Dossier pour la Marche des Vivants Livret pédagogique du guide

publicité
Yad Vashem | Institut commémoratif de la Shoah et de l’ Héroisme,
Ecole Internationale pour l’ Etude de la Shoah
Yad Vashem
Dossier pour la Marche des Vivants
Livret pédagogique du guide
Dossier pour la Marche des Vivants
Livret pédagogique du guide
avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah
Rédaction | Osnat Dadon,Yaakov Yaniv, Section de la Formation des Guides,
Ecole Internationale pour l’Etude de la Shoah
Traduction | Esther Vento
Edition | Valérie Ben Or
Production | Ami Sternschuss
Conception Graphique | Eran Zirman
© 2005
Tous droits réservés à l’Ecole Internationale pour l’ étude de la shoah,
Yad Vashem, tous droits de traduction, de reproduction et d’ adaptation
réservés pour tous pays.
Toute représentation integrale ou partielle faite par quelque procedé que
ce soit sans autorisation de l’ éditeur est illicite
Yad vashem | Institut commémoratif de la Shoah et de l’ Héroisme,
Ecole Internationale pour l’ Etude de la Shoah
Table des matières
5
7
8
9
10
12
13
14
16
17
19
21
22
24
26
29
30
32
34
45
48
53
57
74
77
91
92
95
Varsovie
Le rabbin Shlomo Zalman Lifshitz
Meir Balban
Les Fosses Communes
Adam Czerniakow
Zamenhof
Le Bund
Y.L. Peretz, Ansky Dinezon
La synagogue de Nozick
L’église des convertis
La synagogue de la rue Tlomackie
L’Institut juif d’histoire – ZIH
L’orphelinat de Janusz Korczak
Histoire du ghetto de Varsovie-le mur, Zlota
Témoignages
La seconde déportation le 18 janvier 1943
Le soulèvement
Le 20 de la rue Chlodna et le pont en bois
Le parcours de l’héroïsme
L’organisation Zegota
Tikochin
Lublin
Cracovie
Les camps
Témoignages Convoi pour Treblinka
Témoignages Les ’actions’ contre les enfants
Auschwitz
Témoignages Auschwitz- Birkenau
Varsovie
LE CIMETIERE JUIF DE VARSOVIE ( OKOPOWA)
Le cimetière juif de Varsovie, situé rue Okopowa et existant depuis le début
du XIX0 siècle, (les premières tombes datent de 1807), est l’un des plus grands
cimetières d’Europe. Il est devenu, après la Seconde Guerre mondiale un
monument à la mémoire de la communauté juive de Pologne, détruite par
les nazis.
Le cimetière est entretenu par la communauté juive de Varsovie. Dans ce
but une fondation du cimetière Juif Gésia a été établi en 1992.
Varsovie Pologne, Le cimetière sous la neige
5
Au temps du ghetto
Pendant la période du ghetto, on y enterrait les juifs. Au début, les personnes
qui mourraient au ghetto étaient inhumées dans des tombes individuelles,
ce qui ne sera bientôt plus possible car, plus tard, quand les morts se
multiplièrent à cause des conditions de vie au ghetto, c’est seulement dans
des fosses communes que l’on enterrait les corps chaque fois plus nombreux.
Mais c’était un chemin que les juifs enfermés au ghetto empruntaient pour
en sortir ou pour y pénétrer. Comme il était situé à l’extérieur des murs du
ghetto, tout en faisant partie du ghetto, à proximité du cimetière local, et
c’était secrètement bien sûr que par là était infiltré au ghetto de la nourriture
et des armes clandestinement.
Roman Vishniac:
“Soudain, tous les lieux où des Juifs avaient vécu pendant des centaines d’années,
avaient disparu.
Et je pensais que dans les années à venir, longtemps après la Shoah, les Juifs
voudraient que leur soient racontés ces endroits qui avaient disparu, et la vie qui
fut qui ne serait plus”.
6
Le rabbin Shlomo Zalman Lifshitz 1765-1839
“Ohel hemdat Shlomo”
Le rabbin Shlomo Zalman Lifshitz est né à Poznan en 1765 où il grandit et
suivit des études rabbiniques. Il y fut même rabbin de sa communauté. Mais
le mouvement hassidique ne lui plaisait pas et quand il fut convié à se rendre
dans la ville de Poznan, en 1819, où on lui proposait de devenir rabbin du
quartier Praga à Varsovie.
Deux ans plus tard il sera nommé rabbin de Varsovie. Pendant une vingtaine
d’années, il sera confronté aux diverses tendances du judaïsme local. D’un côté
le mouvement de la haskala prend de l’ampleur, face aux hassides de Gour.
Dans son ouvrage Hemdat Shlomo, il débat des différents problèmes de
son époque et son nom est rapidement connu dans la Diaspora. L’un des
sujets qui le préoccupaient était le nouveau style de vie qu’avaient adopté
certains jeunes juifs de sa communauté. Il n’hésite pas à utiliser les autorités
de l’ordre locales.
Et à ce propos,il écrit la lettre suivante:
“ces derniers temps, les jeunes juifs, en particuliers les servantes et les servants ont
tendance à négliger leurs devoirs religieux. Ils ne respectent ni le shabbat ni les
fêtes juives, ils ne vont ni à la synagogue, et passent leur temps à des divertissements,
à danser et passent leurs soirées dans les lieux où l’on boit et se promènent dans
les jardins. Et chacun sait que l’on ne peut se fier à une personne qui ne respecte
pas les règles religieuses pour être un bon citoyen de son pays. Dans cette logique,
le rabbin demandait aux autorités municipales d’envoyer des policiers pour aider les
shamash à mettre fin à ces comportements odieux.”
La municipalité accéda à sa requête.
Il avait un style de vie modeste et devint un modèle pour sa communauté.
C’était un chef spirituel à l’âme d’éducateur. On raconte qu’un jour, un mendiant
qui était chez lui vola le manteau de la femme du rabbin, et, quand on l’attrapa,
le rabbin demanda au shamash de se rendre chez l’homme et de lui fournir ce
dont il avait besoin sans attendre qu’il vienne demander de l’aide, car il aurait
sûrement honte de venir après avoir été pris en flagrant délit de vol.
On raconte encore à son propos que lorsqu’il rentrait chez lui du mikve,
il n’en revenait jamais avec deux chemises, car il donnait la chemise usagée
à un pauvre.
7
Meir Balban (1877-1942)
Sa biographie
Meir Balban est né en 1877 à Lwow dans une
famille très respectable et cultivée. Il reçut une
éducation juive traditionnelle et enseigna
d’abord dans un lycée et ensuite dans des
établissements d’enseignement supérieur. Puis
enfin dirigea le séminaire de rabbins ’Tarkemoni’
à Varsovie.
En 1936, il obtint la chaire d’Histoire juive à
l’Université de Varsovie
Il sera l’un des fondateurs de l’Institut
d’Etudes Juives à l’université et il en est ensuite
Meir Blaban Historien des
recteur pendant plusieurs années.
Juifs de Pologne
Il était très rare qu’un juif polonais occupe
un poste aussi prestigieux, ce qui donne une indication de l’estime dans
laquelle le tenaient les Polonais. Sa contribution fut importante dans le domaine
de l’histoire de la communauté juive. Ses écrits consignaient les résultats
d’une étude approfondie et minutieuse. Deux de ses livres les plus importants
qui ont été publiés avant la Première Guerre Mondiale sont consacrés à
l’histoire des Juifs de Lwow et des juifs de Cracovie. Il fut l’un des précurseurs
de la recherche de l’historie des Juifs de Pologne. Par ailleurs, ses oeuvres
littéraires dans le domaine de la pédagogie connurent un grand succès entre
les deux guerres mondiales, c’est d’ailleurs à cette époque que la Pologne
prend une place centrale dans la vie juive Europe. Il restera à Varsovie jusqu’à
la fin de ses jours et continuera à travailler même dans les conditions extrêmes
qui étaient celles du ghetto. Il fut un historien prolifique, publiant des centaines
d’articles et de livres en Polonais, en Russe, en Allemand, en Yiddish et en
Hébreu et ses úuvres furent consacrées à l’histoire des juifs de Pologne depuis
leur implantation initiale dans le pays et jusqu’au XIX∞ siècle. Son travail
consistera en grande partie à collecter des documents sur les juifs de Pologne
et leur histoire, l’histoire des synagogues historiques importantes en Pologne
et leurs caractéristiques. Un papier particulièrement remarquable qu’il écrivit
à la demande de la communauté de Cracovie était consacré à l’histoire des
juifs de Cracovie et Kuzimitz. De cette façon il établit une nouvelle école pour
l’étude de l’historiographie des juifs de Pologne.
8
Les Fosses Communes
La surpopulation au ghetto, la famine et les conditions sanitaires déplorables
créèrent des conditions de vie extrêmement difficiles et par conséquent, les
juifs mouraient nombreux. Les morts se multipliaient, pour dans la pire
période atteindre les 5000 morts par mois. Dans ces conditions, il était
évidemment impossible d’enterrer les morts individuellement. La solution
était de les inhumer dans des fosses communes. La famille du défunt déposait
le cadavre dans la rue pour que les membres du judenrat s’en chargent et
l’enterrent dans une fosse commune au cimetière. Rachel Orbach écrit dans
son journal
Dans le cimetière il y avait 4 fosses communes.
Et dans tous les sens circulaient les chariots de la mort débordants de leur triste
fardeau. Et les morts étaient rapidement acheminés et tous les passages et toutes
les rues étaient comme des affluents qui venaient rejoindre un fleuve énorme qui
avalait tout sur son passage.
Juifs du ghetto poussant un chariot plein de corps en direction du cimétiere
9
Adam Czerniakow 1880-1942
Le chef du judenrat à Varsovie, natif de cette ville est né en 1880 dans une
famille juive assimilée de la classe moyenne. Il avait étudié à l’école
Polytechnique dont il avait obtenu un diplôme d’ingénieur en Chimie. Il était
professeur dans un lycée professionnel juif de la ville. Il n’appartenait à aucun
mouvement politique défini, mais il faisait partie de la commission de l’Agence
juive de Varsovie comme représentant des juifs anti sionistes. Il fut aussi
conseiller municipal entre 1927 et 1934.
Au début du mois de septembre 1939, il fut nommé par le maire de Varsovie,
à la tête de la communauté juive religieuse de Varsovie. Le 4 octobre, après
que la ville se fut rendue, il est nommé chef du judenrat par la Gestapo. Sous
l’occupation et dans le ghetto, les domaines d’activités de la communauté
juive se sont élargis de beaucoup et le judenrat doit s’occuper de
l’approvisionnement en nourriture, du travail, de la santé, du logement, du
nettoyage…
La structure du judenrat s’était de beaucoup élargie. De 530 personnes qui
constituaient le judenrat leur nombre parviendra à 6000. Pendant les premières
années de son mandat il maintenait un contact quotidien avec la police allemande
et les délégués civils. Il espérait faire fléchir les Allemands en tentant d’éveiller
en eux un sentiment humain, pour tenter d’obtenir des conditions meilleures
dans le ghetto. Ce fut peine perdue bien sûr. Les Allemands lui infligèrent des
mauvais traitements verbaux et physiques. Sa personnalité, son caractère et ses
qualités apparaissent différents selon les personnes qui ont parlé de lui, que ce
soit dans le journal qu’ils tenaient ou des chroniqueurs. Dans les milieux
résistants, il était dénigré comme assimilé et vivement critiqué, car on voyait
en lui une personne imbue de sa personne qui aimait à se donner de l’importance
et qui tenait à des cérémonies publiques qui paraissaient ridicules dans le
contexte du ghetto. Mais, vu par ceux qui travaillaient avec lui, il était digne
d’éloges et possédait de nombreuses qualités. Sur un point, cependant tous
étaient d’accord, il était d’une droiture irréprochable et les bonnes intentions
sous-tendaient toutes ses actions. Mais, le 23 juillet 1942, il se suicide, refusant
de livrer des juifs aux Allemands. Son décès fut interprété comme la protestation
d’un homme qui était parvenu à la limite entre ses fonctions officielles au ghetto
et la collaboration avec les ennemis. D’ailleurs, dans le cadre de ses activités,
il avait également adopté une politique économique libérale grâce à laquelle,
il fermait les yeux sur des activités clandestines. Mais les plus démunis en
10
pâtissaient et dans une certaine mesure cela accentua des écarts sociaux entre
les pauvres et la petite élite du ghetto.
De façon générale, Czerniakow était considéré comme un homme honnête
qui tentait d’agir de son mieux, compte tenu des circonstances, et qui se refusa,
le moment venu, à transgresser les limites dernières qui consistaient à livrer
des coreligionnaires à la mort. Il n’y a aucune preuve qu’il ait profité de sa
position à des fins malhonnêtes ou pour accepter tout avantage personnel.
A partir du 6 octobre il se faisait un devoir de consigner tous les jours le
compte-rendu de ses activités dans le cadre de son poste de président du
judenrat de Varsovie. Ce journal est parvenu à Yad Vashem au milieu des
années soixante, a été publié en 1968 et il nous fournit un des témoignages
les plus marquants de la période de la Shoah. Le journal éclaire la personnalité
de l’homme à la tête du judenrat de la communauté juive la plus grande
d’Europe. Voici ce que rapporte dans son journal Kaplan, trois jours après le
suicide de Czerniakow. “Par sa mort, il a honoré son nom plus que dans sa
vie… après la mort du président (Czerniakow) nous avons su qu’il avait
refusé de signer une autorisation de livrer des juifs. Sa vie n’a pas été belle,
mais sa mort a été belle…pour certains, une heure suffit pour se racheter.
Pour le président Czerniakow une seconde aura suffi.”
L’une des dirigeantes du soulèvement, Tsvia Lubetkin, écrit à propos du
suicide de Czerniakow:
” Il s’est racheté en devenant fou et cela ne saurait faire pardonner ses actions
passées. Pourquoi n’a-t-il pas prévenu les juifs, pourquoi ne les a-t-il pas mis en
garde contre ce qui les attendait?” Sur sa tombe on peut lire:
«L’important n’est pas où se trouvent tes os, un jour ils réouvrirons ta tombe et
jugerons tes actes à travers une nouvelle lumière»
11
Zamenhof (1859-1917)
Ludwik Lejzer Zamenhof est né en 1859 à Bialystok où il vécut jusqu’à l’âge
de 15 ans. Il a grandi dans une famille non religieuse où l’éducation était
primordiale, son grand –père et son père étaient des linguistes et on y discutait
librement d’idées diverses. La ville de Bialystok à cette époque avait une
population dont 70 pour cent étaient juifs, avec de nombreuses minorités car
elle se trouvait à un carrefour.
Il alla à Moscou pour y étudier la médecine. Il travailla ensuite dans un
hôpital local. Et mourut en 1917 des suites d’une maladie. Mais surtout, il
reste dans l’histoire de l’humanité comme celui qui a inventé une langue
nouvelle internationale, l’Espéranto par laquelle il espérait que tous les peuples
pourraient communiquer. Sur les origines de la langue il dit:
“Mon éducation a fait de moi un homme avec certaines aspirations et certains
idéaux et j’ai appris que tous les hommes sont frères. Mais la réalité m’a montré
partout, non pas des personnes, mais des Russes, des Polonais, des Allemands,
des Juifs…
Dans mon enfance j’ai beaucoup souffert de cet état de choses…dans les rues
de ma pauvre ville natale, des hommes se jetaient avec des matraques sur des
hommes dont le seul péché était la langue qu’ils parlaient, une langue étrangère,
le yiddish”.
Si je n’étais pas juif du ghetto je n’aurais jamais eu l’idée de tenter de réunir les
hommes. Seul un juif du ghetto qui prie dans une langue, morte depuis longtemps,
qui étudie dans la langue de son oppresseur, qui a des frères dans le monde entier
qui souffrent la même douleur, mais avec lesquels il ne peut parler, peut sentir de
façon aussi cuisante le malheur dans ce manque de communication entre les
hommes.”
12
Le Bund
Le parti socialiste des ouvriers juifs a été fondé en 1897 à Vilnius. Au début,
c’est en Russie et en Pologne en particulier qu’il s’est épanoui. Rejetant en
bloc le sionisme, la langue hébraïque et la culture juive, le bund considérait
que le yiddish était la langue nationale du peuple juif dans ces pays d’Europe
de l’Est. Son combat visait à obtenir l’égalité des droits pour les juifs dans le
cadre d’un Etat socialiste et démocratique où les juifs, comme les autres
minorités, pourraient jouir d’une autonomie culturelle. Le slogan du
mouvement était: “Pour notre liberté et votre liberté”
Entre les deux guerres mondiales, c’est dans une Pologne indépendante
que le Bund installe son siège, y développant une structure importante
comportant des organisations pour les jeunes et les enfants, une association
sportive et des associations de femmes. Le Bund était l’organisation politique
la plus importante entre les organisations de travailleurs juifs et devint une
force centrale au sein de la communauté juive de Pologne. Dès que la guerre
éclata, ses dirigeants pour la plupart quittèrent la Pologne. La direction du
parti à Varsovie refusait toute coopération politique avec les partis et
mouvements de jeunesse sionistes et, plus tard au ghetto de Varsovie, refusèrent
dans un premier temps de se joindre à l’organisation juive de résistance. Ce
n’est qu’en octobre ou novembre 1942, après la ’grande action’ menée par les
nazis au ghetto de Varsovie, qu’ils révisent leur position et acceptent de se
coopérer avec les autres organisations juives. Le Bund prend alors part
activement au soulèvement du ghetto de Varsovie. D’ailleurs, en 1943, l’un
des chefs de l’insurrection était Marc Idelman, du Bund.
13
Y.L.Peretz, Ansky, Dinezon
1. (1915-1859) Yitzhak Lev Peretz
L’un des grands écrivains en Yiddish et en Hébreu, Peretz, reçu une éducation
traditionnelle et thoranique dans sa ville natale, Zamosc. Il étudia la linguistique
hébraïque, le Russe et l’Allemand. Il avait lu dans sa jeunesse de nombreux
ouvrages consacrés à la pensée juive et à la philosophie et avait hésité entre
les Arts et la Philosophie. Il commença à écrire très jeune et l’influence de la
Haskala se fait sentir. En 1886 il visita Varsovie où il rencontra des écrivains
juifs et se remit à écrire. En 1888, il publia un premier ouvrage en Yiddish,
dans un style sentimental et ironique, qui marqua l’histoire de la littérature
yiddish. En 1890, il s’installe définitivement à Varsovie où il travaille pour la
communauté juive locale.
Il écrivit de façon intensive en Yiddish marquant de la sorte un tournant
de sa vie. Suite aux pogroms du début des années quatre-vingt, il se sentit
plus proche du peuple juif, de son esprit et de sa langue, le yiddish.
Toute sa vie il s’est engagé pour la cause des défavorisés et leur style de
vie l’intéressait, ainsi que leur tradition et leur langue et il ne cessera d’úuvrer
pour améliorer leur situation. Toutes ces activités trouvent écho dans son
úuvre littéraire en yiddish. Il contribua à porter cette langue alors populaire
au rang de langue littéraire, en la reliant au monde hassidique. Ses contacts
avec les couches défavorisées ont contribué à son engagement social qui
prépara indéniablement la naissance du mouvement socialiste juif.
En 1894, Peretz continua à écrire, cette fois en Hébreu, composant au début
des poèmes d’amour et traduisant ses écrits du yiddish. Il a largement participé
au développement du théâtre yiddish et à la fin de sa vie, il s’est engagé
d’avantage dans la vie culturelle juive en Pologne. Son salon à son domicile
de Varsovie était ouvert aux jeunes écrivains qui écrivaient en Hébreu et en
Yiddish. Il prenait volontiers sous son aile les plus brillants.
Peretz était un grand artiste et surtout un innovateur de la littérature en
yiddish et en hébreu. Il est à juste titre considéré comme l’un des grands noms
de la littérature yiddish moderne.
2. Shmuel Ansky 1863-1920
Shmuel Ansky, (né Shloyme-Zanvl ben Aaron Hacohen Rappoport) est lui
aussi écrivain. Il a reçu une éducation traditionnelle religieuse au heder et à
14
16 ans il rejette tout pour aller étudier le Russe et des disciplines générales.
Il subira l’influence des livres engagés à la suite desquels il décide d’aller
vivre parmi les paysans au Sud de la Russie. Ses premières oeuvres seront
surtout en Russe mais à partir de 1904, il écrit surtout en Yiddish. Il était
socialiste engagé, révolutionnaire et ce thème était devenu le centre de nombre
de ses écrits. Peretz le rapprochera du judaïsme et de la culture juive. En
outre, il est l’auteur de la célèbre pièce, “Dibbouk”, comme d’ailleurs de
l’hymne du Bund, “le Serment”. Par ailleurs il a l’occasion de participer à
plusieurs ’expéditions ethnographiques’ dans les communautés juives. Il
collecte ainsi de nombreux trésors culturels populaires juifs qu’il classe.
3. Yaakov Dinezon 1856-1919
Yaakov Dinezon est un écrivain juif qui a reçu une éducation juive traditionnelle,
mais déjà dans sa jeunesse, il se rapproche de la Haskala et commence à
publier des articles et des romans, mais ils seront interdits par la censure
tsariste. Ses romans sont souvent un reflet, à touches sensibles, de la vie des
juifs de son époque. Il est d’ailleurs considéré comme le père du roman
sentimental yiddish. Il publie en outre des nouvelles et traduit en yiddish des
úuvres scientifiques populaires. Il vit à Varsovie à partir du milieu des années
80 où il s’engage dans la vie publique et littéraire et il devient le collaborateur
et ami proche de l’écrivain Y.L.Peretz.
Ces écrivains étaient amis et ont débuté tous les trois comme écrivains
appartenant à la haskala. Ils portaient un regard critique sur la société
traditionnelle dans les petites villes d’Europe de l’Est. Mais quand ils comprirent
que ce serait bientôt la fin de ce style de vie, ils révisèrent d’approche et se
firent un devoir de noter et de décrire en détail la vie de ces communautés
en Pologne.
15
La synagogue de Nozick
Zalman Nozick, issu d’une famille très pieuse, avait fait don des fonds pour
la construction de la synagogue et comme il n’avait pas d’enfants il fit don
de tous ses biens pour que soit érigée une synagogue. Sa seule demande était
que la synagogue porte son nom et que soit dit le kaddish pour lui le jour
anniversaire de son décès, (dans un coin, on peut encore voir le calendrier
avec les dates de décès, le sien et celui de sa femme.)
La construction de la synagogue dura quatre ans et en 1902, la veille de
Lag ba’omer, le premier service y fut célébré. Les habitants des environs qui
étaient en général des tailleurs, étaient le public qui s’y rendait. Elle pouvait
contenir 600 personnes. La synagogue donnait sur une cour et non pas sur
la rue, pour la dérober aux yeux malveillants. C’est d’ailleurs la seule synagogue
qui a subsisté à Varsovie et qui est toujours ouverte et utilisée de nos jours.
Pendant la guerre elle est transformée en siège du département du travail du
judenrat, puis les nazis la transforment en entrepôts et en écuries, causant
ainsi de graves dégâts. Elle était connue pour sa chorale et son école de hazan
(chantres), dirigée par le fameux chantre A. Davidovitch. Elle était un centre
pour la musique juive religieuse et les chants de synagogue.
La réfection de la synagogue.
Les travaux de réfection furent effectués par le gouvernement polonais avec
des fonds de la Joint dans les années 80. Une cérémonie au cours de laquelle
tous les objets de culte ont été remplacés, fut organisée pour remettre la
synagogue à la communauté juive.
16
L’église des convertis
Les Allemands, suivant leur définition selon laquelle un juif converti au
christianisme reste juif jusqu’à trois générations plus tard, ordonnèrent que
les juifs convertis soient enfermés au ghetto. A un moment donné, parmi les
380,000 habitants du ghetto, il y avait 1 700 convertis. Pour eux, trois églises
de convertis fonctionnaient, l’une sur la place Grzybobska, et les autres à la
rue Leszno et entre les rues Dzielna et la Nablosky. Ces convertis se trouvaient
dans une position particulièrement délicate au ghetto et ils vivaient dans une
tension compréhensible, car ils considéraient injuste de devoir partager le
sort des juifs. Certains d’entre eux occupèrent tout de même des postes
importants au judenrat comme Yosef Shérinsky, commandant de la police
juive. Marie Berg écrit dans son journal:
“Les enfants des convertis juifs de naissance vivent une tragédie double. Leur
monde s’est écroulé sous leurs yeux. Dans leur entourage les cas de folie sont
nombreux, alors que parmi les jeunes juifs il n’y aucun cas similaire”.
Varsovie , Pologne, Rue Lazno , Eglise des convertis
17
Et encore sur la tragédie des convertis, Martin Grey écrit dans “Au nom de
tous les miens”.
”Je suis allé parler à mon père, je savais où le trouver car tous les jours il recevait
les juifs que les Allemands nous envoyaient de tous les coins d’Europe…Mon père
était là au centre d’accueil de la rue Prosta au numéro 14. Il recevait cette fois des
déportés de Danzig.
Quand je suis entré, il y en avait un avec une belle canne qui criait qu’il était
catholique, qu’il haïssait les juifs et il voulait savoir s’il y avait là une église. J’ai
eu envie de lui envoyer mon poing au visage mais mon père a répondu avec calme
qu’à la rue Grzybobska il trouverait l’église des convertis”.
On ne peut pas échapper au judaïsme
Ils vivaient au ghetto, ignorant leur religion
Ces gens qui étaient en dissension avec leur judéité,
Ces gens qui croyaient qu’ils faisaient partie de la communauté chrétienne
Jusqu’au décret qui disait qu’un homme né de mère juif,
Subit le destin des juifs, il est destiné à être exterminé
Ils n’avaient aucun moyen d’y échapper
Ils ont été envoyés à la mort avec leurs frères juifs
Qu’ont-ils ressenti alors en allant à leur mort,
Qu’ils étaient chrétiens? Ou à la fin ont –ils accepté qu’ils étaient juifs?
C’est un secret qu’ils ont emporté avec eux dans la tombe
Fany Engelrad: Moshav Bet Hanan
18
La synagogue de la rue Tlomackie
Cette synagogue somptueuse a été inaugurée en 1878 pour la communauté
de Varsovie. Elle est à la fin du XIX∞ siècle, l’une des plus belles synagogues
de Varsovie et peut contenir plus de 1000 personnes. La congrégation qui s’y
réunissait été formée d’intellectuels, de riches et de personnes qui détenaient
des positions importantes.
Dans la synagogue, ou «synagoga» comme les juifs modernes l’appelaient
la prière suivait un rite moderne, qui ne pouvait cependant pas être considéré
comme ‘réformé’. Les plus grands chantres de l’époque y officiaient, et les
dirigeants de la chorale étaient des musiciens connus. Puis suite à l’invasion
allemande, la synagogue ferma ses portes à cause de l’interdiction de prier
qu’imposèrent les Allemands. Les juifs se réunirent alors dans des maisons
pour y prier avec le minyan requis, malgré l’interdiction.
La synagogue disparaît en même temps que toute la communauté juive
de Varsovie en mai 1943. Après le soulèvement et la mise à feu du ghetto, le
Varsovie, Pologne, Synagogue de la rue de Tlomackie, avant la guerre
19
général Stroop, qui avait démantelé le ghetto, donna l’ordre de brûler la
synagogue pour marquer la fin du soulèvement du ghetto. La destruction de
la synagogue était son cadeau à Hitler et signifiait l’éradication totale du
ghetto de Varsovie. Dans son dernier rapport de guerre à Berlin il écrit: «
aujourd’hui 180 juifs ont été exterminés aussi bien des hommes forts que des
faibles, la plus grande partie des endroits où vivaient des juifs n’existe plus.
La grande campagne vient de s’achever à 20 heures 30 avec la destruction de
la synagogue de Varsovie. Il n’y a plus de juifs à Varsovie.
20
L’Institut juif d’histoire – ZIH
En polonais Zydowski Instytut Historyczny.
Il a été construit par la communauté juive entre 1928 et 1936 avec l’objectif
d’en faire une bibliothèque hébraïque.
La collection comptaint 30,000 ouvrages.
En 1947 juste après la guerre, il devient le siège de la commission juive
centrale créée juste après la guerre dans le but de recueillir des témoignages
contre les nazis. A la fin de 1948 il devient un institut chargé de relater l’histoire
des juifs de Pologne pendant la Shoah, en collectant livres, úuvres d’art et
témoignages de rescapés. Ces témoignages ont servi entre autres dans les
procès qui se sont déroulés en Pologne contre les Nazis. S’y trouve aussi une
partie des archives de «Oneg Shabbat» avec les boîtes dans lesquelles ces
documents avaient été scellés pour les cacher.
Les archives «Oneg Shabbat»
Les archives clandestines, «Oneg shabbat», sont une compilation de documents
qui a commencé dans les premiers mois de la guerre. Au début, il sert à
regrouper les témoignages et la description de ce que subirent les juifs qui
avaient été amenés à Varsovie.
Avec l’élimination du ghetto de Varsovie, un chapitre nouveau s’ouvrit.
Nombreux furent ceux qui participèrent activement à la collecte d’information
et de récits sur ce qui c’était passé au ghetto. Ils encourageaient les gens du
ghetto à écrire et analyser une grande variété de sujets touchant à leur vie au
ghetto, car ils voulaient décrire la vie sous le troisième Reich.
Vers la fin du ghetto, les documents et tout ce qui se trouvait dans les
archives fut caché dans 10 caisses en fer et dans deux pots à lait. Après la
guerre on retrouva les deux tiers des archives. Quant au reste il ne fut jamais
retrouvé. Cette partie concernait l’insurrection. Le directeur et fondateur de
ces archives, le Dr Emmanuel Ringelblum disait qu’il fallait considérer cette
oeuvre comme un acte d’opposition.
21
L’orphelinat de Janusz Korczak 1878/9-1942
Janusz Korczak était le nom de plume de Henryk GOLDSZMIT médecin,
écrivain et pédagogue réputé, né à Varsovie dans une famille juive assimilée.
Il a étudié la médecine à l’université de Varsovie et était proche des cercles
d’éducateurs et écrivains libéraux en Pologne. Médecin de grande réputation,
il écrivait également. En 1901, son premier ouvrage sera publié. Par sa
profession, il était proche des enfants, travaillant dans un hôpital pour enfants
juifs. Il était connu dans toute la Pologne sous le nom du «vieux docteur de
la radio» car il avait un programme à la radio polonaise, où il parlait aux
enfants et sur les enfants. En 1912, il sera nommé directeur du nouvel et vaste
orphelinat juif qui venait de s’ouvrir. Ses méthodes y étaient appliquées,
suivant sa théorie selon laquelle, il fallait comprendre le monde de l’enfant
et respecter les enfants. L’âme de l’enfant, disait-il, est riche d’idées dignes
d’être prises au sérieux. Il faut s’attacher à comprendre l’enfant dans son
contexte de vie, prendre en considération ses aspirations naturelles. Dans un
très célèbre de ses ouvrages, Le roi Mathias premier il écrit:
“Il faut dire la vérité, tout le monde aimait Mathias. Les adultes avaient pitié de ce
petit enfant qui avait perdu sa mère et son père. Les enfants étaient contents
d’avoir un camarade de plus. Tous lui obéissaient, des ministres aux soldats…quand
il pleuvait, les petits orphelins restaient jouer dans leur chambre, le désordre des
chambres, ils étaient ensuite responsables de le ranger.
«Il fut le grand promoteur précurseur des droits de l’enfant et il créa ‘un tribunal’
dans l’orphelinat où les enfants jugeaient. Chacun pouvait être juge, à condition
qu’aucune plainte n’ait été déposée contre lui pendant la semaine en cours. Les
enfants faisaient des procès à d’autres enfants ou à eux-mêmes, où ils avouaient
des méfaits. Il leur était possible de juger des adultes également. Car selon sa
théorie tous sont égaux face à la loi. Korczak lui-même passa en jugement cinq
fois. Un code de lois avait été compilé qui comprenait 1000 articles. Les articles
1 à 99 étaient des articles d’innocence. L’article 100 dit: le tribunal déclare que
l’accusé ne s’est pas comporté selon les normes.
L’article 200. Que l’accusé s’est mal conduit
L’article 400 que l’accusé s’est conduit très mal.
L’article 500. que l’accusé s’est conduit très mal et la décision du tribunal sera
publiée dans le journal (le journal de l’institution). Et ainsi de suite jusqu’à l’article
1000 où le condamné est renvoyé de l’institution. Pendant la seconde moitié des
22
années vingt, il avait institué un journal pour les enfants. Non pas écrit par les
adultes, mais écrit par des enfants. Il se rendit plusieurs fois en Palestine, en 1934
et 1936. Avec le début de la guerre il s’occupa d’enfants orphelins juifs. Puis après
la création du ghetto il fit tout ce qui était en son pouvoir pour assurer aux enfants
des conditions de vie supportables, les règles de vie dans son institution restaient
les mêmes. Il refusa la proposition d’amis non juifs qui lui proposaient de passer
du côté polonais. En août 1942 il est envoyé avec les orphelins vers la Umshelplatz
pour être déporté à Treblinka. ‘C’était non pas une marche vers la mort, mais une
sorte de manifestation silencieuse contre l’assassinat’ dira Emmanuel Ringelblum…
Tous les enfants avançaient par rangs de quatre, avec Korczak à leur tête, tenant
les enfants par la main à ses côtés …”.
Après la guerre, des associations nombreuses se sont créées dans le monde
entier à sa mémoire, pour continuer son oeuvre.
23
Histoire du ghetto de Varsovie-le mur, Zlota
Le ghetto de Varsovie, créé au centre du quartier juif en novembre 1940, était
situé au nord de la ville. Le mur entourant le ghetto a fait l’objet de mois de
travaux de construction et a été financé par le judenrat.
Le ghetto était composé de 2.7 pour cent de la surface de la ville et c’est
dans l’enceinte de ses murs que furent concentrés les 30 pour cent de la
population de la ville. Le surpeuplement était insupportable, les familles
vivaient à 6 ou 7 personnes par chambre. Les maisons du ghetto étaient en
outre souvent anciennes et en mauvais état, sans aucun espace de verdure.
Le mur d’enceinte faisait 18 mètres de long et 3 mètres de haut avec un barbelé
au dessus. Les Nazis appelaient le ghetto le “quartier juif”. Le judenrat du
ghetto comptait dans ses rangs 6000 personnes et il y avait également une
police juive dont l’effectif atteignit à un point 2000 hommes. La nourriture
était rationnée par les Allemands qui comptaient 184 calories par personnes
par jour. Donc, très vite la nourriture vint à manquer et la famine s’installa,
faisant de nombreuses victimes. Le ghetto était fermé et coupé du reste du
Varsovie, Pologne, Vue d’ une rue du Ghetto
24
monde. C’est seulement grâce au trafic clandestin de nourriture que les juifs
pouvaient continuer à survivre. Les habitants enfermés dans le ghetto vendaient
tous les biens qui leur restaient, ils réalisaient tous les petits travaux possibles
et certains donc travaillaient pour des usines et d’autres pour le judenrat.
Pour la plus grande partie des juifs du ghetto, une fois fermées les portes, ils
ne ressortirent jamais, depuis novembre 1940 et jusqu’à juillet 1942, dans les
conditions que l’on sait. Mais malgré ses murs, le ghetto de Varsovie ne fut
jamais totalement hermétique. Quelques centaines de juifs en sortaient chaque
jour en files surveillées pour se rendre au travail forcé. Beaucoup d’autres
faisaient passer clandestinement de la nourriture et d’autres marchandises.
Ce trafic de nourriture constitua un moyen de communication important
entre les deux côtés des remparts du ghetto. Ces activités, inutile de le préciser
étaient extrêmement dangereuses et passibles de mort.
25
Témoignages
Le 29 mai 1942
Le brassard! Comment peut-on porter cela ? J’ai senti qu’il me brûlait le bras.
C’est comme si j’avais mis un collier autour de mon cou. J’étais saisi par
l’angoisse. Des dizaines de milliers de passants portaient ce morceau de tissu
blanc souvent souillé au bras. A quoi cela sert-il ? pour bien différencier les
races. Personne n’est exempté de l’”étoile sioniste” (l’étoile de David). Tous
doivent porter l’étoile de David en public, pour que tout le monde puisse la
voir. [2]
Yitzhak Zuckerman:
Qui aurait pu croire dans ces premiers temps que des brassards bleu et blanc
avec l’étoile de David – que à partir de ce signe honteux – une ligne droite serait
tracée qui mènerait directement à Treblinka?... Nous avons été humiliés quand
on a décrété que nous devions retirer notre couvre chef en présence des
commandants allemands…. Nous nous sommes battus quand les Allemands
nous ont attrapés pour nous faire faire des travaux forcés…. Nous nous sommes
habitués à ne pas manger, à mourir du typhus, à mourir de faim. Il y avait une
certaine force qui nous empêchait de voir la réalité telle qu’elle était.
Le 11 mars 1941
En réalité nous n’avons pas un ghetto mais plutôt un asile d’aliénés. Nous
sommes emprisonnés entre des murs et coupés du monde entier à l’extérieur.
Pratiquement personne ne sort du ghetto mais on ne pas dire que personne
n’y pénètre. Au contraire. Les gens n’arrêtent pas de venir. Quand les exilés
du district de Varsovie ont arrêté de venir, de nouveaux sont arrivés, ceuxlà de Norvège, de Hollande et de Tchécoslovaquie. J’ai vu de mes propres
yeux, une foule immense de quelques centaines de personnes menées par les
gendarmes Nazis de la gare de Danzig à la prison, au 109 de la rue Leszno.
Le 5 février, 1941
Par une vitrine dans une boutique, je peux voir le reflet des gens. C’est un
spectacle désormais habituel: un vieil homme entre pour acheter une livre de
26
pain et ressort. Dans la rue, il arrache avec avidité un morceau de mie et la
met dans la bouche. Alors une expression de satisfaction se peint sur son
visage, et je sais que, dans un instant toute la miche de pain aura disparu.
Son visage maintenant exprime la déception. Il fouille dans ses poches et en
sort ses dernières pièces de cuivre. Il n’y en a pas assez pour acheter quoi que
ce soit. Il ne lui reste plus qu’à s’étendre dans la neige et attendre la mort. Ou
alors peut-être se rendre dans un centre de la communauté? Inutile, des
centaines de personnes comme lui s’y trouvent déjà. La femme qui derrière
le comptoir les reçoit et écoute leur histoire est sympathique; elle sourit
poliment et leur dit de revenir dans une semaine. Chacun doit attendre son
tour mais peu d’entre eux survivront jusqu’à la semaine prochaine. La faim
aura raison d’eux et un matin, ce sera un autre cadavre de vieil homme qui
sera retrouvé couché dans la neige, le visage bleui, les poings serrés.
La grande déportation: du 22 juillet 42 au 12 septembre 42. Le lendemain
du suicide du chef du judenrat Adam Czerniakow, son second, Marc
Lichtenbaum, prit sa place. Les Allemands utilisent la police juive pour
organiser la déportation des juifs qui étaient menés à la place Umschlagplatz
d’où ils montaient dans des trains qui les emmenaient à Treblinka pour la
plupart. A partir de la mi-août, les personnes qui avaient réussi à s’enfuir de
Treblinka cachés dans des wagons transportant les vêtements, revenaient,
rapportant déjà alors des rumeurs inquiétantes sur ce qui se passait en réalité.
Il restait au ghetto 60,000 personnes. Le ghetto fut divisé en trois parties,
la zone centrale, où se trouvaient les usines allemandes et les bureaux du
judenrat. Le deuxième ghetto était plus petit et il y avait là deux usines Tabens
et Schultz, le troisième ghetto était une petite enclave. Les trois usines étaient
séparées et de fait le ghetto se transforma en camp de travail. Avec le début
des déportations, le 28 juillet 1942, les délégués des mouvements de jeunesse
se réunirent regroupant les délégués du Shomer hatsair, du Dror,d’ Akiva. Ils
décidèrent de fonder une organisation combattante juive, (Z.O.B). Parmi les
fondateurs, on citera Tzukerman, Kaplan, Lubetkin, Tenenbaum etc. L’une
des premières activités de cette organisation fut d’envoyer des émissaires
chargés de deux missions, faire publier des informations sur Treblinka, et
rapporter des armes. Mais la résistance n’était pas soutenue par les habitants
du ghetto. Au début 1943 le ZZW, organisation militaire juive se joignit aux
résistants à son tour.
27
Le 27 juillet 1942
Tout témoin des déportations de Varsovie aurait eu le coeur brisé. Le ghetto
était devenu un enfer. Les hommes étaient devenus des bêtes sauvages. Tous
se savaient sur le point d’être déportés, ils étaient pourchassés dans les rues,
comme des animaux que l’on chasse dans la forêt….
Les enfants en particulier remplissaient le ciel de leurs pleurs. Les vieillards
et les jeunes acceptaient leur sort en silence et soumission et se tenaient là,
avec leurs paquets sous les bras. Mais il n’y avait pas de limite à la tristesse
et aux larmes des jeunes femmes ; et parfois l’une d’entre elles tentait de
s’échapper de ses tortionnaires et alors, une lutte terrible s’ensuivait. Dans
ces moments là, l’horreur atteignait son paroxysme. Ils se battaient, d’un côté
une femme les cheveux ébouriffés, le chemisier déchiré qui de toutes ses
forces se battait essayant d’échapper des mains de ses geôliers. Elle criait de
rage et ressemblait à une lionne prête à tuer. En face d’elle, deux policiers, ses
frères de malheur qui la tiraient vers la mort. Evidemment les policiers
gagnaient mais pendant la bataille, les pleurs de la captive augmentaient et
emplissaient la rue et toute la rue pleurait avec elle….
La vie au ghetto a été bouleversée, la panique envahit les rues et le peur
se lit sur tous les visages….d’où viendra notre salut? Nous sommes perdus!
Nous sommes perdus!
28
La seconde déportation le 18 janvier 1943
Les juifs qui avaient reçu une convocation pour partir se cachaient et refusaient
de sortir. La déportation dura 4 jours dans une lutte permanente avec les
Allemands. 6000 personnes seront déportées. Ce genre d’événement marquait
profondément la vie du ghetto. A partir de ce moment 1. La police et le
judenrat perdront tout contrôle, la population suivra désormais les ordres
des organisations de résistance .2. Les rumeurs de soulèvement encouragèrent
les organisations polonaises à augmenter leur soutien. Les mois suivants
furent utilisés à s’organiser, à chercher des armes et à préparer des plans.
La population civile locale préparait des ’bunkers’, des cachettes souterraines.
Nombreux considéraient cela comme une voie de sauvetage et une lueur
d’espoir. Mais les combattants n’avaient pas d’illusion et savaient que ce
combat ne les sauverait pas. Ce qui explique qu’ils ne préparèrent pas des
routes de fuite pour échapper.
Varsovie, Pologne, un groupe de Juifs arrêté en sortant du bunker pendant la révolte
du Ghetto de Varsovie
29
Le soulèvement
L’’action allemande’ commence le 19 avril 1943. Les résistants s’y étaient
depuis longtemps préparés. Les Allemands concentrèrent des forces
importantes mais ils ne s’attendaient pas à une résistance ni à opposition
armée dans les rues.
Ils furent surpris et appelèrent à la rescousse le général Jurgen Stroop qui
avait une riche expérience de combats urbains qui avait déjà fait ses preuves
dans des actions contre les partisans. Les Allemands entrèrent au ghetto à trois
heures du matin mais ils rencontrèrent une opposition qui les força à se retirer.
Pendant les trois premiers jours, ce fut des combats de rue en rue, les Allemands
brûlant les maisons au fur et à mesure de leur progression. Toute la population
se trouvait dans les bunkers. Pour la première fois des juifs se battaient contre
des nazis. Une chaleur intense régnait dans les bunkers, et l’air y était irrespirable
mais les juifs n’en sortirent pas. Dans la bataille contre les bunkers, qui se
déroula la seconde semaine du soulèvement, les Allemands entreprirent de
débusquer les juifs dans tous les bunkers, les uns après les autres, tout en brûlant
les maisons sur leur passage. Ils jetaient des grenades lacrymogènes pour obliger
les résistants à se rendre. Le 8 mai le bunker du commandement de la résistance
tomba, il était situé à la rue Mila au numéro 18.
Le 16 mai, Stroop déclara la ’grande action’ et pour fêter sa victoire, il fit
exploser la grande synagogue Tlomackie qui était à l’extérieur du ghetto.
Le petit contrebandier – Henryka Lazawert1
Par-dessus le mur, par des trous et sous le nez des gardes,
A travers les barbelés, dans les ruines, et par les barrières,
Courageux, affamé et déterminé
Je me glisse, et je file comme une flèche, comme un chat.
Le midi, la nuit, à l’aube,
Dans les tempêtes de neige, dans le froid, dans la chaleur.
J’ai risqué ma vie cent fois,
Et me suis mis en danger.
Sous mon bras un vilain sac,
Des guenilles sur les épaules,
Sur mes petits pieds agiles,
Toujours la peur au coeur.
30
Mais il faut tout supporter.
Il faut tout subir,
Pour que demain matin
Mes amis puissent manger.
Par-dessus le mur, par des trous et des briques,
Le midi, la nuit, à l’aube,
Courageux, affamé et ingénieux
Je me déplace silencieux comme une ombre
Et si la main du destin
M’attrape à ce jeu,
Cela arrive souvent dans la vie,
Toi, maman, ne m’attends pas.
Je ne reviendrai plus vers toi,
On n’entendra plus ma voix de loin
La poussière de la rue recouvrira
Le destin perdu d’un enfant
Mais j’ai une seule question
Sur mes lèvres fermées:
Qui, ma mère, qui
T’apportera du pain demain?
31
Le 20 de la rue Chlodna et le pont en bois
La rue Chlodna était la rue qui séparait le grand ghetto au nord, du petit
ghetto au sud du ghetto de Varsovie. La rue était habitée par des Polonais et
des Juifs dont la plus grande partie n’étaient pas pratiquants et appartenaient
à la couche moyenne.
Au numéro 33 de cette même rue, il y avait un lycée où les enfants de ces
familles juives laïques ou assimilées étudiaient. La bibliothèque municipale
publique au numéro 34 fonctionna jusqu’en avril 1941. Adam Czerniakow,
le chef du judenrat de Varsovie, habitait au numéro 20 et Sherinsky le chef
de la police juive également. L’emplacement de cette rue aurait du l’inclure
dans le ghetto, comme le tramway y passait et que c’était une rue centrale,
elle fut donc exclue de l’enceinte du ghetto. Pour que les juifs puissent passer
d’une partie du ghetto à l’autre, deux portes furent percées. Puis par la suite,
un pont pour les passants sera construit.
Varsovie, Pologne , Le pont reliant le grand et le petit Ghetto
32
Le passage d’une partie à l’autre du ghetto est racontée par Shpilman dans son
livre ”le pianiste”: ” En passant par la rue Zelasna, on pouvait voir de loin du monde
au coin de la rue Chlodna, ceux qui étaient pressés piétinaient le sol d’impatience,
et attendaient que les policiers veuillent bien se décider à stopper le flux des
voitures pour leur permettre de passer.
Lorsque ce moment était enfin arrivé, les gardes se mettaient sur le côté et une
foule dense et impatiente se jetait vers l’autre trottoir, des deux côtés, les personnes
se heurtant les une les autres, tombant parfois par terre. Et ceux qui étaient au
sol, étaient piétinés car il fallait quitter le plus vite possible cet endroit trop près
des Allemands, donc dangereux, pour rentrer dans les deux ghettos. La chaîne
des gardes se refermait et l’attente recommençait.”
Mary Berg raconte dans son journal le 8 mai 1842, les Allemands filment:
”nous étions étrangers désormais dans la rue Chlodna, une rue qui était particulière
et compliquée. La circulation y était des plus étrange avec un grand nombre de
personnes groupées au coin de la rue Zelnaza. Non loin du pont en bois qui reliait
les deux trottoirs, il semblait que la rue était entourée de deux murs et devenait
un couloir où s’écoulait une foule d’aryens et où passaient des tramways…au
milieu de la rue entre les deux rues, se trouve l’église, puis le” capitole ” du ghetto:
la maison au numéro 20 de la rue Chlodna, qui était le siège du président
Czerniakow, du colonel Cherinsky, le commandant de la police juive et les hauts
fonctionnaires des institutions juives diverses. La boutique du photographe Baum
avec depuis quelques jours un portrait géant du président. Les personnes nanties,
qui avaient donc les moyens de corrompre les hauts fonctionnaires du département
de l’habitat reçurent les meilleures maisons de notre rue. Sur cette rue en effet il
y avait de belles maisons modernes.
33
Le parcours de l’héroïsme
La place Umschlaplatz, la place des déportations.
La place Umschlaplatz est située à la frontière du ghetto, du côté polonais.
Avant la guerre, elle servait comme voie de passage des marchandises et de
produits vers la ville. Le chemin de fer y arrivait et autour il y avait des entrepôts.
Dès les premières déportations, ce lieu sera choisi par les Allemands pour y
regrouper les juifs pour les convois vers les camps. Elle était désormais entourée
d’une barrière élevée. On pouvait y voir des forces de police polonaises, juives
et des SS. C’étaient des personnes torturées par la faim et d’autres maux infligés
par les nazis qui partaient de là vers leur ultime destination.
Le monument
Une place fermée sans issue, qui ressemble à une pierre tombale, de marbre
de différentes couleurs, qui ressemblait peut-être à un châle de prière. Sur les
murs sont inscrits 400 prénoms juifs comme Abraham, Abner, Yanucz, Yora,
Clara Elisa, Henry et Youdah.
Le monument comporte une fente par laquelle on aperçoit un arbre qui a
été planté de l’autre côté en symbole d’espoir
Helena Birnbaum y est arrivée avec sa famille et elle raconte:
“Finalement ils nous ont tous arrêtés aussi. C’était vers le soir, après une campagne
qui avait duré toute la journée.
Nous avions quitté le grenier, comme tous les soirs, pour respirer un peu d’air frais
dans les rues, pour parler à d’autres personnes et nous informer de ce qui s’était
passé sur la place ce jour-là….
D’un geste, ils nous ont ordonné de nous placer au milieu de la rue. Nous étions
les quatre premiers d’une colonne qui grandissait de minute en minute….
Ils nous ont menés à la place Umschlagplatz…. Puis nous avons vu les nazis
installer une mitrailleuse au centre de la place, visant la foule énorme, de laquelle
s’élevait un murmure de terreur…. Nous nous sommes enlacés tous, ma mère,
mon père, Hilek et moi ; nous nous sommes regardés comme des gens qui se
regardent povr la dernière fois… pour emporter avec nous l’image des êtres aimés
avant de passer dans l’obscurité totale…”.
Ma mère était sereine, comme toujours. Elle m’a même souri.
“Ne crains rien,” a-t-elle murmuré dans mon oreille, “ tout le monde
34
meurt à un moment donné et on ne meurt qu’une fois…. Et nous allons
mourir ensemble, alors n’aie pas peur, ce ne sera pas si terrible….”
“Non, je n’avais pas peur. Et je ne pouvais pas le croire….
Soudain, le sifflet d’un train se fit entendre.
Les wagons de marchandises se rapprochaient de nous….
Des wagons à bestiaux pour nous, le type de wagon que les Nazis utilisaient pour
déporter des juifs de la place Umschlagplatz. Ils se sont précipités comme un
troupeau d’animaux sauvages à l’intérieur de l’école, comme des bêtes enragées
frappant les gens avec des fouets, des canons de fusil, faisant feu dans toutes
les directions dans la foule qui devenait folle de terreur. C’était la façon habituelle
des Nazis de pousser les gens dans ces wagons. Dans la panique et la confusion
quelqu’un a crié, pleuré avec des sanglots, appelant Dieu à l’aide, d’autres priaient
avec ferveur, et d’autres criaient fort en cherchant leurs enfants égarés. Tous se
poussaient jusqu’à remplir les salles de classe, les couloirs, et les escaliers ; tous
voulaient s’enfuir de ce bâtiment aussi vite que possible pour éviter les balles et
les fouets des SS. Le chemin jusqu’aux wagons était jonché de cadavres. Il nous
fallait piétiner des corps de mourants ou de morts pour avancer. Finalement nous
avons atteint les wagons en essayant de rester ensemble dans cette foule immense.
Le wagon était surchargé. Nous ne pouvions que nous tenir debout. Les SS avaient
de la peine à fermer les portes….
Finalement nous nous trouvions dans la situation que nous avions essayé de fuir
pendant plusieurs mois, que nos amis et proches avait déjà vécu et que des
centaines de milliers de juifs inconnus avait vécu aussi. Notre tour était arrivé….
Le train démarra avec des grincements stridents qui n’en finissaient plus, au milieu
des pleurs et des coups de feu. Nous étions en train de quitter Varsovie ! Notre
voyage infernal avait commencé” [43]
35
Yitzhak Katzenelson
Il est né en 1886 à Minsk
Auteur d’ouvrages et de poèmes en yiddish, il a
aussi écrit des pièces qui ont été jouées sur les
planches des théâtres de Pologne, des Etats-Unis
et en Israël.
Pendant la guerre il se rend à Varsovie où il
apporte son soutien aux résistants. En septembre
1944, il est déporté à Auschwitz.
l’ écrivain Yitzhak Katzenelson
Janusz Korczak
Henrik Goldschmidt est né en 1878 dans une famille assimilée
Il était médecin. Il se porta volontaire pour travailler dans les camps de
vacances pour les enfants. En 1911 il sera nommé directeur de l’orphelinat de
Varsovie, il se consacre alors à l’éducation des enfants et développa un système
pédagogique dont le point principal est le respect que méritent les enfants.
L’enfant est une personnalité à part entière méritant toute notre attention.
Sa méthode est devenue célèbre dans le monde entier, il a rédigé des ouvrages,
fondé un journal pour les enfants, et écrit par des enfants et il diffuse à la
radio des programmes pour enfants. Il visite la Palestine. En 1940, l’orphelinat
sous sa direction est transféré au ghetto où il continuera à fonctionner avec
les mêmes méthodes. En août 1942 on donna l’ordre de déporter les enfants.
Korczak leur cache la vérité et les accompagna vers leur mort.
Le rabbin Nisbaum Yitzhak
Né en 1868, il était proche du mouvement Hovévé Tsion et devint le secrétaire
du parti Hamizrahi à Bialystok
En 1910, il alla à Varsovie, et dans ses sermons, il attaquait les courants
hassidiques et anti-sionistes.
Il mourra au ghetto dans des conditions inconnues. Dans le ghetto il parlait
de la ”sainteté de la vie” ce qui signifiait à ses yeux qu’il fallait rester en vie
par tous les moyens et ne pas suivre les traditions juives qui prônaient qu’on
pouvait se sacrifier au nom de Dieu.
36
Frumke Plotnicka
Elle est née en1914 à côté de Minsk .
Avant la guerre, elle faisait partie du mouvement Dror. Pendant la guerre elle
fut passeuse et elle fut envoyée à Vilnius et à Bialystok, entre autres.
Les passeuses pénétraient dans les différents ghettos, pour y apporter des
messages, des objets et des armes aux membres des mouvements de jeunesse,
reliant ainsi les ghettos. Elles devaient pour cela avant tout avoir l’air aryen,
parler le polonais à la perfection pour se fondre dans la population locale,
être capable d’improviser dans des situations inattendues et surtout beaucoup
de courage, bien sûr
“Ces filles étaient des véritables héroïnes, elles s’appelaient Chajka [Grosman],
Frumke [Plotnicka] et leur histoire est digne d’être connue. Elles étaient courageuses,
se déplaçant à travers toute la Pologne de ville en ville, de village en village. Elles
étaient polonaises ou ukrainiennes. L’une d’elle portait une croix en permanence,
et ne la cachait que quand elle était dans un ghetto. Elles évoluaient dans des
situations extrêmement dangereuses, se reposant entièrement sur leur apparence
d’aryennes de pure race et leurs foulards sur leur tête. Elles n’hésitaient pas à se
charger des missions les plus ardues, les remplissant sans jamais se plaindre,
sans la moindre hésitation. S’il fallait envoyer quelqu’un à Vilnius,
Bialystok, Lemberg, Kowel, Lublin, Czestochowa, ou Radom pour
transporter des publications illégales, des objets interdits, de l’argent,
elles le faisaient avec le plus grand naturel. S’il y avait des
camarades à sauver de Vilnius, Lublin, ou d’autres villes, elles
faisaient le travail. Rien ne pouvait les dissuader, rien ne pouvait
les arrêter…”.
Frumka Plotnicka, membre du Dror et de l’organisation
juive de combat au Ghetto de Varsovie
37
Mordechaj Anielewicz
Il est né en 1919 à Varsovie dans une famille pauvre où il reçoit une éducation
juive et sioniste. Brillant élève méritant il reçut plusieurs bourses pour
poursuivre ses études. Il devient membre du Shomer Hatsair. Dès le début
de la guerre il partit à l’Est et arriva à Vilnius. Plus tard, à Varsovie, il devint
le chef de l’organisatrion militaire juive et participe au soulèvement de janvier.
Tous ses jeunes camarades seront tués sauf lui.
Il tombe dans le bunker central le 8 mais 1943 (un bunker assez grand pour100
combattants) Stoop trouve le bunker dans lequel les SS envoient des gaz.
Zigelbaum Shmuel Mordehaï Artur
Né en 1895 dans la région de Lublin dans une famille nombreuse pauvre, il
arrête ses études à 11 ans car il faut qu’il aide à la subsistance de la famille.
Plus tard, il est membre du Bund, à partir de 1926. Il devient membre du
conseil municipal de Varsovie pour le Bund. Au début de l’invasion allemande
il était membre du judenrat. Il était anti sioniste refusant donc d’analyser les
problèmes juifs du point de vue sioniste. Il souhaitait se battre pour une
Pologne où tous les citoyens auraient des droits égaux et où règnerait la
justice, ce qui pourrait éliminer l’antisémitisme. Il tenta d’organiser une
opposition d’ouvriers au début de la guerre. Recherché par la police, il s’enfuira
du pays, et s’établira en Belgique, puis après la chute de ce pays, il parvient
à se réfugier à New York, pour plus tard se rendre à Londres. Il y sera délégué
au conseil national du gouvernement polonais en exil. Il sera l’un des premiers
à fournir des rapports sur l’extermination des juifs en Pologne. Le 12 mai
1943, il se suicide en entendant les nouvelles du soulèvement et le décès de
sa femme Mania et de son fils Touvia âgé de 16 ans, geste de désespoir d’un
homme qui voulait crier sa
douleur au monde à un monde
complètement indifférent au
génocide des juifs. Avant de se
suicider, il envoie une lettre au
gouvernement polonais.
Varsovie, Pologne, Samuel Mordeh’ai
Artur Zygelboim
38
Ringelblum
Il est né en 1900 et quitta jeune son village natal. Il est formé aux disciplines
religieuses. Il se rendra à Varsovie pour y enseigner l’histoire. A partir de
1933, il travailler avec l’organisation du ”Joint”. En novembre 1938 il arrive
à Zolenshein aider les déportés juifs d’Allemagne qui étaient d’origine
polonaise. Avec la déclaration de guerre on lui propose de s’enfuir mais il
revient à Varsovie et prend la tête de l’organisation ”ezra atsmit”. Il entreprendra
au ghetto de rédiger son journal pour y consigner l’histoire de son époque.
En mai 1940 il crée les archives qu’il appelle en code, ”oneg shabbat”. Après
avoir rencontré un jeune rabbin qui s’appelait Shimon Huberband, qui était
arrivé à Varsovie comme exilé. Il engage des dizaines de personnes de
professions diverses pour décrire en détails la vie au ghetto et pour se charger
de collecter tous les renseignements et les documents possibles pour les
conserver dans les archives. Ringelblum, était l’âme de ces archives. Pour lui
ce travail était un geste de protestation. Plus tard, lorsque quand il entend
des témoignages sur la destruction de Chelm, il prend une part active à la
résistance armée contre les Allemands. Le groupe Oneg Shabbat devient une
branche civile de l’organisation militaire dirigée par Mordehaj Anielewicz.
Avant le soulèvement, sa famille trouve à se cacher dans une famille du côté
aryen, Ringelblum revient au ghetto, se fait prendre, est transféré à Trebniky
et avec l’aide de l’organisation ”Zegota”, il parvient à fuir et revient à Varsovie
en juillet 1943. En mars 1944, il est découvert sur dénonciation. Il sera arrêté
avec son fils à Fabiak, et au bout de quelques jours ils seront exécutés dans
les ruines Varsovie et on ne sait pas où ils ont enterrés.
39
L’organisation militaire juive.
L’organisation militaire juive a été créée lors d’une réunion du commandement
du Beitar en été 1940. En hiver 1941, Favel Frenkel fonda l’organisation militaire
et en prend la tête. La plus grande partie des membres de cette organisation
avaient reçu une formation militaire. Les autres furent formés par leurs camarades
du Beitar. Entre juillet 1942 et avril 1943, deux compagnies de cent combattants
ont été mises sur pied. Pendant les préparatifs du soulèvement, les résistants
creusent des tunnels souterrains en faisant communiquer les maisons entre
elles et fabriquent des ”bunkers” en renforçant les caves. Le tunnel principal
avait été creusé dans la rue Moranovska entre le numéro 6 et 7, sous le bâtiment
du siège de l’organisation: le 6 se trouvait du côté polonais de la ville qui passait
sous une artère très animée. L’organisation possédait beaucoup d’armes
(Ringelblum le raconte) et de très bonnes relations avec la résistance polonaise.
Peu avant le soulèvement, on décida de diviser le ghetto en sections. A un
moment des combats, on vit même le drapeau juif (bleu et blanc) flotter au
dessus du bâtiment du commandement et un peu plus tard le drapeau polonais
sera hissé également à côté. Pendant les batailles, la majorité des membres de
l’organisation tombèrent.
Mila 18
En juillet 1942, c’est le début d’une grande campagne au ghetto. Les
mouvements de jeunesse reçoivent des informations sur ce qui se produisait
à l’”Est” et essayent de prévenir la population que Treblinka signifie la mort.
Anielevitch revient au ghetto et fonde l’organisation militaire. Yitzhak
Tzukerman est son second. Et malgré cela, beaucoup au ghetto s’opposent
à la création d’un mouvement de résistance.
Le 18 janvier 1943, la petite campagne: les nazis avaient prévu de déporter
8,000 juifs, et appellent au regroupement des juifs mais parmi eux se cachent
des résistants qui ouvrent le feu sur les Allemands. Il y eut de nombreux
morts, mais les Allemands surpris, ne parviennent à emmener ce jour-là que
5,000 juifs, puis se retirent. Cette victoire incite les habitants du ghetto qui
étaient opposés à la lutte armée à changer d’avis et à soutenir les résistants.
L’organisation militaire prend alors la direction des opérations au ghetto,
regroupant en outre maintenant, le groupe Oneg Shabbbat, et tous unirent
leurs efforts pour les préparatifs. Ainsi, à partir de ce moment, jusqu’en juillet,
les juifs au ghetto, avaient deux adresses, l’adresse de leur logement au ghetto
40
et une autre adresse dans le ghetto qui s’était construit sous terre et qui
s’organisait clandestinement bien sûr (dans les bunkers, les cachettes, les
caves secrètes, les tunnels et les passages secrets). Les ordres sont donnés à
la population de ne pas se rendre à l’appel des nazis, pour le prochain
regroupement pour un convoi.
Le 19 avril 1943, c’était la date de l’ ”action” allemande suivante, c’était le
premier soir de la pâque (les nazis aimaient à choisir des dates de fêtes
religieuses juives pour leurs opérations contre la population) les Allemands
pénétrèrent dans le ghetto avec des renforts et prêts à ”nettoyer le ghetto” de
juifs. Ils avaient décidé qu’il était temps de conclure l’évacuation du ghetto
et accomplir le programme d’Himmler. Ils pourraient ainsi offrir à Hitler en
cadeau d’anniversaire la nouvelle du génocide des juifs du ghetto, le 20 avril.
A ce moment là tout le ghetto était dans la résistance. Des combats très durs
se déroulèrent dans toute l’enceinte du ghetto et les Allemands subissant de
lourdes pertes, se retirent. Le commandant SS Jurgen Stroop donne l’ordre
de détruire de façon systématique le ghetto et d’en éliminer tous les juifs qui
s’y cachent en introduisant dans les bunkers des gaz asphyxiants, et en
incendiant tout.
Le 8 mai, c’est la chute du bunker au 18 de la rue Mila, et un groupe de
résistants réussit à s’enfuir par les égouts. Tous leurs camarades étaient tombés
dans la bataille.
Le 16 mai, c’est la destruction de la synagogue Tlomackie qui est le symbole
de la destruction finale du ghetto de Varsovie.
L’importance du soulèvement du ghetto de Varsovie.
C’était la première fois que la population se soulevait dans l’Europe occupée
par les nazis. Cette insurrection était menée quasiment sans organisation
stratégique militaire, sans effectifs militaires et qui se savait vouée à l’échec
face à la puissante machine d’extermination nazie: (pendant quelques semaines
quelques centaines de combattants armés tiraient sporadiquement et envoyaient
des grenades). Comme l’avait dit Matskevitch cent ans auparavant, il fallait
recruter les forces en fonction des objectifs et non définir les objectifs en
fonction des forces disponibles.
C’était des jeunes dirigeants, des garçons, des filles, sionistes qui voulaient
se battre pour leur cause. Et ce sera ce groupe de jeunes gens, qui prendra
avec courage et détermination la responsabilité des 70,000 juifs qui avaient
41
survécu à la première ”action”. Ils avaient été les premiers à comprendre
qu’aucun juif ne sortirait vivant du ghetto car ils avaient entendu les rumeurs
qui venaient de l’Est sur l’extermination des juifs. A ce point, quand les
résistants polonais eux-mêmes ne sont pas encore organisés pour un
soulèvement général ou du côté polonais de Varsovie, ces combattants juifs
comprennent que l’histoire leur demande de jouer un rôle pour lequel ils
n’avaient nullement été préparés. C’est ce que nous ne saurions oublier quand
nous faisons une analyse de caractère d’Anielewitcz et de ses jeunes camarades,
chefs de l’insurrection.
La date du soulèvement du ghetto de Varsovie.
En juillet 1942, les Allemands lancent la ’grande action’. Les juifs qui étaient
encore au ghetto étaient en très mauvais état physique. La grande ”action” avait
laissé cette population brisée, impuissante et surtout choquée. Dans ce chaos,
ceux qui restent commencent à réaliser que les mois suivants, ils ne pourront
échapper à leur tour et c’est le moment où les juifs réalisent qu’il s’agit du
génocide des juifs de Pologne. En janvier 1943, les Allemands reprennent leur
opération visant à déporter les juifs. Mais avec une opération spontanée non
organisée, non planifiée, la résistance crée une petite insurrection. On entend
quelques coups de feu, et les Allemands, surpris, interrompent les déportations.
Et à partir de là la résistance reçoit le plus important soutien qu’elle pouvait
espérer. Car la population du ghetto a compris qu’elle n’a plus le choix, qu’elle
va aller à la mort inévitablement, la seule question est de savoir comment, ce
qui comme nous l’avons dit, la rallie au mouvement de résistance. Les rumeurs
du succès obtenu par les résistants du ghetto parviennent aux autres ghettos,
ceux de Bialystok, Vilnius, Bendin et Sosnovitch et prend des allures de symbole.
La population au ghetto était consciente de vivre un moment historique et les
60,000 personnes, de toutes les tendances se joignent aux opérations de
préparation, sachant qu’ils n’ont plus rien à perdre.
42
Qui participe au soulèvement
Les insurgés
L’organisation militaire, qui a été fondée le 28 juillet 1942 regroupe divers
groupes comme le Haloutz, Dror, le Shomer hatsair, Gordonia, Poalé Tsion, et les
Sionistes généraux. Le “Bund” aussi se joignit eux, bien que tardivement et en
tenant à préciser que la collaboration était limitée à Varsovie. Mais le
mouvement Beitar qui avait fondé une autre organisation combattante refusa
cette coalition à cause de la présence des bondistes qui s’étaient alliés avec
les résistants polonais dont beaucoup étaient antisémites. Il y avait en outre
des jeunes qui n’appartenaient à aucun mouvement et qui participaient
individuellement. Une trentaine de jeunes étudiants religieux de yéchiva se
mêlèrent également aux préparatifs. Ils étaient armés et se cachèrent dans le
bunker de la rue Mila au 17. Ils participèrent aux combats. A la tête de
l’organisation militaire, se trouvait Mordehaj Anielewicz, chef du shomer
hatsair. Son second était Yitzhak Antke Tzukerman.
La dernière lettre de Mordechai Anielewicz, le commandant de la révolte
du ghetto de Varsovie, le 23 avril 1943
”Il est impossible de raconter ce que nous avons vécu. Une chose est claire, ce
qui s’est passé dépasse les rêves les plus fous. Les Allemands ont été par deux
fois forcés de se retirer du ghetto. Une de nos compagnies a tenu 40 minutes et
une autre pendant plus de six heures. Une mine que nous avons posée a explosé.
Plusieurs de nos compagnies ont attaqué les Allemands qui se dispersaient. Nos
pertes en hommes sont minimes. C’est encore un succès pour nos hommes. Y
[Yechiel] est tombé. Il est tombé en héro à la mitrailleuse. Je sens que de grandes
choses sont en train de se produire et ce que nous avons osé faire est grand, et
d’une énorme importance….
A partir d’aujourd’hui, nous allons adopter des tactiques de partisans. Trois
compagnies vont partir cette nuit avec deux missions, l’une de rapporter des
armes, et l’autre de faire des reconnaissances. Souvenez-vous, les armes de
courte portée ne nous sont pas utiles. Nous utilisons ces armes rarement. Ce dont
nous avons urgemment besoin ce sont des grenades, des fusils, des mitrailleuses
et des explosifs.
Il est impossible de décrire les conditions dans lesquelles les juifs vivent au ghetto.
Seuls quelques juifs pourront tenir. Les autres vont mourir tôt ou tard. Leur sort
a été tranché. Dans presque toutes les cachettes, dans lesquelles des milliers de
43
personnes sont cachées, il est impossible d’allumer une lampe car il n’y a pas
d’air. A l’aide de notre transmetteur, nous avons pu entendre le rapport sur nos
combats à la station radio “Shavit”, nous étions ravis. Le fait qu’on parle de nous
en dehors du ghetto est encourageant pour notre combat. La paix soit avec vous,
mon ami ! Peut-être nous rencontrerons-nous encore! Le rêve de ma vie est
devenu réalité. L’auto-défense dans le ghetto aura été une réalité. Une résistance
juive armée et une vengeance sont un fait maintenant. J’ai été témoin de ce
spectacle magnifique et héroïque de jeunes hommes juifs qui se battent”.
Le monument Rappaport
Il a été érigé en 1948, cinq ans après le soulèvement. Sur l’endroit même où
se trouvait l’agence du nord du judenrat, la police juive, et où se trouvait
également la prison... Le marbre qui a servi à sa construction avait été apporté
pour construire un monument de la victoire par les nazis ce monument se
trouve aujourd’hui à Yad Vachem fait de bronze sur pierres rouges en fond
qui rappellent le mur du ghetto de Varsovie
(Sur le monument on voit une femme levant le bras et qui brûle, la poitrine
découverte (A Yad Vashem, la poitrine est couverte). Cette sculpture est
disposée à Yad Vachem avec ses deux parties juxtaposées .
Le monument Bereschit
Le monument est installé à l’endroit où se trouvait l’une des entrées du ghetto
par où les forces allemandes ont pénétré avec leurs tanks pour mater
l’insurrection. Le monument a été érigé le 19 juin 1946, trois ans après
l’insurrection. Il porte l’inscription: “à la mémoire des héros qui sont tombés
dans leur guerre gigantesque pour le respect et la liberté du peuple juif, pour
la libération de la Pologne et la rédemption du peuple juif polonais”.
Les symboles sur le monument et leur signification:
Il y a à côté du monument un couvercle d’égout qui symbolise la voie
empruntée par les résistants qui passaient par les égouts.
Sur le couvercle, se trouve une branche, des couronnes de lauriers qui
symbolisent la victoire. La lettre B, la première lettre du monument Bereschit
(au commencement) qui symbolise l’espoir d’un renouveau.
44
L’organisation Zegota
C’est une organisation composée par les intellectuels polonais démocrates,
qui regroupe tous les partis qui collaborent contre l’occupation nazie, mais
elle n’avait pas pour objectif initial d’aider à sauver des juifs. A la tête de cette
organisation se trouvait Sofia Kwak une catholique pratiquante, auteur connue
et membre du front catholique polonais, à la réputation établie d’antisémite
avant la guerre. Mais pendant la guerre elle prend parti contre les occupants
et décide de se consacrer à sauver des juifs. La Gestapo la recherche en
permanence. Elle se fait appeler Véronica dans la résistance. Elle déclarait
qu’elle le faisait pour des raisons humanitaires et c’était sa façon de combattre
les nazis. En été 1942, quand les ’actions ’ de l’armée allemande commencent
au ghetto, elle publia une harangue aux Polonais, tirée à 5,000 exemplaires
où leur demandait d’aider les juifs, et de laisser leurs disputes contre les juifs
pour plus tard, quand la guerre serait finie. La résistance s’appelait “Conrad
Zegota” et ce nom servait de nom de code pour les opérations d’aide aux
juifs. Avant tout, ses membres ont réalisé un état des lieux sur place, pour
déterminer les problèmes les plus urgents de façon à planifier leurs opérations
au mieux. Ensuite, des sections ont été mises sur pied, chacune se consacrant
à un domaine particulier: il y avait celle qui se chargeait de faire passer des
vêtements et de charbon au ghetto, la section qui se chargeait des faux papiers,
celle qui devait trouver des cachettes en dehors des limites du ghetto, et
d’autres qui étaient responsables d’autres opérations comme chercher et
rapporter de l’argent, de l’aide médicale, trouver des voies de fuite, acheter
des armes et les faire passer au ghetto, et surtout prendre en charge des enfants
et les cacher de l’autre côté. Cette organisation travaillait au début seulement
à Varsovie, puis ensuite aussi Cracovie, Lwow, Lublin et Zamosk.
Cette organisation polonaise, reçut la distinction de Yad Vachem, en tant
que groupe de résistance et ses membres reçurent la distinction des Justes
parmi les nations individuellement. L’une des plus connues était Irena Sandler,
qui était le chef de la section chargée de sauver les enfants au sein de
l’organisation. Elle allait au ghetto pour persuader les juifs que leurs enfants
n’avaient aucune chance de survivre au ghetto et qu’il fallait les laisser partir
de l’autre côté, où elle leur trouvait où se cacher dans des familles polonaises
ou dans des couvents. Quand elle avait réussi à les persuader, et quand un
enfant lui était remis, elle notait scrupuleusement tous les renseignements
45
concernant l’enfant sur un petit papier qu’elle mettait dans un pot qu’elle
enterrait ensuite dans un jardin, pour que les enfants puissent connaître après
la guerre leur véritable identité.
Juste parmi les Nations – Haim Hefer
J’entends l’expression “Juste parmi les Nations” et j’essaye,
J’essaye de penser aux personnes qui m’ont donné un endroit où me cacher
et un abri
J’essaye d’imaginer et j’écoute et je me demande: si j’avais été à leur place,
qu’est-ce que j’aurais fait ?
Est-ce que j’aurais, au milieu de l’océan de haine, dans un monde qui partait
en flammes
Est-ce que j’aurais pu donner un abri à un fils d’un autre peuple que le mien?
Est-ce que j’aurais pu m’endormir, est-ce que les membres de ma famille
auraient pu dormir la nuit en pensant aux bourreaux.
Etre prêt à marcher au milieu des salves de tirs et au milieu de couteaux
aiguisés,
Au milieu des murmures et rumeurs et des informateurs qui attendaient,
Et tout ceci non pas pour une seule nuit ou même un seul mois mais pendant
des années
Et tout ceci sans demander aucune compensation des victimes, juste une
poignée de main
Et tout ceci parce que c’est ainsi qu’un être humain doit se comporter ainsi
envers un autre être humain.
Et je me demande, toujours, ici et maintenant,
Est-ce que j’aurais pu le faire, moi?
Au milieu de cette terrible guerre – ce sont eux qui ont vécu la bataille de la
survie au jour le jour.
Ils sont les justes de Sodom, grâce auxquels le monde n’a pas été détruit.
Eux, dans l’histoire de mon peuple – les morts, égorgés, exécutés et les morts
étaient les piliers de la justice et de la miséricorde sur lesquels reposent le
monde.–
Et devant eux, pour leur courage qui est encore une énigme pour nous,
Nous le peuple juif baissons la tête dans un geste de gratitude éternelle.
46
La vieille ville de Varsovie
Aux XIVe et XVe siecles, Varsovie joua le rôle de capitale du Duché de Mazovie,
qui en 1526 fut incorporé au royaume de Pologne. Grâce à son emplacement
favorable, Varsovie connut un épanouissement rapide et au cours du XVIe
siecle devint la plus grande ville de Pologne. L’essor de la ville fut interrompu
par l’invasion suédoise vers la moitié du XVIIe siècle.
Mais c’est ensuite une ville surpeuplée et pauvre. En 1906, commence la
conservation historique de la ville et la plus gros travaux de rénovation se
dérouleront entre les deux guerres. En 1944, pendant l’insurrection polonaise,
la Vieille ville connut les combats les plus violents. La destruction était massive,
à cause des combats bien sûr mais aussi à cause des bombardements par les
Allemands, après la répression de l’insurrection où 90 pour cent de la ville
fut détruite. La reconstruction débuta après la guerre et s’acheva en 1953. Les
murailles et l’entrée de la ville, furent complètement remises à neuf. En 1981,
la commission de l’UNESCO pour la conservation du patrimoine inscrit
Varsovie dans la liste de sites protégés historiques protégés.
La place du marché
C’était le centre économique, social et politique de la vieille ville de Varsovie.
Les habitants étaient des riches et des personnalités influentes. Sur la place
et par les ruelles, il y a de nombreuses constructions que décore l’insigne des
professions auxquelles appartenaient les propriétaires.
47
Tikochin
La petite ville de Tikochin, Tikotin comme l’appelaient les juifs, se trouve
dans le district de Bialystock au nord-est de la Pologne, à 6 km de Varsovie,
à la frontière naturelle avec la Lituanie. La population juive s’y était installée
avec dix familles, le XVI0 siècle. Elles reçurent l’autorisation de construire des
maisons, des magasins, une synagogue, un cimetière et former une
communauté juive autonome. Au XVII0 la ville se développe et prend de
l’importance dans la région. Au XIX0 siècle, 70 pour cent de la population
sont des juifs. A cette période la communauté possède ses propres institutions
publiques et des oevres de bienfaisance. Dans les années vingt du XX0, il y
avait dans la ville un mouvement sioniste et nombreux sont les jeunes qui
allèrent s’installer en Palestine. En 1807, une ligne ferroviaire est construite
vers Bialystok (les dirigeants locaux s’étaient opposés à ce que les voies ferrée
traversent la ville). Une route reliant Varsovie à Vilnius sera construite, Vilnius
est proche de Tikochin. Le fleuve perdit alors de son importance au profit de
la voie ferrée. Bialystok qui était à la croisée des routes se développe alors et
Tikochin déclina.
La synagogue: elle a été construite en 1642. Elle était de style baroque.
L’entrée est en contrebas pour que en descendant les marches on se souvienne
du verset “je T’ai appelé des profondeurs”. Mais il fallait aussi qu’elle soit
plus basse que le niveau de l’église. Au centre de la synagogue, il y a la bima
entourée de quatre piliers dans le style des synagogues de Pologne à cette
époque. Les murs sont décorés de prières, de chants liturgiques et de
bénédictions. Une des raisons était que de cette façon une personne qui n’avait
pas de livre de prière pouvait suivre le service. Entre les XVI et XVII0 siècles,
l’autonomie juive fut à son apogée et la synagogue remplissait divers rôles
pour la communauté: on y organise des réunions, des élections pour le comité
de la communauté, des collectes de fonds, mariages… Le tribunal rabbinique
y siégeait aussi. La synagogue sera aussi l’endroit où se retrouvent les membres
du Bund et les sionistes. Les samedis et les jours de fête, la synagogue se
remplissait de 1,000 personnes qui venaient prier et les autres jours de la
semaine, ils se réunissaient dans la salle d’études pour les prières. À Tikochin,
il y avait une usine importante qui fabriquait les châles de prière. Ces produits
étaient réputés dans tout le monde juif grâce à ces broderies exceptionnelles.
Pendant la Shoah, les nazis transformèrent la fabrique en écuries ce qui assura
que la synagogue ne soit pas détruite.
48
La place du marché
Deux fois par semaine, se tenait le marché. La place était vibrante d’activité,
les vendeurs s’interpellaient quand ils ne vantaient pas leur marchandise, le
marieur se promenait parmi la foule pour faire ses affaires de marieur…Voici
une description du marieur par Haïm Shapira, habitant de la ville:
“Le rav Hona est très consciencieux dans son travail. Il avait des centaines de
noms de clients. Il connaissait des gens des villages voisins, tout le long de la
route qui menait à Bialystok. Souvent, il lui arrivait de se rendre jusqu’à Varsovie
pour régler un bon mariage; il avait pour principe de ne jamais mettre en rapport
deux familles de la même rue, ou du même village, parce qu’elles se connaissaient
trop bien. Pour les gens de son village il préférait choisir des familles d’autres
villes, il avait l’habitude de dire:” pourquoi les juifs ont-ils fabriqué le veau d’or?
Ils croyaient que Moïse était mort et qu’il leur fallait un chef nouveau, alors pourquoi
n’ont –ils pas choisi Aaron? Pourquoi justement un veau? Et à cela ils répondaient:
mieux vaut un veau étranger, qu’une personne que l’on connaît.”
Les forêts voisines fournissaient de grandes quantités de bois et étaient une
source de revenus et de commerce, particulièrement pour les juifs qui étaient
surtout commerçants de bois. Le village comptait 10 moulins de grande taille.
Cinq entrepôts à blé et à grains et un certain nombre de boutiques d’artisans
qui se trouvaient pour la plupart au centre du village. Hormis les jours de
marché régulier il y avait 6 jours de grand marché par an en plus. Tous les
paysans de la région y venaient pour s’approvisionner. Pendant les deux
guerres, les juifs vivaient de commerce et d’artisanat. Ils possédaient des
usines textiles fins, une brasserie de bière et une tannerie.
Notre ville brûle – Mordechai Gebirtig
Notre ville brûle, mes frères, elle brûle,
Notre pauvre petit village brûle.
Des vents furieux soufflent plus haut
Les langues de feu,
Les vents diaboliques soufflent !
Toute la ville est en feu!
Et, nous restons là les bras croisés à regarder,
En hochant la tête.
Vous restez là à regarder les bras croisés
Et le feu embrase tout
49
Notre ville brûle, mes frères, elle brûle,
Notre pauvre petit village brûle
Des langues de feu lèchent tout,
Le feu s’étend par la ville
Par les toits, et les fenêtres.
Tout autour de nous, tout brûle.
Et vous restez là à regarder, les bras croisés,
Et vous hochez la tête.
Vous restez là à regarder les bras croisés
Et le feu embrase tout !
Notre ville brûle, mes frères, elle brûle
A tout moment le feu va
Réduire en cendre notre ville,
Des cendres grises et noires,
La vie après la bataille là où s’élèvent les murs morts,
Cassés et en ruine, dans une terre désolée.
Et vous restez là à regarder, les bras croisés,
En hochant la tête.
Vous restez là à regarder les bras croisés
Alors que le feu embrase tout !
Notre ville brûle, mes frères, elle brûle,
Tout dépend de vous maintenant.
Notre seul aide est ce que vous faites.
Vous pouvez encore éteindre ce feu
Avec votre sang, si vous le voulez.
Ne regardez pas les bras croisés,
En hochant la tête.
Ne regardez pas les bras croisés
Pendant que le feu embrase tout !
Écrite en 1938 après le pogrom de Pshitic, la chanson comportait un avertissement de l’holocauste
imminent et fut reprise à Cracovie et dans d’autres ghettos. L’auteur, un menuisier né à
Cracovie, Mordechai Gebirtig, était un poète et compositeur connu pour ses nombreuses
chansons en Yiddish. Elles sont devenues très populaires dans les communautés juives d’Europe
de l’Est et sont entrées dans le répertoire des chansons folkloriques. Mordechai Gebirtig a été
tué par les Allemands en 1942.
50
En septembre 1939, quand la guerre éclate, Tikochin était un territoire qui
selon l’accord Ribbentrop - Molotov revenait à l’Union soviétique. Les
Allemands l’ont occupée puis, au bout de quelques jours, ils se retirent. Les
Polonais ont reconquis la ville et persécuté les juifs en les dépouillant de leurs
biens. Un juif sera tué puis lorsque les soviétiques arrivent les juifs les reçoivent
comme les libérateurs. Ils participent aux affaires municipales, occupant des
postes clé, ce qui augmenta encore l’animosité de la population locale. Puis
c’est l’invasion allemande avec la campagne Barbarossa, et l’armée rouge se
retire à son tour du village. En août 1941, les Allemands pénètrent dans le
village. Mais lorsque les Allemands arrivent, les juifs sont persuadés que les
Allemands fidèles à leur tradition d’occupation éclairée, apporteront des
valeurs culturelles européennes et civilisatrices, comme pendant la première
guerre mondiale. Mais, les premiers Allemands qui arrivèrent et réquisitionnent
des hauts dignitaires juifs pour nettoyer les bureaux de la mairie. Les juifs
sont ensuite relâchés et rentrent chez eux, geste rassurant pour la population
et qui augmente la confiance en l’occupant. Mais le 24 août 1941, à 18 heures,
on entendit à travers la ville le message suivant “ tous les juifs, hommes,
femmes et enfants, à l’exception des malades et des infirmes devront se
présenter le 25 août à 6 heures du matin sur la place du marché”.
Immédiatement le conseil local juif se réunit chez le rabbin. La question était
de savoir comment répondre. Certains penchaient pour la fuite, mais pour
la plupart, ils ne croyaient pas cette solution possible car on ne pouvait pas
compter sur l’aide des Polonais et cela pouvait aussi entraîner la colère des
Allemands qui réagiraient avec des punitions, certainement, pour ceux qui
resteraient sur place. On décida finalement à l’unanimité de se rendre à l’appel.
A 21 heures, au moment ou était instauré le couvre feu, on vit des patrouilles
circuler autour des murs pour que les juifs ne puissent pas communiquer
entre eux ni fuir. Dès l’aube, les juifs se rendent, vêtus de vêtements chauds
sur la place. A côté de tables qui avaient été placées sur la place se trouvaient
des gendarmes allemands qui inscrivaient le nom de ceux qui se présentaient.
Les gens ne cessaient d’arriver, mis quand la place fut pleine de monde, les
Allemands arrêtèrent de faire des listes et encerclèrent complètement la place.
A 7 heures du matin, exactement des camions arrivèrent avec des gens de la
gestapo. Avec violence, les juifs sont divisés en deux groupes, l’un composé
de femmes, d’enfants et de personnes âgées, l’autre des hommes.
51
La forêt de Lopohova
Les hommes furent mis en rangs par quatre, avec les plus grands en tête. Ils
reçurent l’ordre de marcher aux sons de la Tikva jouée par des musiciens juifs,
les klezmer. Puis ensuite ce fut le tour d’une chanson contre les juifs et de
louange à Hitler qui leur avait appris l’allemand. Tous ceux qui restaient sur
la place durent monter dans les camions qui se dirigèrent vers la même
direction. Dans les bois, trois fossés furent creusés. Au fur et à mesure que les
gens arrivaient, ils étaient poussés dans les trous et des mitrailleuses les
exécutaient. Toutes les dix minutes arrivait un camion avec son chargement.
Tous les habitants du village périrent sans exception.
Les Polonais qui avaient été réquisitionnés pour recouvrir les fosses
racontèrent que des heures après le carnage la terre au dessus des fosses
bougeait encore. Le lendemain, les Polonais célébrèrent et les gendarmes
passèrent de maison en maison pour y chercher ceux qui avaient pu échapper
au massacre, les malades et handicapés. Plus de 700 personnes furent emmenées
dans des camions et emmenés dans la forêt où ils furent jetés dans le second
trou. A 2 heures de l’après midi, le 26 août le massacre était total, effaçant à
jamais cette communauté juive de la terre.
52
Lublin
La yéchiva des sages de Lublin.
A lag ba’omer 1924, c’est en présence de rabbins et de personnalités connues
que sera posée la première pierre de la Yéchiva des sages de Lublin. Six ans
plus tard, en 1930, ce bâtiment luxueux est inauguré.
Le rabbin Meir Shapira (1887-1939) avait conçu ce projet et avait réussi à
le mener à bien, est nommé directeur de la yéchiva. Il était le rabbin de Lublin.
Il avait une personnalité riche: a. il était un érudit en études thoraniques, un
sage exceptionnel. b. il était un visionnaire. c. il était un homme d’action, un
homme à l’esprit pratique. Il avait souhaité créer une yéchiva de qualité pour
que la tradition du judaïsme de Lublin puisse se perpétuer avec le rabbin
Shalom Shahna, (le “Marshal”) à sa tête.
Cette yéchiva avait été créée pour y accueillir les étudiants les plus doués,
pour y être parfaire leur éducation pour devenir les futurs chefs de la
communauté. Seuls pouvaient s’y inscrire les étudiants qui pouvaient démontrer
qu’ils connaissaient par coeur et à fond 400 pages de Guemara. Une autre
nouveauté, c’était aussi la possibilité qui leur était offerte de se consacrer
entièrement aux études sans se soucier des aspects matériels de leur vie. Les
élèves des yéchiva en Pologne, étaient en fait pris en charge économiquement
par les juifs riches, et consacraient tout leur temps à l’étude. Le rabbin Shapira
avis décidé de changer les choses, avec une yéchiva qui ressemblait à un internat,
avec des chambres meublées, un réfectoire, des salles d’étude vastes et équipées,
et tout cela pour que les étudiants puissent se consacrer sans aucun autre souci
que les études à leur devoir. Il était allé lui-même dans divers pays d’Europe
et aux Etats-Unis pour collecter les fonds nécessaires qui viendraient s’ajouter
aux fonds collectés en Pologne même. A l’inauguration de cette yéchiva, il se
rendit sur la tombe du “Maarshal” pour lui dire qu’il avait enfin honoré sa
mémoire. Il mourut après une maladie en 1933, il avait 46 ans. Le 18 septembre
1939, Lublin fut occupée à son tour. Cette yéchiva qui était réputée dans tout
le monde juif était une cible de choix pour les Allemands. Ils pénétrèrent dans
la yéchiva et décrirent ce moment dans le journal pour les jeunesses hitlériennes
en février 1940 dans des termes plus qu’enthousiastes. Ils racontèrent comment
ils avaient mis le feu à la bibliothèque qu’elle renfermait.
”Quelle fierté pour nous de détruite ce centre d’étude des juifs si réputé
dans le monde. Nous avons sorti tous les livres saints des juifs et les avons
53
brûlés. Le feu a brûlé pendant 20 heures entières ! Les juifs de Lublin étaient
dehors et pleuraient, ils nous ont presque assourdis de leurs cris. Nous avons
appelé un orchestre militaire et ils ont joué une musique militaire joyeuse qui
a enfin couvert les pleurs des juifs”. Pendant de nombreuses années ce bâtiment
sera utilisé par l’université de Lublin. Il vient d’être rendu récemment à la
communauté juive.
Le monument aux héros du ghetto.
Historique
Les juifs vivaient à Lublin déjà au XIV0 siècle. A la veille de la Seconde guerre
mondiale, la population juive s’élevait à 40,000 personnes. La ville est conquise
en septembre 1939 par les Allemands, qui dès qu’ils y pénètrent commencèrent
à envoyer des juifs aux travaux forcés, à martyriser physiquement les juifs et
à confisquer leurs biens. Ils avaient prévu de créer là une enclave pour y
regrouper les juifs de toute la zone sous leur contrôle, et des zones polonaises
qui ont été annexées à l’Allemagne. Les nazis accordaient à cette région de
Lublin une importance stratégique à cause de la proximité avec la frontière
de la Russie et des voies ferrées et des routes proches (la voie principale de
Varsovie à Lwow, Kiev et Odessa.), elle était en outre éloignée d’Europe
Occidentale et était une région agricole (montrer l’emplacement de Lublin
sur la carte). Cette région servait de passage pour l’armée allemande vers
l’Est. Lublin était le quartier général de Odélio Golbotsnik, commandant de
la région de Lublin et commandant “de la campagne de Reinhardt” dans le
cadre de laquelle, les camps de Belzetz, Sobibor et Treblinka ont été construits.
A la fin de mars 41, le ghetto de Lublin est créé.
Il y avait dans ce ghetto 34,000 juifs et ils seront parmi les premières victimes
qui ont été envoyées vers les chambres à gaz, au camp d’extermination de
Belzetz. La déportation débuta le 17 mars 1942 et en un mois la plus grande
partie de la communauté juive fut anéantie, excepté 4,000 personnes qui
avaient été envoyées au camp de travail dans les environs de la ville. Mais
jusqu’à la fin octobre 1942, ceux-là aussi furent exterminés.
Le monument
Au centre de la place, a été dressé un monument en forme de pierre tombale
sur laquelle sont inscrits les mots suivants: “en l’honneur des citoyens polonais
du peuple juif du district de Lublin, qui ont été exterminés sauvagement par
54
les fascistes hitlériens pendant la seconde guerre mondiale. Les citoyens du
district de Lublin”. De l’autre côté du monument, est écrit en yiddish un vers
du poète juif Yitzhak Katzenelson. Dans chaque poignée de poussière, je
recherche mes proches”.
Le monument du ghetto a été érigé en 1963 à Lublin avec l’aide des juifs
de Pologne. Non loin de là se trouve un bâtiment qui avait recueilli à la fin
de la guerre en 1944 des rescapés qui s’y rendaient avec l’espoir de retrouver
des membres de leurs familles. On leur donnait sur place des soins d’urgence.
Le siège du comité de sauvetage
La libération. Jour de rédemption, certes, mais aussi le jour de l’amère
constatation de la taille de la catastrophe qui s’était produite et le début de
l’effort de recoller les morceaux de vies brisées pour recommencer à vivre. Le
jour de la victoire arriva au peuple juif avec un grand retard. Des communautés
entières venaient d’être exterminées de la face de la terre. Il n’y a pas de mots
pour décrire l’horreur et la souffrance.
Les réfugiés - il restait en Europe un million deux cents mille juifs rescapés
brisés et réfugiés, à qui il faudra faire des efforts surhumains pour recommencer
à vivre. En Pologne, il resta 250,000 juifs. Ils vécurent un autre cauchemar en
revenant dans leur village ou ville natal, en découvrant la destruction terrible
et la disparition de leurs proches. Ce pays qui avait été leur patrie pendant
des siècles était devenue un cimetière. Le retour au sein de la population
locale fut encore un choc terrible, car leurs biens avaient été usurpés par des
voisins qui n’avaient jamais songé à les voir revenir. Le retour était une
menace, et certains n’hésitèrent pas à assassiner ces revenants. 500 juifs
perdirent la vie entre novembre 44 et octobre 45, dans ces conditions, après
avoir survécu les horreurs de la Shoah. Mais les réfugiés avaient une soif de
vivre incomparable et peu à peu ils recommencèrent à se grouper. Mais il
fallait les aider à reprendre leur vie en main, il fallait leur apporter une aide
médicale, il fallait aller chercher les enfants qui avaient été cachés par des
catholiques, dans des familles ou des couvents, il fallait s’occuper des orphelins,
il fallait créer des écoles, et les aider à retrouver des proches éventuellement.
Ceci sera le noyau qui servira à reconstruire les communautés. Lublin fut
libérée en premier par les forces soviétiques et peu à peu quelques rescapés
entendant qu’ils peuvent y trouver un abri temporaire, s’y rendent. En janvier
1945, les derniers combattants du ghetto de Varsovie qui avaient réussi à
55
rester en vie arrivèrent aussi. Il y avait parmi eux Antke Tzukerman, Tsvia
Lubetkin entre autres. Les derniers survivants de tous les mouvements de
jeunesse sionistes se regroupaient. Pendant la guerre, ces jeunes avaient pris
des initiatives et qui avaient assuré le leadership de la communauté.
La fuite
Après le pogrom de Kielce en 1946, où avaient trouvé la mort 70 juifs rescapés
des camps, les centaines de milliers de réfugiés comprirent que les juifs ne
pouvaient plus nourrir l’espoir de se réinstaller en Pologne, et qu’ils devaient
aller en Palestine ou dans d’autres pays d’Europe ou aux Etats-Unis mais les
portes de ces pays leur étaient souvent fermées. Les réfugiés commencèrent
alors à se diriger de façon spontanée avant que les mouvements de jeunesse
ne prennent la direction de ces activités. Yitzhak Tzukerman et Abba Kovner,
n’étaient pas d’accord sur ce point le second voulait diriger ces réfugiés vers
la Palestine, alors que le premier pensait que les chefs des mouvements
devaient rester sur place pour organiser le départ et les routes que devaient
emprunter les juifs pour partir car selon lui il était impossible de laisser la
communauté juive polonaise sans dirigeants capables Kovner et ses partisans
partirent vers la Roumanie, puis de là en Italie puis vers la Palestine alors que
Tzukerman resta en Pologne.
56
Cracovie
Le quartier juif
La synagogue Altschul – La vielle Synagogue
La synagogue a été construite par des juifs venus de Prague, fuyant le terrible
pogrom de 1389. Le mur oriental fait partie des remparts de la ville, qui la
cachaient totalement. Elle était de style gothique comme toutes les synagogues
construites à la même époque. Au XVI0 siècle, des annexes furent ajoutées
avec des couloirs et une salle de prière pour les femmes du côté oriental. Puis
en 1570, suite à un incendie, la synagogue fut reconstruite, les murs cette fois
étaient plus élevés, et le tabernacle et l’entrée ont été refaits dans le style
renaissance. Deux salles de prières furent construites pour les femmes au sud
et au nord à la fin du XVI0. Puis au XVII0 une entrée séparée pour les femmes
avec vue sur la salle de prières des hommes par des fers forgés, avec une
pièce au dessus du couloir où se réunissait le conseil de la communauté juive
contre le mur occidental. Comme tout était concentre sous le même toit, la
synagogue et le conseil de la communauté, ce bâtiment devint le centre de la
vie juive locale, jusqu’en 1888 où la partie conseil municipal fut détruite.
Avant et après la seconde guerre mondiale, la synagogue sera rénovée, le
niveau sera restitué à la hauteur qui avait été construite au XVI0 siècle et une
clôture décorative sera ajoutée. Elle a été le témoin de faits historiques
nombreux. Les plus grands rabbins de la communauté y avaient dit leur
sermon, les décisions du conseil de la communauté, les décrets royaux, et les
décisions juridiques étaient lus dans la synagogue. En 1794, le chef suprême
des forces révolutionnaires contre les russes s’adressa aux juifs de Cracovie
dans la synagogue, les encourageant à prendre les armes pour se joindre aux
résistants. Il y a aujourd’hui une plaque dans l’entrée:”les juifs ont montré
que s’il y a un combat pour l’humanité, ils n’hésitent pas à risquer leur vie.
Ici dans la synagogue Altschul, pendant le soulèvement de 1794, contre les
russes, Tadeus Koustchochko a fait appel aux juifs pour lutter pour
l’indépendance du pays.”
Pendant la Shoah, les Allemands exigèrent que leur soient remis les objets
en argent et en or de la synagogue, mais heureusement, les juifs avaient eu
le temps de cacher les rouleaux de la Torah, ainsi que les objets de culte en
argent et en or au cimetière Palchov. Bientôt le cimetière se transforma en
57
camp de travail nazi et tous les objets furent découverts et les rouleaux détruits.
Après la déportation des juifs, en mars 1941, les Allemands transformèrent
la synagogue en dépôt et en maison d’arrêt de la Gestapo. En 1943, 30 Polonais
ont été exécutés à cet endroit. En leur souvenir, un monument en forme de
cube a été placé là. Il y a une légende selon laquelle ( on raconte la même
légende à propos d’autres synagogues) qu’à la suite du pogrom à Simhat
Torah une année, il fut décidé de dire des kinot de deuil, chaque année pendant
les festivités de Simhat Torah en mémoire de ceux qui avaient été tués.
La légende
On raconte que le roi Casimir le grand, avait une grande amitié pour les
juifs et qu’il offrit un cadeau à l’ancienne synagogue. Son cadeau était
deux épées d’argent pour en fabriquer une hanoukia. Elles sont alors
accrochées dans la synagogue, malgré l’interdiction religieuse de vénérer
les objets, pour signifier le respect qu’ils portaient au roi. Voici comment
cela se passa. Un jour le roi annonça qu’il voulait venir visiter la synagogue,
et toute la communauté se prépara à son arrivée. En son honneur, on
accrocha un portrait du roi dans la synagogue mais comme c’est interdit
dans une synagogue, le portrait fut accroché à l’envers avec l’intention
de le retourner dès que le roi serait annoncé. Le jour de la visite annoncée,
on oublia de retourner le portrait, le roi voyant son portrait à l’envers fit
immédiatement venir le chef de la communauté qui était un vieil homme,
pour lui demander des explications. Celui-ci lui répondit alors: “ tous,
les jours, Majesté, comme vous n’êtes pas avec nous, nous avons votre
portrait pour nous souvenir de vous, mais aujourd’hui vous êtes présent
parmi nous, nous n’avons donc pas besoin de votre portrait.” Le roi était
rassuré et donna alors en cadeau ses deux épées.
La synagogue Popper
Elle a été bâtie en 1620 par Wolf Popper Boutsian et qui s’est marié jeune,
avec la fille d’un riche commerçant de Cracovie, Landau et alla s’installer à
Cracovie. Ses affaires marchaient bien et il devient très riche. On estime en
1816 qu’il possédait 300,000 zlotys. Le fait que la synagogue appartenait à un
particulier prouvait que dans les XVI et XVII0 siècles, il y avait en Pologne
58
des personnes qui pouvaient se permettre. C’était le signe de statut social.
Pour construire une synagogue il fallait des grosses sommes. La question de
savoir d’où il avait trouvé cette somme fut débattue et critiquée. Ce n’est pas
seulement dans la communauté que cela faisait des gorges chaudes car quand
le professeur Mitsinsky, un antisémite notoire, quand il voulu faire valoir que
les juifs dominaient l’économie de Cracovie consacre dans son livre, une place
primordiale au rabbin Wolf Popper qui était l’un des plus riches juifs au XVII0
dans la “ville des juifs”. Il faisait de l’importation. Dans son testament il parle
de quatre coffres pleins de pièces d’or, un coffre plein d’argent, et des avoirs
pour une très grosse somme qui était un acompte chez un commerçant. Les
portes du tabernacle étaient faites de bois ciselé et se trouvent aujourd’hui à
la synagogue de Eichal shlomo à Jérusalem. Dans une scène sur la gravure
en cuivre on peut lire un verset du Traité des Pères, 5, 23. “Plus fort qu’un
tigre, léger comme un aigle, court comme une gazelle, courageux comme un
lion”. Comme plusieurs des riches qui priaient dans cette synagogue peu à
peu s’appauvrirent, une association se chargea de la synagogue sans plus
investir. Son état se dégrada progressivement, ses biens furent vendus, ses
rideaux, les portes des tabernacles qui étaient de grande valeur aussi. Après
la Seconde guerre mondiale le gouvernement communiste s’empara de la
synagogue et ne fut plus rendue à la communauté juive. Aujourd’hui c’est
devenu une salle d’expositions d’art.
La synagogue “Harama” – rabbi Moché Isralish
Elle a été construite en 1553 par Israel le père du rabbin, qui était un riche
commerçant. Il la consacra à la mémoire de sa femme Malka. Les juifs de
Cracovie l’appelèrent la nouvelle synagogue. En comparaison avec la Altschul.
Rabbi Moche Isralich ( 1530 -1572), était l’un des plus grands décisionnaires
de tous les temps. Il avait étudié à Lublin chez le rabbin Shchena, et épousa
sa fille Golda. Il a été nommé rabbin et juge de tribunal rabbinique en Cracovie.
Très versé en philosophie juive, il connaissait beaucoup de langues étrangères,
et étudia des matières non religieuses aussi, en particulier la philosophie. Son
oeuvre la plus importante a été la création d’un livre de codification de la
Halakha juive, comme le rabbin Caro dans son livre ’Shulhan Aroukh”. Ce
livre ne prenait pas en considération les décisions des rabbins ashkénazes. Le
“Rama” décida d’accepter ce livre comme recueil codifiant fondamental mais
son livre “Hamapa” vient compléter le livre du Caro ce qui a permis d’éviter
59
Cracovie ,Pologne, femmes
vendant des habits près de la
synagogue du Rama
des dissensions au sein de la communauté. Sur sa tombe est écrit: “ 33 ( lag)
bonnes qualités, 33 livres, a vécu 33 ans et est mort à la’g ba’omer”.
Le cimetière près de la synagogue “Harama.” (rabbi Moché Isralish)
Il y avait à Cracovie plusieurs cimetières juifs dont certains ont disparu. Ce
cimetière est le plus ancien parmi ceux qui n’ont pas été détruits.
Yom Tov Lipman
Le rabbin Yom Tov Lipman, est l’auteur de nombreux ouvrages. Il est connu
sous le nom du “Baal Tosafot Yom Tov”, du titre de son livre le plus connu (qu’il
avait achevé d’écrire à 38 ans à Prague). Son interprétation est encore
aujourd’hui reconnue. Il est né en 1579, dans la ville de Walershtein en Bavière,
(Prusse). A 18 ans, il devint juge au tribunal rabbinique de Prague ce qui ne
60
l’empêche pas de parfaire son éducation. En 1928, il est nommé rabbin et
directeur de l’école talmudique de Prague. Puis il sera nommé rabbin de
Némirov et Blodmir à Valhein. Il parvint à faire imposer au conseil le décret
précédent qui interdisait l’achat de la fonction de rabbin, car les rabbins qui
étaient souvent issus de familles nobles imposaient souvent leur remplaçant.
En 1644, il est nommé au poste de rabbin le plus important en Pologne, celui
de Cracovie, c’était à l’époque des décrets issus par Hamelinsky en Ukraine
des décrets contre les juifs
Il prend soin de sa communauté. Il est l’auteur de slihot et de prière de El
malé rahamim, en mémoire des juifs qui ont été assassinés pendant ces
événements tragiques. Il est mort en 1654. Sa tombe est située au fond du
cimetière devant une porte scellée par des pierres. Il s’avère qu’on pouvait
entrer dans le cimetière des deux côtés, dont cette entrée du côté de la
synagogue.
L’histoire de Yossele, l’avare, le saint
A Rama, le rabbin Yom Tov avait la charge de la charité. C’était lui qui
décidait des collectes si c’était pour une mariée pauvre, ou pour des
orphelins… Il se chargeait toujours de ces affaires lui-même. Il donnait
lui-même puis allait demander aux riches de la ville, leur demandant de
donner avec insistance. Le gaon Zelig dira de lui à ce propos dans
l’introduction à son livre “hibouré Likoutim”: il était le rabbin de Kraka,
il donnait tout son argent à la charité. Mais il s’étonnait de voir toujours
un des riches de la ville qui, s’il traitait certes les pauvres avec gentillesse,
ne donnait cependant pas beaucoup l’aumône. Un jour, le rabbin Yom
Tov partit collecter de fonds mais sans succès, là, un riche n’était pas
chez lui, là un autre avait fait de mauvaises affaires, ici encore un autre
était ruiné et le rabbin ne réussissant pas à collecter la somme dont il
avait besoin, retourna à regret demander au riche avare de lui donner
un peu plus qu’à son habitude. Mais celui-ci, refusa et s’entêta dans son
refus. Toutes les suppliques du rabbin n’y faisant rien, le rabbin lui dit
que même le voisin qui était pauvre insistait à donner régulièrement une
somme importante qu’il refusait presque de prendre sachant qu’il n’avait
pas les moyens… toujours sans résultat. Le rabbin s’emportant le convoqua
au tribunal pour le lendemain et lui recommanda de réfléchir à nouveau
61
sur sa position. Il lui proposa même de ne dévoiler à personne s’il faisait
un don supplémentaire, mais il refusa encore. Au tribunal, ne changeant
toujours pas d’avis, il se vit menacé d’être enterré au cimetière près de
la porte, ce qui ne le fit pas changer d’avis.
Puis, un jour, quelques années plus tard il mourut et le rabbin ne put que
le faire enterrer où il avait menacé de l’enterrer. Mais au bout de quelque
temps, le pauvre, le voisin du riche avare s’arrêta de donner comme à
son habitude. Et le rabbin de lui demander ce qui lui arrivait et s’il s’était
appauvri encore. Il répondit qu’en fait pendant toutes ces années, le riche
voisin lui avait donné régulièrement une grosse somme qu’il devait
donner à la charité en échange de quoi, il recevait une aumône lui-même
et maintenant que le voisin était mort, il ne pouvait plus donner. Le
rabbin comprit alors que le riche avare était un saint qui voulait donner
aux pauvres, mais en secret, comme font les saints. Pris de remords, le
rabbin demanda alors à être enterré près de cet homme près de la porte
du cimetière quand le jour de sa mort viendrait.
Le rabbin Nathan Neta Shapira (1585-1633) – ”L’interprète des profondeurs”
Issu d’une famille connue, son grand-père était Rabbi Pinhas, il allait rencontrer
les convertis au christianisme pour essayer de les ramener à la foi juive, et ils
leur promettait même sa portion de l’autre monde s’ils acceptaient de dire la
prière “shma Israël”Il était réputé pour ses connaissances en Torah. Et avait
trouvé des réponses à des énigmes de la Torah. Son fils racontait qu’il
connaissait tout le shass (les six livres de la michna) et tous les versets par
coeur. Il était directeur de yéchiva à Cracovie, et il avait de nombreux disciples.
Il menait la vie d’un saint.
On dit de lui qu’il avait une telle force qu’il suffisait de citer son nom pour
qu’un malade guérisse. Son surnom lui vient de son livre qui contient 252
interprétations de la prière de Moshe: “Ahavara Na Laissez moi passer”.
62
Il mourut à 48 ans.
Au décès de “ l’interprète des profondeurs”, un étudiant de yéchiva vint
à Cracovie et s’adressa au gabaï de la synagogue en lui disant que comme
il avait remarqué que non loin de l’endroit où avait été enterré le rabbin,
il restait une place libre, il souhaitait l’acquérir pour lui-même. Le gabaï
le toisa et lui dit: “qui pensez-vous être pour avoir le droit de vous faire
enterrer dans ce lieu saint?” Son interlocuteur, poursuivit qu’il était prêt
à payer n’importe quel prix pour cet emplacement. Au bout de quelque
temps, le gabaï voyant que la caisse était vide, et qu’il avait de nombreux
frais, pensa qu’il pourrait permettre à cet homme d’acheter la place au
cimetière à bon prix sans avoir à respecter un arrangement de la sorte.
Comme il était vieux, et que l’acheteur était plus jeune que lui, le moment
venu de son décès, il ne serait plus là et son remplaçant ne saurait rien
de cette affaire. Et c’est ainsi qu’il accepta de lui vendre ce qu’il demandait
contre une somme importante qu’il s’empressa de mettre dans la caisse
de la Hévra kadisha sans inscrire l’emplacement au nom de l’acquéreur.
Mais voilà que le jour .même, l’homme mourut.
Le gabaï qui n’avait pas pu obtenir le nom de cet homme, car il avait
refusé de le lui donner, ne su que faire. Puis, après réflexion, comme cette
personne n’avait là ni amis ni famille, donc personne ne connaissait
l’histoire, et comme l’argent pour l’enterrement avait été donné à la
charité, il décida de le faire enterrer dans autre endroit et non dans celui
qu’il avait acheté, à côté du rabbin. La nuit, le gabaï rêva de l’homme
qui lui disait: “nous avions fait un accord, et tu n’as pas respecté ton
engagement je te convoque à un procès devant le tribunal de l’au-delà”.
Le gabaï eut très peur mais au matin il se dit que ce n’était qu’un rêve
sans conséquence. Mais chaque nuit il faisait le même rêve si bien que
la troisième fois, il se rendit chez le rabbin de Cracovie et lui raconta
toute l’histoire. Le rabbin lui dit alors de ne pas s’inquiéter et que si le
même rêve revenait, il lui fallait dire à cet homme qu’il pouvait venir à
une date précise chez le rabbin pour un jugement sur terre. Et lorsque
l’homme réapparut en rêve au gabaï, celui-ci fit ce que le rabbin lui avait
conseillé et l’homme accepta immédiatement. On installa une cloison
dans la synagogue et quand l’heure prévue arriva, on entendit une sorte
de bruit derrière la cloison, et ils comprirent que l’homme était parmi
eux. Le rabbin lui demanda de décrire les faits, puis il demanda au gabaï
63
ce qu’il avait à répondre. Celui-ci dit que l’homme avait dit la vérité mais,
dit-il, il n’avait jamais eu l’intention de l’enterrer à cet emplacement car
il n’était pas digne de reposer à côté du rabbin, puisque personne ne
savait qui il était puisqu’il avait refusé de donner son nom. Le rabbin se
trouvant vers la cloison dit: dites-nous qui vous êtes et nous verrons si
vous pouvez être enterré à l’endroit que vous avez demandé. Mais
l’homme refusa absolument de dévoiler son identité. Le rabbin décréta
alors que même s’il semblait qu’il fallait enterrer le mort près du gaon,
puisqu’on avait accepté paiement pour l’emplacement, comme on ne
savait pas de qui il s’agissait, il était peut être mal venu qu’un homme
inconnu repose à côté de ce grand rabbin. Il fut décidé que la tombe à
côté du gaon serait ouverte et que s’il était digne de reposer là il saurait
y entrer seul…Le lendemain matin, ils allèrent au cimetière et ils virent
que la tombe de l’homme était vide et que la tombe à côté du gaon était
occupée et sur la pierre tombale était inscrit “ ci-gît l’homme inconnu,
sur la foi de son ami”. Bien des années plus tard, les inscriptions sur la
tombe s’effacèrent et furent remplacées par d’autres.
La synagogue haute
Elle a été construite dans les années soixante du XVI0 siècle. Son nom provient
de son emplacement car elle était située au dernier étage. Son tabernacle était
des plus anciens parmi ceux de Pologne et il comportait des fers forgés qui
décoraient l’escalier qui menait à lui. Ses deux portes également en fer forgé
étaient décorées de motifs juifs. C’est l’une des synagogues en Pologne dont
les murs furent décorés de dessins d’inspiration biblique, représentant le
sacrifice d’Yitzhak, l’arche de Noé. Par le passé il y avait des boutiques au
rez- de chaussée de la synagogue. Pendant la Seconde guerre mondiale, le
bâtiment fut endommagé et tout ce qu’elle contenait fut pillé. Aujourd’hui
elle est devenu le siège de l’agence à Cracovie de la Société de protection des
monuments historiques qui est chargée de protéger le quartier Kazimiertz.
La synagogue Isik
Elle est dédiée au nom du rabbin Yitzhak Ben rabbi Yaakov, grand donateur.
Elle a été construite en 1644. Elle fut refaite en 1857 et en 1924. Pendant la
guerre, elle a été quasiment entièrement détruite. En 1983 une réfection a été
entreprise. Elle était de l’extérieur simple et même ordinaire, mais l’intérieur
64
était riche de décorations réputées pour leur beauté, avec des lustres en cuivre
et des objets de culte en argent d’une exceptionnelle splendeur.
Une histoire
Il y a très longtemps, vivait à Cracovie un juif qui s’appelait Izik. Que
dire de plus, car il était juif et s’appelait Izik. Mais nombreux étaient les
juifs de Cracovie qui s’appelaient Izik. Mais cet Izik était père d’une
famille nombreuse. Que dire de plus sur un juif de Cracovie qui a une
famille nombreuse? Tous les juifs de Cracovie s’appelaient Izik et avaient
de nombreux enfants. Mais cet Izik, on peut dire qu’il était extrêmement
pauvre. Vraiment, tous les juifs de Cracovie, s’appelaient Izik et étaient
très pauvres…Mais une nuit, ce Izik alla se coucher, et en rêve lui apparaît
un visage les yeux ouverts et à la longue barbe blanche, et qui lui parle
ainsi: “ Iziiiiik, Iziiiiik, sous le pont il y a un trésor”. Et quand il se réveille,
Izik dit “ mon Dieu, que veut-on de moi? Je suis un juif pauvre, me
donner de telles idées, des espoirs de la sorte, vraiment!!” La nuit
suivante,il fit le même rêve, toujours le même rêve, sous le pont, entre
le palis du roi et la vieille place, il y a un trésor. Isik, une fois d’accord,
mais deux ? dit-il au réveil, “ me faire des choses pareilles à moi, mon
dieu!puis il rêva une troisième fois et cette fois, avec le dernier détail: “
sous le pont entre le palais royal et l’ancienne place de la ville de Prague
se trouve un trésor”. Isik en se levant, dit: “ trois fois c’est sérieux!”et
sort de chez lui sans dire au revoir, ni à sa femme, ni à ses enfants, et il
entreprend un long voyage. Puis enfin il arrrive à Prague, il regarde la
ville avec tous ses monuments, sa belle place ancienne, et le palais royal
avec la cathédrale non loin de là séparés par une rivière et sur la rivière,
un pont, le pont Charles. Sous le pont il y une petite île, et est-ce que le
trésor se trouve là donc? Mais que faire, c’est le chemin du palais, le
chemin du roi, et il y toujours toujours, des soldats qui surveillent. Il
attend la nuit, puis la seconde nuit, et la troisième nuit, il décide d’essayer
et il commence à creuser. Au bout de quelques minutes, il creuse toujours
et entend tout à coup, “ que fais-tu là?” et devant lui se tient un soldat
fort, et grand. Isik décide de dire la vérité “ écoutez, vous allez sûrement
vous moquer de moi, j’ai fait un rêve, et un vieillard à la barbe blanche
m’a dit que sous le pont à Prague, il y a un trésor. Le soldat se mit à rire:
65
“ ce n’est pas par hasard qu’on dit de vous les juifs que depuis que le
temple a été détruit, vous avez perdu la raison. Ecoute, moi aussi j’ai
rêvé et j’ai vu un vieillard qui m’a dit:” dans la maison d’un juif nommé
Isik dans la ville de Cracovie, sous le four se trouve un trésor, et tu penses
que je vais aller faire un si long voyage pour aller à Cracovie et y chercher
un juif du nom d’Izik,. Tout le monde sait que tous s’appellent Izik làbas, et tu me vois déplacer les fours chez eux? Ecoute, le juif, comme tu
m’a fait rire pendant ma garde, je te laisse partir, allez, vas-t-en!” Izik
reprend le chemin de chez lui. En arrivant chez lui, sa femme lui demande”
Izik où étais-tu parti deux mois? “ Il ne répond pas, les enfants l’appellent
“papa, papa!” il les repousse et se met à déplacer le four de la cuisine et
de fait, il y trouve un trésor, qui était caché chez lui-même.
La synagogue Koufa
La synagogue
Sa construction débute au XVI0 siècle, et s’achève en 1643, elle aura été financée
par des dons par des membres de la communauté, chacun selon ses moyens.
La synagogue est située à l’extrémité de la rue qui porte le même nom, son mur
au nord est également le mur du quartier juif elle était au centre des activités
sociales de la communauté. Cette synagogue était profondément marquée entre
les deux guerres par le sionisme. Les dessins refaits montrent le style des
décorations de la synagogue, on y voit des vues de Haïfa, de Jaffa, et des villes
saintes en terre sainte. Les artistes qui ont décoré cette synagogue connaissaient
ses vues des cartes qu’envoyaient les juifs de la communauté quand ils visitaient
le pays ou quand ils étaient partis s’y installer. Il y avait aussi de la place pour
l’imagination de l’artiste, comme avec cette vue de Jérusalem au bord de la
mer! La synagogue sera détruite pendant la shoah, et refaite en 1998, elle avait
servi jusque là de tannerie et d’usine de produit en cuir.
La synagogue TEMPLE
Le temple a été bâti entre 1860 et 1862, par des juifs modernes, des maskilim
de Cracovie. Il a été ensuite plusieurs fois amélioré et comporte de nombreux
éléments néo-renaissance. Il est construit sur deux étages aux colonnades
impressionnantes qui servaient à soutenir la partie des femmes située au
deuxième étage. La synagogue comportait une partie centrale et deux autres
66
espaces. Les vitraux ajoutés plus tard avaient été offerts par les membres de
la communauté entre 1894 et 1925. C’est de l’intérieur de la synagogue que
toute leur beauté ressort. La partie réservée aux femmes est un chef d’oeuvre
d’architecture intérieure, ainsi que le mur du tabernacle que surplombe une
coupole bleue parsemée d’étoiles. Cette synagogue est bien plus spacieuse
et luxueuse que les autres synagogues, ni humble ni modeste influencée par
l’architecture des églises.
Les éléments particuliers de cette bâtisse.
La communauté qui se réunissait en ce lieu pour prier était formée de personnes
appartenant à l’intelligentsia, et des personnalités en vue, dont l’une d’elles
est le Dr Yéoshoua Tahon, le chef du mouvement sioniste local. Ils avaient
adopté des habitudes peu conformes à la tradition orthodoxe. Ils arrivaient
aux services de samedi et jours de fête dans leurs carrioles, (interdites le
shabbat pour les orthodoxes). Sa chorale faisait l’admiration de tous et était
réputée. Elle était composée d’hommes et de femmes, chose très mal acceptée
par les orthodoxes. Toutefois cette synagogue attirait un grand public qui
venait y écouter le chantre le meilleur de Cracovie, Yossef Fisher (qui publiait
des manuscrits en hébreu). Le rabbin de la communauté de Cracovie s’était
opposé avec force à la construction de cette synagogue, et la légende raconte
qu’il alla même jusqu’en jeter une malédiction contre le lieu et la communauté
qui le fréquentait et sur le mur apparut une fissure qu’il fut impossible combler.
Pendant la guerre, elle sera transformée en écuries. Elle fait partie des bâtiments
refaits par un fond spécialement créé pour la réfection de monuments du
patrimoine. La synagogue rouvre ses portes en 1995.
67
Le ghetto
A la veille de la Seconde guerre mondiale, il y avait à Cracovie 250,000 habitants
dont 60,000 étaient juifs. Le 6 septembre 1939, la ville sera envahie par les
Allemands et les persécutions contre les juifs commencèrent. Le 26 octobre
la ville fit déclarée capitale du gouvernement général. Les persécutions contre
les juifs ne firent que se multiplier. Tous les décrets anti-juifs y furent appliqués.
En mai 1940, la déportation des juifs commença vers un village proche. En
mars 1941, 11,000 juifs furent tués dans cette ville seulement. Le même mois,
le ghetto est créé au sud, du nom de Podgoza. C’était un quarter fermé de 40
sur 600 mètres. Les Allemands regroupèrent là les juifs de Cracovie mais aussi
des milliers de juifs arrêtés dans les villes avoisinantes. A la fin de 1941, y
Cracovie , Poland, Juifs forcés à nettoyer une rue
68
vivaient 18,000 personnes. Toutes les institutions juives avaient naturellement
été transférées là comme la communauté, l’organisation d’entraide, les hôpitaux,
les orphelinats et les cantines... Les déportations de Cracovie se sont déroulées
en plusieurs étapes. En juin 1942, du 18 mai 1942 au 6 juin, plus exactement,
eut lieu la grande déportation. 6,000 juifs furent transférés à Belsen, et 300
furent exécutés sur place. Parmi les victimes, le poète Mordechai Gebirtig et
le chef du judenrat Arthur Rozentsweig qui avait refusé d’obéir aux ordres
des Allemands. Après cette “action” la surface du ghetto est réduite de moitié
et il n’y resta que 12,000 personnes. En octobre 1942, une deuxième ’ action’
fut organisée. 7000 juifs furent déportés la plupart vers Belsen et certains vers
Auschwitz et 600 furent exécutés sur place. Il ne resta alors au ghetto que
6000 personnes.
En décembre 1942, le ghetto fut divisé en deux parties. La zone A pour les
travailleurs indispensables en bonne santé, et la zone B pour les chômeurs,
les personnes âgées et les malades. En mars 1943, tous les juifs de la zone A,
en tout 2000 personnes, sont déportés vers le camp de travail à Plashov. Le
lendemain le ghetto B sera détruit. 2300 personnes furent transportées par
camions et furent exécutées à Birkenau. 70 autres furent exécutées, un peu
plus tard, c’était ceux qui n’étaient plus capables de marcher. La déportation
était un processus violent et cruel. Le 14 mars 1943, le ghetto de Cracovie
disparaissait.
La pharmacie
A la création du ghetto, les juifs furent regroupés dans ce quartier juif fermé à
Podgoza, les Polonais durent quitter le quartier. La pharmacie au 18 de la rue
Zgoda se trouvait à la frontière du ghetto. Une façade se trouvait exposée du
côté de la place Zgoda où étaient regroupés les juifs pour la déportation et qui
sera re-nommée par la suite la ’place des héros du ghetto’, et l’autre façade était
du côté polonais. Lorsqu’il reçut l’ordre de quitter le propriétaire de la pharmacie,
Tadeusz Pankewitz, qui était polonais, usa de toute son influence pour tenter
de retarder l’échéance. Il corrompit les Allemands régulièrement pour qu’ils le
laissent continuer à ouvrir sa pharmacie. Pendant deux ans et demi, à partir du
jour de la création du ghetto, il a pu continuer à vivre là. Il raconte ce qu’il y
voit par ses vitrines qui donnaient sur la place. Il continue à employer ses trois
préparatrices, toutes polonaises, Iréna, Helena et Orelia, et ils aidaient les juifs.
Grâce à l’emplacement de cette pharmacie, ils servaient de passage entre le
69
ghetto et la partie polonaise de la ville. Par la porte de derrière, des gens
pouvaient passer, des médicaments, de la nourriture, des colis. Des informations
passaient également. Les juifs leur remirent des effets personnels et des objets
de valeur pour qu’ils le leur gardent. La pharmacie servait donc de point de
rencontre à des personnes diverses, certains y venaient parce qu’on pouvait y
lire des journaux allemands et des journaux publiés par les résistants. Les
habitants du ghetto pouvaient s’y approvisionner en médicaments et en divers
produits comme des colorants pour les cheveux, qui permettait de se déguiser.
Le pharmacien aidait. Il leur procurait des aliments et des cosmétiques qui leur
permettaient de paraître plus jeunes pour être sélectionnés pour les camps de
travail, et toujours gratuitement.
Sa contribution fut reconnue et il obtint la distinction en 1983 des Justes
parmi les nations pour son aide aux juifs du ghetto. Il est décédé en 1993 à
l’âge de 85 ans.
Les mouvements de résistance
Dès les premiers jours du ghetto, des mouvements de résistance se forment,
avec le mouvement Akiva et le Shomer hatsair. Au début il s’agissait de
mouvements qui formaient les jeunes. La résistance juive créa un journal, “le
pionnier combattant”, En octobre 1942, une organisation est fondée, l’organisation
juive combattante, pour organiser une lutte armée contre les nazis. Ils décidèrent
que, étant donné les dimensions réduites du ghetto, il ne pourrait y avoir de
combat armé. Il fut donc décidé de mener les activités de combats du côté
aryen de la ville. On compte une dizaine d’actes de résistance armée qui se
produisirent en dehors du ghetto, le plus célèbre est l’attaque du 22 décembre
1942, du café Tzingaria, qui était le lieu de rencontre des officiers Allemands,
qui tua 11 Allemands et en blessa 13. Il y aura également des tentatives
d’étendre les activités aux alentours. Mais là les difficultés provenaient du
manque de coopération de la part des autres groupes de résistance polonais
qui refusaient de collaborer avec les juifs. En automne 1944, les derniers
membres de l’organisation réussirent à passer la frontière pour passer en
Hongrie et c’est de Budapest qu’ils poursuivent leurs activités. Du côté aryen,
dès le printemps 1943, une branche de l’organisation Zegota, qui aida plusieurs
centaines de juifs à s’évader du ghetto.
70
Oskar Schindler 1908-1974
Juste parmi les nations, Oskar Schindler est né
en Moravie
Reich en 1938. Il avait été envoyé en Cracovie
en 1939 par l’administration de l’occupation
allemande pour diriger deux sociétés qui avaient
été confisquées à leurs propriétaires juifs. Sa
position et ses relations lui permirent de sauver
des centaines de juifs en les employant dans les
usines qu’il dirigeait, à Cracovie et plus tard à
dans les Sudètes.
Oskar Schindler
Lorsque l’armée rouge s’approcha de la
Pologne, les Allemands ont commencé à
délocaliser les usines pour les installer dans des régions plus calmes. Il reçut
alors l’autorisation de remettre sur pied son usine dans la région des Sudètes.
pour y fabriquer des armes lors d’une campagne unique en son genre sous le
gouvernement nazi, Schindler a réussi à faire passer 300 femmes et 800 hommes
juifs des camps de Grossrosen et d’Auschwitz pour travailler dans ses usines
des Sudètes.
Dans ces usines ils étaient traités humainement, dans la mesure du possible.
Il veillait à ce que leur soit fourni de la nourriture et des médicaments. Il parvint
à sauver de nombreux juifs qui se trouvaient aux environs de ses usines. Comme
ces cents juifs du camp de Plashov, qui avaient été abandonnés dans un train
verrouillé pour y mourir de froid. Schindler et son épouse Emily en cassèrent
les verrous, aidé les hommes et femmes gelés à descendre des wagons, ils les
ont menés dans leur usine et se sont occupés d’eux jusqu’à ce qu’ils se remettent.
Mais certains mourront, ils furent enterrés selon les rites religieux. Sa personnalité
controversée conduit plusieurs fois Schindler à être incarcéré par les Allemands,
par la Gestapo. Mais il entretenait des relations privilégiées avec des commandants
SS et d’autres personnalités importantes du régime nazi à Berlin, ce qui le sauva,
car il sera libéré et continuera à s’occuper de ses employés juifs. En 1962, il fut
invité à venir en Israel par des personnes qui avaient survécu la guerre grâce
à lui et dans une cérémonie impressionnante, il a planté l’un des premiers arbres
dans l’avenue des Justes parmi les nations à Yad Vachem. Il mourut en 1974 à
Francfort, et selon ses dernières volontés, dans son testament, sa dépouille a été
inhumée dans le cimetière latin du mont des Oliviers à Jérusalem. Le 18 juillet
1967 Oscar Schindler a été reçu de Yad Vachem la distinction de Juste des nations.
71
Le palais royal et la cathédrale
Le mont Wawell fait l’orgueil national des Polonais. Il a été témoin de mille
ans d’histoire polonaise, depuis l’époque de la dynastie des Piast qui ont
unifié le pays puis avec la dynastie des Jagiellon le pays s’est christianisé,
élargi et développé.
Il s’y trouve une cathédrale royale qui a été le théâtre de toutes les cérémonies
de couronnement de tous les rois de Pologne. Aujourd’hui encore, les présidents
polonais y prêtent serment en prenant leur poste. C’est aussi le panthéon des
grands de Pologne, car c’est là que sont enterrés tous les rois de Pologne.
Le site a été construit en style gothique à l’origine bien que par la suite les
ajouts aient été de style varié. On peut dire, que cette colline est le berceau
de la culture polonaise, le coeur même de la Pologne, en d’autres termes.
Le complexe du Wawel pendant la Shoah
Le premier septembre 1939, la Pologne a donc été conquise par les Allemands
puis divisée (voir la carte) la partie Est sous domination soviétique, la partie
Ouest fut annexée par les Allemands, la partie centrale sous administration
générale, en d’autres termes elle restait polonaise mais sous le contrôle et
domination allemands. En octobre 1939, Hitler nomme Hans Franck, docteur
en droit de son cabinet, gouverneur de la région. Pendant la seconde guerre
mondiale, la Cracovie devient sa capitale. Hans Franck, qui en était le
gouverneur, décida de s’installer à Wawel, le panthéon des grands de la nation
polonaise de tous les temps, et le lieu où avaient siégé tous les rois, pour
mieux affirmer son pouvoir, et pour y fonder son propre “ royaume”. Le
palais devint sa résidence personnelle, les étables royales et les cuisines furent
détruites, les salles royales sont devenues des salles de jeux pour les Allemands,
et de nombreuses úuvres d’art furent pillées et disparurent. Dès la libération
en 1945, les Polonais ont recommencé à réparer le site dans le style renaissance
italienne. De nombreux bâtiments ont été conçus par des architectes italiens,
et comme dans toutes les villes moyenâgeuses, il y a un lien entre la citadelle
et la place de la ville. Le palais a été construit pour sa grande partie au XVI0
siècle dans le style renaissance. Aujourd’hui il est devenu un vaste musée où
sont exposés les bijoux des rois de Pologne.
72
La légende du dragon.
Cracovie a été fondée au VIII0 siècle après J.C. sur une colline par un
prince d’où son nom. La légende rapporte qu’au pied de la colline Wawel,
il y a une grotte appelée “la grotte du dragon”. A côté de l’entrée, on
peut voir aujourd’hui une statue représentant un dragon qui crache du
feu toutes les quelques minutes. Selon la légende et la tradition c’est
l’endroit où la ville a été fondée et le dragon qui vivait au pied de la
colline avait pour habitude de manger des jeunes vierges. Le prince,
voulant mettre fin à cette situation mit la tête du dragon à prix, en
déclarant que celui qui pourrait éliminer le dragon épouserait sa fille la
princesse Wanda, et recevrait la moitié du royaume. Inutile de préciser
que nombreux furent les candidats qui se présentèrent, mais finalement
seul le cordonnier local qui connaissait l’ampleur de son appétit, prit une
brebis, la remplit de souffre et la posa devant la grotte. Le dragon fut
incapable de résister à sa gourmandise et avala la proie. Soudain son
ventre commença à gonfler à cause du souffre, et il se mit à bondir dans
la Vistule, il but l’eau du fleuve et explosa. Mais la princesse promise au
gagnant avait été mariée pour des raisons d’alliances politiques à un
prince allemand. Refusant d’épouser son fiancé, elle se jeta elle aussi
dans le fleuve où elle périt noyée. Après la mort du dragon le prince
entreprit de bâtir la ville de Cracovie.
73
Les camps
Treblinka
Le camp d’extermination dans le Nord du Generalgouvernement, est situé
à quelques 5 km de la gare de Malkinia sur la ligne principale de Varsovie à
Bialystok. Treblinka fut établie au début de l’été 1942 dans le cadre de ’l’Aktion
Reinhard’ – le plan nazi pour l’extermination des juifs dans la zone du
gouvernement général - Generalgouvernement. En tout, quelque 870,000
personnes ont été tuées à Treblinka.
Les premiers convois arrivèrent à Treblinka le 23 juillet 1942; ils étaient
formés de juifs du ghetto de Varsovie. Jusqu’au 21 septembre 1942, environ
254,000 juifs de Varsovie et 112,000 juifs de différents endroits dans le district
de Varsovie ont été assassinés à Treblinka. Des centaines de milliers de Juifs
des districts de Radom et de Lublin y seront également exécutés. En tout,
environ 738,000 juifs mourront à Treblinka, comme 107,000 juifs du district
de Bialystok. Par ailleurs des milliers de Juifs de l’extérieur de Pologne furent
aussi acheminés vers Treblinka ; il y avait des Juifs de Slovaquie, de Grèce,
de Macédoine et de Thrace, ainsi que d’anciens détenus transférés de
Theresienstadt. Au total, 29,000 juifs de l’extérieur de la Pologne furent
exterminés à Treblinka, et environ 2,000 Tziganes. Le programme
d’extermination massive fut appliqué à Treblinka jusqu’en avril 1943, puis
ensuite seuls quelques convois arrivèrent.
A partir du mois d’août 1942 le commandant du camp de Treblinka sera le
commandant SS-Obersturmfuehrer Franz Stangl, qui avait auparavant servi
comme commandant du camp d’extermination de Sobibor. Son second était
Kurt Franz, avec une trentaine de SS (qui avaient participé au programme
Euthanasia), et quelques cent soldats ukrainiens qui étaient les gardes du camp.
Treblinka était situé dans une région de faible population mais très boisée;
ce site isolé avait été choisi pour cacher les atrocités qui devaient s’y dérouler.
Treblinka comprenait des zones pour recevoir les déportés, des zones où ils
vivaient et des zones d’extermination qui comprenait un bâtiment de briques
qui abritait trois chambres à gaz. Un moteur à diesel se trouvait à proximité
et il produisait du carbone monoxyde qui arrivait aux chambres par les tuyaux
attachés au plafond et dont les extrémités ressemblaient à des douches. Les
nazis avaient disposé les chambres à gaz de façon à créer l’impression que
les juifs étaient conduits aux douches. Un couloir dans le bâtiment menait à
74
chacune des chambres à gaz et dans chacune d’elles, il y avait une autre porte
par laquelle les cadavres étaient transportés vers des tranchées énormes non
loin de là à quelques centaines de mètres de là, où ils étaient enterrés.
A Treblinka on appliquait la même méthode qui avait fait ses preuves à
Belzec et Sobibor- les deux autres camps concernés par l’ Aktion Reinhard.
Lorsqu’un train formé de 50 à 60 wagons et qui convoyait de 6,000 à 7,000
personnes arrivait à la gare proche, 20 wagons étaient acheminés vers le
camps, pendant que les autres stationnaient en attente à la gare. Les portes
des wagons s’ouvraient et les SS ordonnaient aux Juifs de descendre. Ensuite,
un officier annonçait aux nouveaux arrivants qu’ils étaient arrivés à un camp
de transit pour y prendre une douche et où leurs vêtements allaient être
désinfectés puis de là ils seraient envoyés dans un camp de travail. Après, les
juifs étaient menés vers la “place de la déportation”, où les hommes et les
femmes étaient séparés, avec les enfants du côté des femmes. Les femmes et
les enfants devaient alors se déshabiller dans un baraquement puis on leur
coupait les cheveux Nues, elles étaient alors forcées de quitter le baraquement
et d’entrer dans un “tuyau”, un passage étroit, entouré de barbelés, et camouflé
qui menait aux chambres à gaz. Après que les victimes étaient verrouillées
dans ces chambres, le moteur était mis en marche et le gaz se répandait à
l’intérieur, les empoisonnant. Au bout d’une demi-heure tous étaient morts
et le groupe suivant de victimes se préparait à entrer. Pendant ce temps, les
corps étaient retirés et emportés dans les fosses pour y être enterrés. Ce dernier
travail était effectué par une équipe de travailleurs juifs, les Sonderkommando.
Ces prisonniers au lieu d’être immédiatement exécutés à leur arrivée au camp,
étaient sélectionnés pour effectuer des tâches horribles comme le nettoyage
des wagons, la préparation des victimes pour leur extermination. Ils étaient
aussi chargés de s’occuper des biens qu’avaient apportés les déportés, leurs
vêtements et bien sûr ils avaient à enterrer les morts. Quand les Nazis
décidèrent de brûler les cadavres à partir du printemps 1943 plutôt que de
les enterrer, ce sont encore ces prisonniers qui étaient chargés de ce travail.
La plupart de ces juifs étaient à leur tour exécutés au bout de quelques jours
ou quelques semaines et ils étaient remplacés par de nouveaux arrivants.
Au bout d’un moment, les Allemands décidèrent que le processus
d’extermination à Treblinka n’était pas assez efficace. Donc, entre août et
octobre 1942 dix nouvelles chambres à gaz y seront construites. En outre, le
système sera “perfectionné” d’avantage: aux nouveaux arrivés qui étaient
trop affaiblis pour marcher jusqu’à la chambre à gaz sans être aidés on disait
75
qu’ils étaient menés à l’infirmerie. Ils étaient alors menés dans une zone
fermée sur laquelle flottait un drapeau de la croix rouge et là des soldats SS
aidés par des gardes ukrainiens les assassinaient sur place.
Aktion 1005 - la campagne visant à détruire toutes les preuves des activités
meurtrières des Nazis fut lancée à Treblinka en mars 1943 se poursuivant
jusqu’en juillet. Ensuite, cette opération achevée, on ferma Treblinka. La
plupart des installations du camps furent détruites, la terre fut labourée et
semée et le site pris l’aspect d’une ferme et attribué à une famille ukrainienne.
Des centaines de Juifs tentèrent de s’enfuir des trains sur la route vers le
camp, mais pour la plupart de leurs tentatives se soldèrent par un échec.
D’autres essayèrent de s’échapper du camp, mais là encore, ils furent en
grande majorité repris et pendus. Les juifs de plusieurs convois résistèrent
blessant ou tuant des soldats SS et des gardes ukrainiens. Des prisonniers
découvrant que les Nazis avaient prévu de détruire les camps fomentèrent
un soulèvement qui se solda par un échec et les 750 prisonniers qui avaient
tenté de s’échapper furent rattrapés.
Après la guerre, beaucoup de SS de Treblinka passèrent en justice. Le
commandant Franz Stangl et son adjoint, le commandant Kurt Franz furent
condamnés à des peines d’emprisonnement à vie.
76
Témoignages
Convoi pour Treblinka
Abraham Bomba:
Le deuxième jour, je vis un panneau indiquant Malkinia. Nous avons continué
encore un peu puis, très lentement, le train a quitté la voie principale pour
traverser lentement une forêt. En regardant pas la fenêtre que l’on nous avait
permis d’ouvrir, le vieil homme vit un jeune garçon … des vaches paissaient
et il a demandé au garçon en lui faisant des signes “Où sommes-nous?” et
l’enfant fit un drôle de geste, comme ceci ( il faisait signe de couper la gorge).[2]
L’arrivée à Treblinka
Note à Treblinka:
Juifs de Varsovie, attention! Vous vous trouvez dans un camp de transit
(Durchgangslager) d’où vous allez être envoyés vers un camp de travail
(Arbeitslager). A titre préventif contre les épidémies, vous devez immédiatement
nous remettre vos vêtements et biens pour les désinfecter. L’or, l’argent, les
devises et les bijoux en votre possession doivent être déposés contre reçu
auprès du caissier. Ils vous seront restitués plus tard sur présentation du reçu,
pour vous laver avant de poursuivre votre voyage vous devez vous laver
dans une salle réservée à cet effet. [7]
Richard Glazer:
On nous a emmenés dans des baraquements. La puanteur était partout. Il y
avait une montagne de tous les objets que les gens avaient pu emporté. Il y
avait des vêtements, des valises, et le tout était empilé. Par-dessus, il y avait
des personnes qui sautaient comme des démons et faisaient des paquets et
les emportaient dehors. Ils étaient remis à une personne qui portait un brassard
chef d’équipe. Il criait et j’ai compris que je devait également me mettre à
ramasser des vêtements,les nouer en paquets et les emporter quelque part en
travaillant je lui ai demandé: “que se passe-t-il? Où sont les personnes à qui
vous avez pris ces choses. Ils sont morts me répondit-il, tous morts!”
Mais je n’avais pas encore réalisé, je n’y croyais pas. Il avait parlé en yiddish
et c’était la première fois que j’entendais parler en yiddish il ne l’avait pas dit
77
très fort et j’ai vu qu’il avait les yeux embués de larmes. Soudain, il a commencé
à crier et il brandi son fouet. Du coin de l’oeil je vis qu’un SS approchait et
alors j’ai compris qu’il ne fallait pas poser de questions mais seulement sortir
vite avec le paquet. [8]
Le “Tube” (Himmelstrasse)
Abraham Goldfarb:
Des deux côtés du chemin vers les chambres à gaz, il y avait des Allemands
avec des chiens, derrière la barrière…. Les Allemands frappaient avec des
fouets et des barres de fer les gens pour qu’ils courent et se poussent pour
pénétrer dans les “douches” rapidement. Les cris des femmes étaient audibles
de loin dans d’autres paries du camp. Les Allemands faisaient courir les
victimes en criant” plus vite, plus vite, l’eau se refroidit et les autres doivent
aussi prendre leur douche.” [10]
Les coupes de cheveux dans la chambre à gaz
Abraham Kszepicki:
Il est difficile de décrire la scène dans cette hutte, la gêne des femmes, la peur
des enfants, la confusion, les pleurs…. Comme je me trouvais près de la porte
ouverte en observant cette scène sauvage, une jeune fille blonde, jolie comme
une fleur m’a demandé rapidement: “Juif, qu’est-ce qu’ils vont faire de nous?”
Il m’était difficile de lui dire la vérité. Je me suis contenté de hausser les
épaules et j’ai tenté de lui envoyer un regard apaisant pour calmer sa peur.
Mais mon attitude lui a fait peur encore d’avantage et elle a crié: “dites-moi
toute de suite la vérité ! Que vont-ils faire de nous ? Peut-être que je peux
encore m’enfuir d’ici !” je ne pouvais maintenant de lui dire quelque chose,
alors j’ai prononcé un seul mot: des ordures. Elle alors commencé à tourner
dans la hutte comme une souris dans un piège cherchant une porte ou une
fenêtre jusqu’à ce qu’un SS vienne, la frappe avec un fouet et lui ordonné de
se déshabiller…. [15]
Yechiel Reichman:
Je regarde les victimes et je ne peux croire mes yeux. Chaque femme est assise
à côté d’un coiffeur. En face de moi, une jeune femme est assise. Mes doigts
se glacent et je ne peux bouger mes doigts…. Mon ami à côté de moi me crie:
78
“souviens-toi, tu seras fini, l’assassin te regarde et tu travailles lentement !”
je bouge mes doigts, ma main est sale, je coupe les cheveux de la femme et
les jette dans une valise. La femme se met debout et une autre prend sa place.
Elle me saisit la main et veut l’embrasser en disant: “je vous en supplie, ditesmoi que vont-ils faire de nous ? Est-ce que c’est notre fin?” elle pleure et me
demande de lui dire si la mort est longue et pénible. Allaient-ils tués au gaz
ou avec des choc électriques ? Je ne réponds pas ... je ne pas lui dire la vérité
et la réconforter. Toute cette conversation aura duré quelques secondes
seulement, le temps de la dépouiller de ses cheveux. Je me détourne parce
que j’ai honte de croiser son regard. L’assassin qui se tenait à côté de nous
crie: “Coupe plus vite!” les victimes se succèdent à un rythme rapide et les
ciseaux ne cessent de couper des cheveux. Autour de nous il n’y a que cris
et sanglots et il nous faut regarder tout cela et nous taire. [16]
Le soulèvement
Shmuel Wilenberg:
Des coups de feu atteignent les gardes de la tour. Et une explosion fait vibrer
l’air suivie d’une seconde et d’une troisième explosion…. Les prisonniers
couraient dans tous les sens…. La confusion était indescriptible. Une des
huttes de bois séchée par le soleil et le vent prend feu. Dans la foule je vis
plusieurs allemands paniqués qui couraient autour de la place pour se cacher
derrière les arbres…. Des nuages noirs de fumée couvraient le ciel des fusils
et des mitrailleuses se mirent à crépiter de six tours de garde. Des coups de
feu sporadiques répondirent de notre côté….
D’une tour proche une mitrailleuse crachait du feu. Ils touchaient et les
gens autour de nous tombaient, la situation dans cette zone devenait critique.
Près de moi, un homme tenant un fusil ne tirait pas. Je lui ai arraché son arme,
visant avec soin, lentement, j’ai tiré, une fois, deux fois, trois fois. La sombre
silhouette sur la tour tombe, la mitrailleuse s’était tue… puis le feu a repris.
Nous courions d’arbre en arbre en nous dirigeant vers la barrière…. Je parviens
à l’atteindre. Les barbelés coupés se balançaient nonchalamment. Maintenant
il nous fallait courir à travers un espace ouvert de 50 m vers le barbelé suivant
et les barrières anti tanks. La mitrailleuse reprit de plus belle derrière moi,
près de la barrière extérieure, la tragédie. Les courageux se sont mis à grimper
sur les barbelés, poursuivis par les balles. Ils sont tombés avec des cris
désespoir. Les prisonniers grimpaient sur les corps encore tremblants et à leur
79
tour ils étaient visés et tombaient leurs yeux fous fixant le camp, qui ressemblait
maintenant à une torche enflammée géante…. J’ai rampé par dans la zone
dégagée pour atteindre les barrières. J’ai regardé autour de moi. Les morts
avaient formé une sorte de pont sur les barbelés sur lequel se déplaçaient des
rescapés. Après les barrières, c’était la lisière de la forêt, la liberté…. En sautant
j’ai enjambé ce pont humain. J’ai entendu un coup de feu, senti un coup mais
d’un autre bond et j’étais dans la forêt. Devant moi, à côté de moi, et derrière
moi, des hommes couraient…. [20] [21]
Majdanek
Un camp de concentration situé dans une banlieue de Lublin, qui pendant la
seconde guerre mondiale faisait partie de la Generalgouverment. Le but
officiel de ce camp était de détruire des ennemis du Troisième Reich, à aider
à exterminer des Juifs et à participer aux déportations et la relocalisation des
Polonais qui vivaient dans la région de Zamosc. Au total se sera 360,000
victimes qui périront à Majdanek.
Majdanek couvrait 667 acres de terre sur l’autoroute reliant Lublin, Zamosc
et Chelem. Il était entouré d’une barrière électrique à haute tension d’une
double rangée de barbelés avec 19 gardes, où les gardes surveillaient pour
s’assurer que personne ne s’échappait. Le camp était composé de trois sections
avec 22 baraquements de prisonniers, sept chambres à gaz, deux piliers de
bois, un petit four crématoire et plusieurs autres bâtiments de service comme
des entrepôts, des ateliers, des laveries, des réserves de charbon. Il pouvait
contenir 45,000 prisonniers. La partie consacrée aux SS comprenait des
chambres, les bureaux du commandant et un casino. Un four crématoire plus
grand avait été ajouté en septembre 1943. Majdanek avait des camps satellites
nombreux, tels que Budzin et des camps à Radom et à Varsovie. Les Nazis
avaient prévu des plans pour agrandir le camp de Majdanek ; ils voulaient
construire des blocs pour 250,000 prisonniers, pour y installer des usines et
d’autres chambres à gaz et un four crématoire plus efficace cependant, cela
ne se concrétisa jamais.
Depuis son ouverture en septembre 1941 et jusqu’à la libération, en juillet
1944 le camp de Majdanek sera dirigé par cinq commandants successifs. Ils
furent Karl koch, Max Koegel, Herman Florsted, Martin Weiss, et Arthur
Liebehenschel.
80
Majdanek, Pologne, Mirador et barbelés, 1973
Les premiers prisonniers arrivent à Majdanek en octobre 1941. Pendant
les deux années et demi qui suivent, de nombreux groupes y arrivent. C’était
des prisonniers de guerre soviétiques et d’autres camps de concentration
comme Sachsenhousen, Dachau, Buchenwald, Auschwitz, Neuengamme, et
Flossenberg; des civils polonais, qui ont été arrêtés lors de raids par les
allemands ou qui ont été prisonniers ailleurs ; des juifs de Pologne ,
d’Allemagne, de Tchécoslovaquie, de Hollande, de France, de Hongrie et de
Grèce; des non juifs de Biélorussie et d’Ukraine; il y avait aussi des fermiers
polonais de la région de Zamosc qui ont été expulsés de leurs maisons. Des
dizaines de milliers de juifs ont été déportés vers Majdanek de Varsovie après
le soulèvement du ghetto de Varsovie en avril 1943, et des milliers de juifs de
Bialystok ont été amenés au camp après la liquidation du ghetto en août 1943.
En tout, près de 500,000 personnes de 54 différentes nationalités, de 28
pays, passèrent par Majdanek; de ceux-là environ 360,000 périrent au camp
81
Soixante pour cent moururent à cause des conditions de vie au camp, soit par
maladie, famine, déshydratation, trop de travail, exténuation, ou après avoir
reçu des coups des gardes du camp. Les autres 40 pour cent ont été exterminés
dans les chambres à gaz, ou de tout autre façon, comme lors d’exécution de
masse qui se déroulaient dans le camp ou à proximité du camp. En 1941 et
en 1942, les Allemands éliminèrent les prisonniers de guerre malades. En avril
1942, ils exécutèrent 2 800 juifs et ce même été, des milliers d’autres prisonniers
seront exécutés de la sorte et en été 1943, 300 officiers soviétiques seront tués,
puis le 3 novembre 1943, 18 000 Juifs furent assassinés en une seule journée.
Ce dernier massacre faisait partie de l’opération “Erntefest”. Les juifs furent
tués dans des fosses communes géantes, sur fond de musique hurlante pour
couvrir le bruit des déflagrations et les cris des victimes.
La majorité des détenus exécutés dans des chambres à gaz étaient des juifs.
Et de fait, certains des prisonniers juifs étaient immédiatement menés à la
chambre à gaz en arrivant au camp de Majdanek. Et c’est pourquoi des
historiens considèrent que ce camp n’était pas seulement un camp de
concentration mais un camp d’extermination.
Il y a eu à Majdanek plusieurs mouvements de résistance, et de temps en
temps, des groupes ou des individus essayaient de s’enfuir du camp. Les
prisonniers polonais de Majdanek étaient secondés par le mouvement de
résistance polonais et des organisations d’aide polonaise, comme la Croix
Rouge polonaise ou le conseil d’aide polonais.
En juillet 1944, l’armée soviétique qui progressait étant très proche, les
Allemands décident de liquider Majdanek. 1,000 prisonniers sont évacués, dont
la moitié seulement arrive à Auschwitz. Avant d’abandonner le camp, les
Allemands veillèrent à détruire tous les documents qui auraient pu les incriminer
et brûlèrent le grand four crématoire et d’autres bâtiments. Toutefois, ils étaient
si pressés de quitter les lieux, qu’ils n’eurent pas le temps de détruire les
baraquements de prisonniers ainsi que les chambres à gaz. L’armée soviétique
a libéré le camp le 24 juillet. Il n’y restait que quelques centaines de prisonniers.
Juste après la libération du camp, une commission commune soviétopolonaise commença une investigation des crimes de guerre commis à
Majdanek. Et moins de deux mois plus tard, elle publie un rapport, mais très
peu des 1.300 personnes qui y avaient travaillé à Majdanek furent jugés. En
novembre 1944 six SS seront jugés pour leurs activités à Majdanek. Quatre
furent condamnés à mort, alors que les deux autres se suicidèrent avant d’être
condamnés. De 1946 à 1948 95 SS de Majdanek, dont la majorité avaient été
82
des gardes seront jugés à leur tour. Sept seront condamnés à mort et les autres
seront condamnés à des peines d’emprisonnement. De 1975–1980 16 autres
sont jugés, cette fois en allemagne.
Aujourd’hui, Majdanek reste l’un des exemples les mieux préservés d’un
camp nazi. Plusieurs sections du camp sont encore en place. Elles constituent
un musée à la mémoire des victimes des nazis. Les chambres à gaz originales
et les fours crématoires sont aujourd’hui une preuve silencieuse et un
monument en souvenir des 360 ,000 victimes de Majdanek. A côté du bâtiment
des chambres à gaz, se trouve une structure en forme de dôme, qui contient
un amas colossal de cendres provenant des fours crématoires.
83
Témoignages
Arrivée à Lublin
Nous sommes arrivés à Lubin tard cette nuit-là.
Le train s’est arrété et les SS ont ouvert les portes du wagon en nous poussant
avec brutalité ceux qui étaient encore en vie et qui pouvaient bouger. Et de
nouveau ces cris, ces sifflements, ces hurlements. Les gens se cherchaient les
uns les autres, et tirant les vêtement qu’ils avaient retiré à cause de la chaleur….
Il pluviotait et à la descente du train nous étions dans une boue épaisse.
Le froid de la nuit était pénétrant et atteignait nos os, surtout après le voyage
dans les wagons. J’étais pieds nus et j’avais mal aux pieds en allant dans ce
troupeau humain vers Umschlag de Lublin. Si ce n’avait pas été dans l’obscurité,
les SS m’aurait tué à coups de feu comme ils le faisaient à toutes les personnes
malades ou faibles. [1]
L’arrivée à Majdanek
Le matin nous avons marché vers Majdanek encadrés par des armes. Nous
avancions en trébuchant dans la boue, en tombant parfois. Nous avons croisé
des foules d’hommes vêtus de drôles d’uniformes à rayures de prisonniers,
qui avaient sur la tête rasée des bérets bizarres. Ils portaient des pierres ou
poussaient brouettes pleines de terre et la boue rendait leur tâche encore plus
pénible. Je me suis demandé si ma mère et moi étions capables de faire ce
genre de travail. [2]
Nous formions une foule serrée de femmes et d’enfants au centre de cet
immense espace ouvert, grelottant de froid et de fatigue…. Les hommes
avaient été emmenés ailleurs, nous ne savions pas où. Et maintenant nous
n’avions aucune idée de l’endroit vers lequel ils allaient nous emmenés à
notre tour, ni ce qu’ils avaient l’intention de faire de nous.
La mi journée approchait et les SS continuaient à séparer les groupes
d’hommes dans la foule, pour les grouper dans des baraquements non loin
de là. Qu’y avait-il à l’intérieur des huttes ? Personne n’en ressortait, nous ne
savions pas.
Ma mère me couvrit avec son manteau et me serra dans ses bras avec
amour. Le vent envoyait du sable dans les yeux, il soufflait très fort au point
que nous luttions contre lui pour rester debout après les heures d’attente sur
84
la place, les nuits sans sommeil et le cauchemar du convoi. J’ai pensé, que
cette souffrance se termine, qu’ils fassent de nous ce qu’ils voudront. [3]
Ma mère caressait mes cheveux, pour me rassurer et me calmer. “Encore
un peu de patience,” dit-elle, ils vont bientôt nous mener aux douches, nous
pourrons nous laver et changer de vêtements, puis nous irons dans le camp
dans les huttes que tu vois derrière les barbelés. Nous pourrons nous reposer
là-bas et puis ils nous donnerons sûrement un travail dans les champs...”
“Tu ne crois pas qu’ils vont nous tuer ?” j’ai demandé.
“Bien sûr que non,” dit-elle, “tu sais bien, nous avons vu des femmes
prisonnières vêtus de ces uniformes de prison en venant ici et tu les vois
maintenant au loin, derrière les barbelés.”
“Tu crois qu’il y aura des lits dans ces baraquement, et des couvertures,
et de la nourriture ?” j’ai demandé.
Les mots de ma mère m’avaient calmée et je me suis laissée aller à rêver
d’un bain, et du baraquement où nous allions nous reposer, manger et être
au chaud. La lenteur à laquelle la queue avançait me rendait impatiente.
Combien de temps encore devrions-nous attendre pour pénétrer aux douches
où les SS ne cessaient de faire entrer des groupes de femmes ? [4]
Les chambres à gaz
Finalement notre tour est arrivé.
Ma mère marchait derrière nous avec Hela…. Je ne sais pas quand ou comment
je me suis trouvé dans la hutte, qui était débordante jusqu’au plafond de
vêtements et de chaussures. Les Nazis nous ont ordonné de nous déshabiller
complètement et de tout jeter, sauf les chaussures dans le tas….
Puis poussée par des centaines de femmes nues, je parvins finalement à
la douche: “un bain !”…. je voulais me jeter dans les bras de ma mère de joie,
lui dire combien je l’aimais et que j’avais entière confiance en elle. Je regardais
autour de moi, la cherchant dans cette foule de femmes sous les douches.
Mais elle était introuvable. J’ai commencé à la chercher avec plus de frénésie
en murmurant…. “Où est ma mère ?” en m’adressant à ma belle-soeur.
Hela me regarda, et j’ai vu qu’elle était triste en regardant de l’autre côté
et j’ai compris quelle disait: “ elle n’est pas ici”
C’est comme si mes mains et mes pieds avaient été coupés. Mais je continuais
à regarder du côté de la porte… elle allait sûrement revenir à tout moment pour
me prendre dans ses bras et ne réconforter. Mais elle n’est pas revenue. [5]
85
La transformation d’un être humain en prisonnier
Mon passé, il s’avérait, ne m’appartenait plus. Et de toute façon n’avait
absolument aucune relation avec la réalité actuelle. Le camp m’a transformé
en une personne totalement différente de celle que j’étais avant. [6]
Après une heure de marche, la file tourna vers la droite. Nous avons marché
quelques centaines de mètres encore et nous sommes trouvés dans un endroit
étrange avec de nombreux sheds en bois. On nous a menés à l’un d’eux qui
portait une pancarte Effektenkammer. Les premières cinquante personnes y
furent introduites tandis que les autres attendaient. Nos coeurs battaient, nous
étions oppressés. Quelques minutes, plus tard, les hommes couraient
complètement nus; courant en groupe ou seuls ils disparurent dans un bâtiment
de briques quelques 50 yards plus loin. Puis finalement ce fut notre tour,
lorsque le shed était plein, le SS nous a donné l’ordre de nous déshabiller.
Nous avions le droit de garder seulement les lunettes, nos bretelles et nos
ceintures. Il fallait jeter l’argent et les bijoux et autres objets de valeur dans
des boîtes spéciales qui étaient posée dans la salle. Si quelqu’un essayait de
cacher des objets, nous avait dit le SS, il serait tué sur place. Deux SS circulaient
parmi nous, incitant les plus lents à coups et à cris à se presser. “Pouvonsnous garder nos papiers?”
“Nein.”
“La photo de mon enfant, mon fils unique !”
“Nein.”
Un dernier regard sur les visages des êtres chers. Il fallait jeter par terre les
papiers et les photos et comme ils n’avaient aucune valeur, ils n’allaient pas
dans les boîtes….
Tout d’abord, avec une efficacité toute germanique, Ordnung muss sein!
–le nouveau convoi de prisonniers fut mené aux bureaux du camp
(Schreibstube) où des “scribes,” surtout des juifs slovaques et tchèques étaient
assis derrière des tables. L’un d’entre eux remplissait avec soin une longue
fiche pour laquelle il fallait lui donner le nom, la date de naissance et la
profession…
J’ai remis la fiche à la table indiquée et en échange il m’a donné un morceau
de tissu avec un numéro, le: 7,115. A partir de ce moment, j’ai cessé d’être un
homme et je suis devenu le prisonnier numéro 7,115. [7]
86
La vie au quotidien
Nous nous sommes serrés les unes aux autres oubliant les querelles passées,
pour essayer de nous tenir au chaud, mais dès qu’un capo ou surveillant
approchaient au loin nous nous séparions immédiatement et le vent, la pluie
et le froid du petit matin s’abattaient avec une force renouvelée. Pour la
plupart nous étions en robe d’été à manches courtes – c’est comme ça qu’ils
nous habillaient. Les après-midi, nous avions très chaud, il n’y avait pas où
se protéger du soleil. Nos bras, nos jambes et nos visages étaient recouverts
de cloques. Nous n’avions rien pour soigner les blessures. Les gardiennes en
uniformes épais et portant des manteaux avec des grands capuchons, et des
bottes hautes, circulaient parmi nous nous comptant tout le temps et ne se
gênant pas pour maltraiter les prisonnières et faire régner la terreur. [9]
Mon séjour à Majdanek a été une longue suite de sélections. Chaque appel
à se mettre en rang était un une sélection nouvelle: des femmes étaient envoyées
aux chambres à gaz parce que leurs jambes étaient enflées, elles avaient des
égratignures sur le corps, parce qu’elles portaient des lunettes, ou des foulards,
ou parce qu’au contraire elles s’étaient mis en rang avec un foulards dur la tête.
Les SS circulaient au milieu des prisonniers et prenaient leur numéro et à l’appel
du soir, appelaient les femmes et on ne les revoyait plus.
En plus, il y avait les sélections ordinaires où quand on entendait “Lagersperre!
Antreten!” [“Couvre-feu en rangs!”] Qui était aboyé, nous nous mettions tous
en rangs de cinq, nues, pour défiler devant les jeunes SS. Les femmes qui
avaient des enfants plus âgés que ces hommes étaient très gênées. Ces SS
étaient souvent accompagnés de gardiennes. [10]
Les conditions de vie
La réalité de Majdanek….
C’était une peur incessante, l’enfer. Comment peut-on trouver les mots pour
décrire cela ?…
Il nous fallait nous battre pour tout à Majdanek: pour un bout d’espace par
terre pour s’étendre la nuit, pour un bol rouillé sans lequel nous ne pouvions
recevoir la malheureuse ration de soupe qui était notre nourriture, ni l’eau
jaune nauséabonde que nous buvions. Mais je n’étais pas capable de me battre.
La peur et l’horreur me submergeaient de voir ces femmes prisonnières se
disputant âprement un bout de place au sol ou se frappant sur la tête pour
87
un bol – pleines d’hostilité et d’agressivité, qui voulaient vivre à tout prix.
Hagarde, affamée, terrifiée, exténuée, je les voyais de loin. [11]
Il y avait environ un millier de femmes dans nos baraquements. Elles
dormaient sur le sol. La nuit elles trébuchaient les unes sur les autres lorsqu’elles
allaient aux latrines ou qu’elles allaient boire.
La soupe que l’on nous donnait au camp et l’eau polluée que nous buvions
nous donnaient la diarrhée, ce qui fait que la nuit beaucoup devaient se lever.
Souvent les femmes malades n’y arrivaient pas à temps…. Les latrines à
Majdanek étaient dehors, près des barbelés qui divisaient le camp des femmes
de celui des hommes. Il nous fallait nous tenir avec nos jambes nues tandis
que les hommes passaient non loin de là et souvent les gardes tiraient sur ces
cibles par ennui ou pour se divertir. [12]
Les travaux forcés
A Majdanek, arracher les herbes entre les lignes de barbelés électrifiés qui
séparaient notre camp de celui des hommes était considéré comme un travail
facile. C’était une bande étroite où pouvait marcher une personne très mince.
L’une derrière l’autre nous avancions avec grande précaution; un mouvement
brusque signifiait la mort. De temps à autre une personne mourait électrifiée.
Ni les gardes ni les kapos n’osaient venir entre ces barbelés alors personne
n’était là pour nous frapper ou nous pousser. Nous pouvions nous reposer
de temps en temps. C’était le travail que je préférais car il y avait le calme
que je cherchais. [15]
Plaszow
Un camp de travaux forcés situé dans les environs de Cracovie. Plaszow a
été créé en été 1942. En janvier 44, il a été transformé en camp de concentration.
Plaszow était situé dans les limites de la ville de Cracovie, sur une terre
où étaient deux cimetières juifs et sur d’autres terres appartenant à la
communauté juive et des propriétés de polonais qui avaient été expulsés de
chez eux. Plaszow était divisé en plusieurs sections: des logements pour les
Allemands, des usines où les prisonniers étaient obligés de travailler et les
bâtiments où logeait les prisonniers, qui étaient divisés en plusieurs sections
pour les hommes et les femmes avec des sous sections pour séparer les juifs
des polonais. Régulièrement, le camp était agrandi et il atteint sa taille maximale
88
en 1944, couvrant alors 200 acres. Le site était entouré de barbelés électrifiés
sur plus de 4 km environ.
Les Allemands liquidèrent le ghetto de Cracovie les 13 et 14 mars 1943.
Environ 2,000 juifs furent assassinés dans les rues de Cracovie, et enterrés
dans des fosses communes à Plaszow. Pour les juifs survivants, ils ont été
pour la plupart déportés à Belzec, alors que 8 000 étaient emprisonnés à
Plaszow.
En juillet 1943 les Allemands établirent un camp séparé à Plaszow pour
des prisonniers polonais qui avaient été arrêtés pour des raisons diverses.
Selon les Allemands, ces prisonniers devaient être reformés par le travail. En
fait, les prisonniers qui avaient été arrêtés pour des raisons disciplinaires
étaient gardés au camp pendant quelques mois, alors que les prisonniers
politiques y étaient gardés indéfiniment. Ce camp polonais comprenait aussi
des dizaines de familles de Tziganes avec leurs enfants.
Le nombre de prisonniers à Plaszow ne fit que s’accroître au fil des années:
avant la liquidation du ghetto de Varsovie, il y avait 2,000 prisonniers, alors
que pendant la seconde moitié de 1943, il y avait 12,000 prisonniers. En mai
et juin 1944 Plaszow avait entre 22,000 et 24,000 prisonniers y compris 6,000
à 8,000 Juifs de Hongrie. Le nombre de prisonniers polonais augmentait aussi
de 1,000 auparavant à 10,000 après le soulèvement polonais de Varsovie à la
fin de l’été de 1944.
Certains prisonniers criminels allemands y étaient également détenus et
ils effectuaient divers travaux dans le camp. D’entre eux 25,000 étaient
considérés comme des prisonniers “permanents” et ils recevaient des numéros.
A part cela, il y avait un nombre inconnu d’autres prisonniers “temporaires”.
Il y eu cinq commandants du camp, sur une période de deux ans et demi.
Amon Goethe, de février 1943 à septembre 1944, il était le plus cruel et le plus
inhumain. Il encourageait les exterminations massives et il poussait les
prisonniers à travailler si dur qu’ils en mourraient. Il a été également
personnellement responsable de la mort de nombreux détenus.
De 1942 à 1944, la plus grande partie des gardes étaient des ukrainiens qui
aidaient les nazis. Lorsque Plaszow devint un camp de concentration, 600 SS
des unités de la mort entrèrent dans le camp. La plupart des prisonniers
travaillaient encore mais ces SS tuèrent des prisonniers en masse. De plus, les
polonais qui avaient été condamnés pour avoir participé à des activités
patriotiques polonaises furent amenés à Plaszow et tués. Au total 8,000
personnes ont ainsi été exécutées à Plaszow, en groupe ou individuellement.
89
Mais, dans les usines d’Oskar Schindler, 900 personnes travaillaient, et
étaient de la sorte protégées des horreurs du camp.
En été 1944 l’armée soviétique approchant, les Allemands commencèrent
à démanteler le camp et à envoyer les prisonniers vers d’autres camps y
compris des camps d’extermination. Là 2,000 Juifs seront envoyés à leur mort
à Auschwitz en mai 1944. En septembre, la section polonaise de Plaszow sera
éliminée. Les Allemands ont alors essayé de détruire la preuve des assassinat
en masse dans le camp: pour cela ils creusèrent des fosses énormes, y jetant
les corps pour les brûler en tas énormes. Les derniers prisonniers quittent
Plaszow le 14 janvier 1945.
90
Témoignages
Les ’actions’ contre les enfants
A ce moment il y avait près de trois cents enfants dans le camp qui avaient
pu être pris clandestinement de toutes sortes de façons. Dans la plupart des
cas, les parents avaient drogué leurs enfants pour qu’ils soient profondément
endormis, les avaient mis dans leurs affaires, et les avaient fait pénétrer dans
le camp ainsi. Certains avaient payé des sommes d’argent énormes aux
charretiers polonais pour que les enfants soient amenés dans la ville au milieu
de marchandises sur la charrette. Les policiers et autres personnes officielles
avaient le droit d’amener leurs enfants au camp.
Un jour, qu’une maison spéciale pour enfants allait être construite pour
les enfants du camp…. Les assassins disaient qu’ils voulaient rendre la vie
plus facile aux parents qui travaillaient, dans un but d’améliorer les conditions
des pauvres enfants qui avaient été abandonnés et que les parents laissaient
seuls quand ils allaient travailler. On donna donc l’ordre de transférer les
enfants dans ce “club” spécial, qui était un bâtiment tout neuf et brillant, plein
d’air et de lumière. Il y avait un terrain de jeux devant, avec une pelouse et
des fleurs et pour certains enfants c’était la première fois qu’ils voyaient une
fleur de leur vie si courte. Des jardinières d’enfants avaient été prévues. C’était
l’été de 1944.
Une nouvelle femme SS arriva au camp à cette époque. Elle était belle,
avec des cheveux brillants et une belle silhouette. Il est difficile de croire que
dans ce corps si beau vivait une âme aussi noire et corrompue…. Sa réputation
n’était plus à faire, avant même d’avoir pris son poste, comme inspectrice du
club des enfants nous savions que son expertise était de tuer les enfants.
Pendant les premières semaines, les enfants étaient dans le club, où ils
étaient lavés, et bien nourris, et ils couraient sur le terrain de jeux. Ils
commençaient à ressembler à des enfants. Leurs joues étaient plus roses ; ils
n’avaient plus le regard apeuré. Ils étaient redevenus des enfants.
Le matin du 13 mai, très tôt, nous étions debout pour l’appel et comme
tous les jours. Les camions étaient prêts à partir sur le chemin de la mort, la
route qui menait à la porte de derrière, par laquelle ceux qui avaient été
condamnés à mort passaient. Les hauts parleurs diffusaient des chansons
enfantines pendant que les enfants sous nos yeux été emmenés du club aux
camions…. L’inspectrice se tenait un peu à l’écart pour diriger les opérations.
91
Une main au front pour protéger ses yeux du soleil, pour mieux voir le
spectacle….
Seuls vingt enfants restaient maintenant au camp, c’était les enfants des
policiers et des officiels, qui avaient pu les cacher à temps dans les toilettes
ou dans des bennes à poubelle.
Auschwitz
Le camp d’Auschwitz, (en polonais, Oswiecim), était le camp d’extermination
et de concentration le plus grand. Il était situé dans une ville de Pologne de
Oswiecim, à une cinquante de kilomètres de Cracovie. Un sixième de tous
les juifs exterminés par les Nazis, le seront dans les chambres à gaz d’Auschwitz.
En avril 1940, le chef des SS Heinrich Himmler ordonne la création d’un
nouveau camp de concentration à Oswiecim, une ville située dans la partie de
la Pologne qui avait été envahie par les Allemands au début de la guerre. Les
premiers prisonniers politiques polonais arrivent à Auschwitz en juin 1940. En
mars 1941 il y avait 10,900 prisonniers, dont la majorité étaient polonais.
Auschwitz devint rapidement connu comme le camp nazi le plus brutal.
En mars 1941 Himmler ordonne la construction d’une seconde section,
beaucoup plus vaste à quelques quatre kilomètres du camp original ce cite
devait servir comme camp d’extermination. Il s’agit du camp de Birkenau,
ou Auschwitz II. A un point, c’est là qu’étaient détenus la majorité des
prisonniers du complexe d’Auschwitz: il y avait des juifs, des polonais, des
allemands, et des Tziganes. Les conditions y étaient les plus inhumaines. Il
y avait des chambres à gaz et des fours crématoires.
Une troisième partie, Auschwitz III, a été construite non loin de là à
Monowitz, qui était composée de d’un camp de travaux forcés, appelé BunaMonowitz et de 45 autres de sous camps de travaux forcés également. Buna
était le nom d’une usine de caoutchouc synthétique sur le site, qui appartenait
à I.G. Farben, la plus grande société chimique d’Allemagne. Les détenus qui
92
travaillaient dans l’usine étaient pour la plupart des juifs comme dans d’autres
usines allemandes et étaient forcés de travailler jusqu’à exténuation, puis ils
étaient remplacés par d’autres prisonniers qui prenaient leur place.
Auschwitz était au début dirigé par le commandant Rudolf Hoess, et les
gardes provenaient de l’unité la plus cruelle de SS les unités de la mort. Il y
avait plusieurs prisonniers au statut privilégié, qui avaient droit à une meilleure
nourriture, de meilleures conditions et une opportunité de survivre s’ils
acceptaient de faire respecter l’ordre brutal qui était imposé au camp.
Auschwitz I et II étaient entourés de barbelés électriques de quatre mètres
de hauteur qui étaient surveillés par des SS armés de mitrailleuses et de fusils
les deux camps étaient entourés de postes de garde à un kilomètre en deçà
des barbelés. En mars 1942 des trains qui transportaient des Juifs commençaient
à arriver chaque jour. Parfois c’étaient plusieurs trains qui arrivaient le même
jour, avec chacun un millier ou plus de victimes déportés des ghettos d’Europe,
de l’Est, du Sud et de l’Ouest. Pendant l’année 1942 les convois arrivaient de
Pologne, de Slovaquie, de hollande, de Belgique, de Yougoslavie et de
Theresienstadt. Les juifs continuent à arriver pendant toute l’année 43, ainsi
que les Tziganes. Les juifs hongrois sont amenés à Auschwitz en 1944, avec
les juifs des derniers ghettos polonais quand ils sont démantelés.
En août 1944 il y avait 105,168 prisonniers à Auschwitz, et 50,000 autres
juifs étaient internés dans les camps satellite d’Auschwitz. La population du
camp grandit constamment malgré le taux de mortalité très élevé à cause des
exterminations, de la famine, de travaux forcés, de maladies contagieuses.
Lorsque les juifs arrivaient sur la plateforme de Birkenau, ils étaient jetés
hors du train sans leurs affaires et devaient de se mettre sur deux rangs, les
hommes et les femmes séparés. Les officiers SS, y compris le malheureusement
renommé Dr Josef Mengele, effectuer ses sélection dans ses rangs envoyant
les victimes d’un côté, les condamnant à la mort dans les chambres à gaz (voir
aussi Selektion). Une petite minorité était placée de l’autre côté, pour être
ensuite aux travaux forcés. Ceux pour lesquels la mort avait été décidée,
étaient exécutés le jour même et leurs cadavres étaient brûlés dans un four
crématoire. Ceux qui n’étaient pas envoyés aux chambres à gaz étaient mis
en “quarantaine”, là on leur rasait la tête, ils recevaient des uniformes rayés
de prisonniers et étaient inscrits comme prisonniers. Ce numéro d’inscription
était tatoué sur leur bras gauche. La plus grande partie des prisonniers étaient
de là envoyés faire des travaux forcés à Auschwitz I, III, sous camps, ou dans
d’autres camps de concentration, où leur espérance de vie était de quelques
93
mois. Les prisonniers qui étaient en quarantaine avaient une espérance de
vie de quelques semaines.
La routine du camp consistait en plusieurs devoirs à réaliser. L’emploi du
temps quotidien commençait par un levé à l’aube, nettoyage de l’endroit où
ils avaient dormi, l’appel du matin, la route vers le travail, de longues heures
de travail exténuant, puis la file pour une repas minime et retour au camp,
l’inspection du bloc, et l’appel de nuit. Pendant l’appel les prisonniers devaient
se tenir en lignes complètement immobiles et sans parler pendant des heures,
avec des vêtements très légers indépendamment du temps qu’il faisait. Ceux
qui tombaient ou trébuchaient étaient envoyés à la mort. Les prisonniers
devaient consacrer toute leur énergie à survivre une journée de plus.
Les chambres à gaz dans le complexe d’Auschwitz était une usine à
exterminer la plus vaste et a plus efficace des Nazis. A Birkenau, quatre
chambres à gaz étaient utilisées avec une capacité de tuer 6,000 personnes
par jour. Elles devaient ressembler à des douches pour tromper les victimes:
on disait aux nouveaux arrivants à Birkenau qu’ils allaient être envoyés au
travail mais qu’avant ils devaient prendre une douche et être désinfectés. On
les menait alors vers des salles avec des douches où ils étaient rapidement
gazés à mort au poison Zyklon B.
Certains prisonniers à Auschwitz, comme des jumeaux ou des nains étaient
utilisés comme cobayes pour les expériences médicales très douloureuses.
On testait sur eux l’endurance dans des conditions les plus extrêmes comme
le froid et la chaleur ou bien ils étaient stérilisés.
Malgré les conditions déplorables, les détenus à Auschwitz réussissaient
à résister aux Nazis, et parfois ils parvenaient à s’échapper et à opposer une
résistance armée. En octobre 1944, des membres du Sonderkommando, qui
travaillaient dans les fours crématoires réussirent à tuer plusieurs SS et à
détruire une des chambres à gaz. Ils furent tous exterminés et les journaux
qu’ils avaient écrits et qui nous sont parvenus nous fournissent une
documentation authentique des atrocités commises à Auschwitz.
En janvier 1945, les troupes soviétiques avançaient sur Auschwitz. Les
Nazis, qui voulurent se retirer précipitamment envoyèrent les 58,000 prisonniers
qui restaient vers une marche de la mort. Pour la plupart, ils mourront en
route vers l’Allemagne. L’armée soviétique libère alors Auschwitz le 27 janvier.
Les soldats ne trouvent dans le camp que 7,650 détenus quasi morts. En tout,
un million de juifs y ont été exécutés.
94
Témoignages
Auschwitz- Birkenau
Arrivée
Comme la pluie s’arrêtait, nous avons vu … que des flammes sortaient d’une
haute cheminée dans le ciel noir…. Nous avons regardé ces flammes dans
l’obscurité. Il y avait une terrible horreur qui flottait dans l’air. Et soudain les
portes se sont ouvertes. Il y avait là des personnages bizarres habillés d’une
chemise à rayures et en pantalon noir qui ont sauté dans le wagon. Ils tenaient
à la main des torches électriques et des matraques. Ils frappaient à droite et
à gauche en criant:
“Tout le monde dehors. Tout le monde hors du wagon, vite.” Nous avons
sauté dehors. Et devant nous il y avait des flammes. Dans l’air il y avait une
odeur de viande calcinée… nous étions arrivés à Birkenau, le centre de
réception d’Auschwitz.
Nos objets importants que nous avions apportés avec nous, restèrent dans
le train et avec eux au moins nos illusions aussi.
A intervalles réguliers un SS nous visait avec sa mitraillette. Main dans la
main, nous suivions la foule... “Les hommes à gauche. Les femmes à droite.”
Huit mots prononcés doucement, avec indifférence sans émotion. Huit petits
mots, mais ces mots me séparaient de ma mère… un instant je regardai ma
Auschwitz-Birkenau, Selection sur la plateforme 27/5/1944
95
mère et ma soeur pendant une seconde qui se dirigeaient vers la droite.
Tzipora tenait la main de ma mère et je les ai vu disparaître au loin. Ma mère
caressait les cheveux blonds de ma soeur, comme pour la protéger tandis que
je marchais avec mon père et les autres hommes. Et je ne savais pas, alors
qu’à cet endroit et à ce moment-là c’était la dernière fois que je voyais ma
mère et Tsipora pour toujours. [2]
La rampe
Et soudain, la porte s’ouvre à grand fracas et ces hurlements barbares des
ordres lancés en allemand qui sont chargés de rage, une vaste plate forme
apparaît, éclairée par des projecteurs. Un peu en dessous, se trouait une ligne
de camions. Puis tout redevint silencieux. Quelqu’un traduisait: il nous fallait
sauter avec nos bagages et les déposer à côté du train. Un instant après la
plateforme était rempli d’ombres qui s’agitaient. Mais nous avions peur de
rompre le silence, et tous étaient occupés avec leurs bagages, ou cherchaient
quelqu’un, appelaient quelqu’un, timidement, certes, dans un murmure.
Une dizaine de SS étaient autour de nous, les jambes écartées, qui regardaient
d’un air indifférent. Puis, à un moment donné, ils se sont mis à circuler parmi
nous, et sur un ton assourdi, le visage de marbre, ils ont commencé à nous
interroger vivement, un par un, dans un mauvais italien. Ils n’ont pas interrogé
tout le monde, seulement quelques uns d’entre nous: “ l’âge ? Malade, bonne
santé ?” et selon la réponse, ils montraient deux directions différentes….
Quelqu’un osa demander ses bagages: ils répondirent: “Les bagages après.”
Un autre ne voulait pas quitter sa femme: ils ont dit: “ ensemble après de
nouveau.” beaucoup de mères ne voulaient pas être séparées de leurs enfants:
ils disaient “bien, bien, restez avec les enfants” ils affichaient l’assurance
calme, des personnes qui font le même travail tous les jours….
En moins de dix minutes, tous les hommes en bon état physique avaient
été regroupés ensemble. Ce qui arriva aux autres, les femmes, les enfants, les
personnes âgées, nous n’avons jamais pu le savoir, la nuit les avaient purement
et simplement avalés. [4]
Transformation d’un homme en un détenu
C’est là que nous sommes devenus des vrais prisonniers de Birkenau. D’abord,
le numéro des prisonniers étaient tatoués sur leur bras gauche j’ai reçu le 121097.
Après nous sommes passés chez le barbier qui nous a rasé la tête et nous a rasé
96
le corps en entier. Puis nous avons pris une douche avec une eau bouillante ou
glacée à intermittence ! Immédiatement après on nous a fait mettre nos nouveaux
uniformes à rayures bleu et blanc avec le numéro de prisonnier sur le côté
gauche avec un triangle rouge inversé, pour former une étoile à six pointes.
Nous avons su plus tard que les prisonniers avec un triangle rose étaient les
homosexuels. Un triangle noir signifiait “associal,” un triangle vert, “criminel.”
Ceux qui avaient droit au vert étaient souvent des Allemands qui avaient tirés
de prison et en tant que “senior de bloc,” étaient réponsables de leurs blocs.
Cela signifiait qu’ils avaient droit de vie et de mort sur les prisonniers dans
leurs blocs. Nous avions donc intégré la vie du camp. [6]
Il n’y a nulle part un miroir où se regarder, mais notre reflet était devant
nous, multiplié au centuple dans ces visages livides, dans ces centaines de
marionnettes misérables et sordides….
Puis pour la première fois, nous nous sommes aperçus que nous n’avions
pas les mots pour exprimer notre offense, la démolition d’un homme. En un
moment, avec une intuition quasi prophétique, la réalité se révéla à nous:
nous avions atteint le fond du gouffre. Il n’était pas possible de descendre
plus bas ; aucune condition humaine n’est plus triste que celle-ci, c’est
inconcevable. Rien ne nous appartient plus ; ils nous ont pris nos vêtements,
nos chaussures, et même nos cheveux ; si nous parlons, ils ne nous écoutent
pas, et s’ils nous écoutent ils ne nous comprennent pas. Ils nous retirent même
notre nom et si nous voulons le conserver, il faudra trouver en nous la force
de le faire de s’arranger d’une façon ou d’une autre pour que derrière le nom
quelque chose de nous reste….
C’est de cette manière que l’on peut comprendre le sens double de “ camp
de concentration” et maintenant ce que nous cherchons à exprimer avec la
phrase “toucher le fond” est claire [7]
Numérotation des prisonniers
Häftling (un prisonnier): j’ai appris que je suis un Häftling. Mon numéro est
le 174517; nous avons été baptisés, nous allons porter notre tatouage sur notre
bras gauche jusqu’à la mort.
L’opération était légèrement douloureuse et extrêmement rapide: ils nous
avaient mis en rang, et l’un après l’autre, en ordre alphabétique, selon notre
nom, nous avons défilé face à un homme armé d’une sorte de stylet avec une
très petite aiguille. Il semble que c’est la véritable initiation. Ce n’est qu’en
97
montrant le numéro sur le bras que l’on peut recevoir le pain ou la soupe.
Quelques jours plus tard, nous étions habitués à montrer le numéro assez
rapidement pour ne pas rompre le rythme de l’opération quotidienne de la
distribution de nourriture ; il nous fallu des semaines et des mois pour nous
habituer aux sons de la langue germanique. Et pendant de nombreux jours
tant que l’habitude de liberté me faisait chercher sur mon poignée l’heure, je
découvrais ironiquement mon nouveau nom, ces numéros sous ma peau, au
lieu de ma montre.
Ce n’est que bien plus tard et lentement, que certains d’entre nous apprirent
des notions de sciences funéraires d’Auschwitz, qui incarne les étapes de la
destruction du judaïsme européen. Aux anciens du camp, le numéro disait
tout: la période d’arrivée au camp, le convoi, et donc la nationalité. [8]
La vie quotidienne
Primo Lévi:
Comme la faim n’est pas comme la faim de celui qui a raté un repas, notre
manière d’avoir froid devait s’exprimer par un autre mot. Nous disons “faim,”
nous disons “fatigue,” “peur,” “douleur,” nous disons “hiver” mais c’est autre
chose. Il y a des mots libres créés et utilisés par des hommes libres qui vivaient
confortablement et qui souffraient dans leur maison. Si les Lagers (camps)
avaient duré plus longtemps, une nouvelle langue rude serait née ; et ce n’est
que cette langue qui aurait pu exprimer être toute la journée dans le vent
glacial, avec des températures en dessous de zéro et avec seulement une
chemise sur le dos, un pantalon en tissu et au fond du corps, seulement de
la faiblesse, de la faim, et la certitude que la fin approchait. [10]
Primo Lévi:
C’et moi, là en bas. On apprend très vite à effacer le passé et le futur quand
on y est obligé. Deux semaines après mon arrivée j’avais déjà faim, de cette
faim inconnue des hommes libres, et qui vous fait rêver la nuit et qui s’installe
dans tout le corps. J’ai déjà appris à ne pas me laisser voler et de fait si je
trouve une cuillère par là, un bouton, un morceau de corde que je peux prendre
sans danger d’être puni, je les mets dans ma poche et ils deviennent miens.
J’ai aux pieds des blessures qui ne guériront pas. Je pousse des wagons, je
travaille avec une pelle, je pourris dans la pluie, je frissonne au vent. Mon
corps ne m’appartient déjà plus, mon ventre est gonflé, mes membres émaciés,
mon visage est épais le matin et vide le soir. Certains d’entre nous ont la peau
98
jaune, d’autres sont gris. Lorsque nous ne nous voyons pas pendant quelques
jours, nous avons de la peine à nous reconnaître. [11]
Nous avons appris d’autres choses plus ou moins vite selon notre intelligence.
Nous avons appris à répondre “Jawohl,” à ne jamais poser des questions, à
toujours avoir l’air de comprendre. Nos avons appris la valeur de la nourriture,
et nous savons bien gratter le fond de notre gamelle après avoir fini notre ration.
Nous la tenons sous le menton quand nous mangeons du pain pour ne pas
perdre la moindre miette. Nous savons aussi que la soupe du haut de la marmite
n’est pas la même que celle du fond et nous savons déjà jugé en fonction de la
taille de la casserole, la place qu’il est préférable de tenir dans la queue.
Nous avons appris que tout est utile, le fil pour nouer les chaussures, les
bouts de tissus pour en entourer nos pieds, le papier qui sert illégalement à
rembourrer nos vestes contre le froid. Nous avons appris d’autre part que
tout peut être volé et de fait tout est automatiquement volé dès que l’attention
se relâche et pour éviter cela nous avons appris l’art de dormir avec la tête
posée sur un paquet fait avec notre veste qui contient tous nos biens, du bol
aux chaussures. [12]
Extermination
Salmen Lewenthal:
Le 20 octobre 1944
En plaine journée, un groupe de 600 garçons juifs entre 12 et 18 ans furent
amenés ici. Ils portaient des uniformes de prisonniers très longs et très légers,
aux pieds ils portaient des chaussures usées ou des sabots…. Lorsqu’ils
atteignirent la place, le commandant leur ordonna de se déshabiller, les enfants
remarquant la fumée qui sortait de la cheminée réalisèrent immédiatement
qu’ils allaient être exterminés. Ils commencèrent à courir sur la place totalement
désespérés en s’arrachant les cheveux car ils ne savaient comment ils pourraient
fuir. Nombre d’entre eux éclatèrent en sanglots terribles, poussant des cris
horribles à l’aide qu’on entendait très loin.
Ils se dévêtirent avec une peur instinctive de la mort nus et pieds nus, ils
se serraient les uns contre les autres pour éviter de recevoir les coups et se
tinrent totalement immobile un garçon courageux alla voir le commandant
qui était près de nous et lui demanda de lui laisser la vie sauve, lui promettant
en échange qu’il pourrait accomplir les travaux les plus durs. On le frappa
à la tête avec un lourd gourdin.
99
Beaucoup d’entre eux coururent vers les juifs du commando spécial, se
jetant à leur cou en les suppliant de les sauver. D’autres couraient nus dans
différentes directions sur la grande place (pour éviter la mort). Le Commandant
appela alors un garde SS avec une matraque pour qu’il l’aide.
Le son des voix d’enfants jeunes peu à peu fut remplacé par des pleurs
amers qui s’amplifiaient de minute en minute. Ces terribles sanglots résonnaient
à des kilomètres de là. Nous sommes restés immobiles comme paralysés. Les
SS avaient des sourires de satisfaction aux lèvres, ne montrant aucun signe
de pitié et avaient des airs de vainqueurs fiers d’eux-mêmes en les menant
dans le bunker à coups de matraques terribles….
Certains des garçons couraient encore sur la place espérant s’échapper.
Les SS les poursuivaient frappant dans toutes les directions, jusqu’à ce que
la situation soit maîtrisée pour finalement les conduire au bunker. Leur joie
était indescriptible. N’avaient-ils pas d’enfants à eux ? [24]
Rudolf Hoess:
Beaucoup de femmes cachaient leurs enfants dans la montagne de vêtements.
Les hommes du détachement spécial Sonderkommando veillaient et
encourageaient les mères de reprendre l’enfant avec elle elles craignaient que
le désinfectant ne fasse du mal à leur enfant d’où les efforts qu’elles déployaient
pour les cacher.
Les enfants les plus jeunes d’être déshabillés dans ces circonstance mais
lorsqu’ils étaient réconfortés par leur mère, ou des membres du détachement
spécial, ils se calmaient et entraient dans la chambre à gaz, jouant ou se parlant
les uns avec les autres, leurs jouets à la main.
J’ai remarqué que des femmes qui avaient soit deviné ou qui savaient ce
qui les attendait trouvaient le courage de rire avec leurs enfants pour les
rassurer, malgré la terreur qui se lisait dans leurs yeux.
Une femme m’a abordé en passant près de moi et montrant ses quatre
enfants qui aidaient les plus petits à marcher sur le sol rugueux et en murmurant
elle m’a dit:
“Comment pouvez-vous tuer de si beaux enfants ? N’avez-vous pas de
coeur du tout?”
un vieil homme en passant siffla:
“L’Allemagne payera un prix très lourd pour ce génocide des juifs.”
Ses yeux brillaient de haine. Mais il marcha calmement dans la chambre
à gaz, sans se soucier des autres.
100
Téléchargement