière la grotte du Mas d'Azil en fréquentation. Nous exposons et vendons tous les deux nos créations pour partie au Carla, pour partie à l'extérieur : disons que nous faisons la moitié de nos ventes sur place, et la moitié à l'extérieur. La clientèle artistique locale, c'est du tout venant. Il y a des gens 104 de la Région Midi-Pyrénées (mais pas beaucoup les toulousains qui ne représentent que 10 à 15% de nos ventes locales) et aussi des touristes français ou étrangers : il faut dire que Carla-Bayle est le seul village touristique de toute l'Ariège, et donc il attire aussi bien des lyonnais que des hollandais… Mais on a aussi des clients hollandais installés en Ariège, comme par exemple ceux de Chateau Cazalère à Daumazan (une quarantaine de maisons). En fait, ceux à qui nous vendons le moins sont les toulousains et les locaux d'origine. Pourquoi ? Parce que nos produits sont difficile d'accès : c'est de l'art contemporain… Il y a dix ans, mon activité de potier ne suffisait pas à nourrir ma famille. Donc, pendant tout un temps, j'ai aussi travaillé sur des chantiers de réhabilitation rénovation avec ma couverture sociale de céramiste (j'avais eu l'accord des services concernés là-dessus). Pour des néos, toujours ; mais aussi quelquefois pour des clients d'origine locale. J'ai même travaillé pendant un an avec des artisans du coin : pour la réfection d'un toit de maison, d'une salle de bains, par exemple. Ce n'est pas le même type de chantier. Du côté des néos, il y a une demande de plus de savoir faire parce qu'il y a une volonté de respect de la matière, de la noblesse du matériau : le bois, la chaux etc. La boutique "Secrets d'Atelier" de Toulouse, qui ne vend que des pigments naturels, donne d'ailleurs souvent notre adresse à des clients qui recherchent un travail de rénovation fine, y compris à des toulousains. Nous avons quitté le Carla un an (pour des raisons de divorce), mais nous habitons juste à côte, à Artignac, à trois kms du Carla. Nous y avons nos ateliers, et nous allons construire un petit centre de stages de céramique et peinture : ce seront des stages d'une semaine environ et, donc, nous installons aussi une partie hébergement au dessus avec cuisine, couchage etc. Ce lieu sera aussi prêté à d'autres artistes ou personnes qui veulent organiser d'autres types de stages : médecine douce, yoga ou judo, par exemple… Nous avons, à nous deux, ma compagne et moi, quatre grands enfants étudiants. Tous sont à l'extérieur de la Région Midi-Pyrénées. Notre consommation quotidienne ? Tout en local (Pamiers est à vingt minutes, Foix à une demi-heure d'ici). Pour la culture, plutôt la Région. Pour les vacances, plutôt à l'extérieur mais nous n'en prenons pas beaucoup car nous avons beaucoup de choses à faire ici. S'il y a des retombées de toute cette activité artistique sur le village ? Ah, oui, complètement : déjà, il n'y a plus de maisons en ruine. Dès qu'une maison se vend, elle est tout de suite retapée. (Fabius a acheté ici et ça a aussi contribué à faire monter les prix !). Il y a aussi pas mal de choses qui sont venues se greffer : par exemple, des amis suisses qui sont venus s'installer et font maintenant un vin excellent (Domaine de Montgirard ?). 105 Il y a aussi au Carla un centre de demandeurs d'asile, qui existe depuis 96 (c'est toujours lié à la volonté du maire) ; et on a aussi un centre d'handicapés (APAJH). Des difficultés à l'installation ? Non, juste les procédures classiques parce que tout a été extrêmement facilité par la commune et la volonté du maire. *** LES POINTS REMARQUABLES 1. Installation d'une offre urbaine (art contemporain) en milieu rural 2. Le couple joue sur plusieurs registres : la production artistique vendue a) sur place b) à l'extérieur ; le salaire tiré des chantiers de rénovation ; l'organisation de stages 3. Pas de problème d'emploi du conjoint puisque les deux sont artistes 4. Importance à nouveau du contexte d'accueil : mais ici, à la différence de l'entreprise de distillation de plantes aromatiques (Essenciage), c'est en quelque sorte l'occasion qui fait le larron (comme pour la friche L'usine – Autre Sens). 5. Le maire de Carla-Bayle a joué sur la production artistique comme moteur du développement : un créneau rare… 106 7. Annexe : données sur les unités urbaines des pays de Midi Pyrénées 107 Emploi salarié privé (source UNEDIC) Variation de l'emploi salarié privé 1993=100 160 150 Villefranche de R. 140 Albi Auch 130 Castres Decazeville Figeac 120 Foix Lourdes 110 Mazamet Millau Montauban 100 Pamiers Rodez 90 St Gaudens St Girons Tarbes 80 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 Toulouse 2. Pauvreté (CNAF) Nombre de pauvres dans la population de moins de 65 ans 1996 Taux de pauvres dans pop 65 ans 1996 Pauvres CNAF 2000 Taux de pauvres dans pop -65 ans 2000 ∆ pauvres 1996-2000 ∆ pauvres 1996-2000 Villefranche de R. 1 649 15,7% 1 464 15,2% -185 -11% Albi 8 125 15,2% 7 509 14,4% -616 -8% Auch 3 089 14,5% 2 466 12,6% -623 -20% Castres 6 732 15,1% 6 269 14,8% -463 -7% Decazeville 1 988 14,0% 1 648 14,1% -340 -17% Figeac 4 768 17,7% 4 194 15,9% -574 -12% Foix 1 349 15,2% 1 233 15,1% -116 -9% Lourdes 2 261 17,2% 1 864 16,0% -397 -18% Mazamet 2 581 11,5% 2 561 13,1% -20 -1% Millau 2 591 14,1% 2 529 14,5% -62 -2% Montauban 8 271 17,9% 7 552 16,3% -719 -9% Pamiers 2 892 21,6% 2 668 19,6% -224 -8% Rodez 4 336 13,0% 4 152 13,0% -184 -4% St Gaudens 1 945 18,3% 1 810 18,8% -135 -7% St Girons 1 275 17,3% 1 177 17,5% -98 -8% Tarbes 11 805 18,3% 10 234 16,6% -1 571 -13% Toulouse 99 294 17,0% 91 113 13,8% -8 181 -8% 109 Vi ll Taux de pauvreté (1996) R . Lo ur de s M az am et Fo ix Fi ge ac ec az ev il le as tre s Au ch Al bi de R od ez ie rs au de ns St G iro ns Ta rb es To ul ou se St G Pa m M i ll au M on ta ub an D C ef ra nc he Variation du taux de pauvreté 1996-2000 (CNAF) 25,0% 20,0% 15,0% 10,0% 5,0% 0,0% Taux de pauvreté (2000) 110 3. Revenu (DGI) Rev/hab Revenu/habitant 1995 (Euros 1990 (Euros constants constants 2000) 2000) Rev/hab 1998 (Euros constants 2000) Rev/hab 2000 (Euros constants 2000) Variation 1990-1999 Villefranche de R. 6 457 6 731 7 720 7 586 17% Albi 7 204 7 495 7 804 8 190 14% Auch 7 269 7 788 8 478 8 453 16% Castres 6 445 6 901 7 138 7 259 13% Decazeville 5 880 6 226 6 502 6 786 15% Figeac 7 351 7 756 8 030 8 349 14% Foix 6 915 7 464 7 760 8 178 18% Lourdes 7 764 7 333 7 605 7 885 2% Mazamet 6 668 6 528 6 725 7 263 9% Millau 6 852 7 176 7 501 7 633 11% Montauban 7 103 7 193 7 353 7 720 9% Pamiers 6 450 6 553 6 797 7 201 12% Rodez 7 544 8 047 8 450 8 880 18% St Gaudens 7 319 7 659 7 782 8 208 12% St Girons 7 303 7 560 7 720 8 010 10% Tarbes 6 943 7 167 7 394 7 598 9% Toulouse 7 746 7 813 8 164 8 696 12% 111 Variation revenu par habitant 1993=100 Villefranche de R. Albi 125 Auch Castres 120 Decazeville Figeac 115 Foix Lourdes 110 Mazamet 105 Millau Montauban 100 Pamiers Rodez 95 90 1990 St Gaudens St Girons 1995 1998 2000 Tarbes Toulouse 112 Variation du revenu/hab 1999-2000 Réduction des inégalités de revenu 20% 16% Auch Decazeville 14% Albi Castres 12% Pamiers 10% Rodez Foix Villefranche de R. 18% 8% Figeac St Gaudens Millau Tarbes St Girons Mazamet 6% Toulouse Montauban 4% 2% 0% 5 000 Lourdes 5 500 6 000 6 500 7 000 7 500 8 000 Revenu/habitant (1990) 113 4. Démographie (INSEE) population 1975 population 1982 population 1990 population 1999 ∆ 75-82 ∆ 82-90 ∆ 90-99 ∆ 75-99 Villefranche de R. 12 726 13 224 12 959 12 561 3,9% -2,0% -3,1% -1,3% Albi 60 664 62 714 65 181 66 231 3,4% 3,9% 1,6% 9,2% Auch 25 174 25 472 25 982 24 725 1,2% 2,0% -4,8% -1,8% Castres 52 298 53 178 53 692 53 082 1,7% 1,0% -1,1% 1,5% Decazeville 24 408 21 925 19 170 17 044 -10,2% -12,6% -11,1% -30,2% Figeac 31 682 31 956 32 564 33 119 0,9% 1,9% 1,7% 4,5% Foix 10 430 10 274 11 087 10 378 -1,5% 7,9% -6,4% -0,5% Lourdes 18 067 17 727 16 649 15 554 -1,9% -6,1% -6,6% -13,9% Mazamet 29 222 28 428 27 512 25 849 -2,7% -3,2% -6,0% -11,5% Millau 23 198 23 021 23 189 22 840 -0,8% 0,7% -1,5% -1,5% Montauban 51 278 54 381 55 634 56 734 6,1% 2,3% 2,0% 10,6% Pamiers 17 638 17 038 17 064 17 715 -3,4% 0,2% 3,8% 0,4% Rodez 35 704 37 953 39 017 38 458 6,3% 2,8% -1,4% 7,7% St Gaudens 14 707 14 119 13 604 13 053 -4,0% -3,6% -4,1% -11,2% St Girons 11 302 10 613 9 877 9 484 -6,1% -6,9% -4,0% -16,1% Tarbes 81 490 81 227 78 389 77 414 -0,3% -3,5% -1,2% -5,0% 560 165 588 224 666 941 761 090 5,0% 13,4% 14,1% 35,9% Toulouse 114 Population et ménages Variation des ménages (1990-1999) 70,0% 60,0% Toulouse 50,0% 40,0% 30,0% Foix Rodez Villefranche Castres Montauban Millau Auch St Gaudens Albi Pamiers Tarbes Figeac Mazamet St Girons Decazeville Lourdes 20,0% 10,0% 0,0% -10,0% -15,0% -10,0% -5,0% 0,0% 5,0% 10,0% 15,0% 20,0% Variation de la population (1990-1999) Solde migratoire 10,0% Toulouse 8,0% 1990-1999 6,0% 4,0% Pamiers 2,0% St Girons Figeac Millau 0,0% St Gaudens -2,0% Tarbes -4,0% -6,0% Lourdes Montauban Viilefranche de R. Castres Auch Rodez Foix Mazamet Decazeville -8,0% -10,0% Albi -5,0% 0,0% 5,0% 10,0% 1982-1999 115 Vi ll de R . Al bi Au c C h as D ec tres az ev il le Fi ge ac F Lo oix ur d M es az am et M Mi ll on au ta ub a Pa n m ie r R s od St e G au z de St n G s iro n Ta s rb To es ul ou se ef ra nc he 5. Emploi domestique (UNEDIC) Emplois domestiques pour 100 habitants 14,0 12,0 10,0 8,0 6,0 4,0 2,0 0,0 1993 2002 116