REVUE FORESTIÈRE FRANÇAISE 35
ADDITIONS
A LA
FAUNE
DES XYLOPHAGES
DU
NOYER
Importance
du
Problème
PAR
R.
JOLY
Professeur
de
Zoologie
à l'Ecole Nationale
des
Eaux
et
Forêts.
Le bois
de
Noyer
a
toujours
eu, sur le
marché, pour
les
usages
d'ébénisterie,
une
grosse valeur.
La
production
de ce
bois aussi bien
que celle
des
fruits,
qui
constituent cependant
une
excellente mar-
chandise d'exportation,
est en
régression constante
sur le
territoi-
re français.
Or, « la
France
a
pratiquement
le
monopole
des
pla-
cages
de
noyer
de
luxe
» (i).
Aussi,
la
Commission
du
Noyer,
créée
en 1952
auprès
de la
Direction générale
des
Eaux
et
Forêts
a-t-elle entrepris
de
coordonner
les
efforts
de
rénovation
de
cette
culture
et de
promouvoir toutes
les
mesures susceptibles d'amélio-
rer
la
production
et la
qualité
des
produits.
Aussi,
à
côté
de
l'importance
que
revêt pour
la
production
du
fruit l'étude
des
ennemis extrêmement importants,
du
groupe
des
insectes, comme
le
Carpocapse
par
exemple,
il
convient
de ne pas
négliger celle
des
déprédateurs
qui
peuvent contribuer, soit
au
dépérissement
de
l'arbre, soit
à la
dépréciation
du
matériau bois,
tant pour l'arbre
sur
pied, sain
ou
dépérissant,
que
pour
les
grumes
abattues
ou les
produits
mis en
œuvre.
En France,
des
études très fragmentaires
des
déprédateurs
du
bois
de
noyer sont dispersées dans
les
travaux
de
PAILLOT
(2) et au
chapitre des parasites de l'ouvrage de
LANCOSME
et
PEYRE
sur « Les
Noyers
» (3).
Mais
les
listes
de ce
dernier ouvrage,
qui
comporte
des erreurs
en ce qui
concerne
la
partie entomologique, sont quel-
que
peu
sujettes
à
caution.
Les
auteurs
y
confondent,
par
exem-
ple,
sur le
plan biologique
et
systématique, Cerambyx héros
et Obe-
rea linearis dont
les
mœurs sont bien différentes
et
placent
les
han-
netons dans
les
Coléoptères Carabidés.
Hors
de
France,
en
Yougoslavie, KOVACEVIC
(4) est le
seul
à
donner quelques indications
sur les
principaux déprédateurs exter-
nes
ou
internes
de
cette essence, dans
son
pays.
36
REVUE
FORESTIÈRE FRANÇAISE
En Turquie, SCHJMITSCHEK (5) s'il mentionne dans plusieurs cha-
pitres l'importance du noyer, ne s'attache pas à l'étude des insec-
tes nuisibles au bois, seul est cité Stromatium unicolor OL
Sur ce problème, notre premier souci a donc été, au cours des
dernières années, d'essayer de dresser une liste tant des depreda-
teurs du bois que des déprédateurs subcorticaux.
Il a été possible de profiter, pour cela, des conditions excep-
tionnelles offertes par les grands froids du mois de février 1956 qui
ont, entre autres dommages, entraîné une mortalité partielle ou
totale d'un grand nombre de noyers.
Ces déprédateurs du bois sont essentiellement des Coléoptères de
familles diverses.
Coléoptères Cerambycidae
En ce qui concerne les Cerambycidae, pour lesquels le point
semblait avoir été fait, en France, par les travaux systématiques
récents de
PLANET-1924
(6) et
PICARD-1929
(7), un certain nombre
d'espèces, jamais signalées sur cet arbre, sont à ajouter sans con-
teste aux indications de ces deux auteurs, car récoltées à l'état lar-
vaire sur noyer et dont l'élevage a été terminé en laboratoire.
D'ailleurs, ces élevages nous ont livré certains caractères d'identifi-
cation nouveaux des larves et des nymphes, qui feront l'objet d'un
travail ultérieur, en cours de rédaction (Voir tableau ci-après).
En dehors de France, KOVACEVIC a signalé également Cerambyx
cerdo sur noyer, dont les dommages s'apparentent à ceux de Ce-
rambyx scopoli, mais sont plus importants technologiquement, car
proportionnés aux dimensions de la, larve.
Le plus grand nombre de ces insectes, avec des larves subcorti-
cales,
peuvent se rencontrer sur des arbres dépérissants pour des
raisons variées et en activer la mort, mais ils sont également les
hôtes possibles des bois abattus, ayant conservé leur écorce et qui,
trop souvent, traînent sur les lieux d'abattage ou sur les chantiers
de scierie avant d'être débités. Les larves de quelques autres peu-
vent s'attaquer au bois des souches ou des grosses racines, ou des
fines ramifications dont elles peuvent entraîner la mort. D'autres
enfin sont capables de perpétrer des dégâts profonds dans l'épais-
seur de la grume et jusqu'au cœur, et même pour certaines conti-
nuer leurs dommages dans les bois mis en œuvre, à dessiccation
déjà avancée.
Laissant de côté toutes les espèces subcorticales se nymphosant
dans le bois, dont les dégâts sont, tout compte fait, relativement
réduits, nous ne voudrions insister ici que sur les dégâts plus im-
portants dus à quelques espèces.
Les larves du Cerambyx cerdo L. signalé en Yougoslavie, et
Cerambyx scopolii Fuessl. que nous avons trouvé en avril 1958 dans
ADDITIONS A LA FAUNE DES XYLOPHAGES DU NOYER 37
Coléoptères Cerainbyoidae du Noyer en France
Aegosoma scabricomt Scop
Strangalia auriilenta F
Grammoptcra ustulata Schell. .
Grammoptcra ruficonus F
Clytus arietis L
Clylus pilosus Forst
Cerambyx scopolii Fuessl
Rosalia alpina L
Stenopterus ruf us L
Leptidea brevipennis Muls
Gracilia minuta F
Stroma Hum fulvum Vili.
(= unicolor Ol.)
Hesperophanes cinercus Vili. ...
Hesperophanes fasciculatus Fald
Rhopalopus femoratus L
Ρ armena balteus L
Morimus asper Sulz
Liopus nebulosus L
Acanthoderes clavipes Sehr
Exocentrus adspersus 'Muls
Pogono cha er us hispidulus Pill. .
Anacsthetis testacea F. .
M esosa curculionoïdes L.
Mesosa nebulosa F
Saperda scalaris L
Stenostola ferrea Schrk.
Oberea linearis L
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
PICARD
+ (Portevin)
+
+ (Rouget)
+
-f (Mayet)
+
+ (Mayet)
+ (ChobauO
+
+
+
+
+ (Mayet)
+ (Rouget)
+
recueillis et élevés dans le
noyer en 1957 - 1958 - 1959
es espèces nouvellement trou·»
vées sont indiquées par le
signe X
X Drumettaz (Savoie) larves
de mars 1958 imagos éclos au
laboratoire, avril 1958.
X Essey (M.-et-M.) larves
du 7 avril 1958 imagos éclos
au laboratoire les 29 oct, 7
et 18 nov. 1957.
X Le Bourget (Savoie) -ima-
go dans sa loge de nymphose
avril 1958.
X Essey (M.-et-M.). larves
du 7 avril 1957, imagos éclos
au laboratoire le 26 nov. 1957
et mai 1958.
X Drumettaz (Savoie) larves
avril 1958, imagos éclos au
laboratoire mai 1958.
X Drumettaz (Savoie) larves
avril 1958, imagos éclos au
laboratoire les 13 et 17 juil-
let 1958.
38 REVUE FORESTIÈRE FRANÇAISE
t
Fragment ouvert d'une grume
de noyer attaquée par Cerambyx
scopoli montrant la logette de
nymphose située à quelques centi-
mètres de profondeur et obturée
par un bouchon calcaire. Sur le
fragment de droite, l'orifice de
pénétration de la larve est bien
visible.
Cerambyx scopoli dans sa>
logette de nymphose obturée par
la larve, avec une sécrétion cal-
caire. (Clichés Joly.)
ADDITIONS A LA FAUNE DES XYLOPHAGES DU NOYER 39
son berceau de nymphose sur un noyer mort de Savoie, se déve-
loppent parfaitement dans le bois sain (arbres sur pied dépérissant,
ou portion blessée) en provoquant des dégâts technologiques consi-
dérables, la larve du Cerambyx cerdo atteignant facilement les di-
mensions d'un doigt de la main.
Celles de VAegosoma scabricorne Scop. et de Rosalia alpina Lv
plus connues des vieux bois de tilleul, saule, hêtre pour le premier,
des vieux bois de hêtre pour le second, semblent nettement préfé-
rer les arbres déjà attaqués par les champignons et se complaire
surtout à la limite des zones saines et nouvellement envahies, qu'il
s'agisse du. tronc ou de la souche, qui a un gros intérêt commercial
pour le noyer. Elles peuvent contribuer à aggraver encore les at-
teintes du polypore (Xantochrous hispidus) dont l'introduction est
favorisée par toutes blessures, dont les plaies d'élagage mal cica-
trisées.
En ce qui concerne Hesperophanes cinereus Vili, et H. fascicula-
tus Fald. signalés du Noyer par MAYET et CHOBAUT, seules les at-
taques du premier peuvent être craintes, pratiquement, dans les
grandes noyeraies françaises. Si H. fasciculatus est, en effet, loca-
lisé dans la bordure méditerranéenne, H. cinereus est connu de tou-
te la moitié sud de la France. Ces deux espèces, assez polyphages
d'ailleurs, semblent aptes à s'attaquer à des branches vivantes (H.
fasciculatus) et peuvent poursuivre leurs dommages dans des bois
absolument secs comme nous l'avons constaté pour des élevages dans
le chêne vert. Leur développement en est d'autant ralenti et peut
très bien, après continuation dans les bois débités, stockés sur chan-
tiers,
conduire à des éclosions à partir de mobilier, dans les im-
meubles.
Pour Stromatium fulvuni Vili. (= unicolor Ol.) encore, le-
veloppement peut se poursuivre dans le bois le plus sec, comme pour
les Hesperophanes. Plusieurs générations pourraient même, d'après
certains auteurs, se succeder dans la même pièce. Ceci n'est pas à
craindre dans les meubles et ébénisteries des' appartements d'où
l'insecte tend à s'évaders son eclosión, pour gagner la lumière.
Mais des pontes successives peuvent, par contre, avoir lieu sur les
bois débités, en dépôt sur chantiers, où les conditions d'éclaire-
ment sont uniformes. SCHIMITSCHEK (5) signale qu'en Turquie cette
espèce représente pour les feuillus attaqués, dont le noyer, l'équi-
valent d'Hylotrupes bajulus pour les bois résineux.
Les larves de Morimus asper Sulz, vivent aux dépens des souches
ou des grosses racines d'un certain nombre de végétaux ligneux,
jusque dans le bois. Et, comme elles entraînent quelquefois la-
crépitude et la mort de souche d'osier, il est à craindre qu'elles
puissent, ici ou, provoquer sinon la mort du moins des dommages
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