Infotox Lettre d`information N°6

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CHRU Lille– centre Antipoison
TELETOX
Alerte : Intoxications au Paracétamol
ANNÉE 2017
Alerte : Intoxication au paracétamol
Le nom du paracétamol vient de la contraction de para-acétyl-amino-phénol, aussi appelé acétaminophène, est la substance
active de nombreux antalgiques, antipyrétiques. Il est indiqué dans le traitement des symptômes d’intensité faible à modérée, seul
ou en association à d’autres analgésiques, car il a peu de contre-indications et effets indésirables, à l’exception de la surdose
mortelle (toxique pour le foie, peut entrainer la mort par hépatite fulminante).
Le paracétamol est le médicament le plus prescrit en France, et même la base des 3 spécialités les plus prescrits (Doliprane®,
Dafalgan®, Efferalgan®), qui totalisent plus de 260 millions de doses.
Synthèse du paracétamol :
L’acylation du paraminophénol avec l’anhydride
acétique donne du paracétamol et de l’acide
lactique.
Pharmacocinétique
L’absorption du paracétamol par voie orale et complète et rapide : le maximum de la concentration plasmatique est atteint entre 15
minutes (comprimé effervescent) et 30 à 60 minutes (comprimé et poudre) après ingestion .
Le paracétamol se distribue rapidement dans tous les tissus. Les concentrations sont comparables dans le sang, la salive et le
plasma. Il est essentiellement métabolisé au niveau du foie (par glucuroconjugaison et la sulfoconjugaison).
L’élimination du paracétamol est essentiellement urinaire : 90% de la dose ingérée est éliminée par le rein en 24 heures. La 1/2 vie
d’élimination est d’environ 2 heures.
Formes galéniques
Le paracétamol rentre dans la composition d’une soixantaine de spécialités pharmaceutiques, se présentant sous différentes
formes galéniques (comprimé, comprimé effervescent, comprimé orodispersible, gélule, sirop, suspension buvable, suppositoire,
et sous forme intraveineuse).
Précaution d’emploi
Le paracétamol est autorisé en cas de grossesse et d’allaitement. Habituellement, le paracétamol est bien toléré si il est pris à
dose thérapeutique.
NOTE : Dans la suite de ce bulletin, les données concernent les mono-intoxications (prise seule de paracétamol) ainsi que les poly-intoxications (association de paracétamol avec d’autres molécules).
Le centre Antipoison de Lille tenait à vous informer :
De 2000 à 2016, l’équipe médicale a géré 20 161 cas d’intoxication humaine par des spécialités pharmaceutiques à base de paracétamol,
soit une moyenne annuelle de 1186 cas, soit 3 à 4 cas par jour.
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016*
total
1218
1145
1061
917
998
1169
1070
1243
1129
1341
1338
1280
1419
1277
1111
1205
1240
20161
*données jusqu’au 30 novembre 2016.
1600
2500
2500
1400
2021
1974
1810
18091723
2000
17231716
1687
1578
1509
1384
1500
1227
2000
1200
1000
800
1500
1000
600
1000
500
400
200
500
0
0
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
0
0
4
6
8
10
12
14
16
18
20
22
Graphique 3 : variation horaire
Graphique 2 : variation mensuelle
Graphique 1 : variation annuelle
2
On note une certaine augmentation des cas depuis 2009, année à laquelle le paracétamol est passé en vente libre (devant le comptoir
des officines).
Répartition des expositions en fonction du département du patient
Dépt.
Aisne
Oise
Somme
Eure
Seine Maritime
Pas de Calais
Nord
Total
Nombre
675
932
731
903
2654
2391
11875
20161
%
3.19%
4.40%
3.45%
4.26%
12.53%
11.29%
56.05%
100%
Population INSEE 2015
540 067
815 400
571 675
595 043
1 254 609
1 465 205
2 595 536
7 837 535
Taux incidence pour 10 000 hb
12.5
11.43
12.79
15.18
21.15
16.32
45.75
25.72
Carte 1 : Nord-Pas de Calais : 14266 cas (70.8%)
Carte 2 : Picardie : 1663 cas (8.2%)
Carte 3 : Haute Normandie : 3557 cas (17.6%)
Qui contacte le Centre Antipoison ?
Dépt.
Aisne
Oise
Somme
Eure
Seine Maritime
Pas de Calais
Nord
Total
%
Grand public
168
304
183
315
921
1090
2873
5854
29.04%
Médecine de ville
26
27
50
33
134
171
338
779
3.86%
SAMU-CENTRE 15
55
204
56
171
547
193
1882
3108
15.42%
Hôpital (urgences, REA)
426
397
442
384
1052
937
6782
10420
51.68%
Total
675
932
731
903
2654
2391
11875
20161
100%
29,04%
Grand public
Médecine de ville
51,68%
3,86%
SAMU-CENTRE 15
Hôpital
15,42%
D’après ces données, il est à noter que 1 personne sur 2 est déjà à l’hôpital
(pédiatrie, urgences, réanimation) lors d’une exposition au paracétamol.
Dans 30% des cas, c’est la famille, le patient lui-même ou son entourage qui
contacte le Centre antipoison pour la prise en charge.
Répartition par sexe des patients
- Sexe masculin :
- Sexe féminin :
8048 cas
(40.2%)
11951 cas
(59.8%)
40,20%
Sexe masculin
Dont femme enceinte : 157 femmes
Sexe féminin
59,80%
femme allaitante : 23 femmes
Répartition par âge des patients
Etendue (min, max)
1 jour—102 ans
Age moyen
21.33 ans
Ecart type
+/- 19.33
Médiane
16
40.7% des patients intoxiqués sont des enfants de moins de 15 ans (8134/19952). Parmi ces 8134 enfants, 5089 sont des enfants âgés de 1 à 4
ans soit près de 62% des enfants.
Répartition par circonstances d’intoxication
Les intoxications au paracétamol sont dues à des tentatives de suicides (9841/10398) (95%).
Exposition
volontaire
49,40%
51,60%
Concernant 9841 tentatives de suicides, il est à noter que près de 43% (4207/9841)
des patients sont des jeunes âgés de 10 à 19 ans, et notamment des jeunes filles
(3389 patientes) (80.5%).
Ce sont principalement des femmes (6604/9841)(67%) qui prennent du paracétamol
lors d’acte suicidaire [sex ratio (H/F) = 0.48].
Pour les 9763 expositions accidentelles (49.4%), elles sont dues principalement à des erreurs thérapeutiques (surdosage, non respect du délai
entre prise, confusion de pipette (Doliprane 2.4% solution buvable®), association de plusieurs spécialités à base de paracétamol) (5122/9763)
(52.5%).
Les expositions au paracétamol surviennent principalement à domicile (19260/20161)(95.5%).
Etat clinique des patients au moment de leur prise en charge par le Centre Antipoison
Parmi les 20191 patients intoxiqués au paracétamol, 7044 patients présentaient des signes cliniques au moment de leur appel au Centre
Antipoison, soit environ 35% des cas. Lors d’une tentative de suicide, environ 1 patient sur 2 présentait des signes cliniques (53%), lors d’une
exposition accidentelle, seul 16% des patients étaient symptomatiques.
Accidents
Tentative de suicide
Ensemble
Nombre
%
Nombre
%
Total
%
Cas asymptomatiques
8233
84%
4884
47%
13117
65%
Cas symptomatiques
1530
16%
5514
53%
7044
35%
Total
9763
100%
10398
100%
20161
100%
Gravité des expositions
Dans 64% des cas, l’intoxication s’est révélée asymptomatique. Dans 30% des cas, elle a été de faible gravité (signes cliniques régressant spontanément). Dans 6% des cas, elle a été grave (signes entraînant une hospitalisation). Dans cette série, 28 décès ont été recensé, mais ils ne sont
pas tous imputables au paracétamol (poly-intoxication).
Principales spécialités à base de paracétamol
responsables des intoxications
Voici le TOP 10 des spécialités pharmaceutiques les plus fréquemment rencontrés dans les intoxications humaines depuis
2000.
Spécialité pharmaceutique
Acc.
Vol.
Tot.
Doliprane (gamme)
4611
1953
6564
Doliprane 2.4% suspension buvable sans sucre®
2110
13
2123
Paracétamol
Doliprane 1 gr comprimé®
980
605
1585
Paracétamol
Doliprane 500 mg comprimé®
378
563
941
Paracétamol
1309
1856
3165
Dafalgan 500 gélule®
314
628
942
Paracétamol
Dafalgan 1 gr comprimé®
438
281
719
Paracétamol
Dafalgan codéine comprimé®
196
305
501
Paracétamol en association avec de la codéine
Paracétamol (spécialité non précisée)
723
2166
2889
Paracétamol
Efferalgan (gamme)
1503
862
2365
Efferalgan 3% pédiatrique solution buvable®
772
9
781
Paracétamol
Efferalgan 1 gr comprimé effervescent®
288
92
380
Paracétamol
Efferalgan codéine comprimé®
125
239
364
Paracétamol en association avec de la codéine
Di Antalvic®
271
1332
1603
Paracétamol en association avec du dextropropoxyphène
Paracétamol (gamme générique)
571
943
1514
Paracétamol
Ixprim®
227
530
755
Paracétamol en association avec le tramadol
Propofan®
137
499
636
Paracétamol en association avec du dextropropoxyphène
Codoliprane (gamme)
128
272
400
Paracétamol en association avec de la codéine
Lamaline (gamme)
114
254
368
Paracétamol en association avec des psycholeptiques
(opium, caféine)
Dafalgan (gamme)
Composition
Cas gérés par l’équipe médicale du Centre Antipoison
Addictologie : accro à la codéine (Codoliprane®)
Cas 1 : « Depuis 2 ans, je suis accro à une drogue dure en vente libre dans les officine». Depuis 2013, un homme prend
tous les jours de la codéine sous forme de comprimé : le Codoliprane®. Il a commencé à prendre ce médicament pour ses propriétés antidouleurs (douleurs dentaires). Il est devenu accro à ce médicament pendant 2 ans , il a connu des moments de
manque.
Erreur thérapeutique : surdosage par association de plusieurs spécialités pharmaceutiques à base de paracétamol
Cas 2 : Femme de 32 ans, présente des rages de dents régulièrement depuis quelques semaines. Elle aurait vu son dentiste il y
a 3 semaines, avec la prescription d’un traitement antalgique sans que la patiente ne sache dire lequel. Le 14/11/2016, devant
une majoration de la douleur, elle prend 7 comprimés de paracétamol à partir de 18heures, toutes les 2 heures (2 comprimés
de Doliprane 1 gramme®, 2 comprimés de Codoliprane 400/20 mg®, 1 comprimé de Efferalgan 1 gramme®, 2 comprimés de
Klipal 600/50 mg®). Elle a été hospitalisée pendant 2 jours en Réanimation, traitée par du N-acétylcystéine (antidote). Evolution favorable.
Erreur thérapeutique : surdosage par erreur de délivrance par le pharmacien
Cas 3 : Homme de 69 ans, aux antécédents cardiaques, sortant d’hospitalisation, s’est vu prescrire du Doliprane 500 mg comprimé® (2 comprimés, 3 fois par jour) par le médecin. A l’officine, le pharmacien délivre du Doliprane 1000 mg comprimé® à la
même posologie (2 comprimés, 3 fois par jour). Le patient a pris donc 4 grammes le vendredi, 8 grammes le samedi et 3
grammes le dimanche. C’est le même jour que l’épouse de monsieur s’est aperçu de l’erreur dans la délivrance du paracétamol. Le patient sera hospitalisé aux urgences, mais n’a pas nécessité de traitement antidotique. Evolution favorable.
Erreur thérapeutique : confusion de pipette
Cas 4 : Appel de la maman pour son petit garçon âge de 33 mois (16 kg), qui n’ayant plus en sa possession la pipette de Doliprane 2.4% solution buvable®, a utilisé celle du Zithromax. Elle lui a donné une pipette entière, ce qui correspond à 12.5 ml,
soit 300 mg de paracétamol. L’enfant n’était pas en dose toxique et n’a présenté aucun signe clinique. Evolution favorable.
Cas 5 : Appel du papa pour son petit garçon de 2 mois, pesant 6.5 kg, il a donné du Doliprane 2.4 % solution buvable® avec la
pipette de Gaviscon® (graduée en ml). A donné une dose de 5 ml, soit 120 mg de paracétamol au lieu de 97.5 mg, soit un légèr
surdosage. Aucun signe clinique et évolution favorable.
Erreur thérapeutique : confusion de posologie
Cas 6 : Homme âgé de 24 ans, a ingéré 2 comprimés de Dafalgan 1 gramme comprimé® au lieu de 2 comprimés de Dafalgan
500 mg comprimé®. Aucun symptôme, surveillance à domicile. Evolution favorable.
Nos conseils

Attention en cas de surdosage, l’absorption est retardée.

En cas de suspicion de surdosage, consulter le Centre Antipoison qui évaluera ou non d’aller aux urgences afin de réaliser une paracétamolémie.

Attention au ingestion accidentelle du Doliprane 2.4% solution buvable (gout agréable) par les enfants en bas âge.

Respecter les délais entre les prises (attendre que le médicament agisse). Proposer une alternance avec de l’aspirine pour respecter le
délai entre les prises.

Attention aux spécialités à base de paracétamol et de codéine ou autres molécules psychotropes ou cardiotropes, lors des intoxications
chez l’enfant, selon la dose ingérée, ne pas oublier la toxicité de ces molécules
Rôle du professionnel de santé

En cas d’intoxication, appeler le Centre Antipoison afin de connaitre la conduite à tenir.

Ne pas utiliser le paracétamol chez les insuffisants hépatiques et/ou éthyliques chroniques sans avis du médecin.

S’assurer que le poids et l’âge correspondent au dosage prescrit.

Rappeler les modalités de prise, la posologie :
→ Adultes : 500 à 1000 milligrammes toutes les 4 à 6 heures soit 4 grammes maximum par jour
→ Enfant : 15 milligrammes/Kg/prise soit 60 milligrammes/Kg/jour au maximum.

Rappeler aux parents comment utiliser la pipette chez l’enfant, et l’importance de ne pas intervertir les pipettes entre les différents traitements.

Les patients ne savent pas forcément tous convertir les grammes en milligrammes (et inversement), il faut donc s’assurer de leur compréhension et qu’ils aient bien perçus la notion de dose maximale.

Les patients ne savent pas systématiquement non plus qu’il existe une pluri dénomination pour la même molécule, il faut donc les en
avertir (Dafalgan, Doliprane, Efferalgan, Géluprane, Paracétamol, …).

Il faut également alerter les patients sur la présence de paracétamol en association dans certaines spécialités , et la nécessité de le
prendre en compte afin d’éviter un surdosage en paracétamol (Actifed, Claradol, Codoliprane, Dafalfan codéine, fervex, Humex,
Ixprim, ).

Encourager à revenir ou contacter le médecin si aggravation des symptômes (en cas de sciatique ou de douleurs dentaires persistantes au traitement, consulter le médecin ou le chirurgien dentiste mais ne pas risquer le surdosage !). Proposer d’alterner le paracétamol et l’aspirine pour éviter le surdosage de ces 2 molécules.

La codéine est un dérivé opioïde à risque de dépendance en cas de douleurs chroniques et de syndrome de manque.
Comment nous contacter
Centre Antipoison de Lille
Centre Hospitalier Régional et Universitaire de Lille (CHRU)
5 avenue Oscar Lambret
59037 Lille Cedex
Tél Urgence : 0 800 59 59 59 (n° vert et gratuit)
Tél Urgence : 03 20 44 44 44
Tél secrétariat : 03 20 44 47 99
Fax : 03 20 44 56 28
Docteur MATHIEU-NOLF Monique
Chef de service
Monsieur PEUCELLE Damien
Ingénieur Hospitalier
Reproduction interdite—tout les droits sont réservés au CHRU de Lille—reproduction interdite des photos
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