la forêt bleue - Musée Albert Kahn

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SOMMAIRE
Albert Kahn et son projet humaniste
Des jardins à l’image d’un monde en paix
Le jardin français
Bref historique
Petite histoire botanique : le marronnier
Quelques plantes
Le jardin anglais
Bref historique
Petite histoire botanique : le ginkgo
Quelques plantes
La forêt bleue
Bref historique
Petite histoire botanique : le cèdre bleu
Quelques plantes
La forêt dorée et la prairie
Bref historique
Petite histoire botanique : le bouleau
Quelques plantes
La forêt vosgienne
Bref historique
Petite histoire botanique : l’épicéa
Quelques plantes
Le village japonais
Bref historique
Petite histoire botanique : l’érable
Quelques plantes
Le jardin japonais contemporain
Bref historique
Petite histoire botanique : le cerisier
Quelques plantes
Pavots, pivoines et bleuets près du marais
de la forêt bleue, Auguste Léon, juin 1912.
Plantes envahissantes et petites bêtes utiles
6
8
11
19
27
35
43
51
59
66
5
et son projet humaniste
7
ALBERT KAHN
Albert (Abraham) Kahn est né le 3 mars 1860
à Marmoutier, dans le Bas-Rhin. Sa famille
appartient à une petite communauté de
commerçants juifs. Son père Louis est
marchand de bestiaux. Sa mère Babette, née
Bloch, décède quand Abraham n’a que dix
ans ; il est l’aîné de quatre enfants.
La famille vit un nouveau bouleversement
quand, à l’issue de la guerre francoallemande de 1870, l’Alsace et une partie de
la Lorraine sont annexées à l’empire
allemand. Comme de nombreux Alsaciens,
une partie de la famille Kahn choisit de rester
française et s’installe hors des « provinces
perdues », à Saint-Mihiel, dans la Meuse. Le
jeune homme poursuit néanmoins sa
scolarité au collège de Saverne, de 1873 à
1876, puis s’installe à Paris à l’âge de seize
ans. Il a adopté le prénom d’Albert.
Il débute sa vie professionnelle comme petit
employé à la banque des frères Charles et
Edmond Goudchaux, parents éloignés. Tout
en gagnant sa vie, Kahn reprend ses études,
mais il a besoin d’un répétiteur pour le
soutenir dans son effort. Il est mis en rapport
avec un jeune homme brillant, d’un an son
aîné, Henri Bergson, qui vient d’entrer à
l’École normale supérieure. Malgré son travail
à la banque, Albert Kahn réussit ses baccalauréats de lettres et de sciences, puis obtient
une licence de droit.
À la banque Goudchaux, il se signale dès
l’âge de 21 ans par ses talents. En quelques
années, de 1889 à 1893, il bâtit une fortune
en spéculant sur les mines d’or et de
diamants d’Afrique du Sud. En 1892, il
devient associé principal d’Edmond
Goudchaux, puis fonde sa propre banque
d’affaires en 1898 : la banque Kahn. Celle-ci
prospère, collabore avec des établissements
financiers bien établis, apparaît dans des
syndicats de placement au bénéfice de
projets industriels ou d’emprunts internationaux, japonais notamment. Le financier
Albert Kahn jouit alors d’une excellente
réputation en France comme à l’étranger.
Homme mûr, il consacre dès lors sa vie et sa
fortune à son idéal de paix universelle. Pour
cela, il crée de nombreuses institutions
destinées à favoriser la compréhension entre
les peuples et la coopération internationale.
Albert Kahn sur le balcon de sa banque
à Paris, Georges Chevalier, 1914.
Les bourses Autour du Monde offrent à de
futurs enseignants l’opportunité de voyager
et de découvrir les réalités du monde. Les
boursiers confrontent ensuite leur expérience
avec des personnalités d’horizons divers, au
sein de la société Autour du Monde.
Membres et invités dans le salon de la société Autour
du Monde, 1928, don Jeanne Lamarque.
Daminghu, Jinan, Chine,
Stéphane Passet, 13 juin 1913.
Les Archives de la Planète rassemblent
quelque 72 000 autochromes (premier procédé industriel de photographie en couleurs)
et une centaine d’heures de films noir et
blanc ; elles témoignent de divers aspects des
sociétés humaines.
Bien d’autres œuvres fondées par Albert
Kahn contribuent encore à éveiller la conscience et aiguiser le regard des élites de
l’époque.
Chartres, le marché aux fleurs,
Auguste Léon, 19 août 1922.
9
DES JARDINS
à l’image d’un monde en paix
En pleine ascension professionnelle, Albert
Kahn s’établit dans un quartier résidentiel
de Boulogne-sur-Seine, où la prestigieuse
famille Rothschild s’est déjà installée. Il
bénéficie alors d’un cadre verdoyant :
coteaux de Saint-Cloud, bois de Boulogne,
promenade plantée le long de la Seine…
subtiles transitions évoquant l’entente
entre les peuples à laquelle aspire Albert
Kahn. Chaque dimanche de 13 h à 17 h, les
invités de la société Autour du Monde ont
le privilège de découvrir ce jardin
d’exception qui fait écho à la diversité
planétaire.
Roses et clématites en fleurs dans le vergerroseraie, Auguste Léon, juillet 1913.
Allée fleurie menant vers le sôrintô du jardin
japonais, Georges Chevalier, 25 mai 1915.
Vue générale de Saint-Cloud, Auguste Léon, s.d.
En 1895, il achète le bel hôtel particulier en
brique et pierre qu’il louait depuis deux ans
avec promesse de vente et dont il avait fait
orner les abords dès son arrivée.
À partir de cette date, il acquiert
patiemment quelque vingt parcelles pour
réaliser un jardin reflétant sa pensée. Vingtcinq ans lui sont alors nécessaires pour
illustrer, grâce au végétal, un monde
harmonieux.
Sur près de 4 hectares, il réunit jardin
français, jardin anglais, forêt bleue, marais,
prairie, forêt dorée, forêt vosgienne et
jardin japonais, formant un univers où
l’harmonie est souveraine. Ces multiples
scènes paysagères dialoguent par de
Déplacement du marronnier
dans la forêt bleue, 7 janvier 1911.
Mme von Schoen et sa fille, opérateur non
mentionné, 1914.
Mais, ruiné par la crise financière de 1929,
Albert Kahn verra son paradis ouvert au
public en 1937, avant de mourir trois ans
plus tard.
La prairie en fleurs, Auguste Léon, juillet 1913.
Grâce au rachat par le département de la
Seine en 1936 puis aux restaurations
engagées par le département des Hautsde-Seine à partir de 1988, ces divers échos
aux courants de l’art du jardin du XIXe siècle
se laissent encore deviner aujourd’hui ; le
voyage serein à travers cette mosaïque
d’ambiances se poursuit.
français
LE JARDIN
E
et le verger-roseraie
n 1895, Albert Kahn fait appel aux célèbres paysagistes Duchêne père et fils. Ils dessinent alors, selon
la mode de l’époque, un jardin « à la française ». Mais,
contrairement à la tradition, celui-ci se situe au pied
d’une majestueuse serre et non dans l’axe de la
demeure du propriétaire.
Cet espace reprend le vocabulaire géométrique des
jardins classiques du XVIIe siècle. Il est ceinturé par
deux rangées d’arbres taillés en rideau et par une ligne
de fruitiers ouverte sur le verger-roseraie. Au centre, le
tapis vert est toujours encadré de quatre parterres
fleuris monochromes ; à l’époque d’Albert Kahn, il
était parfois orné de broderies. Une courte terrasse
ombragée le domine. Le jardin d’hiver, qui abrite une
végétation exotique, comportait aussi, avant 1914,
deux serres latérales, en dos d’âne. Des concerts y
étaient parfois organisés.
Un verger-roseraie prolonge cet espace. Divisé par des
cloisons d’arbres palissés, il abrite nombre de fruitiers,
sculptés et ordonnés symétriquement. Des arceaux
couverts de rosiers forment une tonnelle fleurie.
Autrefois, des guirlandes de roses clôturaient ces
lieux avec charme. Selon une pratique courante en
Angleterre, rosiers et fruitiers s’entrelacent ici harmonieusement, transformant ce jardin d’utilité en jardin
d’agrément d’où, au fil des pas, se dégage une atmosphère de plus en plus naturelle. Éclatantes floraisons,
illuminations progressives des chemins, potées fleuries
subrepticement remplacées par les jardiniers étaient
alors autant d’évènements qui participaient à la magie
des lieux, car pour Albert Kahn, « les fleurs étaient […]
une musique d’accompagnement dont il aimait écrire
la partition ».
LE MARRONNIER
1
LE JARDIN FRANÇAIS
voir plan page suivante
Aesculus hippocastanum
Marronnier d’Inde, marronnier commun
Sapindacées. Sud-Est de l’Europe, Asie Mineure
printemps automne (> FB - JA)
Le marronnier (Aesculus hippocastanum), communément appelé marronnier d’Inde, fait partie de notre paysage
quotidien. À cause de ce nom, il a
longtemps été recherché par les botanistes en Inde et dans toute l’Asie, mais
c’est dans les montagnes des Balkans
qu’il est finalement découvert à l’état
sauvage. Il se développe spontanément
jusqu’au bord de la mer Caspienne.
Originaire de l’Himalaya, le véritable
marronnier d’Inde (Aesculus indica) est
très peu cultivé en France.
Déjà connu dès la seconde moitié du
XVIe siècle par certains botanistes, le
marronnier est pour la première fois
planté à Paris en 1615, par Bachelier.
Toutefois, pollens et charbon de bois,
découverts lors de récentes recherches
archéologiques, indiquent que le marronnier devait être présent en France dès
le Moyen Âge, peut-être même plus tôt
encore. Il aurait donc été réintroduit au
XVIIe siècle.
Le marronnier appartenait à la famille
des Hippocastanacées, aujourd’hui
rattachée à celle des Sapindacées. Le
genre Aesculus dont il fait partie compte
une trentaine d’espèces originaires de
l’hémisphère nord. Celle de notre
marronnier est désignée par le terme
hippocastanum, qui provient du grec
hippos signifiant « cheval » et kastanon,
« châtaigne » : d’où le nom de « châtaignier de cheval » qui lui est parfois
attribué.
Attention, ses beaux fruits ne sont
pourtant pas sans danger pour les
chevaux ! Il est en effet préférable de
leur servir les marrons « broyés, cuits si
possible, et toujours mélangés […] à
d’autres aliments* », sans dépasser une
ration journalière de 2 kg. En effet, selon
les quantités ingérées, la chair de ces
marrons peut être source d’intoxication,
tant pour les bêtes que pour l’homme.
Le marronnier peut vivre près de deux
siècles et atteindre 20 à 30 mètres de
haut. Depuis les grands aménagements
urbains du XIXe s., il reste – après le platane – la deuxième essence la plus repré-
sentée dans les rues de Paris, malgré la
diversification aujourd’hui recherchée.
Au parc de la Vallée aux LoupsChateaubriand, un majestueux spécimen, planté par l’écrivain, domine la
prairie de la perspective principale.
Ici même, dans la forêt bleue, il existe un
arbre remarquable qui, du temps
d’Albert Kahn, fut déplacé alors qu’il
était déjà de belle taille (voir ill. p. 8).
Étonnante prouesse compte tenu des
moyens techniques de l’époque et des
risques encourus par le système racinaire
lors de telles transplantations.
Espèce sensible à la sécheresse et aux
parasites, elle voit ses feuilles roussir et
chuter prématurément ces dernières
années. Un champignon, Guignardia
aesculi, à l’origine de la maladie du
Black-rot, et les chenilles du papillon
Cameraria orhidella, communément
appelées « mineuses du marronnier »,
sont la cause de ces symptômes. Des
recherches pour une lutte biologique
sont en cours.
Son bois, piètre combustible et de
qualité médiocre, n’est guère utilisé, si ce
n’est pour fabriquer petits objets ou
cageots.
Son écorce servait autrefois de teinture
noire pour le textile.
Ses marrons, broyés en farine, formaient
une colle après cuisson et, râpés dans de
l’eau, étaient employés comme lessive.
Autre petite recette à tester : les marrons
éloigneraient les mites…
Les substances contenues dans l’écorce
ou dans les marrons permettraient de
combattre la fièvre, de lutter contre des
troubles de la circulation veineuse
(varices, phlébites, hémorroïdes, etc.) ou
encore de soigner certaines plaies.
* Pierre Lieutaghi. Le Livre des arbres, arbustes et arbrisseaux,
Arles, Actes Sud, 2004, p. 801.
13
LE JARDIN FRANÇAIS
5
3
d
4
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c
2
b
h
a
k
5
h
6
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d
c
i
j
j a
1
f
g
j
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Tilia tomentosa
Tilleul argenté, tilleul de Hongrie
Tiliacées. Balkans, Grèce,
Turquie, Ouest de l’Asie
automne (> JA)
2
3
11
Cycas revoluta
Cycas du Japon, sagou, sagoutier
Cycadacées.
Sud du Japon jusqu’à Java
Dans la serre
Araucaria heterophylla
Pin de Norfolk
Araucariacées. Île de Norfolk, Australie
Dans la serre
4
Anthurium scherzerianum
Anthurium, flamand rose, langue de feu
Aracées. Amérique centrale
Dans la serre
Strelitzia alba
Oiseau de paradis blanc
Strelitziacées. Afrique du Sud
Dans la serre
15
LE JARDIN FRANÇAIS
7
8
Malus communis
Pommier. Rosacées
printemps
été - automne
Pyrus communis
Poirier. Rosacées
printemps
été - automne
c
b
« Belle de
Boskoop »
Hollande
(XIXe s.)
« Grand
Alexandre »
Russie
(XVIIIe s.)
d
e
« Conférence »
« Williams
rouge »
Angleterre
(XIXe s.)
Angleterre
(XIXe s.)
9
f
« New dawn »
États-Unis (1930)
printemps - automne
« Excelsa »
États-Unis (1909)
été
Palmettes
obliques
Sphère
Dicentra spectabilis
Cœur de Marie, cœur de Jeannette
Papavéracées. Sibérie, Chine, Corée
printemps
Rosa
Rose. Rosacées
i
Serpentin
g
h
« The fairy »
Angleterre (1932)
été - automne
« Zéphirine Drouhin »
France (1868)
été - automne
j
« Ballerina »
Grande-Bretagne (1937)
été
k
« Félicité et Perpétue »
France (1827)
été
DEVINETTES
a
« Reine des
Reinettes »
Hollande
(XVIIIe s.)
Diverses tailles fruitières
Quenouille
10
11
Palmettes
horizontales
Palmettes
Verrier
Spiraea x vanhouttei
Spirée de Van Houtte
Rosacées. France, Belgique
printemps (> JJC)
1 - Si les tables de résonance proviennent des épicéas, quel arbre sert à fabriquer
les touches de piano : a) le poirier, b) le platane, c) le tilleul ?
2 - Quels fruits n’ont jamais servi à faire un succédané de café :
a) les pommes séchées, b) les fruits du tilleul, c) les figues séchées ?
3 - L’écorce de tilleul peut servir à fabriquer des cordages. Vrai ou faux ?
17
anglais
LE JARDIN
D
errière le rideau d’arbres du jardin français souligné
par une balustrade, s’étend le jardin anglais, parfois
nommé « le parc » au temps d’Albert Kahn. À cette
époque, nombre de jardins associaient ainsi parties
régulières et paysagères. Ce jardin à l’anglaise, aménagé sur une parcelle acquise en 1895, semble aussi
être l’œuvre des Duchêne, mais l’hypothèse n’est pas
confirmée à ce jour.
Une abondante végétation façonne ici l’espace sur un
terrain légèrement modelé. Les essences s’y épanouissent librement et leur implantation guide le
regard vers les éléments construits de la composition ;
la promenade ondoyante qui s’y déroule est alors
scandée par des éléments d’architecture ou « fabriques »
dont ne subsistent aujourd’hui qu’un cottage, une
rocaille et un puits. Le cottage est orné d’une fontaine
sculptée évoquant la fable de La Fontaine : Le Renard
et les Raisins. Un enrochement artificiel évoquant une
falaise surplombe la rivière sinueuse qui s’évase en
bassin ; afin d’en accentuer le côté rustique, ses balustrades en ciment simulent des branches d’arbres. Le
puits indique l’emplacement d’une laiterie aujourd’hui
disparue. Une volière abritant colombes et pigeons
complétait ce décor pittoresque. Cottage et laiterie,
inspirés de l’architecture domestique, rappelaient les
maisons des paysages normands qu’Albert Kahn
aimait parcourir.
Si de nos jours des nappes fleuries animent ce parc
paysager miniature au printemps, il a toutefois été
conçu pour ses lumineuses teintes automnales. Jeux
d’ombre et de lumière y alternent au fil du temps…
LE GINKGO
1
LE JARDIN ANGLAIS
voir plan page suivante
Ginkgo biloba
Ginkgo, arbre aux quarante écus
Ginkgoacées. Chine
automne
automne (> JF)
Seul survivant de la famille des Ginkgoacées et de l’ordre des Ginkgoales, le
Ginkgo biloba est, comme l’a défini
Darwin, un véritable « fossile vivant » ! Il
a survécu aux dinosaures et a traversé les
plus grands bouleversements planétaires. Il fait ainsi partie des arbres les
plus anciens au monde.
Cultivé autour des temples d’Asie, le
ginkgo est découvert à l’état sauvage
dans des vallées au sud-est de la Chine.
Quelques spécimens y survivraient…
Kaempfer, médecin-botaniste, le remarque
au Japon vers 1690. Lors de sa
description, une erreur de transcription
introduit un « g », d’où son nom actuel de
Ginkgo. Au vu de ses feuilles en éventail,
échancrées en deux lobes, Linné lui
accole, au XVIIIe siècle, le terme biloba.
En Asie, ce feuillage particulier lui vaut
aussi l’appellation de « patte de canard »,
tandis que son système reproducteur lui
attribue celui d’« abricot d’argent ». Sa
croissance lente le fait encore nommer
« arbre du petit-fils ».
plus vieux ginkgo du département des
Hauts-de-Seine se trouve à Ville d’Avray.
Peu sensible aux maladies, insectes
et pollutions, le ginkgo est fréquemment employé en ville comme arbre
d’ornement.
Durant la première moitié du XVIIIe siècle,
le ginkgo est planté pour la première
fois en Europe dans le jardin botanique
d’Utrecht, puis introduit à Londres,
Vienne, Montpellier et Paris… M. de
Pétigny, botaniste amateur de l’époque,
s’en procure également pour la somme
de 40 écus, d’où l’expression « arbre aux
quarante écus ». Son feuillage d’or à
l’automne le fait parfois nommer « arbre
aux cent ou mille écus ».
Le ginkgo est soit mâle, soit femelle et,
selon la formule de Jean-Marie Pelt, il
« pond des œufs* » ! « Madame » émet
donc, avant fécondation, de gros ovules
gorgés de réserves pour le
développement éventuel d’un
embryon. Ces « petites prunes
jaunes » dégagent une odeur
nauséabonde en se décomposant. Un « noyau » blanchâtre
et brillant renfermant une
amande apparaît alors. Grillée ou
bouillie, cette dernière est comestible et très appréciée en Asie :
considéré en Chine comme le
« fruit de la félicité », c’est un mets traditionnel servi à l’occasion de grands
évènements familiaux.
Le ginkgo est un arbre très résistant.
Comme d’autres végétaux, il a vaillamment résisté aux radiations d’Hiroshima.
Ses plus vieux représentants sur terre
auraient plus de 2 000 ans ; « d’aucuns
vont même jusqu’à parler de 4 000 ans*».
Il peut atteindre 30 à 40 mètres. Au
Japon ou en Corée, certains sont même
classés « monuments naturels nationaux ».
Moins spectaculaire mais plus proche, le
Son bois, d’abord employé pour la
construction des temples, est toujours
utilisé en architecture ou pour réaliser
des navires, des objets usuels et des
sculptures religieuses, etc.
Reconnu pour ses propriétés médicinales
depuis 4 700 ans environ, le ginkgo est
aujourd’hui utilisé sous forme d’extraits
standardisés et cultivé pour l’industrie
pharmaceutique, en Gironde par
exemple. Il régule la circulation sanguine
et son action anti-oxydante semble
bénéfique sur le système nerveux et la
peau ; il diminue ainsi les troubles liés
à la sénescence et entre dans la fabrication de produits cosmétiques. Son
efficacité, parfois contestée, se révèlerat-elle essentielle pour lutter contre la
maladie d’Alzheimer ?
Les recherches sur ses propriétés se
poursuivent mais la synthèse d’un de ses
composants a déjà fait l’objet d’un prix
Nobel de chimie, attribué en 1990 au
professeur Elias Corey.
Le ginkgo est symbole de longévité, de
félicité et de connaissance.
Le graphisme de ses feuilles fait souvent
l’objet de motifs de décoration.
Signe de prospérité, il est l’emblème de
la ville de Tôkyô.
Goethe, féru de botanique, lui dédia
même un poème.
*Jean-Marie Pelt. Les Nouveaux Remèdes naturels, Paris,
Fayard, 2001, p. 60, 62-63.
21
LE JARDIN ANGLAIS
5
8
7
6
2
9
4
3
Mahonia aquifolium
Mahonia à feuilles de houx
Berbéridacées. États-Unis
printemps
2
3
10
4
1
11
12
Choisya ternata
Oranger du Mexique
Rutacées. Sud-Est des États-Unis, Mexique
printemps - automne (> VJ)
Sequoiadendron giganteum
Séquoia géant
Taxodiacées. États-Unis
23
LE JARDIN ANGLAIS
Hibiscus syriacus
Ketmie des jardins, mauve en arbre
Malvacées. Chine
été - automne (> JJC)
7
8
Pterocarya fraxinifolia
Noyer du Caucase
Juglandacées. Caucase, Iran
été
automne
Robinia pseudoacacia ‘Frisia’
Robinier faux acacia doré
Fabacées. États-Unis et Mexique
été
printemps - été - automne
Fritillaria meleagris
Fritillaire damier, fritillaire pintade
Liliacées. Europe
printemps
9
10
11
12
Trachycarpus fortunei
Palmier de Chine, palmier chanvre
Arécacées. Chine, Birmanie
printemps
automne
5
6
DEVINETTES
Liquidambar styraciflua
Copalme d’Amérique
Hamamélidacées. États-Unis
automne
automne
Hamamelis mollis
Hamamélis mou
Hamamélidacées. Chine
hiver
automne
Rhus typhina
Sumac amarante, sumac de Virginie,
arbre aux queues de renard
Anacardiacées. États-Unis
été
hiver
automne
1 - L’hamamélis est-il parfois nommé :
a) arbre aux araignées, b) noisetier de sorcière, c) arbre aux doigts crochus ?
2 - Le liquidambar doit-il son nom à :
a) ses feuilles, b) ses fleurs, c) ses fruits, d) sa résine ?
3 - Dans certains milieux, le séquoia géant peut-il atteindre plus de :
50, 75, 100 mètres de haut ?
25
et le marais
LA FORÊT BLEUE
S
ur de nouvelles parcelles, essentiellement acquises
entre 1896 et 1899, Albert Kahn étend son jardin. Sous
ses fenêtres, il aménage la forêt bleue dont le nom
se réfère à la couleur des principales essences utilisées :
cèdres de l’Atlas et épicéas du Colorado forment une
délicate enveloppe bleutée qui abrite, au sein d’une
clairière, le marais. Ces espaces évoquent la spontanéité de paysages naturels : ceux de l’Atlas en Afrique
du Nord ou encore ceux des milieux humides avec
leurs espèces aquatiques.
Au pied des grands arbres se développe toute une
gamme de végétaux qui transforme les lieux au fil des
saisons. Herbacées et vivaces apportent ainsi leurs
propres touches naturelles, selon une pratique
courante à l’époque dans les jardins anglais. Toutefois
ce sont les azalées et les rhododendrons venus d’Asie,
qui, par leur éclatante floraison et le jeu de complémentaires – orangés, roses, jaunes, mauves –,
illuminent cette scène, formant un saisissant spectacle
de sous-bois coloré. Des tableaux éphémères se
succèdent et animent ce paysage « jardiné ».
Les plantes en provenance de divers continents ici
rassemblées font écho au projet si cher à Albert Kahn
d’un monde réconcilié.
C’est aussi dans cet univers végétal en mouvement
que le Dr Comandon poursuivait en laboratoire ses
recherches microcinématographiques sur la croissance
des fleurs ou la faune des étangs…
L’intérêt d’Albert Kahn pour la vie sous toutes ses
formes est encore suggéré en ces lieux par la présence
des bâtiments du cercle Autour du Monde et des
Archives de la Planète.
LE CÈDRE BLEU
1
LA FORÊT BLEUE ET LE MARAIS
voir plan page suivante
Cedrus libanii subsp. atlantica ‘Glauca’
Cèdre bleu de l’Atlas
Pinacées. Algérie, Maroc
toute l’année (> VJ - JJC - JA)
en France dès 1839, par les pépinières
lyonnaises Sénéclauze. Pour d’autres
auteurs, il est découvert en Algérie et
rapporté par un forestier français, au
milieu du XIXe siècle.
De la famille des Pinacées, il appartient
au genre Cedrus, qui ne compte que
quatre espèces provenant toutes du
bassin méditerranéen, à l’exception du
cèdre de l’Himalaya.
Le cèdre de l’Atlas, comme le cèdre de
Chypre, est parfois assimilé à une sousespèce du cèdre du Liban ; il est alors
appelé Cedrus libani subsp. atlantica.
Selon ses variantes de port et de
couleur, un nom de cultivar peut lui
être accolé ; ici, la forme bleutée est
désignée par le terme ‘Glauca’.
Le cèdre de l’Atlas (Cedrus atlantica)
est originaire des montagnes d’Afrique
du Nord dont il porte le nom ; il s’y
développe naturellement au Maroc
comme en Algérie.
Selon certains, sa découverte au Maroc,
dans les années 1826-1827, est liée à
un botaniste anglais. Le cèdre de
l’Atlas est ensuite introduit et multiplié
Il peut atteindre 40 à 50 mètres de
hauteur et vivre plus de 300 ans,
parfois même beaucoup plus.
Élancé en début de vie, il tend à
prendre une forme tabulaire au cours
de sa croissance.
Le cèdre bleu est une belle essence
d’ornement. Dans la département des
Hauts-de-Seine, certains spécimens
sont remarquables tels le cèdre
pleureur planté en 1895 à l’arboretum
de Châtenay-Malabry, celui du parc de
la Malmaison ou encore celui situé
dans le jardin du Trocadéro à SaintCloud, sans oublier la majestueuse
allée du parc de Sceaux.
Plantés en masse dans le cadre de la
loi de 1860 sur le reboisement en
montagne, ils forment aussi de belles
forêts dans le Midi de la France ; citons
notamment la cédraie du Rialsesse
dans l’Aude ou celles du mont Ventoux
et du Lubéron en Provence.
Albert Kahn a-t-il été séduit par la
beauté de ces massifs forestiers,
lorsqu’il décide d’aménager sa forêt
bleue à Boulogne ? L’hypothèse reste
posée, car il a pu parcourir ces derniers
paysages en se rendant au cap Martin
où il acquiert une autre propriété à
partir de 1897.
De tout temps, le bois de cèdre a été
employé en construction et en menuiserie.
Son odeur aromatique, réputée pour
lutter contre les insectes et les vers,
en fait un atout appréciable dans la
fabrication de mobilier, d’armoires
notamment, mais aussi de petits objets
décoratifs.
Sa résine très odorante aurait servi à
l’embaumement des morts.
Aujourd’hui, l’huile essentielle de cèdre
est employée pour ses propriétés
antiseptiques et diurétiques.
Majestueux, le cèdre est un symbole de
puissance et d’immortalité. Voué aux
dieux dès la plus haute Antiquité, il est
aussi cité très souvent dans la Bible.
29
LA FORÊT BLEUE ET LE MARAIS
3
10
11
2
9
1
5
Rhododendron CV
Rhododendrons hybrides
Éricacées. Hémisphère nord
printemps (> JA)
Picea pungens ‘Koster’
Épicéa bleu du Colorado
Pinacées. États-Unis
toute l’année (> VJ - JJC)
3
4
6
2
4
8
7
Rhododendron molle
Azalées mollis
Éricacées. Chine
printemps
31
LA FORÊT BLEUE ET LE MARAIS
Ehretia dicksonii
Cabrillet à grandes feuilles
Boraginacées. Chine, Taïwan
été
automne
hiver
5
6
7
8
Lagerstroemia indica
Lilas des Indes
Lythracées. Chine
été automne
(> JJC)
Platanus x acerifolia
Platane à feuilles d’érable
Platanacées. Espagne
automne - hiver
(> JA)
Osmanthus heterophyllus
Osmanthe à feuilles de houx
Oléacées. Japon
automne (> JA - JJC)
9
10
Koelreuteria paniculata
Savonnier de Chine
Sapindacées. Est de l’Asie
été
automne
hiver
Nymphaea CV
11
Nénuphars hybrides
Nymphéacées. Hémisphère nord, Tropiques
printemps - été (> JJC)
DEVINETTES
Davidia involucrata
Arbre aux pochettes
Nyssacées. Chine
printemps
automne
(> JJC)
1 - Parmi ces noms, quels sont ceux attribués au Davidia involucrata, déjà
communément appelé « arbre aux pochettes » : a) arbre aux mouchoirs,
b) arbre aux colombes, c) arbre aux fantômes, d) arbre aux papillons ?
2 - L’Ehretia appartient-il à la même famille que le myosotis ? Oui ou non ?
3 - Les fleurs d’un seul de ces arbres ou arbustes ne sont pas odorantes.
Trouvez l’intrus : a) l’osmanthe, b) l’arbre aux mouchoirs, c) le cabrillet ?
33
et la prairie
LA FORÊT DORÉE
S
ur ces mêmes parcelles, outre la forêt bleue et le
marais, Albert Kahn imagine, avec l’aide de ses
jardiniers, une prairie que dissimule une étroite
forêt dorée. Dès cette époque, il semble concevoir luimême chaque nouvel aménagement.
Légèrement surélevé par rapport à la forêt bleue, se
découvre d’abord un nouveau voile coloré : au
printemps, les jeunes pousses d’épicéas prennent une
teinte jaune paille lumineuse ; elles sont relayées, à
l’automne, par les étincelantes feuilles d’or des
bouleaux. Ces deux évènements saisonniers donnent
ici son nom à la forêt dorée.
De nos jours, il faut encore un peu de patience avant
de baigner pleinement dans l’atmosphère dont témoignent les autochromes de l’époque : le temps que les
épicéas grandissent, car ces spécimens, appartenant à
une variété peu commune, ont été difficiles à trouver
lors de la restauration.
Derrière ce rideau, se déroule un autre spectacle
surprenant : une prairie avec son foisonnement de
fleurs sauvages. Annuelles et vivaces s’y développent
librement formant une infinité de tableaux multicolores qui se succèdent au fil du temps. Ces nouveaux
paysages où prime la recherche de naturel s’inspirent
toujours de mouvements nés en Angleterre à la fin du
XIXe siècle.
Contrastant par leur simplicité et leur abondance de
couleurs avec la rigueur du jardin français aux
parterres monochromes, ces scènes paysagères participent ainsi à la richesse de la composition.
Entre une forêt bleue « jardinée » et une forêt « vosgienne »,
cette clairière constitue donc une délicate transition.
LE BOULEAU
1
LA FORÊT DORÉE ET LA PRAIRIE
voir plan page suivante
Betula pendula
Bouleau pleureur, bouleau verruqueux
Bétulacées. Europe
automne
Le bouleau verruqueux (Betula verrucosa
ou Betula pendula) se développe dans
les régions froides et tempérées de
l’hémisphère nord.
Appartenant à la famille des Bétulacées,
le genre Betula comprend une quarantaine d’espèces dont trois sont présentes
en France. Si le bouleau nain y est rare, le
bouleau pubescent est commun dans les
terres humides ; le plus répandu reste
toutefois le bouleau verruqueux qui
préfère les sols légers. Ces deux derniers
ont longtemps été confondus sous le
nom de Betula alba.
La présence de bouleaux dans les bois
fossiles permet de savoir qu’il en existait
déjà sur terre il y a quelque cinquante
millions d’années.
Le bouleau verruqueux doit son nom aux
petites verrues de résine qui couvrent ses
jeunes rameaux ; ces derniers, souvent
longs et fins, sont retombants, d’où son
nom scientifique : Betula pendula.
Cet arbre ne dépasse guère les 20 à 30
mètres et devient rarement centenaire.
En revanche, de croissance rapide, c’est
une espèce pionnière capable de coloniser des sols pauvres et dénudés. La
décomposition de ses feuilles améliore
même la qualité des sols sur lesquels il
s’installe. Essence de lumière, le bouleau
ne pousse bien qu’à découvert et résiste
mal à la concurrence. Il favorise la croissance d’espèces délicates qui, en se
développant, lui font alors de l’ombre
et l’éliminent injustement. Arbre des
landes, il forme toutefois de belles forêts
dans le Nord de l’Europe.
L’écorce de bouleau est employée à de
multiples usages. Ne pourrissant pas, elle
est notamment insérée entre planches et
gazon pour assurer l’étanchéité des
toitures des maisons scandinaves traditionnelles. Roulée, déployée, tressée,
tissée, elle peut former bougie, papier,
cordage, objets ou vêtements.
Son bois, par contre, pourrit facilement
ou se rétracte en séchant. Il est surtout
déroulé pour la fabrication de contreplaqués, appréciés pour leur légèreté.
S’il servait autrefois à confectionner des
cuillères, des bobines et des sabots, il
était aussi recherché par les boulangers
et autres artisans pour son pouvoir
calorifique. Ses jeunes rameaux
formaient également des balais très
résistants.
Plante de fourrage ou plante tinctoriale,
le bouleau recèle mille et une vertus.
Sa sève, légèrement sucrée, peut se
consommer comme « eau de bouleau ».
Fermentée, elle constitue une boisson
pétillante appelée « vin de bouleau ». Elle
possède en outre des propriétés diurétiques et dépuratives.
Ses feuilles, ses bourgeons et son écorce
semblent aussi bénéficier de qualités
désinfectantes favorisant le traitement
de maladies de la peau.
Rayonnant par son écorce blanchâtre, le
bouleau est souvent un symbole de
pureté et de renaissance. Dans le calendrier celtique, l’année solaire commençait par le mois du bouleau. Il symbolise
la connaissance des druides et il est
souvent considéré comme « l’arbre de la
sagesse », même si parfois ses ramilles
ont servi à sermonner les élèves ou
encore à « calmer » les fous !
En Sibérie, où il est sacré, le bouleau est
l’arbre des chamans. Il constitue le pilier
central de leur tente qui, entaillé, évoque
l’échelle permettant à leur âme de
s’envoler.
37
LA FORÊT DORÉE ET LA PRAIRIE
9
Picea abies 'Argenteospica'
Épicéa doré
Pinacées. Allemagne
printemps
10
7
11
4
3
8
12
6
5
Corylus avellana
Noisetier, coudrier
Bétulacées. Europe
hiver
automne
2
3
4
5
Centaurea cyanus
Bleuet
Astéracées. Europe
été
1
2
Malva sylvestris
Grande mauve, mauve des bois
Malvacées. Europe
été - automne (> FV - JJC)
39
LA FORÊT DORÉE ET LA PRAIRIE
Aquilegia CV
Ancolie hybride
Ranunculacées. Europe
printemps (> FB)
6
7
8
9
Silene dioica
Silène rouge, compagnon rouge
Caryophyllacées. Europe
printemps - été
Leucanthemum vulgare
Grande marguerite
Astéracées. Europe
printemps
Papaver rhoeas
Coquelicot
Papavéracées. Europe, Asie Mineure
printemps - été (> FB)
DEVINETTES
Heracleum mantegazzianum
Berce du Caucase
Apiacées. Caucase
printemps - été
Geranium sanguineum
Géranium sanguin
Géraniacées. Europe
été (> FV)
10
11
Knautia arvensis
Scabieuse des champs
Dipsacacées. Europe
été
12
1 - La carotte, le persil et le fenouil appartiennent-ils à la même famille botanique
que la grande berce ?
2 - Qu’est-ce qu’une aveline :
a) une courte avenue, b) un outil de pêche, c) une variété de noisette ?
3 - L’ancolie est-elle spontanée en Europe ?
41
vosgienne
LA FORÊT
S
ur de nouveaux terrains achetés entre 1897 et 1918,
Albert Kahn aménage une forêt vosgienne. Ce nom
évoque les grands paysages du massif montagneux
qui ont bercé son enfance.
Bien qu’originaire des Vosges du Nord, Albert Kahn
représente un espace des Vosges du Sud, dites cristallines, où des blocs de granite polis par le temps peuvent
former des éboulis rocheux. Afin de suggérer le relief
élevé des ballons vosgiens, des remblais surélèvent cette
partie du jardin. De nombreux conifères mais aussi des
feuillus sont alors plantés. À l’époque, roches et arbres
déjà de belle taille, transportés des Vosges par wagons,
nécessitent le démontage des fils électriques du quartier
pour leur installation !
Aujourd’hui, de rares sapins se fondent au milieu des
épicéas. Quelques feuillus, dont des hêtres, sont aussi
présents, allusion aux hêtraies d’altitude. Lierre et
fougères tapissent le sol, égayé par les fleurs sauvages
qui accentuent l’atmosphère forestière des lieux. Depuis
peu, au détour des sentiers sinueux, un tapis de
jonquilles fleurit au printemps, rappelant la fête traditionnelle qui se déroule dans les Vosges à cette occasion.
Suite à la tempête de 1999, un nouvel espace a été
aménagé : un paysage des Vosges gréseuses où a grandi
Albert Kahn est alors suggéré. Des blocs de grès rose
plus cassants, surplombés par des pins, évoquent le relief
abrupt du versant alsacien et complètent la douceur du
versant lorrain déjà illustrée.
Ce panorama vosgien en miniature permet d’oublier la
ville et de retrouver l’atmosphère des promenades en
forêt.
L’ÉPICÉA
1
LA FORÊT VOSGIENNE
voir plan page suivante
Picea abies
Épicéa commun
Pinacées. Europe
toute l’année
Notre sapin de Noël est à tort nommé
« sapin », car il s’agit en fait d’un épicéa
(Picea abies). En montagne, on le trouve
souvent en mélange avec le sapin blanc
(Abies alba), mais tous deux appartiennent à des genres distincts, respectivement celui des Picea et celui des Abies.
Le nom latin de l’épicéa, Picea abies,
indique toutefois une certaine ressemblance avec le sapin, ce qui augmente la
confusion.
Épicéa signifierait « arbre à poix » (Picea
vient du latin pix – picis, désignant la
poix, la résine).
Le genre Picea comporte une quarantaine d’espèces réparties dans les régions
tempérées de l’hémisphère nord ; son
seul représentant spontané en France est
l’épicéa commun. Il appartient à la
famille des Pinacées. Essence montagnarde d’Europe du Nord et d’Europe
centrale, il se rencontre de la Scandinavie
aux Balkans, de la France jusqu’à la
Sibérie.
Si, dans le massif des Carpates, certains
épicéas mesurent 60 à 70 mètres de
haut, dans les Vosges, ils atteignent déjà
une cinquantaine de mètres. Mais c’est
une essence qui craint les grands vents et
la pollution atmosphérique.
Les épicéas ne vivent généralement
guère au-delà de 500 ans. Toutefois, une
récente étude (2008) a révélé qu’en
Suède il existait des sujets infiniment
plus âgés. L’un d’eux aurait presque
9 550 ans, devenant à ce jour le doyen
des arbres de notre planète.
Le bois d’épicéa est blanc, mais plus
léger que celui du sapin. Il est très
employé dans l’industrie pour la fabrication de meubles, de parquets, de
boiseries, etc. Outre la menuiserie, il est
aussi utilisé sur les chantiers navals et
d’aviation. Il permet de réaliser mâts,
avirons, poteaux, échafaudages, etc.
En altitude, l’épicéa pousse plus lentement et produit un bois plus régulier.
Les meilleures billes sont recherchées par
les luthiers et les facteurs de piano pour
leurs capacités de résonance, tandis que
les plus grands sujets produisent des
charpentes de grande portée. En plaine,
son bois pousse plus rapidement : de
moindre qualité, il sert à la fabrication de
coffrages, de caisses ou de pâte à papier.
Sa résine, reconnue pour ses propriétés
antiseptiques et calmantes, était
employée pour soigner les affections
articulaires ou respiratoires. Clarifiée et
filtrée, elle formait autrefois la poix de
Bourgogne qui, en dehors de ses applications médicales, servait aussi comme
enduit d’étanchéité ou encore à
« graisser les voitures » ! Chewing-gum
d’autrefois, la résine d’épicéa aurait
même été la première gomme à mâcher
commercialisée. Distillée, elle fournit une
essence de térébenthine.
Associé au solstice d’hiver, l’épicéa est
déjà un symbole de renaissance chez les
Celtes. Au Moyen Âge, garni de pommes
rouges, il évoque l’arbre du Paradis lors
des Mystères représentés sur les parvis
des églises, avant de rentrer peu à peu
dans les foyers fêter Adam et Ève. Lors de
la Réforme au XVIe siècle, les protestants
l’adoptent à leur tour, car ils refusent la
crèche pour célébrer la Nativité. Vers
cette époque, un véritable « arbre de
Noël » est alors mentionné en Alsace.
Très vite les décorations se diversifient,
puis apparaissent les premiers « sapins »
illuminés. Après la guerre de 1870, l’émigration des Alsaciens et des Lorrains
diffuse cette tradition qui se généralise
alors à travers toute la France.
45
LA FORÊT VOSGIENNE
10
1
9
6
3
Digitalis purpurea
Digitale pourpre
Scrofulariacées. Europe
printemps - été (> FB)
3
4
2
7
5
11
8
2
12
Dryopteris filis-mas
Fougère mâle
Aspléniacées. Hémisphère nord
(> JA - VJ - JJC)
4
5
Abies alba
Sapin blanc, sapin commun
Pinacées. Ouest de l’Europe
toute l’année
Pinus sylvestris
Pin sylvestre
Pinacées. Europe et Asie septentrionale
toute l’année
47
LA FORÊT VOSGIENNE
Oenothera biennis
Onagre, herbe aux ânes
Onagracées. États-Unis
été
6
7
8
9
Sambucus nigra
Sureau noir
Caprifoliacées. Europe,
Afrique du Nord, Asie
printemps
été - automne
Ficus carica
Figuier
Moracées. Proche-Orient
été - automne
10
11
12
Narcissus pseudonarcissus
Jonquille
Amaryllidacées.
Europe
printemps
(> JA)
Cytisus scoparius
Genêt à balais
Fabacées. Europe
printemps (> JA)
DEVINETTES
Quercus robur
Chêne pédonculé
Fagacées. Europe
automne
Pinus nigra subsp. laricio
Pin Laricio de Corse
Pinacées. Corse, Sud de la France
toute l’année
1 - Les fleurs du figuier se trouvent-elles :
a) à la cime de l’arbre, b) dans les figues, c) cachées sous les feuilles ?
2 - Le latex du figuier, suc laiteux contenu dans ses rameaux, peut-il servir à
a) faire du chewing-gum, b) coder des messages, c) faire des pneus ?
3 - Qu’appelle-t-on « laine des forêts » :
a) les tapis de mousses des sous-bois, b) les lichens pendant des branches,
c) une matière obtenue à partir d’aiguilles de certains pins ?
49
japonais
LE VILLAGE
L
orsque Albert Kahn crée son village japonais sur une
parcelle acquise en 1897, l’heure est déjà au
japonisme grâce aux expositions universelles, mais lui
l’aménage au retour d’un voyage au Japon, « pour
retrouver cette atmosphère » qui lui est « si familière ».
Dans un réel souci d’authenticité, il engage des artistes
japonais et fait même importer des végétaux et une
collection de bonsaïs. Deux maisons traditionnelles de
bois et de papier de riz, à l’origine coiffées de chaume,
sont livrées en pièces détachées puis montées selon un
savoir-faire ancestral. Leurs portes coulissantes ou shôji
mettent en étroite relation espace habité et jardin ;
fermées, elles offrent toujours une vue panoramique sur
le paysage environnant perçu, agenouillé sur un tatami,
à travers un cordon de fenêtres.
Cet ensemble bâti est à l’époque complété par une
pagode de cinq étages, qui brûle en 1952, et un pavillon
de thé, remplacé en 1966. Entouré d’un jardin préparant
aux cérémonies, ce dernier est isolé et légèrement
surélevé, afin d’évoquer le calme des ermitages de
montagne, propice à la méditation.
L’accès au village se fait par une porte japonaise près du
jardin anglais.
Un jeu de plein et de vide sculpte aujourd’hui l’espace
tout au long de la promenade, permettant au regard de
voyager. Roches et végétaux taillés suggèrent en
réduction des paysages du Japon : îles sur une mer de
mousses, cascade d’azalées ou rivière sèche se laissent
ainsi deviner. Pagode de pierre, lanternes ou bonsaïs
rappellent encore les riches collections qui ornaient
autrefois ces lieux.
LES ÉRABLES JAPONAIS
1
voir plan page suivante
Acer palmatum CV
Érable palmé du Japon hybride
Sapindacées. Japon, Corée
printemps
automne (> JJC)
LE VILLAGE JAPONAIS
2
Acer japonicum CV
Érable du Japon hybride
Sapindacées. Japon
printemps
automne (> JJC)
Les érables appartiennent à la famille
des Acéracées, aujourd’hui rattachée à
celle des Sapindacées. Ils font partie du
genre Acer qui regroupe plus d’une
centaine d’espèces présentes dans les
régions tempérées de l’hémisphère nord,
principalement en Asie et en Amérique
du Nord. Dès l’ère tertiaire, ils sont déjà
bien implantés.
l’érable de Montpellier ou encore l’érable
à feuilles d’obier.
Parmi les spécimens « exotiques », les
érables du Japon rassemblent une
multitude d’espèces qui se déclinent en
une gamme étendue de cultivars. Parmi
celles parvenues dans nos contrées, Acer
palmatum et Acer japonicum figurent au
nombre des plus connues.
Acer palmatum est ainsi qualifié au vu
de la forme palmée de ses feuilles. Il en
existe des centaines de variétés.
Répandu dans tout l’archipel nippon, il
se rencontre aussi en Chine et en Corée.
Il est découvert au XVIIIe siècle par
Thunberg, botaniste suédois, qui le décrit
dans sa Flora japonica parue en 1784,
mais les premiers échantillons ne
parviennent en Europe qu’au début du
XIXe siècle, vers 1820. Ils sont ensuite
multipliés puis diffusés par les pépiniéristes hollandais ; de nombreux cultivars
sont alors créés.
Leur appellation scientifique provient de
l’adjectif latin acer, qui signifie aigu,
perçant ou tranchant. Dans l’Antiquité,
leur bois dur servait d’ailleurs à la fabrication de lances.
Hormis les nombreuses essences introduites pour leurs qualités décoratives,
quelques-unes se rencontrent en France
à l’état spontané comme l’érable sycomore, l’érable plane, l’érable champêtre,
Acer palmatum
Acer japonicum
‘Aconitifolium‘
Dans les basses forêts de montagne au
Japon, Acer palmatum est un petit arbre
qui peut atteindre 15 à 20 mètres de
haut, tandis que la plupart de ses
cultivars ne forment généralement que
des arbustes d’une dizaine de mètres.
Acer japonicum est lui aussi, comme son
nom l’indique, originaire du Japon ; il
croît dans les forêts de montagne assez
élevées, au nord du pays notamment.
À l’état spontané, il mesure parfois 10 à
15 mètres, mais dans les jardins c’est un
petit arbre ou arbuste qui ne dépasse
guère les 5 à 7 mètres de haut.
Également décrit par Thunberg au XVIIIe
siècle, il n’est introduit en Europe qu’à la
fin du XIXe siècle, en 1864.
Les feuilles des Acer palmatum sont
généralement plus petites et comportent
moins de lobes que celles des Acer
japonicum. Ces deux espèces, très recherchées pour leurs couleurs automnales,
possèdent de petites fleurs et des
samares (fruits ailés) qui participent
parfois à leurs qualités décoratives.
Baptisés kaede ou encore momiji au
Japon, les érables sont traditionnellement célébrés pour leur flamboiement,
qui métamorphose les paysages en
automne. Momijigari consiste alors à
visiter les lieux réputés pour leur
splendeur automnale ; véritable « chasse
aux érables » et aux couleurs d’automne,
cette coutume se pratique depuis des
temps très reculés.
Les érables japonais sont toujours à
l’honneur grâce à l’art du bonsaï et aux
nombreux motifs décoratifs qui s’inspirent de leurs gracieux feuillages.
Leur bois peut être employé pour réaliser
mobilier ou petits objets.
Acer palmatum
53
LE VILLAGE JAPONAIS
7
6
12
4
2
10
1
13
5
11
8
9
3
Wisteria sinensis
Glycine de Chine
Fabacées. Chine
printemps
automne
4
5
3
Pinus mugo
Pin des montagnes, pin mugo
Pinacées. Europe
6
Chamaecyparis obtusa
Cyprès hinoki, faux cyprès hinoki
Cupressacées. Japon
Prunus cerasifera ‘Pissardii’
Prunier de Pissard
Rosacées. Iran
printemps printemps - été - automne
55
LE VILLAGE JAPONAIS
Phyllostachys bambusoïdes
Bambou géant
Poacées, sous-famille des Bambusoïdées
Chine, Japon
7
(> JJC - FB)
Taxus baccata ‘Adpressa’
If d’Angleterre
Taxacées. Europe
8
10
Malus floribunda
Pommier à fleurs
Rosacées. Japon
printemps
automne
Paeonia suffruticosa ‘Lactea’
Pivoine arborescente
Paeoniacées. Himalaya, Chine
printemps
Magnolia stellata
Magnolia étoilé
Magnoliacées. Japon
printemps
automne (> JJC)
11
12
13
DEVINETTES
9
Soleirolia soleirolii
Helxine
Urticacées. Corse, Sardaigne
(> JJC)
Meconopsis cambrica
Pavot du Pays de Galle,
pavot jaune
Papavéracées. Europe
été - automne (> JJC - JA)
1 - La floraison des bambous a lieu au même moment, sur toutes les plantes
d’une même espèce, d’un bout à l’autre de la planète. Vrai ou faux ?
2 - La teneur en taxine, poison contenu dans les feuilles, le bois et les graines d’if,
varie-t-elle selon les saisons ? Oui ou non ?
3 - La fibre de bambou a-t-elle une résistance proche de celle :
a) de l’or, b) de l’acier ?
57
japonais
LE JARDIN
E
contemporain
n 1908-1909, Albert Kahn retourne au Japon lors
d’un voyage autour du monde et transpose dans
sa propriété un nouveau « coin de terre japonaise ».
Il aménage alors un « sanctuaire miniature » ponctué
d’éléments en souvenir de ses visites : torii, façade de
temple rappelant très probablement celle du Kyomizudera à Kyôto, sôrintô et pont rouge évoquant le site de
Nikkô.
Cet espace ainsi qu’un jardin rocailleux (dit « chinois »
d’après les registres) ont aujourd’hui disparu, remplacés
en 1988-1989 par une création contemporaine du paysagiste Fumiaki Takano.
Rares témoins du passé avec le pont rouge, le grand
cèdre de l’Himalaya et le hêtre pleureur forment l’axe
yin-yang, un des trois axes qui structurent ce nouveau
jardin. Ceux de la vie et de la mort sont respectivement
représentés par des cônes érigés ou creusés dans le sol.
Le parcours de l’eau, élément central de cette composition, rend hommage à la vie et l’œuvre d’Albert Kahn :
elle jaillit d’un cône de galets pour illustrer sa naissance,
avant de s’épanouir en un vaste bassin représentant la
plénitude de sa vie. Sur les rives, un muret de galets
évoque les collections des Archives de la Planète. Plus
loin des éperons rocheux entravent son cours, symbolisant le krach boursier de 1929 qui entraîne la ruine
d’Albert Kahn. Pour finir, ce ruban aquatique disparaît
dans la spirale de la mort.
Des paysages du Japon sont évoqués alentour :
montagnes, cours d’eau, rizières et mont Fuji, tandis que
les floraisons célèbrent le monde de l’éphémère et le
renouveau de la vie…
LES CERISIERS d’ornement
1
LE JARDIN JAPONAIS CONTEMPORAIN
voir plan page suivante
Prunus CV
Cerisiers à fleurs du Japon hybrides
Rosacées. Japon
printemps
automne
Le cerisier appartient au genre Prunus,
comme le prunier, l’abricotier, le pêcher
ou encore l’amandier. Il fait partie de la
sous-famille des Prunoïdées au sein de la
grande famille des Rosacées.
Le genre Prunus regroupe quelque
200 espèces – d’aucuns disent beaucoup plus –, qui se déclinent à leur tour
en une multitude de variétés et
d’hybrides. Ces variétés proviennent pour
la plupart des zones tempérées de
l’hémisphère nord mais quelques-unes
sont originaires des Andes.
Si les Prunus sont généralement cultivés
pour leurs fruits, certains le sont aussi
pour la magie de leurs floraisons.
doubles ou multiples, certaines sont
légèrement parfumées. Souvent petites
et délicates, elles peuvent cependant
mesurer 5 à 6 cm de diamètre. Feuillages
d’automne et écorces sont aussi souvent
très décoratifs.
cerisiers sont déjà représentées à l’état
sauvage, les jardiniers créent depuis
longtemps de nouvelles variétés, mais
c’est vers la fin du XIXe s. que de nombreux
hybrides voient aussi le jour en Europe.
La majorité des Prunus d’ornement,
essentiellement découverts par les
botanistes occidentaux dès la seconde
moitié du XIXe siècle, provient d’Asie et
surtout du Japon.
Dans ce pays, où treize espèces de
Les cerisiers ornementaux peuvent
atteindre 20 à 30 mètres à l’état spontané ; cultivés, ce sont des arbres ou
arbustes qui ne dépassent guère 5 à
10 mètres. Leur floraison annonce le
printemps ; toutefois, certaines variétés
fleurissent au cœur de l’hiver (Prunus
subhirtella ‘Automnalis’). Leurs fleurs se
parent généralement de blanc ou d’une
palette de roses mais celles de Prunus
serrulata ‘Ukon’ sont jaunes. Simples,
Certaines variétés de Prunus subhirtella
sont ici représentées. Du latin hirtus signifiant « hérissé », leur nom fait référence
aux poils sur la face inférieure des feuilles.
Découvert au Japon à la fin du XIXe s., sous
sa forme ‘Pendula’, c’est un cerisier qui
peut vivre plus de mille ans. Prunus incisa
est aussi présent. Il supporte bien la taille.
Au pays du Soleil Levant, il peut former
des haies ou être cultivé en bonsaïs.
D’autres cerisiers, comme le Prunus
sargentii, réputé pour ses belles couleurs
automnales, sont encore employés.
Avec son nombre infini de cultivars, Prunus
serrulata est toutefois le plus répandu au
Japon. Il y est appelé sakura, « cerisier de
village ». Au parc de Sceaux, sa variété
‘Kansan’ à fleurs doubles compose un
bosquet majestueux de 150 arbres.
Dès le VIIIe siècle, la beauté éphémère
des Prunus est célébrée au Japon lors des
fêtes d’O-Hanami. La durée et l’abondance des fleurs sont alors signe de
bonnes récoltes. La chute des fleurs à
l’apogée de leur splendeur est le symbole
de l’éphémère pour le bouddhisme et
représente la mort idéale pour les
samouraïs. Fêtés par les nobles et les
guerriers puis par toute la population,
les cerisiers sont l’occasion aujourd’hui
encore de festivités. L’arrivée du front de
floraison est annoncée par les médias. Du
sud au nord, les Japonais se pressent pour
admirer ces spectacles fleuris. Certains
emplacements sont réservés par les entreprises pour leurs employés. Des illuminations invitent aussi à la contemplation
nocturne. Ce temps fort marque le début
de l’année scolaire et fiscale.
Le cerisier est, de même, apprécié en
bonsaï ou en ikebana.
Son bois entre dans la fabrication de
meubles ; son écorce sert de placage.
Saumurées, ses feuilles sont utilisées
dans la confection de petits gâteaux qui
se dégustent au printemps.
Certaines fleurs conservées dans du sel
servent à préparer une boisson offerte
lors d’occasions particulières, comme les
fiançailles. Seules les cerises, d’ailleurs
souvent importées, ne semblent pas très
prisées par les Japonais.
61
LE JARDIN JAPONAIS CONTEMPORAIN
1
7
3
6
5
2
4
9
8
11
10
12
3
Camellia japonica CV
Camélia du Japon hybride
Théacées. Japon, Corée, Chine
printemps
(> VJ)
2
4
Bletilla striata
Blétilla
Orchidacées. Chine, Japon, Vietnam
été
Rhododendron CV
Azalées japonaises hybrides
Éricacées. Japon
printemps (> VJ)
63
LE JARDIN JAPONAIS CONTEMPORAIN
7
8
Cedrus deodara
Cèdre de l’Himalaya
Pinacées.
De l’Afghanistan jusqu’au Népal
Pieris japonica
Andromède du Japon
Éricacées. Japon
printemps
Cornus kousa
Cornouiller kousa
Cornacées. Corée, Japon
printemps
automne
Cercidiphyllum japonicum
Katsura, arbre au caramel
Cercidiphyllacées. Chine, Japon
automne
12
Cryptomeria japonica
Cryptoméria, cyprès du Japon
Taxodiacées. Japon (> VJ)
9
Anemone hupehensis var. japonica
Anémone du Japon
11
Ranunculacées. Chine
été - automne
5
6
DEVINETTES
Fagus sylvatica ‘Pendula’
Hêtre pleureur
Fagacées. Europe
automne
Ophiopogon planiscapus ‘Nigrescens’
Ophiopogon noir
Liliacées. Japon
printemps
10
toute l’année hiver
1 - Le thé appartient-il au genre Camellia ? Oui ou non ?
2 - Les fleurs du Cornus kousa sont-elles blanches ou jaune verdâtre ?
3 - Que signifie le terme deodara qui qualifie le cèdre de ce jardin japonais :
a) bois parfumé, b) bois qui pique, c) bois des dieux ?
65
et petites bêtes utiles
67
PLANTES ENVAHISSANTES
Chaque scène paysagère, invitant le
visiteur à un voyage poétique particulier,
bénéficie d’un entretien adapté. Cette
gestion différenciée favorise ainsi le
développement de flore et de faune
diversifiées.
Toutefois, certaines des plantes décoratives qui participent à ces ambiances
spécifiques peuvent devenir envahissantes. Tel est le cas de la berce du
Caucase (Heracleum mantegazzianum).
Cette majestueuse ombellifère (p. 48)
qui orne la prairie doit d’ailleurs être
utilisée avec précaution, car sa sève peut
provoquer de graves dermites.
L’ortie
La vesce
D’autres végétaux, présentant des floraisons intéressantes bien que moins spectaculaires, finissent également par être
indésirables, comme la gracieuse vesce
commune, qui possède pourtant la
capacité d’enrichir les sols en azote.
La scolopendre
De même, la scolopendre, élégante
fougère indigène colonisant pierres et
enrochements du jardin japonais, se
multiplie trop facilement. Il est alors
nécessaire d’en réduire le nombre par
une sélection manuelle.
La ronce
Par leurs tiges rampantes, brunelle, ronce,
renoncule et chiendent deviennent quant
à elles tentaculaires. Afin d’éviter qu’elles
n’entrent en concurrence avec les plantes
ornementales, un arrachage sélectif et
régulier est alors pratiqué.
Carex, pissenlit et liseron des champs se
ressèment aussi trop rapidement. Ce
dernier prospère également par
fragmentation de ses immenses racines
qui sont ainsi capables de générer de
nouveaux plants : c’est ce que l’on
appelle le marcottage. Des interventions
ponctuelles sont donc nécessaires pour
restreindre la propagation de telles
plantes indésirables.
Le liseron
Si certains végétaux nécessitent d’être
limités, d’autres subissent diverses
attaques. Pour lutter contre les ravageurs, des prédateurs naturels sont
appelés au renfort.
Bien qu’il se nourrisse de vers de terre
essentiels pour l’aération, le drainage et
la fertilisation des sols, le hérisson est
cependant très utile car il débarrasse le
jardin des limaces et des escargots.
68
La coccinelle, autre amie du jardinier,
peut, quant à elle, dévorer jusqu’à 100
pucerons par jour et manger aussi des
chenilles, des acariens et des spores de
champignons. Ses larves, achetées dans
de petits sacs poreux, peuvent chacune
engloutir jusqu’à 200 pucerons. Vous
rencontrerez donc ces précieux sachets
suspendus à certains arbres.
Bouillies de cuivre ou de soufre
permettent par ailleurs de lutter contre
les maladies des arbres fruitiers et
l’oïdium du rosier.
Outre les écureuils espiègles, de
nombreux oiseaux évoluent dans les
ramures. Le plus spectaculaire est sans
doute le héron cendré dont l’impressionnante envergure dépasse 1 m 70 ; se
nourrissant pour l’essentiel de poissons, il
fréquente les bassins du jardin, mais
parfois trop glouton, il ne se contente
pas toujours de réguler leur population
de carpes koï ! Celles-ci vivent le plus
souvent 25 à 35 ans, mais certaines sont
centenaires. Très décoratives par leurs
infinies nuances colorées, elles sont au
Japon de véritables objets de collection.
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