France – Scénario macro-économique 2016-2017
Une croissance résiliente, mais avec peu d’élan
Ludovic MARTIN
ludovic.martin@credit-agricole-sa.fr
n° 16/110 – 13 avril 2016
L’évolution de l’investissement sera également
sensible à la concrétisation des mesures prévues
dans le cadre du Pacte de responsabilité, dont on
postule qu’il sera mis en application. En avril 2016,
la seconde tranche du pacte est entrée en vigueur,
après avoir été retardée d’un trimestre pour
permettre de financer la mesure de
suramortissement jugée prioritaire. Cette deuxième
tranche consiste en une baisse de 1,8 point de
cotisations patronales sur les allocations familiales
pour tous les salaires compris entre 1,6 et
3,5 Smic. Cela représente un coût supplémentaire
pour les finances publiques de 4,2 milliards d'euros
en année pleine. Au-delà, en 2017, le vote de la
troisième tranche du pacte comprend, pour rappel,
des mesures fiscales (suppression définitive de la
C3S
et baisse du taux d’imposition sur les
sociétés de 1%, pour des coûts respectifs de 3,5 et
1,5 milliards d’euros)
Dans l’immédiat, les données d’enquête
témoignent d’anticipations à la hausse de
l’investissement des entreprises dans l’industrie
manufacturière. Interrogés en octobre 2015, les
industriels prévoyaient une hausse de 3,0% en
valeur de leurs investissements en 2016. En
janvier 2016, cette prévision a été revue à la
hausse de 4 points, à +7%. Cette évolution est
également liée à l’effet d’aubaine qu’occasionne la
mesure de suramortissement valable jusqu’en
décembre 2016. Enfin, on peut également noter
que les industriels prévoient surtout des
investissements de renouvellement, tandis que les
investissements d’extension de la capacité
productive restent en dessous de leur moyenne de
long terme.
L’investissement des ménages, renouerait
graduellement avec la croissance, après une
correction prolongée
Après un fort décrochage en 2014 (-5,3%),
l’investissement des ménages (achat de logements
neuf et travaux) continue de se détériorer en 2015
pour la quatrième année consécutive (-3,0%).
Toutefois, en 2016, il redémarrerait peu à peu en
lien avec le redressement des ventes de
logements neufs. Le marché immobilier dans son
ensemble (neuf et ancien) a connu un rebond en
2015 (hausse des ventes de 15%, stabilisation des
prix) et restera assez soutenu en 2016, grâce aux
mesures de soutien au logement neuf (dispositif
Pinel pour l’investissement locatif et renforcement
du prêt à taux zéro) et au très bas niveau des taux
de crédit.
Compte tenu des délais habituellement observés
entre la reprise des ventes de logements neufs et
celle de l’investissement des ménages, celui-ci va
remonter peu à peu en 2016-2017. Toutefois; un
C3S : Contribution sociale de solidarité des sociétés.
certain nombre de freins pèsent sur
l’investissement des ménages. D’une part, la
confiance des ménages demeure en dessous de
sa moyenne de long terme. D’autre part, les prix
de l’immobilier, s’ils ne paraissent plus surévalués,
restent élevés pour de nombreux primo-accédant.
Enfin, les taux de crédit pourraient remonter peu à
peu au cours des prochains trimestres.
Une contribution de l’extérieur encore
négative en 2016
Après avoir contribué négativement à la
croissance en 2014 (pour -0,5 point) et en 2015
(-0,3 point), la contribution du commerce
extérieur resterait légèrement négative en 2016
(-0,3 point), puis serait quasi neutre en 2017.
Les exportations progresseraient de 4,5% en
2016, puis 5,4% en 2017, contre 5,0% en
moyenne pour les importations sur la période.
En 2015, le dynamisme des importations (+6,7%,
après +3,9% en 2014) a éclipsé l’amélioration des
exportations (+6,1%, après +4,5% en 2014). Le
rythme de progression des importations a été
particulièrement dynamique au cours du second
semestre 2015, du fait d’importations soutenues
de produits manufacturés. Au-delà, les
importations resteraient dynamiques mais sur un
rythme plus mesuré, dans le sillage de
l’amélioration modérée de la demande interne. Les
importations progresseraient de 5,0% en 2016 et
en 2017, un rythme proche de leur moyenne de
long terme sur la période 1985-2010.
Côté exportations, le contexte de change de l’euro
reste plutôt favorable et soutient les exportations
françaises, toutefois l’« effet euro » serait moins
significatif qu’en 2015. Le taux de change effectif
réel de l’euro affiche une certaine résilience depuis
un an, liée à la baisse de certaines devises
émergentes (rouble, réal brésilien et livre turque
notamment), tandis que le taux de change
euro/dollar est assez stable en 2015. La
différenciation entre la politique monétaire de la
Fed et celle de la BCE implique un taux de change
de l’euro face au dollar qui resterait durablement
bas. Toutefois, la BCE semble privilégier le soutien
au crédit dans la zone euro (nouveaux TLTRO et
CSPP
), plus que l’affaiblissement du taux de
change de l’euro. Ces facteurs sont intégrés dans
nos projections qui tablent sur une baisse du
change euro/dollar à 1,08 fin 2016 et fin 2017,
contre 1,13 fin mars 2016.
Le taux de change effectif est le taux de change d'une zone
monétaire, mesuré comme une somme pondérée des taux de
change avec les différents partenaires commerciaux et
concurrents.
CSPP : Corporate sector purchase program.