Département de recherche fondamentale
sur la matière condensée
Faits marquants du DRFMC
Ça passe à quelques nanomètres et ça casse
n° 474 - 01/04/2001
Les agrégats sont ces petits amas de quelques dizaines à quelques milliers datomes ou de molécules, qui
constituent lintermédiaire entre latome et le solide. Les agrégats métalliques ont des points communs avec les
noyaux atomiques, assemblages de un à une centaine de protons et de neutrons, ainsi quavec les micro-
gouttelettes présentes dans les aérosols. Quand on les bouscule trop par exemple, tous ces systèmes finis se
fragmentent, ne pouvant évacuer autrement lénergie excédentaire qui leur est fournie. On connaît maintenant
assez bien la fragmentation des noyaux, qui évacuent des petites particules (émission a) ou se cassent en deux gros
fragments (fission). Quen est-il des agrégats et des gouttelettes ?
Nous explorons les modes de fragmentation des agrégats de sodium en utilisant un outil original : les collisions avec
des ions multichargés. Leur charge crée un fort champ électrique dextension nanométrique. La durée de passage
de limpulsion électrique est de lordre de la femtoseconde.
Selon la charge de lion et la distance à laquelle lion passe, les collisions perturbent différemment lagrégat. Les
électrons puis les ions de lagrégat deviennent très chauds si un ion rapide les frappe de plein fouet. Ils restent
froids au contraire, mais lagrégat est tout aussi instable, si un ion très chargé passant au loin a réussi, sans trop
exciter les électrons, à en capturer une fraction importante. Lagrégat se désexcite généralement par la
fragmentation.
Jusquà présent, deux modes principaux de fragmentation avaient été observés, caractérisés par le nombre de
fragments et leur distribution de taille. Dans le premier mode, le ou les petits fragments éjectés laissent un résidu
lourd, ce qui correspond à une ou plusieurs émissions a dun noyau atomique. Dans le deuxième on ne détecte plus
de résidu lourd.
Léquivalent de la fission nucléaire donnerait deux fragments de tailles comparables, emportant avec eux la plus
grande partie de la masse initiale. Ce phénomène navait pas encore été observé pour les agrégats.
Cest grâce à une amélioration de notre dispositif expérimental que nous avons pu le détecter. Dans ce type
dexpérience il faut identifier les paramètres importants de la collision, qui sont rarement accessibles par une
mesure directe. Ce sont pour nous la distance à laquelle passe lion (quelques nanomètres) et la charge de
lagrégat juste après la collision (pendant les 10 à 1000 femtosecondes précédant la fragmentation). Il faut donc
choisir une configuration de détection qui les discrimine indirectement. La méthode la plus efficace consiste ici à
mesurer, pour chaque collision, la charge finale du projectile, en plus du nombre et de la distribution des fragments.
Nous avons sélectionné des collisions lointaines entre des ions Xe30+ et des agrégats de quelques centaines
datomes, en choisissant celles qui donnent une charge finale Xe27+. On ne garde alors que les collisions donnant
un agrégat chargé et instable mais froid , cest-à-dire peu excité. La mesure donne, pour chaque fragment, le
rapport n/q du nombre datomes à la charge. Nous observions jusquà présent un ou des petits fragments (n/q = 1
à 10) en corrélation avec un résidu lourd (n/q = 50 à 500). Nous détectons maintenant, pour la première fois (voir
figure), un fragment lourd n/q ~ 60 en corrélation avec un autre fragment lourd n/q ~ 200.
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