Un nouveau cadre d’action : le projet d’architecture et d’urbanisme
Le premier exercice pour J. Simon est celui du quartier des Briques-Rouges conçu par
Paul Chemetov (273 logements, 1964-67) à Vigneux. Il intervient dans un plan de masse déjà
établi dont la composition permet de ménager des buttes-écrans vis-à-vis de la voirie
mitoyenne. Le sol modelé en croissants protecteurs accueille les jeux des enfants et enrobe les
entrées des bâtiments. Haies et baliveaux dont il choisit les essences simples et rustiques
(tilleuls et peupliers) selon les différentes situations complètent le dispositif. La volonté de
« faire campagne » a recours à des haies touffus et au revers taluté associé comme écrans à la
route nationale5.
J. Simon apporte quelque chose d’inédit avant lui : « l’idée du vaste, de l’ouverture »6.
Très vite, il propose l’usage du déblai-remblai pour éviter d’envoyer les terres en décharge,
ainsi qu’une méthode de plantation abondante et dense systématique, y compris en baliveaux
à couper ensuite, selon « une attitude assez forestière, économe, entrepreneuriale de la
question du paysage »7. Ses slogans : terrasser fort et planter dense, et cette économie
d’intervention seront appliqués à d’autres réalisations de l’AUA, notamment à Sucy-en-Brie
(Parc de la Chesnaie, 1967-74) avec Paul Chemetov, ou encore dans les ensembles
d’habitations de Bois-Matar à Villeneuve-Saint-Georges (1965-68) et des Longues Raies à
Rosny-sous-Bois (1969) tous deux conçus par Georges Loiseau et Jean Tribel.
C’est pour le village de vacances de Grasse (Deroche, Perrotet et Fabre, 1967) que son
intervention est sans doute la plus précoce, du fait de la forte pente d’un terrain sans grande
qualité. Il conserve les arbres qui le méritent, reprend la gestion des eaux de ruissellement,
mais surtout remet en forme le terrain après construction. Très présent sur le terrain, il a l’idée
de récupérer les roches incluses dans les déblais de ces fonds de forme pour constituer des
murets sur les placettes où se rassemblent les bâtiments. Ce n’est que plus tard qu’apparaîtra
l’évidence du renvoi aux restanques traditionnelles.
Quel est le rôle du paysagiste ? La question est en filigrane de tous les projets évoqués.
J. Simon pouvait cependant, sans vraiment intervenir sur le plan de masse établi, avoir à ce
stade un rôle de conseil en amont des projets. Sous ses dehors d’agitateur chronique et sans se
prendre au sérieux, il donne des réponses. « C’était un grand théoricien, remarque Jean
Deroche. Sous ses aspects farfelus, il était très scientifique. Très vite, il réagissait et théorisait
ses idées d’une manière intelligente et efficace ».
En 1963, dans le n°6 de la revue de l’AUA, il écrit de manière visionnaire sur « la
situation de la profession de paysagiste »8 qui doit se redéfinir avec le décret du 20 juin 1960
donnant aux paysagistes le titre de paysagiste dplg. C’est à cette époque que J. Simon réalise
dans le parc des Vilmorin les dessins qui lui permettront bientôt de publier l’Art de connaître
et dessiner les arbres9, « le premier livre de botanique pour les architectes » selon Paul
Chemetov, pour qui l’apport de J. Simon, puis de M. Corajoud, consiste aussi dans la tenue
d’un langage intelligible pour les architectes sur le végétal. « Zéro paysage avant Simon, dit-il
aussi. Paysage, un mot qu’ils ont contribué à réhabiliter ».
De J. Simon à M. Corajoud, le passage de témoin (1964-1967)
Attiré par l’engagement critique de l’AUA vis-à-vis de la production architecturale
Michel Corajoud se présente en 196410 à la recherche de travail. Le jeune homme, « curieux,
sympathique, avenant » qui termine ses études à l’école des Arts Décoratifs est d’abord
embauché comme salarié par l’architecte d’intérieur Valentin Fabre sur le projet d’un centre
de loisirs et de vacances pour Air France près de Fontainebleau. Il succombe bientôt à
l’attraction de J. Simon, séduit par le personnage qui le convertit littéralement au paysagisme,
le forme aussi brièvement qu’intensément, et auquel il s’associe bientôt. De 1964 à 1966, il
2