Département de recherche fondamentale sur la matière condensée [email protected] Brèves n° 474 - 01/04/2001 lp_bleu1.gif (847 octets) Polymères sous haute tension Dans les câbles haute tension à isolation synthétique, des matériaux dit semi-conducteurs sont intercalés entre les conducteurs et l isolant. Le rôle de ces couches intermédiaires est d effacer les irrégularités de surface des conducteurs et de diminuer les concentrations locales de charges à l interface réduisant ainsi les risques de claquage. Les semi-conducteurs utilisés sont en fait des copolymères isolants chargés de noir de carbone qui présentent une conductivité électrique indépendante du champ électrique. Des essais, effectués par Alcatel sur un câble expérimental, ont montré que l utilisation d un polymère conducteur électronique comme la polyaniline à l état non dopé, en remplacement du noir de carbone, permet d améliorer la fiabilité du câble. L origine de cette amélioration réside dans les propriétés électriques non linéaires de la polyaniline sous champ électrique. En effet, ce matériau présente une conductivité adaptative : i) sous faible champ, la polyaniline est isolante, ii) dans le cas d une accumulation de charge, conduisant à une augmentation locale du champ électrique, la polyaniline devient plus conductrice et répartit d une façon plus homogène les charges : le claquage est ainsi évité. Nos études portent d une part sur la compréhension des mécanismes de transport électronique dans ce polymère et d autre part sur son vieillissement thermique et électrique. Nous avons relié le comportement électrique non linéaire de la polyaniline à sa longueur de conjugaison (Lc), qui représente en première approximation l extension moyenne des états électroniques le long de la chaîne polymère. En utilisant différentes techniques de caractérisation nous avons montré que le vieillissement thermique entraîne une décroissance de Lc et un renforcement du caractère électrique non linéaire. Enfin un modèle de conductivité, développé au laboratoire, permet de décrire cette évolution, plutôt favorable, des propriétés électriques de ce polymère. Il reste maintenant à étendre cette étude au cas du vieillissement sous champ électrique. Contact : Y. Kieffel, SI3M ( 04 76 88 40 57) Les fluctuations d un supraconducteur solitaire Dans la plupart des supraconducteurs, les électrons s apparient en paires de Cooper de spin nul (état singulet). Il existe cependant de rares cas où le système condense dans un état de spin non nul (état triplet) : l hélium superfluide (3He), le composé à fermions lourds UPt3 et l oxyde bidimensionnel Sr2RuO4. Ce type d état exotique peut être favorisé par un penchant du système vers le ferromagnétisme. Il est alors important d en caractériser les excitations magnétiques par spectroscopie neutronique. Nous avons entrepris de telles études sur le composé Sr2RuO4 qui devient supraconducteur vers 1.5 K. La figure montre les spectres de diffusion inélastique obtenus à l ILL. Le pic mesuré dans le plan de base du cristal (à gauche sur la figure) indique que les moments magnétiques fluctuent. La largeur importante de ce pic montre que les corrélations sont à courte portée. Enfin sa position indique des fluctuations plutôt anti-ferromagnétiques que ferromagnétiques. Entre les plans (à droite), il n y a pas de corrélations, ce qui était attendu pour un tel système bidimensionnel. Nos résultats montrent une situation très similaire à celle des composés à base de cuivre de même structure qui sont cependant des supraconducteurs singulets. La difficulté à réconcilier la nature des fluctuations magnétiques et la supraconductivité de Sr2RuO4 incite à explorer d autres régions de l espace réciproque Figure : Intensité neutronique suivant différentes directions du cristal de Sr2RuO4 mesurée sur l instrument CRG IN22. Contact : S. Raymond, SPSMS, ( 04 76 88 37 38) Choisir son radical dans l'ADN Les radicaux libres sont à l'origine de nombreuses modifications radio-induites du matériel génétique. Ces molécules, qui possèdent un électron non apparié, sont extrêmement réactives. Elles possèdent une durée de vie très courte et sont présentes en faible concentration dans le milieu, d'où la difficulté pour les étudier. De plus, le problème est amplifié du fait que le rayonnement ionisant produit simultanément plusieurs radicaux. Pour remédier à ce problème, nous avons développé une méthodologie originale qui consiste à incorporer au sein d une chaîne d ADN, un nucléoside modifié (la 5-[phényl-thiométhyle]-2'-désoxyuridine). Par irradiation UV, il est possible d'induire la rupture homolitique de la liaison carbone soufre, pour produire de façon sélective le radical localisé sur le groupement méthyle de la base thymine (voir figure). Ce travail nous a permis de mettre en évidence la grande réactivité du radical 5-(2'-désoxyuridilyl)méthyle vis- à-vis des bases adjacentes, pour conduire à la formation de pontages internucléotidiques. L extension de cette approche à d autres précurseurs de radicaux impliqués dans les modifications de l ADN est actuellement en cours. De plus, l utilisation de méthodes spectroscopiques résolues en temps (notamment la RPE pulsée) devraient nous fournir des informations sur la cinétique et sur les mécanismes réactionnels de ces espèces radicalaires dans le contexte d une structure oligonucléotidique. Figure : Formation photo-induite du radical 5-(2'-désoxyuridilyl)méthyle Contact : D. Gasparutto, SCIB ( 04 76 88 45 48) Département de recherche fondamentale sur la matière condensée [email protected] Faits marquants du DRFMC Ça passe à quelques nanomètres et ça casse n° 474 - 01/04/2001 lp_bleu1.gif (847 octets) Les agrégats sont ces petits amas de quelques dizaines à quelques milliers d atomes ou de molécules, qui constituent l intermédiaire entre l atome et le solide. Les agrégats métalliques ont des points communs avec les noyaux atomiques, assemblages de un à une centaine de protons et de neutrons, ainsi qu avec les microgouttelettes présentes dans les aérosols. Quand on les bouscule trop par exemple, tous ces systèmes finis se fragmentent, ne pouvant évacuer autrement l énergie excédentaire qui leur est fournie. On connaît maintenant assez bien la fragmentation des noyaux, qui évacuent des petites particules (émission a) ou se cassent en deux gros fragments (fission). Qu en est-il des agrégats et des gouttelettes ? Nous explorons les modes de fragmentation des agrégats de sodium en utilisant un outil original : les collisions avec des ions multichargés. Leur charge crée un fort champ électrique d extension nanométrique. La durée de passage de l impulsion électrique est de l ordre de la femtoseconde. Selon la charge de l ion et la distance à laquelle l ion passe, les collisions perturbent différemment l agrégat. Les électrons puis les ions de l agrégat deviennent très chauds si un ion rapide les frappe de plein fouet. Ils restent froids au contraire, mais l agrégat est tout aussi instable, si un ion très chargé passant au loin a réussi, sans trop exciter les électrons, à en capturer une fraction importante. L agrégat se désexcite généralement par la fragmentation. Jusqu à présent, deux modes principaux de fragmentation avaient été observés, caractérisés par le nombre de fragments et leur distribution de taille. Dans le premier mode, le ou les petits fragments éjectés laissent un résidu lourd, ce qui correspond à une ou plusieurs émissions a d un noyau atomique. Dans le deuxième on ne détecte plus de résidu lourd. L équivalent de la fission nucléaire donnerait deux fragments de tailles comparables, emportant avec eux la plus grande partie de la masse initiale. Ce phénomène n avait pas encore été observé pour les agrégats. C est grâce à une amélioration de notre dispositif expérimental que nous avons pu le détecter. Dans ce type d expérience il faut identifier les paramètres importants de la collision, qui sont rarement accessibles par une mesure directe. Ce sont pour nous la distance à laquelle passe l ion (quelques nanomètres) et la charge de l agrégat juste après la collision (pendant les 10 à 1000 femtosecondes précédant la fragmentation). Il faut donc choisir une configuration de détection qui les discrimine indirectement. La méthode la plus efficace consiste ici à mesurer, pour chaque collision, la charge finale du projectile, en plus du nombre et de la distribution des fragments. Nous avons sélectionné des collisions lointaines entre des ions Xe30+ et des agrégats de quelques centaines d atomes, en choisissant celles qui donnent une charge finale Xe27+. On ne garde alors que les collisions donnant un agrégat chargé et instable mais froid , c est-à-dire peu excité. La mesure donne, pour chaque fragment, le rapport n/q du nombre d atomes à la charge. Nous observions jusqu à présent un ou des petits fragments (n/q = 1 à 10) en corrélation avec un résidu lourd (n/q = 50 à 500). Nous détectons maintenant, pour la première fois (voir figure), un fragment lourd n/q ~ 60 en corrélation avec un autre fragment lourd n/q ~ 200. Figure : Distribution du rapport nombre d atomes / charge des deux fragments lourds en corrélation. Ces résultats complètent l image que les physiciens se font de la fragmentation des agrégats. Les frontières se précisent entre les domaines où se manifestent l émission de petits fragments chargés, la fission en deux fragments lourds et la fragmentation sans résidu lourd. Les différences de comportement des agrégats et des noyaux atomiques vis-à-vis de la fission viennent entre autres de la différence dans la distribution de charge entre un noyau, où elle est répartie dans tout le volume, et un agrégat métallique, où elle est répartie en surface. Contact : H. Lebius, GIM, ( 04 76 88 91 43) [email protected]