Item n° 94 : Maladies éruptives de l’enfant OBJECTIFS TERMINAUX I. Diagnostiquer et distinguer une rougeole, une rubéole, un herpès, un mégalérythème épidémique, une varicelle, un exanthème subit, une mononucléose infectieuse, une scarlatine, un syndrome de Kawasaki II. Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient INTRODUCTION La majorité des fièvres éruptives est d'origine virale et de pronostic favorable. Deux diagnostics urgents : les syndromes de choc toxique et le syndrome de Kawasaki. Le diagnostic repose essentiellement sur la clinique. 1. Principales étiologies des maladies éruptives chez l’enfant 1-1. Érythèmes maculeux scarlatiniformes (= confluents) et maculopapuleux morbilliformes (= avec intervalles de peau saine) Érythème scarlatiniforme - Scarlatine - Bactériémies à Staphylococcus aureus et Streptococcus pyogenes - Syndromes de choc toxique staphylococcique (TSS) ou streptococcique (TSLS) - Maladie de Kawasaki - Allergies médicamenteuses Érythème morbilliforme - Rougeole, Rubéole, Roséole ou Éxanthème subit, Mononucléose infectieuse, Mégalérythème épidémique, Infection VIH - Allergies médicamenteuses. 1-2. Éruptions vesiculeuses et pustuleuses Vésiculeuses -- Varicelle, zona -- Herpès -- Entérovirose : syndrome mains-pieds-bouche. Pustuleuses. I Diagnostiquer et distinguer une maladie éruptive de l’enfant 1. Diagnostiquer et distinguer une rougeole 1-1. Contexte Infection devenue rare en France chez l'enfant du fait de la vaccination généralisée. Primo-infection due au virus de la rougeole (Morbilivirus, famille des Paramyxoviridae). Notion de contage (14 jours avant éruption). Absence de vaccination préalable, mais peut survenir malgré vaccination ; notamment si 1 seule injection. 1-2. Clinique Catarrhe oculo-respiratoire pré-éruptif. Fièvre atteignant 39,5 °C. Signe de Köplik. Faciès bouffi, grognon et pleurard. Éruption maculopapuleuse descendante en 2 à 3 jours. Convulsions hyperthermiques possibles (la veille de l'éruption). 1-3. Diagnostic Sérologie (présence d’IgM) utile seulement dans les formes atypiques, PCR. 1-4. Évolution Complications : surinfections bactériennes (otite, laryngite, pneumonie, kératite) ; encéphalite aiguë ; pneumonie interstitielle chez l'immunodéprimé. 1-5. Traitement Traitement symptomatique : paracétamol ; désinfection rhinopharyngée ; antibiothérapie si surinfection (amoxicilline + acide clavulanique). Pas de traitement antiviral spécifique. 1-6. Prévention Éviction scolaire. Maladie à déclaration obligatoire depuis 2005. La vaccination constitue la seule prévention : première injection à l’âge de 12 mois, deuxième entre 13 et 24 mois. Une vaccination peut être proposée pour l’entourage non immunisé si le contage a lieu moins de 3 jours auparavant. Pilly - Préparation ECN - Item 94 - ©CMIT 121 Item 94 2. Diagnostiquer et distinguer une rubéole 2-1. Contexte Infection devenue rare en France grâce à la vaccination généralisée. Primo-infection due au virus de la rubéole (Rubivirus, famille des Togaviridae). Notion de contage (2 à 3 semaines avant éruption). Absence de vaccination préalable. 2-2. Clinique Éruption fugace. Débute au visage et s’étend en 24 heures au thorax. Fièvre en règle peu élevée. Adénopathies occipitales postérieures. Arthralgies. 2-3. Diagnostic Plasmocytose sanguine, leuconeutropénie. Sérologie (présence d’IgM), indispensable chez la femme enceinte. 2-4. Évolution Les complications sont rares : polyarthrite, purpura thrombopénique, méningo-encéphalite. Risque tératogène de la primo-infection chez la femme enceinte. 2-5. Traitement Traitement symptomatique : paracétamol. Pas de traitement antiviral spécifique. 2-6. Prévention Éviction jusqu’à guérison clinique. Informer les femmes en âge de procréer dans l’entourage du malade. La vaccination constitue la seule prévention : une première injection à l’âge de 12 mois, une deuxième entre 13 et 24 mois. 3. Diagnostiquer et distinguer un herpès cutané diffus 3-1. Contexte Infection due au virus Herpes Simplex de type 1 (HSV-1) responsable de l’herpès oral (l’épidémiologie d’HSV-2 responsable de l’herpès génital est celle d’une IST). 3-2. Clinique Eczema herpeticum : surinfection de lésions d'eczema par HSV. Herpès gladiatorium : surinfection de lésions érosives post-traumatiques par HSV. 3-3. Diagnostic Le diagnostic est habituellement clinique. Diagnostic par identification virale sur un prélèvement d’une lésion ulcérée (PCR, culture cellulaire, immunodiagnostic direct) en cas de doute. 3-4. Traitement Traitement curatif : Aciclovir par voie IV si voie orale impossible, sinon valaciclovir (Zelitrex ®) per os pour 10 jours au total. Traitement symptomatique : antisepsie cutanée. 3-5. Prévention Aucun vaccin n’est disponible. 4. Diagnostiquer et distinguer un mégalérythème épidémique 4-1. Contexte Primo-infection à Parvovirus B19. Enfant de 5 à 10 ans. 4-2. Clinique Éruption descendante. Exanthème maculopapuleux en «guirlande», en «carte de géographie». Face «souffletée». Grandes plaques rouges au niveau de la racine des membres. État général conservé. Peu ou pas de fièvre. 4-3. Diagnostic Sérologie (Parvovirus B19 – IgM) non pratiquée chez l’enfant. Pilly - Préparation ECN - Item 94 - ©CMIT 122 Item 94 4-4. Traitement Traitement symptomatique : paracétamol. Pas de traitement viral spécifique, pas de vaccination. 5. Diagnostiquer et distinguer une varicelle 5-1. Contexte Primo-infection à virus varicelle zona (VVZ). Enfant ou adolescent le plus souvent ; parfois : adulte. Incubation de 14 jours. 5-2. Clinique Fièvre à 38- 38,5 °C. Éruption : macules rosées, puis papules, puis en 24 heures vésicules prurigineuses en «gouttes de rosée», posées sur la peau, entourées d’un liseré érythémateux, débutant souvent à la face, au thorax, atteignant le cuir chevelu et respectant paumes et plantes. Énanthème avec lésions érosives (buccal et parfois génital). Éléments d’âge différent, 3 poussées successives. Les vésicules se dépriment et se dessèchent en 48 heures sous forme de croûtes. Micropolyadénopathies cervicales. 5-3. Diagnostic Le diagnostic est clinique. La sérologie n’est utile que pour vérifier l’absence d’immunisation préalable lors d’une indication de vaccination, ou en cas de contage chez un patient à risque (ex. femme enceinte, immunodéprimé) ou n’ayant pas le souvenir d’avoir déjà eu la varicelle. 5-4. Évolution Complications : surinfections cutanées ; neurologiques (ataxie cérébelleuse++, méningite, encéphalite) ; purpura thrombopénique ; dissémination viscérale chez immunodéprimé. Traitement symptomatique : paracétamol ; aspirine contre-indiqué (risque de syndrome de Reye) ; antihistaminiques ; bains avec savons dermatologiques ; antibiothérapie (macrolides) si surinfection cutanée. Traitement antiviral : aciclovir IV ; n’est indiqué que chez les patients immunodéprimés ou lors d’une complication. 5-5. Prévention Éviction scolaire jusqu’à disparition des croûtes, éviter contact avec l'immunodéprimé, et le sujet adulte non immunisé (femme enceinte). Vaccination des sujets contacts non immuns dans les 3 jours suivant le contage. La vaccination systématique des nourrissons n’est pas recommandée en France ; elle est recommandée chez les adolescents de 12 à 18 ans non immunisés, chez les adultes non immunisés professionnels de santé ou en contact avec la petite enfance, et chez les femmes en âge de procréer non immunisées. 6. Diagnostiquer et distinguer un exanthème subit ou roséole infantile 6-1. Contexte Primo-infection à Herpes virus humain de type 6 (HHV6). Nourrisson entre 6 mois et 3 ans. 6-2. Clinique Fièvre de 3 jours qui précède l’éruption. Exanthème fugace prédominant sur nuque et tronc. Adénopathies cervicales. 6-3. Diagnostic Leuconeutropénie. Pas de diagnostic biologique en routine. 6-4. Traitement Traitement symptomatique : paracétamol. Pas de traitement antiviral spécifique, pas de vaccination. 7. Diagnostiquer et distinguer une mononucléose infectieuse 7-1. Contexte Primo-infection à virus Epstein-Barr (EBV). Enfant ou adolescent. 7-2. Clinique Exanthème rare spontanément (tronc, racine des membres) mais quasi-constante (morbilliforme ou scarlatiniforme) après prise d’aminopénicilline. Fièvre variable, asthénie marquée. Angine érythémato-pultacée, voire pseudo-membraneuse. Pilly - Préparation ECN - Item 94 - ©CMIT 123 Item 94 Purpura pétéchial du voile du palais. Adénopathies cervicales et occipitales, splénomégalie. 7-3. Diagnostic Syndrome mononucléosique, cytolyse hépatique. Test de dépistage : MNI-test Sérologie spécifique (IgM anti VCA, présence d'anticorps anti-EA, absence d'anticorps anti-EBNA). 7-4. Évolution Complications : hématologiques (anémie hémolytique à Coombs positif, purpura thrombopénique, cryoglobulinémie, hémophagocytose), neurologiques (encéphalite, polyradiculonévrite, paralysie faciale, méningite lymphocytaire), myocardite, rupture de rate spontanée ou post-traumatique. 7-5. Traitement Traitement symptomatique : repos, absence de sport (risque de rupture splénique). En cas de manifestations sévères (dysphagie importante) et de complications (anémies hémolytiques), une corticothérapie pendant 10 jours est indiquée. Pas de traitement antiviral spécifique. Pas de vaccination. 8. Diagnostiquer et distinguer une scarlatine 8-1. Contexte Infection à streptocoque du groupe A (SGA), l’éruption est liée à la production d’exotoxines erythrogènes. Début brutal, fièvre à 39 °-40 °C 8-2. Clinique Angine «qui vomit», céphalées, tachycardie. Éruption sans intervalles de peau saine ; débute au tronc, puis atteint les membres, prédomine aux plis de flexion. Aspect souffleté du visage, pâleur péribuccale. Langue blanche, puis framboisée, puis desquamative (lisse, vernissée). Desquamation en «doigts de gants» au niveau des extrémités après le 8e jour. 8-3. Diagnostic Diagnostic essentiellement clinique ; TDR positif à Ag streptococcique. 8-4. Évolution Complications : syndrome post-streptococcique (GNA, RAA). 8-5. Traitement Le traitement antibiotique est celui de l’angine streptococcique. 8-6. Prévention Éviction scolaire, réadmission après présentation d’un certificat médical attestant d’une antibiothérapie appropriée. Antibioprophylaxie pour les sujets contacts (fratrie, voisins de classe...). 9. Diagnostiquer et distinguer un syndrome de Kawasaki 9-1. Contexte Vascularite fébrile multisystémique dont l’étiologie reste inconnue. Urgence médicale, la précocité du diagnostic et de l’administration intraveineuse d'Immunoglobulines (Ig) humaines permet de réduire le risque d’anévrisme coronarien. Enfant avant 5 ans, prédominance masculine. 9-2. Clinique Fièvre prolongée au-delà de 5 jours. Conjonctivite, langue framboisée et chéilite. Exanthème. Érythème des paumes et des plantes avec œdème des extrémités. Adénopathies cervicales. 9-3. Diagnostic Recherche d’une atteinte coronarienne. Syndrome inflammatoire marqué avec polynucléose neutrophile et thrombocytose (> 500 000). Pas de diagnostic biologique spécifique. 9-4. Évolution Sans traitement risque de mort subite par infarctus du myocarde (anévrisme ou sténose coronaire). À la phase tardive, desquamation en «doigt de gants» des extrémités, arthralgie ou arthrite. 9-5. Traitement Régression sous perfusion d’immunoglobulines intraveineuses pendant 2 jours et d’aspirine pendant 14 jours. Pilly - Préparation ECN - Item 94 - ©CMIT 124