Mémoire de la Fédération des Chambres immobilières du Québec (FCIQ) Déposé au Conseil du trésor en marge des travaux portant sur la réingénérie de l’État québécois Le 18 mars 2004 1. Contexte 1.1. L’industrie immobilière structurée L’activité de courtage immobilier contribue de manière significative à l’économie québécoise. En 2002, le volume total des ventes résidentielles pour le Québec atteignait un niveau record de 9,2 milliards $/an. En termes d’emplois, ce sont plus de 17 500 emplois directs et indirects qui sont reliés à ce secteur important de l’économie. Chaque transaction de logement effectuée au Québec et enregistrée dans le Service inter-agences®(S.I.A.®/MLS®), représente 16 590 $ en retombées en termes d’achats de biens et de services qui font tourner l’économie. Ainsi, entre janvier 2001 et décembre 2002, les retombées de l’industrie immobilière se chiffraient à 1,1 milliards $/an. L’acte de courtage se pratique dans le cadre d’une industrie structurée, qui regroupe les 12 Chambres immobilières du Québec et plus de 9 500 agents et courtiers immobiliers. Régi par la loi, ainsi que par des mécanismes de contrôle qui maintiennent la profession à un niveau élevé, il représente un gage de sécurité et de qualité pour le consommateur. C’est dans cette perspective que l’industrie structurée affirme son leadership. Ayant au cœur de sa mission la promotion et la protection des intérêts de l’industrie immobilière, elle fait en sorte que les Chambres immobilières, ainsi que les professionnels du courtage immobilier, accomplissent avec succès leurs objectifs d’affaires, et ce, au bénéfice du consommateur. En ce sens, la Fédération des Chambres immobilières du Québec (FCIQ) est un observateur de premier plan en ce qui concerne l’économie québécoise. L’impact de tout changement économique est immédiat dans l’industrie du courtage immobilier. La FCIQ est un intervenant socio-économique crédible et les préoccupations et recommandations que nous exposons dans le présent document doivent être considérées comme émanant directement des intervenants impliqués dans les transactions immobilières : représentants de l’industrie et consommateurs. 2 2. L’État québécois L’État québécois a fortement évolué depuis la Révolution tranquille. À cette époque, le gouvernement donnait les moyens aux Québécois et Québécoises d’aspirer à un meilleur avenir. De nombreuses institutions publiques furent créées et c’est à ce moment qu’est née la fonction étatique au Québec. On parlait de l’État-providence, mais en réalité c’était plutôt l’État initiateur pour les Québécois. Une deuxième version de cet État s’est développée dans les années 1980-1990, celui du Québec inc. Grâce à l’appui gouvernemental, il s’est créées au Québec de véritables locomotives économiques : le Fonds de Solidarité, le Mouvement Desjardins, Bombardier ou le Cirque du Soleil. Les politiques sociales se sont également modifiées afin de mieux soutenir les familles et l’immigration. Aujourd’hui, dans les années 2000, devons-nous procéder à une troisième modification de la fonction étatique québécoise ? La réponse est clairement oui. L’ouverture des marchés, la globalisation et l’intégration économique font en sorte que les États doivent désormais rivaliser entre eux. Les chercheurs, les entreprises ou encore les travailleurs spécialisés sont tous mobiles. Les technologies de l’information font en sorte que, désormais, une entreprise peut déléguer une partie de ces opérations vers un pays étranger. L’État québécois doit devenir un modèle de souplesse qui répond aux objectifs et attentes de la population. Ainsi, l’exercice de réingénérie ou de modernisation de l’État auquel le présent gouvernement nous convie est des plus importants. On le sait, le Québec connaît un certain retard face aux autres juridictions. Le niveau de vie est généralement plus bas au Québec et le régime fiscal est lourd. Le résultat est que le Québec a de plus en plus de difficulté à concurrencer les autres États. Malgré de belles réussites, comme le développement de la nouvelle économie, le Québec est aux prises avec des problèmes réels au chapitre du développement régional et des finances publiques. Il faut donc s’inspirer des méthodes qui ont bien fonctionnées ailleurs. L’Irlande et le Royaume-Uni sont certes des exemples concrets de repositionnement étatique. 3 3. Les partenariats privés-publics (PPP) Le moyen privilégié pour moderniser la fonction étatique du Québec s’oriente vers le concept des partenariats privés-publics. Le succès que cette formule a connu au Royaume-Uni et en Irlande est prometteur pour l’avenir économique du Québec. Il suffit de se rappeler l’état des économies britannique et irlandaise dans les années 80 et de constater aujourd’hui tout le chemin parcouru pour conclure aux bienfaits des PPP. Ce mode de financement contribue à lever la contrainte pesant sur les budgets et l’endettement public, à lisser le cycle des investissements et à pérenniser les crédits affectés aux projets grâce à un engagement à long terme du secteur public. D’ordinaire, l’État se procure un actif en le payant intégralement au point d’acquisition, tandis que l’effet d’une structure PPP typique est généralement de créer une activité autonome unique, financée et exploitée par le secteur privé, en échange d’un paiement proportionnel aux niveaux des services offerts. Pour le Royaume-Uni, des projets totalisant 24 milliards de livres sterling ont été signés depuis le début des années 1990. Les projets commandés par les ministères des Transports, de la Santé, de la Défense et de l’Éducation comptaient pour plus d’un tiers des contrats signés, occupant aussi une place importante. Le Trésor britannique indiquait des économies moyennes de l’ordre de 17 % sur les programmes PPP par rapport aux programmes classiques d’approvisionnement public. À la suite du programme de PPP développé au Royaume-Uni dans les années 1990, un nombre croissant de pays, en Europe et dans le monde, ont également lancé un programme de PPP et démontré qu’il s’agissait d’un concept exportable. Les transports sont souvent le premier secteur considéré, comme par exemple les programmes de routes à péage en Finlande et au Portugal. Les PPP des transports ont également couvert les transports ferroviaires et urbains, tandis que les autres secteurs, qui sont souvent apparus dans les PPP, comprennent : l’éducation, la défense, l’eau, la santé et les prisons. En Europe centrale et de l’est, plusieurs pays, dont la République Tchèque, la Hongrie, la Pologne, la Bulgarie et la Lituanie, ont entrepris des PPP, en raison du besoin d’investissements substantiels dans les infrastructures, combinés à de strictes contraintes budgétaires. Dans l’ensemble, 60 pays prennent des mesures pratiques vers le développement de leurs propres programmes de PPP. 4 C’est donc la fragilité des équilibres budgétaires et la croissance de l’endettement public qui poussent les gouvernements à se tourner vers les PPP. Le Québec, à cet égard, affiche certainement les conditions contextuelles au développement des partenariats. Cette dette gouvernementale, qui devrait toucher les 115 milliards $ au cours du prochain exercice budgétaire, accapare une part de plus en plus importante en matière d’intérêts. D’ailleurs, on évalue que le service de la dette atteindra les 8 milliards $ en 2004-2005. Afin d’inciter les différents ministères et organismes de l’État à se tourner vers les PPP pour leurs projets capitalisables et ainsi freiner la croissance de l’endettement, le gouvernement devrait adopter un cadre législatif en matière d’accroissement de la dette. Déjà, le gouvernement précédent avait freiné la croissance de la dette avec l’adoption de la Loi sur l’équilibre budgétaire, qui proscrit tout déficit. Ainsi, depuis 1998, environ 80 % de la dette est gelée. Cette portion représente les déficits cumulés du gouvernement et a cessé de progresser. Essentiellement, c’est le 20 % de dette résiduelle qui croît de façon importante et qui doit être balisée. La FCIQ propose que le législateur adopte une loi venant encadrer la progression de la dette en stipulant que cette portion non contrôlée ne puisse croître qu’à la hauteur de la progression du produit intérieur brut nominal. Ce balisage est en lien avec la capacité de payer des contribuables. Il en résulterait que 80 % de la dette demeurerait gelée et 20 % continuerait de croître mais à la hauteur de l’économie. Ainsi, les ministres devraient obligatoirement trouver des nouveaux moyens pour financer leurs projets d’immobilisation pour respecter ce cadre législatif. De plus, les contribuables auraient un portrait juste de la progression de la dette. Ce plan permettrait également de faire décroître de façon importante, d’ici les prochaines années, le ratio dette-PIB, qui représente justement le niveau d’endettement. Selon nos estimations, le Québec pourrait diminuer son niveau d’endettement à 27 % en 2020. Son niveau actuel est de 45 %. Ainsi, en raison de considérations liées aux limites fiscales et d’endettement public, les PPP sont désormais incontournables. Nombreux sont les secteurs industriels québécois qui peuvent être impliqués dans ce processus. L’utilisation du secteur privé dans les activités étatiques en lien avec l’immobilier sont monnaie courante dans plusieurs juridictions. En Ontario et en Colombie-Britannique, la gestion du parc immobilier du gouvernement est confiée au secteur privé. D’ailleurs, il s’agit probablement du secteur pour lequel les PPP sont le plus facilement applicables. La FCIQ propose que le gouvernement du Québec délègue à des entreprises québécoises l’ensemble des activités touchant la gestion immobilière. En réalité, c’est une métamorphose de la Société immobilière du Québec qui doit être envisagée. De plus, la FCIQ propose que les activités de courtage immobilier 5 nécessaires au gouvernement soient confiées à des courtiers et agents. Déjà, des pourparlers ont lieu entre le ministère des Transports, qui est mandaté pour gérer les ventes de propriétés de l’État, et l’industrie du courtage immobilier. La réglementation des pratiques professionnelles peut aussi, à certains égards, être appliquée dans un processus de PPP. Par le biais de l’autoréglementation, plusieurs professions administrent la loi touchant leur pratique. Dans le cas du courtage immobilier, le gouvernement ontarien, lors des travaux de la « Red-tape commission » a délégué à l’industrie l’administration du corps régulateur et de la Loi. Ce faisant, on donne à l’industrie toute la flexibilité nécessaire afin de protéger les intérêts des consommateurs et de favoriser la croissance des affaires. La prochaine révision de la Loi sur le courtage immobilier doit donc refléter les principes d’autoréglementation. 6 4. Conclusion Le processus de réingénérie de l’État en est un qui est nécessaire et, s’il est mené à terme, redéfinira le gouvernement québécois. Les pays qui ont mis en place les partenariats privés-publics connaissent actuellement un développement économique des plus intéressants. Le Québec ne peut attendre et continuer de présenter à ses citoyens une facture fiscale parmi les plus élevées de l’OCDE afin de financer un État obèse. Les PPP contribueront à réduire le fardeau fiscal et le poids de la dette. L’industrie immobilière peut certainement être un partenaire de premier plan dans ce processus. 7 Annexe 1 – Projection de la dette du Québec 2002-2003 2003-2004 2004-2005 2005-2006 2006-2007 2007-2008 2008-2009 2009-2010 2010-2011 2011-2012 2012-2013 2013-2014 2014-2015 2015-2016 2016-2017 2017-2018 2018-2019 2019-2020 Déficits cumulés Dette résiduelle 84315 84315 84315 84315 84315 84315 84315 84315 84315 84315 84315 84315 84315 84315 84315 84315 84315 84315 24287 25428 26344 27319 28521 29804 31086 32422 33752 35102 36471 37893 39333 40906 42543 44202 45926 47717 Économie 4,4 4,7 3,6 3,7 4,4 4,5 4,3 4,3 4,1 4 3,9 3,9 3,8 4 4 3,9 3,9 3,9 Dette – PIB 44,7 43,1 42,0 40,8 39,5 38,3 37,1 36,0 35,0 34,0 33,1 32,2 31,4 30,6 29,8 29,1 28,3 27,7 Notes : 1. Les déficits cumulés sont gelés en raison de la Loi sur l’équilibre budgétaire. 2. La dette résiduelle croît aussi en raison des versements partiels de dividendes par les sociétés d’État. Cette méthode comptable doit être revue et probablement exclue de la notion de dette totale du Québec. 3. Les prévisions de croissance économique émanent du rapport Séguin sur le déséquilibre fiscal. 8