vivent et ils meurent, sans savoir ni d'où ils viennent, ni où ils vont. Ainsi les eaux sont
invisibles jusqu'au moment où elles jaillissent, elles coulent et on les voit dans le lit du
fleuve, puis elles se perdent de nouveau dans la mer. Ah! dédaignons, dédaignons ce flot qui
jaillit, qui coule et disparaît. « Toute chair n'est que de l'herbe et toute sa beauté ressemble à
la fleur des champs ; l'herbe s'est desséchée, la fleur est « tombée. » Veux-tu ne tomber pas ?
« Mais le Verbe du Seigneur demeure éternellement (2). »
4. Afin toutefois de nous venir en aide, « le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi
nous. » Qu'est-ce à dire, « le Verbe s'est fait chair? » C'est-à-dire que l'or s'est fait herbe, il
s'est fait herbe pour brûler ; l'herbe en effet a brûlé, mais l'or est resté, et loin de se consumer
avec l'herbe, il l'a transformée. Comment l'a-t-il transformée ? En la ressuscitant, en lui
rendant la vie, en l'élevant jusqu'au ciel, en la plaçant à la droite du Père.
Mais de quoi sont précédés ces mots : « Le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi
nous ? » Rappelons-le brièvement. « Il est venu chez lui, et les siens ne l'ont pas reçu. Mais
à tous ceux qui l'ont reçu il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, » de le devenir,
1. Gen. I, 1. — 2. Isaïe, XI, 6-8.
car ils ne l'étaient pas, tandis que lui l'était dès le commencement. « Il a donc donné le
pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom, qui ne sont pas nés du
mélange du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu. »
Quel que soit leur âge proprement dit, voilà ce qu'ils sont, des enfants; regardez-les et soyez
heureux. Voilà ce qu'ils sont, mais des enfants qui ont Dieu pour père ; le sein de leur mère
est l'eau du baptême.
5. Loin d'ici la pauvreté du coeur et l'indigence des pensées ; que nul ne dise :
Comment ! « Le Verbe était au commencement, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était
Dieu, tout a été fait par lui : » et voilà que ce même « Verbe s'est fait chair et a habité parmi
nous ! » Apprenez pourquoi. Il est sûr qu'à ceux qui croient en son nom il a donné le pouvoir
de devenir enfants de Dieu ; et vous à qui il a donné ce pouvoir, ne regardez point cette
transformation comme impossible. « Le Verbe s'est fait chair et a habité parmi nous. » Est-il
étonnant que vous puissiez devenir fils de Dieu, quand pour vous le Fils de Dieu est devenu
Fils de l'homme? S'il s'est abaissé, ne peut-il nous élever? S'il est descendu jusqu'à nous, est-
il impossible que nous montions jusqu'à lui? Il s'est assujetti à notre mort, ne saurait-il nous
donner sa vie ? Pour toi il a enduré les maux qui t'étaient dus, ne pourra-t-il te communiquer
les biens qui lui appartiennent ?
6. Néanmoins, objecte-t-on, comment a-t-il été possible que le Verbe de Dieu, qui
gouverne le monde, qui a créé et qui crée encore tout, se rapetissât dans le sein d'une Vierge,
laissât le monde et quittât les anges pour s'enfermer dans les flancs d'une femme? — Tu
n'entends rien aux choses de Dieu. Souviens-toi, ô homme, que je te parle de la toute-
puissance du Verbe de Dieu. Le Verbe de Dieu a donc pu sans difficulté faire tout cela;
également tout-puissant, et pour demeurer avec son Père, et pour venir parmi nous, et pour
se montrer à nous dans un corps humain et pour demeurer invisible en lui. Il ne doit pas la
vie à sa naissance corporelle. Il existait avant de prendre un corps ; c'est lui qui a créé sa
mère ; il a fait choix de celle qui l'a conçu, il a créé celle qui devait le créer. Pourquoi cette
surprise? C'est de Dieu que je te parle, car « le Verbe était Dieu. »
7. Il est ici question du Verbe, de la Parole ; la parole humaine ne saurait-elle nous
donner quelque idée de sa puissance? Quelle différence!
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Il n'y a aucune comparaison à établir, et toutefois n'y peut-on signaler aucune
ressemblance ? Ainsi, la parole que je vous adresse était d'abord dans mon coeur ; je te la
donne et elle ne me quitte point ; elle n'était pas en toi et elle y est, mais en y allant elle
demeure en moi. De même donc qu'elle frappe tes sens sans quitter mon coeur, ainsi le
Verbe divin s'est montré à nous sans quitter son Père. Ma parole était en moi et elle est