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critiques
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olivier cariguel n
Secrets intimes du Journal
de Jacques Lemarchand
livres
À
1. Voir le recueil de ses
chroniques, Jacques
Lemarchand, le Nouveau
théâtre 1947-1968. Un
combat au jour le jour,
Gallimard, « Les cahiers
de la NRF », textes réunis
et présentés par Véronique Hoffmann-Martinot, préface de Robert
Abirached, 2009.
l’époque où le romancier Jean-Jacques Gautier, Prix
Goncourt (pour la première fois attribué à la maison Julliard) en 1946 avec Histoire d’un fait divers,
sévissait comme critique théâtral au Figaro et pouvait
­sceller le sort d’une pièce, il y avait dans une publication
satellite de ce quotidien conservateur un esprit fin, éclairé
et singulier. Un homme qui, si l’on peut dire, revenait
de loin. Jacques Lemarchand ne faisait pas la pluie et le
beau temps comme son redouté confrère, il prenait plus
de risques intellectuels. Il s’aventurait et contrebalançait
le tempérament conventionnel de Gautier. Au Figaro littéraire, Lemarchand avait été recruté par le directeur du
Figaro Pierre Brisson, qui avait la même sensibilité que
lui pour le théâtre (1). Faut-il rappeler que Lemarchand
dirigeait la collection « Le manteau d’Arlequin » chez
Gallimard ? Que, choisi par Albert Camus dès la fin
1944, il avait commencé à donner des critiques dramatiques à Combat ? Quelques années auparavant, dans les
pires conditions qui soient et objet d’une manipulation
politico-littéraire qui le réduisait à l’état de marionnette,
Lemarchand était introduit à 35 ans au cœur de la forteresse des Éditions Gallimard. Bombardé secrétaire de
Drieu La Rochelle, alors directeur de la Nouvelle Revue
française, il avait été mis sur orbite par Jean Paulhan pour
prendre sa succession aux alentours de mai-juin 1943. La
revue ne survécut pas à la démission de Drieu en juin
et les Allemands souhaitant la liquider, Lemarchand resta
dans les murs. On lui donna un lot de consolation en lui
demandant de « suivre l’activité des éditeurs de la maison
et de voir ce qu’on peut leur barboter » (16 juillet 1943).
Encore une faveur ! Devenu membre du comité de lecture, éditeur, il lui restera fidèle jusqu’à sa mort en 1974.
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