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royaume après son unification il y a mille
ans. Nul ne sait combien de temples
furent bâtis ici à l’époque, en un peu plus
de trois siècles. Il en reste 2200 et des
poussières, qui constellent le paysage bor-
dant le fleuve Irrawaddy. De toutes les
tailles, formes et couleurs, selon l’heure
où l’on s’y promène. Un spectacle unique
qui ne manque pas d’attirer les visiteurs
du monde entier, mais aussi les autoch-
tones, en nombre et en famille. Ces trois
dernières années, le tourisme en Birmanie
a doublé chaque année pour frôler le
million de personnes en 2013. Heureuse-
ment, la plaine est assez grande pour évi-
ter la bousculade. Pour le moment. En
revanche, l’infrastructure hôtelière,
concentrée dans les villages en bordure de
la zone des pagodes, a du mal à suivre le
rythme. Comme partout ailleurs dans le
pays.
On ne se lasse pas de se promener à tra-
vers ce paysage hors du temps. A pied, à
vélo ou même en scooter électrique, qui
se louent facilement dans les environs.
Certains tenteront l’expérience en ballon,
VOYAGE
un must. Mais le nec plus ultra consiste
tout simplement à grimper au sommet
d’un des innombrables temples pour se
poser sur un rebord de briques millé-
naires et admirer le panorama. De préfé-
rence au lever ou au coucher du soleil.
Ou les deux. On change de temple pour
découvrir un autre point de vue et on en
redemande. Entre tous ces vestiges d’un
royaume disparu, des bergers promènent
leurs troupeaux, des paysans cultivent
leurs champs et des lambeaux de brume
rendent l’atmosphère surnaturelle.
DES BURES COULEUR RUBIS
Cliché n°3 : chacun garde en mémoire les
images fortes de la révolte des moines qui
a conduit la junte militaire à desserrer son
impitoyable étreinte, à libérer la vénérée
dissidente Aung San Suu Kyi et à tolérer
un embryon de débat politique. Si les
moines en bure rouge et les nonnes en
habit rose sont partout dans le pays,
Mandalay est leur capitale, avec ses 150
monastères et ses innombrables lieux de
culte. C’est là qu’est née la contestation.
Les bonzes ont retrouvé leur sérénité cou-
tumière et déambulent paisiblement dans
les rues et les marchés animés pour
demander l’aumône, visiter leurs proches,
poser pour les touristes ou... jouer avec
leur smartphone. N’avoir le droit de rien
posséder ne les empêche pas de céder aux
sirènes de la modernité, même s’ils man-
gent et dorment à même le sol dans leurs
austères retraites. Comme au monastère
Shwe Nandaw. Ce bâtiment tout en bois,
avec ses fenêtres ovales et ses toits sculp-
tés, appartenait il y a deux siècles au palais
royal, quand Mandalay était encore une
capitale. Il orne aujourd’hui les couver-
tures de nombreux guides de voyage.
Plantée aussi au bord de l’Irrawaddy, la
deuxième ville du pays offre un visage
plus alangui que Yangon, même si la cir-
culation y est aussi bouchée, à l’allure où
les Birmans s’équipent de véhicules à
moteur, à deux ou quatre roues. C’est un
centre artisanal important, où les métiers
sont regroupés par quartiers selon leurs
spécialités : sculpteurs de bois, de marbre
ou de bronze, laqueurs, tisserands, van-
niers, potiers... Leurs ateliers valent le
détour, fût-ce pour l’image. Ceux des 왘
Les Intha habitent une quarantaine de villages
sur pilotis plantés à la surface du lac Inle.
Bâti en teck il y a deux cents ans, le pont U Bein à Mandalay accueille
tous les genres de promeneurs sur ses passerelles branlantes.
PHOTOS: PHILIPPE BERKENBAUM