Mini manuel de genetique 3e ed

publicité
978210055530-livre.fm Page 92 Jeudi, 21. octobre 2010 5:46 17
4
Introduction
à la génétique
des micro-organismes
4.1 Génétique bactérienne
PLAN
4.2 Génétique des bactériophages
4.3 Test de complémentation ou test d’allélisme fonctionnel
4.4 Test d’allélisme structural
4.5 Génétique de la levure
OBJECTIFS
4.6 Micro-organismes et génie génétique
Comprendre le transfert d’ADN chez les bactéries
Aborder les mécanismes de transduction
Comprendre l’intérêt des tests de complémentation
Intégrer les applications de la génétique des micro-organismes
Dès qu’il fut clair que des relations directes existaient entre le matériel
héréditaire et les caractéristiques fonctionnelles d’une cellule ou d’un
organisme, les micro-organismes s’imposèrent comme des outils de
choix pour explorer en profondeur la nature des gènes. Pourtant, on
ne peut pas dire a priori que, n’étant pas visibles à l’œil nu, les microorganismes possèdent des caractéristiques facilement reconnaissables.
Le fait d’avoir assez rapidement caractérisé leurs défauts métaboliques,
isolé les souches mutantes, établi une relation entre des variants biochimiques et les mutations géniques, en un mot, engagé une véritable
démarche d’étude génétique fondée sur les relations entre gènes et
fonctions, a largement contribué à leur succès.
Étant donné qu’il s’agit d’organismes haploïdes, l’analyse génétique
ne dépend pas du fait qu’une mutation soit dominante ou récessive
puisqu’un seul allèle du gène étudié est présent. Il ne peut donc pas
être masqué dans son expression par un autre allèle, comme c’est
fréquemment le cas pour les organismes diploïdes. De plus, les microorganismes, tout particulièrement les bactéries, peuvent produire une
nouvelle génération de cellules en moyenne toutes les heures, ce qui,
978210055530-livre.fm Page 93 Jeudi, 21. octobre 2010 5:46 17
4.1 • Génétique bactérienne
93
pour le généticien qui étudie la transmission des caractères et des gènes
au cours des générations successives, constitue un avantage considérable.
Pour toutes ces raisons et d’autres qui seront abordées au fil de ce
chapitre, la génétique des micro-organismes a contribué de façon décisive à fonder les concepts majeurs de la génétique. Elle a su réaliser
avant toute autre, la synthèse entre l’approche phénoménologique (les
phénotypes) et l’approche moléculaire (les gènes et l’ADN).
4.1 GÉNÉTIQUE BACTÉRIENNE
Les bactéries appartiennent à une classe d’organismes appelés procaryotes qui inclut également les algues bleues ou cyanobactéries.
Les procaryotes ne possèdent pas de noyau. Leurs gènes, constitués
d’ADN, sont regroupés essentiellement sur un seul chromosome circulaire. Des structures de plus petite taille, les plasmides, portent des gènes,
tels les gènes de résistance à des agents chimiques, qui fournissent à la
cellule la possibilité de vivre et se multiplier dans un environnement
défavorable.
Organismes modèles dont le plus connu est la bactérie Escherichia
coli (E. coli), ils se divisent rapidement et se cultivent sur des milieux
liquides ou solides contenant les éléments nutritifs de base (milieu
minimal : sels inorganiques et une source de carbone). Cultivées sur
milieu solide en boîte de Pétri, les bactéries sont immobilisées et
restent regroupées. À partir de 107 cellules, la masse de cellules constitue une colonie, visible à l’œil nu. Toutes les cellules d’une colonie
isolée sur une boîte sont issues d’une seule cellule, elles ont donc
toutes le même matériel génétique et constituent un clone.
Mutants bactériens
En traitant les bactéries avec des agents mutagènes, on peut obtenir de
très nombreuses mutations qui empêchent la cellule de se multiplier
dans un milieu minimal. Elle ne pourra croître que si l’on ajoute à ce
milieu tel ou tel métabolite dont la synthèse n’est plus assurée dans la
cellule mutante. Ainsi, un grand nombre de mutations touchant la
synthèse des métabolites essentiels pour la croissance bactérienne ont
été identifiées, chacune d’entre elles correspondant à l’une des enzymes
mises en jeu dans les étapes de biosynthèse des diverses molécules
biologiques.
Pour une espèce bactérienne donnée, la souche qui a perdu la capacité
de synthétiser un métabolite essentiel (un acide aminé par exemple)
est dite auxotrophe (pour cet acide aminé). À l’inverse, la souche de
type sauvage qui ne présente pas cette exigence nutritionnelle sera
dite prototrophe. Certains mutants ne sont plus capables d’utiliser
par exemple un ose particulier comme source de carbone, on parle alors
978210055530-livre.fm Page 94 Jeudi, 21. octobre 2010 5:46 17
94
Chapitre 4 • Introduction à la génétique des micro-organismes
de mutants cataboliques. Certaines substances chimiques, comme
les antibiotiques, peuvent tuer les bactéries mais certaines d’entre elles,
appelés mutants résistants, peuvent se diviser même en présence de
l’antibiotique et fonder des colonies. Tous ces divers types de mutants
(Tableau 4.1) fournissent des marqueurs génétiques pour suivre
l’évolution des génomes lors d’expériences.
TABLEAU 4.1
SYMBOLES UTILISES EN GÉNÉTIQUE BACTÉRIENNE.
Symboles
Phénotypes associés
leu –
Auxotrophe pour la leucine qui doit être en plus du milieu minimum
leu+
Prototrophe pour la leucine, alors inutile dans le milieu minimum
lac –
Incapable d’utiliser le lactose comme source de carbone
lac+
Utilise le lactose comme source de carbone
amps
Sensibilité à un antibiotique, ici l’ampicilline
ampr
Résistance à un antibiotique, l’ampicilline
Conjugaison bactérienne
En 1946, Joshua Lederberg et Edward Tatum, par une expérience à la
fois simple et élégante, exploitent les exigences d’E. coli en certains
nutriments pour démontrer l’existence de la recombinaison génétique.
Ils utilisent deux souches A et B présentant des exigences nutritionnelles
différentes.
La souche A est auxotrophe pour la méthionine et la biotine et
prototrophe pour la leucine et la thréonine ; son phénotype est donc :
met –, bio –, leu+, thr+. La souche B est auxotrophe pour la thréonine et
la leucine et prototrophe pour la méthionine et la biotine ; d’où son
phénotype : met+, bio+, leu–, thr–. Si des cultures de bactéries A et B
en mélange sont étalées sur des boîtes contenant un milieu minimum
sans supplément nutritionnel, quelques colonies apparaissent après
48 h. Seules des bactéries prototrophes (met+, bio+, leu+, thr+) sont
capables de se développer sur un tel milieu. Par contre, aucune colonie
n’est visible sur les boîtes témoins ensemencées avec des bactéries A
ou B (Fig. 4.1). Pour s’assurer que les souches ne sécrétaient pas de
substances qui auraient été absorbées et utiliser par les autres cellules
pour leur prolifération, Bernard Davis construisit un tube en U dont
les deux bras sont séparés par un filtre qui ne peut laisser passer que
les molécules dissoutes dans le milieu. En introduisant la souche A
dans un bras, et la souche B dans l’autre, et après plusieurs heures
978210055530-livre.fm Page 95 Jeudi, 21. octobre 2010 5:46 17
4.1 • Génétique bactérienne
95
d’incubation, Davis testa les cellules de chaque bras du tube et constata
l’absence de cellules de phénotype met+, bio+, leu+, thr+. Il en conclut
qu’une union physique des bactéries est nécessaire pour qu’un transfert
d’information génétique entre les deux souches ait eu lieu. Cette union
physique, visible en microscopie électronique, est appelée conjugaison.
Souche A
Met – Bio – Leu+ Thr+
Souche B
Met+ Bio+ Leu – Thr –
Milieu minimum
Aucune colonie
ne pousse
Milieu minimum
Mélange des
souches A et B
Aucune colonie
ne pousse
Incubation
Étalement
Milieu minimum
Apparition de quelques
colonies de phénotype
(Met+ Bio+ Leu+ Thr+)
Figure 4.1 Mise en évidence du transfert de matériel génétique entre bactéries.
Les souches A et B ne peuvent pas se diviser sur un milieu minimal. En effet la souche A
doit trouver dans le milieu la méthionine et la biotine et la souche B, la leucine et la
thréonine. Or, le milieu minimal ne les contient pas. Le mélange des souches, qui favorise
le transfert de matériel génétique, conduit à l’apparition de colonies recombinantes
capables de synthétiser elles-mêmes les quatre métabolites à partir des constituants
du milieu minimal.
Le facteur sexuel
L’expérience décrite ci-dessus suggère l’existence d’une sexualité chez
les bactéries. En effet, il existe des cellules avec un rôle de donneur
et des cellules ayant le rôle de receveur. Cependant, les génomes de
978210055530-livre.fm Page 96 Jeudi, 21. octobre 2010 5:46 17
96
Chapitre 4 • Introduction à la génétique des micro-organismes
ces bactéries ne fusionnent jamais en entier pour constituer un nouveau
descendant comme chez les organismes supérieurs. Le transfert de
l’information génétique est unidirectionnel et est assuré par un facteur
de fertilité ou facteur F. C’est un ADN circulaire autoréplicatif
appelé épisome dont héritent les cellules filles indépendamment du
chromosome bactérien (Fig. 4.2). Les bactéries qui le possèdent sont
dites F+ assurant le rôle de donneur, et celles qui ne le possèdent pas
sont dites F – et receveuse. Le facteur F comporte, entre autre, toute
l’information génétique nécessaire pour son transfert d’une bactérie
F+ vers une bactérie F –. Lors du transfert, un contact physique (pont
cytoplasmique) s’établit entre les deux bactéries, grâce notamment à
l’action de pili sexuels codés par le facteur F et qui se trouvent à la
surface des bactéries F+.
a)
Réplication
autonome du
facteur F
Bactérie F+
F+
Pili
sexuels
Facteur F
F+
Chromosome
bactérien
c)
b)
F–
F+
Inégration du facteur F
Bactérie Hfr
F+
F+
Figure 4.2 Quelques propriétés de l’épisome ou facteur F.
En a, présent dans les bactéries F+, le facteur F se réplique de façon autonome et il est
hérité par toutes les cellules filles ; en b, lors du croisement d’une souche F+ avec une
souche F –, toutes les bactéries deviennent F+ ; et en c, formation d’une bactérie Hfr.
Quand on croise des bactéries F+ et des bactéries F – toutes les
bactéries deviennent F+. Dans les bactéries donneuses, une copie
simple-brin de l’ADN F est synthétisée selon un mécanisme particulier
978210055530-livre.fm Page 97 Jeudi, 21. octobre 2010 5:46 17
4.1 • Génétique bactérienne
97
appelé réplication en cercle roulant. Un brin de l’ADN F est transféré
dans le cytoplasme de la cellule réceptrice où il va servir de matrice
pour la synthèse du second brin. L’autre brin d’ADN resté dans la
cellule donneuse lui permettra de la même façon de reconstituer par
synthèse du brin complémentaire un facteur F fonctionnel. Dans ce
type de croisement, aucun fragment du chromosome bactérien de la
souche F+ n’est transféré vers la souche F –, on assiste seulement au
transfert entier du facteur F selon des modalités respectant le principe de
réplication semi-conservative (Fig. 4.2). La conjugaison bactérienne
permet le transfert de l’ADN (facteur F dans le cas présent), d’une
bactérie à une autre.
Les souches Hfr
Le croisement d’une souche F+ de type sauvage, c’est-à-dire non
mutée avec une souche F – auxotrophe pour certains métabolites et
résistante à un antibiotique puis l’étalement du mélange sur le milieu
de sélection (milieu minimum contenant l’antibiotique) aboutissent au
développement de quelques rares colonies recombinantes témoignant
du transfert de matériel génétique entre les deux souches bactériennes.
Les colonies recombinantes proviennent de bactéries F – (auxotrophes)
ayant reçu par conjugaison les gènes nécessaires pour restaurer leur
capacité à croître sur le milieu minimum, c’est-à-dire présentant le
phénotype sauvage. Cette conjugaison exceptionnelle où quelques rares
bactéries F+ transfèrent du matériel génétique à partir de leur chromosome principal est due à l’intégration du facteur F dans le chromosome
principal (Fig. 4.2). Il est possible d’isoler les quelques cellules qui
ont intégré le facteur F dans leur chromosome.
Si l’expérience de croisement est alors répétée avec la nouvelle
population constituée de cellules ayant intégré le facteur F dans
leur chromosome, on obtient 1000 fois plus de recombinants. Ces
souches sont appelées pour cette raison Hfr pour Haute fréquence de
recombinaison.
Grâce à l’intégration du facteur F dans le chromosome principal,
ces souches peuvent transférer efficacement aux souches F– une partie
de leur génome. De ce fait, la bactérie réceptrice peut devenir, à cause
du fragment de chromosome reçu, homologue de son propre chromosome, une cellule partiellement diploïde. Cette information génétique
transférée s’intègre ensuite dans le chromosome de la bactérie F – par
un double crossing-over (Fig. 4.3), ce qui permet d’obtenir des cellules
et des colonies recombinantes stables. Les cellules F – qui portent un
allèle du donneur ont donc participé à la conjugaison et sont appelées
exconjugants.
Téléchargement