P59Q
CHAPITRE 4
La France vers la modernité du milieu
du XIXe siècle à 1914
Q
Document d’ouverture
page 13
François-Joseph Luigi Loir dit Luigi Loir (1845-
1916) est un peintre français qui s’est illustré dans
les paysages et vues de Paris ; il a également été il-
lustrateur de publicités et de titres. C’est lui qui a
réalisé cette couverture de l’Encyclopédie du siècle
consacrée à « l’Exposition universelle de 1900 ». Il
y représente bien des éléments qui caractérisent la
France au tournant des XIXe et XXe siècles.
Au premier plan, à gauche, les personnages exo-
tiques font référence à l’empire colonial français,
base de la puissance économique, politique et
culturelle du pays.
Au-dessus se dressent deux allégories : l’une, te-
nant une roue, semble symboliser l’industrie (la
France entre alors dans la deuxième révolution
industrielle). L’autre, couronnée de tours et ayant
à ses pieds l’écusson, les armoiries bleues, rouges et
fleurdelisées de la ville de Paris, symbolise la capi-
tale qui ouvre ses bras au monde. Ces deux figures
féminines ne sont pas sans évoquer Marianne, et
directement la République, régime de la France
depuis 1870.
À l’arrière-plan, et jusqu’à l’horizon, s’étend Paris,
dont on distingue surtout au premier plan le dé-
but de l’espace de l’Exposition : la porte de la pla-
ce de la Concorde, à partir de laquelle se succèdent
le long de la Seine les principaux pavillons, jus-
qu’à la tour Eiffel, qui domine de sa flèche d’acier
l’étendue de la ville. La tour Eiffel et l’Exposition
sont des symboles du rayonnement qu’exercent
alors Paris et la France.
Cartes clés
pages 232-233
1. Le territoire français depuis 1789
Le territoire français a connu des modifications
territoriales tout au long du XIXe siècle : après les
changements provoqués par les guerres révolu-
tionnaires et napoléoniennes, le congrès de Vienne
de 1815 a fixé, pour près d’un demi-siècle, les li-
mites du pays. Celles-ci évoluent à nouveau en
1860, avec l’acquisition de la Savoie et du comté
de Nice, puis en 1871 avec la perte de l’Alsace-
Moselle.
2. La France rurale en 1911
La France reste, à la veille de la Première Guerre
mondiale, majoritairement rurale, les campagnes
représentant encore 56 % de la population. Certaines
régions entières restent massivement rurales : le
sud du Massif central, les Alpes, les Landes, et
d’une façon générale les provinces de l’Ouest et
du Sud-Ouest. Seuls les départements du Nord,
du littoral méditerranéen, de la Gironde, du
Lyonnais, et l’Île de France sont déjà majoritaire-
ment citadins. Les grandes villes sont cependant
en nombre limité. Les villes petites et moyennes,
comprenant entre 5 et 20 000 habitants, dominent
numériquement.
Par ce caractère encore massivement rural, la France
se différencie nettement de ses grands voisins,
en particulier du Royaume-Uni, dans lequel dès
1851, la population urbaine est majoritaire. C’est
la conquête de cette France rurale qui permet
entre 1870 et 1877 aux républicains de conquérir
le pouvoir. Elle sera ensuite l’assise de la républi-
que radicale au début du XXe siècle.
3. La croissance du trafic ferroviaire
entre 1854 et 1913
Le réseau ferroviaire français s’est constitué en
trois phases principales. Le premier réseau date
de la monarchie de Juillet, notamment depuis le
vote de la loi de 1842 qui associe l’État, fournis-
seur des terrains, et les compagnies privées qui ob-
tiennent la concession des lignes. Centré sur Pa-
ris, ce premier réseau relie la capitale aux grandes
villes du Nord, du Nord-Est et à Bordeaux, ainsi
qu’aux principales villes du centre et à la Norman-
die. En province, seules les régions de Lyon et de
Marseille, pôles industriels majeurs, possèdent
un réseau. Le Massif central, les Alpes, un grand
Sud-Ouest et l’Ouest ne sont pas pourvus.
Le réseau s’étend ensuite sous le Second Empire :
il se complète de liaisons entre Paris et les grandes
villes de province. Enfin, la IIIe République mul-
tiplie les lignes secondaires, d’intérêt local. Ainsi
à la veille de la Première Guerre mondiale, l’en-
semble du territoire est-il maillé de voies ferrées.
Certains axes cependant dominent : le réseau
rayonnant de Paris, l’axe Nord-Lorraine, le sillon
rhodanien.
P60Q
Découvrir 1
Construction territoriale
et sentiment national
pages 140-141
Problématique : Comment les
modifications territoriales contribuent-
elles à forger le sentiment national ?
La France connaît plusieurs modifications terri-
toriales après 1850 : elle récupère le comté de Nice
et la Savoie après plébiscites en 1860. Mais elle
perd l’Alsace et la Moselle lors de la guerre contre
la Prusse en 1870-1871. Cela suscite un véritable
traumatisme qui contribue à forger le sentiment
national, grâce à une importante réflexion sur les
termes de nation et de patrie dont le but est de lé-
gitimer l’appartenance de ces régions à la France.
Explication des documents
Doc 1Q Après l’annexion de l’Alsace et de la
Moselle à la France en 1871, une importante résis-
tance à la germanisation se manifeste par le main-
tien du costume traditionnel ou l’emploi de la
langue française, dans le cadre privé comme dans
certaines écoles.
Doc 2Q Sous la IIIe République, l’enseignement
de l’histoire répond à une nécessité politique et
civique : l’étude du passé doit forger une mémoire
collective et faire l’éducation patriotique et républi-
caine des jeunes Français. Ernest Lavisse y contri-
bue en tant qu’historien « officiel » (conception
des programmes à partir de 1882, rédaction de ma-
nuels…).
Il rappelle les principales modifications du terri-
toire français depuis 1850. Il se réfère aux plaintes
des députés des provinces annexées et à l’action
du parti dit « de la protestation », qui envoie plu-
sieurs députés alsaciens et lorrains au Reichstag,
lesquels réclament en vain en février 1874 la tenue
d’un plébiscite. Cependant à l’époque du texte, les
« protestataires » commencent à s’effacer devant
les partisans, plus pragmatiques, de l’autonomie.
Doc 3Q Forte du souvenir de son appartenance à
la France sous la Révolution et l’Empire, la Savoie,
rattachée au royaume de Piémont-Sar daigne en
1815, voit renaître les remises en cause de l’inté-
gration de la province au royaume italien à partir
des années 1850. En échange de son intervention
aux côtés du Piémont contre l’Autriche en 1859,
Napoléon III avait obtenu en 1860 le rattache-
ment de la Savoie et du comté de Nice à la France.
Ce rattachement fut rendu effectif après la tenue
d’un plébiscite.
Le document est emblématique de la propagande
exercée à quelques jours de la consultation par les
agents profrançais qui mettent en avant trois ar-
guments principaux :
– un argument politique : le caractère démocrati-
que du rattachement ;
– un argument économique : la Savoie bénéficiera
« de tous les avantages » offerts par la puissance
française : développement industriel, emploi, fré-
quentation des stations thermales… ;
– un argument culturel : Savoyards et Français
appartiennent à la même communauté culturelle,
donc nationale.
Doc 4Q Le débat sur l’appartenance de l’Alsace à
la France ou à l’Allemagne a été l’occasion d’une
polémique entre intellectuels français et alle-
mands (Denis Fustel de Coulanges, Ernest Renan
d’une part, Theodor Mommsen, David Friedrich
Strauss d’autre part) qui est à l’origine de deux
définitions opposées de la nation. D’après Ernest
Renan, une nation se définit par deux critères es-
sentiels :
– une histoire commune à tous les membres du
groupe : « un passé », « le sentiment des sacrifices
qu’on a faits » ;
– l’adhésion volontaire et libre à cette nation :
« le consentement, le désir clairement exprimé de
continuer la vie commune ».
Le droit des nations évoqué par Renan consiste
en l’idée qu’un État ne peut disposer à sa guise des
populations, ni conquérir un territoire comme il
l’entend : toute modification d’appartenance na-
tionale doit passer par une consultation démocra-
tique et être librement acceptée par la population
concernée. On retrouve cette idée chez Ernest
Lavisse et dans la tenue des plébiscites en 1860.
L’appartenance à une nation relève d’un choix
conscient, d’un effort des populations désireuses
de partager un même destin.
Doc 5Q Ce document a été publié dans le contexte
de la deuxième crise marocaine (« coup d’Agadir »
le 1er juillet 1911), qui oppose la France et l’Alle-
magne pour le contrôle, notamment économique,
du royaume chérifien. La tension est très grande
et mobilise les deux opinions publiques qui en-
visagent sérieusement le déclenchement d’une
guerre.
L’attitude belliqueuse du soldat allemand sur
l’image (il agite la foudre, bombe le torse, son épée
est dégainée : il est prêt à un combat qu’il semble
vouloir déclencher), et celle, pacifique, du soldat
français (il a le fusil au repos, il ignore celui qui le
défie), témoignent assez bien de cet état d’esprit. Le
soldat allemand est présenté comme agressif, alors
que le Français affirme un patriotisme défensif.
La frontière est représentée de deux manières : on
montre la frontière naturelle, avec la longue dé-
pression marquant le terrain, qui évoque la vallée
du Rhin ; on montre également la frontière hu-
maine, militaire, avec la barrière au sol, les deux
soldats « face à face » et les batteries d’artillerie
(canons à l’arrière-plan, à gauche).
P61Q
Doc 6Q La défaite de 1871 a entamé le modèle
jacobin d’une « République une et indivisible ».
Les critiques se multiplient dans les années 1870
contre l’idée trop abstraite de nation, qui a dé-
tourné les citoyens de leur appartenance iden-
titaire fondamentale, le sol, la terre, le « pays ».
Aussi les Républicains cherchent-ils à renforcer le
sentiment individuel d’appartenance locale, par la
mise en avant des « petites patries », c’est-à-dire
les différentes régions, les « anciennes provinces »
qui ont leur propre histoire, une certaine identité
géographique (« les paysages familiers ») et des
spécificités culturelles (« les costumes, les coutu-
mes, l’accent »). Elles sont complémentaires de la
« grande patrie » : aimer sa région est un moyen
de mieux aimer la France. L’École, par ses ma-
nuels scolaires (ici celui de Charles-Victor Lan-
glois), met en exergue cette double appartenance :
loin de vouloir éradiquer le local, elle prend appui
sur lui pour construire l’identité nationale (voir
Jean-François Chanet, L’école et les petites patries,
Aubier, 1996).
Découvrir 2
Le territoire organisé,
vécu, imaginé
pages 142-143
Problématique : Comment les Français
s’approprient-ils le territoire national
dans la seconde moitié du XIXe siècle ?
Le territoire français est encore loin de l’unité
dans les années 1850-1914 : les langues régionales
y sont encore très présentes. Néanmoins on assiste
à une unification progressive grâce aux transports,
notamment ferroviaires, qui permettent de mieux
relier les différentes parties du pays. Cela entraîne
une certaine uniformisation des modes de vie, et
modifie la vision que les Français ont de leurs
concitoyens et de leur territoire, qu’ils connais-
sent et s’approprient de mieux en mieux.
Explication des documents
Doc 1Q Dans les années 1850-1914, la diversité
linguistique se manifeste par la persistance des
« patois » au détriment de la langue française,
notamment dans le sud du pays (Massif central,
Midi) et en Bretagne. Cependant, la pratique du
français progresse tout au long de la période, à
partir du Bassin parisien. À la fin du XIXe siècle, il
n’y a plus que quelques départements où résistent
les parlers locaux, en Bretagne et dans le Massif
central essentiellement. Cela est dû notamment à
la généralisation de l’enseignement primaire, mais
aussi à la mise en place du service militaire obli-
gatoire qui produit un brassage de populations,
et bien entendu à la révolution ferroviaire qui
rapproche les hommes en réduisant les distances.
Pour reprendre le titre de l’ouvrage de Eugen We-
ber (Peasants into Frenchmen), les paysans des ter-
roirs deviennent peu à peu des Français.
Doc 2Q Le plan Freycinet, du nom du ministre
des Travaux publics, est un vaste programme de
construction d’infrastructures adopté en 1878. Il
consiste notamment à édifier 11 000 km supplé-
mentaires de voies ferrées, d’intérêt local, et à
unifier le réseau de canaux afin de le rendre plus
praticable.
L’extension des réseaux de transport a de nom-
breux impacts. En matière d’économie, elle facilite
les échanges commerciaux, l’approvisionnement
en matières premières et en produits agricoles de
régions qui en manquent. Par ailleurs, la vie des
populations s’en trouve transformée : les régions
isolées sont désenclavées (notamment dans les
massifs montagneux), les habitants peuvent se dé-
placer plus facilement. Il y a également une plus
grande proximité entre pouvoir central et terri-
toires, mais aussi entre les différentes régions du
pays.
Doc 3Q Le développement des chemins de fer
facilite les déplacements sur de longues distances
et donc les voyages touristiques. Il n’y a pas en-
core de tourisme de masse à la Belle Époque, ce-
lui-ci restant une pratique nécessitant des moyens
financiers et du temps libre dont ne disposent
par les classes populaires. Mais sur le modèle des
élites urbaines, une partie de plus en plus impor-
tante des classes moyennes s’approprie la mode de
la villégiature, balnéaire surtout. Cela permet des
contacts et des échanges entre les populations et
les modes de vie des différentes régions. La carte
postale, publiée par la compagnie des chemins de
fer de l’Ouest (sous la direction de l’État depuis
1906), traduit la volonté d’associer le local (le cos-
tume régional) au national (proximité de Paris
relié directement en 7 heures) et même l’échelle
européenne (Les Sables d’Olonne, plus belle plage
du continent). Elle met aussi en évidence la mul-
tiplicité de l’offre de loisirs (promenades, tir au
pigeons, régates), la modernité de la station (tram-
ways, téléphone), traduisant ainsi la vision d’un
territoire dans lequel les distances sont réduites
et les périphéries reliées au centre, sans qu’elles
perdent pour autant leur identité.
Doc 4Q L’uniformisation des modes de vie se
manifeste dans les pratiques culturelles essentiel-
lement, qu’elles soient vestimentaires ou alimen-
taires.
Les facteurs en sont variés : la révolution des
transports entamée dès avant 1850 facilite la
diffusion des produits alimentaires sur tout le
territoire ; la multiplication des voyages met en
contact les populations des différentes régions du
territoire, et permet des processus de transferts
culturels, d’acculturation. Le plus important est
P62Q
la diffusion du modèle urbain et notamment pari-
sien. Les grands magasins qui fleurissent à partir
des années 1850 contribuent à cette uniformisa-
tion par la consommation de masse et la démocra-
tisation de la mode.
Doc 5Q Les migrations internes et notamment
l’exode rural augmentent durant cette période.
Elles entraînent l’implantation dans la capitale
– mais aussi dans les autres grandes villes – de
« colonies » provinciales (Bretons, Auvergnats,
Savoyards, Corses…) qui amènent avec elles leurs
pratiques culturelles et leurs traditions qu’elles
cherchent à sauvegarder (le XIXe siècle est mar-
qué par le goût nouveau du folklore). Cela n’est
pas sans conséquences sur les représentations et
l’installation d’un certain nombre de stéréotypes,
notamment concernant les Bretons, dont l’image
se fixe dès les années 1820-1830 et perdure tout au
long du siècle, avant d’être récupérée et revendi-
quée par les Bretons eux-mêmes comme constitu-
tive de leur identité.
Doc 6Q Le trajet du Tour de France en 1913 suit
presque les frontières du pays et dessine ainsi
l’hexagone que forme le territoire. L’utilisation de
cette figure est popularisée par les géographes de
la fin du siècle (Élisée Reclus…). L’Hexagone, qui
remplace l’image de l’œuf, est le symbole d’une
certaine « perfection » géométrique de ce terri-
toire, dont la construction semble ainsi achevée.
Départ et arrivée du Tour se font à Paris, ce qui est
caractéristique du rôle de la capitale dans le pays :
Paris, qui représente 7 % de la population fran-
çaise à la veille de la Grande Guerre, domine en
effet en matière politique, économique et cultu-
relle, sans rivale ni contestation.
Découvrir 3
Stagnation démographique et
immigration
pages 144-145
Problématique : Quels défis l’évolution
de la population pose-t-elle à la France
de 1850 à 1914 ?
La France est confrontée au XIXe siècle à une évo-
lution démographique originale, différente de celle
de ses voisins : sa faible natalité tout au long du
XIXe siècle inquiète les contemporains qui y voient
surtout un risque de déclassement de la France
dans le monde. Pour répondre à ce défi, les gouver-
nements encouragent la natalité et favorisent l’im-
migration. Dès 1889, une loi facilite l’obtention
de la nationalité française. Mais cette ouverture
provoque une xénophobie importante dès la fin du
XIXe siècle, dans les régions industrialisées de la
France où les étrangers sont nombreux.
Explication des documents
Doc 1 (voir également document page 147) Q
La propagande nataliste utilise massivement la
carte postale pour diffuser ses idées. La « Ligue
pour le relèvement de la natalité française et la
défense des familles nombreuses » cherche par ce
biais à sensibiliser la population aux risques que
représente l’affaissement de la natalité. L’impé-
ratif patriotique est mis en avant : la reconquête
de l’Alsace-Lorraine ne peut se faire sans une ar-
mée nombreuse, donc une reprise du dynamisme
démographique. L’analyse de la carte (page 147)
montre la situation difficile du pays, où l’on dé-
nombre « plus de cercueils que de berceaux » : les
départements en noir sont ceux où la mortalité est
supérieure à la natalité : ils sont 67, contre 22 où
la situation est inverse. Les plus dynamiques sont
ceux où la tradition catholique perdure (Bretagne,
Centre-Ouest) et où la population ouvrière est im-
portante (Nord). Le chiffre inscrit sur le dépar-
tement semble indiquer le pourcentage départe-
mental de décès par rapport aux naissances.
Doc 2Q Comme de nombreux documents is-
sus de manuels scolaires de l’époque, ce texte
met en avant la faiblesse de la natalité et de la
fécondité françaises et donc son faible accroisse-
ment naturel. Si celui-ci est en partie compensé
par l’immigration (principalement d’ouvriers),
les conséquences de cette évolution alarment les
contemporains, notamment la perte de puissance
de la France par rapport à ses voisins dont la po-
pulation augmente (en particulier l’Allemagne) :
« le nombre semble devoir devenir de plus en plus
un des éléments principaux du succès ».
Doc 3Q On observera de 1851 à 1911 la très faible
augmentation de la population (à peine 5 millions
de personnes en plus). On remarquera la diminu-
tion de population après l’annexion de l’Alsace-
Moselle en 1871. Cette très faible augmentation
s’explique par la faiblesse du taux de natalité (qui
ne cesse de baisser depuis les années 1880, et qui
est au plus bas en 1911 à moins de 20 ‰), à peine
supérieur au taux de mortalité. La précocité de la
transition démographique française (XVIIIe siè-
cle) a provoqué l’entrée dans le nouveau régime
démographique. À ce fait ancien, s’ajoutent des
facteurs socio-politiques : les petits propriétaires
ruraux redoutent une descendance nombreuse
qui les obligerait au partage entre des héritiers
désormais égaux depuis le Code civil de 1804 et
provoquerait l’émiettement des patrimoines. On
peut y voir également un effet de la propagande
antinataliste dans certains milieux ouvriers qui
refusent d’enfanter de « la chair à canon » ou de
créer « l’armée de réserve du capital ».
L’augmentation de la population s’explique donc
uniquement par l’apport de l’immigration : sur
l’ensemble de la deuxième moitié du XIXe siècle,
le nombre d’étrangers a pratiquement triplé (il est
passé de 0,4 million en 1851 à 1,1 million en 1911).
P63Q
Doc 4Q L’objectif de cette loi est d’augmenter
le nombre de Français (et donc indirectement
le nombre de soldats dans un contexte de lende-
mains de défaite contre l’Allemagne, dont la dé-
mographie se porte mieux). Dès 1851, les condi-
tions d’acquisition de la nationalité française ont
été assouplies afin d’augmenter le nombre de
Français. Ce droit est élargi par la loi de 1889 :
le droit du sol (« résidence non interrompue pen-
dant dix années », article 2), le mariage (article 4),
ainsi que les services rendus par un étranger à la
France (même économiques, article 3) permettent
d’être naturalisé. La nationalité française permet
au citoyen de jouir des « droits civils et politiques
attachés à la qualité de citoyen français », notam-
ment à l’époque, le droit de vote et d’éligibilité.
Doc 5Q Les étrangers sont plus nombreux dans
les régions frontalières et littorales ainsi que dans
les grandes villes. Cela s’explique par la proximité
géographique induite par leur provenance (les
étrangers sont concentrés dans les régions fron-
talières limitrophes de leur pays d’origine), mais
surtout parce que les régions fortement industria-
lisées qui offrent du travail sont essentiellement
situées dans le nord-est de la France.
Les migrants sont principalement européens, les
plus nombreux étant les Italiens et les Belges,
qui forment 60 % de l’effectif étranger en 1914.
Viennent ensuite les Espagnols, les Allemands et
les Suisses.
Là où les étrangers sont nombreux, incidents xé-
nophobes et rixes se multiplient à la fin du XIXe
siècle, comme par exemple les émeutes anti-ita-
liennes à Aigues-Mortes, le 17 août 1893 qui cau-
seront la mort d’une dizaine d’Italiens, accusés de
prendre le travail des Français. L’on parlera même
à leur sujet des « Vêpres provençales », en référence
aux Vêpres siciliennes de 1282. Ainsi ces émeutes
correspondent-elles, d’un point de vue économi-
que, à une période de crise et de chômage dont les
étrangers sont les boucs émissaires.
Doc 6Q La revue Simplicissimus est une revue
satirique allemande fondée en 1896 à Munich.
Cette caricature, qui vise à représenter la situa-
tion française, donne une vision xénophobe de
l’immigration au début du siècle. Celle-ci est re-
présentée comme une invasion de gens pauvres
(image des mendiants) venus d’Afrique du Nord
(présence d’un chameau) et de gens qui pillent la
France (les personnages ont les mains remplies de
victuailles).
Bibliographie
Maîtrise du territoire et population
• C. Charle, Histoire sociale de la France au XIXe
siècle, Seuil, 1991.
•F. Demier, La France du XIXe siècle, 1814-
1914, Seuil, 2000.
• P. Goetschel et E. Loyer, Histoire culturelle de
la France de la Belle Epoque à nos jours, Armand
Colin, Cursus, 2002.
• F. Melonio, Naissance et affirmation d’une
culture nationale. La France de 1815 à 1880
(extrait de Histoire culturelle de la France),
Points Seuil, 1998.
• C. Nicolet, L’idée républicaine en France (1789-
1924), Gallimard, Tel, 1994.
• G. Noiriel, Atlas de l’immigration en France :
exclusion, intégration…, Autrement, 2002.
• F. Ronsin, La grève des ventres, Aubier, 1980.
Travaux à caractère pédagogique
La Documentation Photographique :
• N° 8024. La société européenne au XIXe siècle.
Hiérarchies et mobilités sociales, 2001, F. Demier.
• N° 8035. Les immigrés et la France. XIXe siècle-
XXe siècle, 2003, M.-C. Blanc-Chaleard.
Regards sur… les chemins de fer
pages 148-149
Le chemin de fer, moyen de transport moderne a
d’abord suscité, par son fracas, sa fumée et sa vi-
tesse, le scepticisme, la crainte voire l’hostilité de
la population. Mais, dans la deuxième moitié du
XIXe siècle, par son extension progressive à tout
le territoire, il entre dans le quotidien des Fran-
çais, et commence à faire partie de leur imaginaire.
La production culturelle s’en ressent, notamment
avec deux des vecteurs de la culture de masse que
sont, au tournant du siècle, la carte postale pour la
photographie, et le roman pour la littérature. Au
même titre que les monuments ou les panoramas,
les gares et l’architecture ferroviaire deviennent un
sujet de carte postale, preuve qu’elles entrent dans
le paysage mental des Français. Des peintres (Mo-
net) en font un de leurs thèmes favoris (voir égale-
ment pages 8-9). Émile Zola y consacre un roman
entier, La Bête humaine, en 1890 ; dans la descrip-
tion qu’il fait de la gare Saint-Lazare, il reprend
les images traditionnelles, le fracas des machines,
le bruit des sifflets et des jets de vapeur, les nuages
de fumée noire ou blanche, mais pour en livrer une
description poétique et en dégager l’intérêt esthé-
tique. Sa description montre à quel point le train
est devenu banal : train de banlieue, train « grande
ligne », il est devenu indispensable à la vie quoti-
dienne, pour le travail comme les voyages.
1 / 14 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !