La Lettre du Rhumatologue - n° 245 - octobre 1998
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A
TTEINTE OPHTALMOLOGIQUE
Les enfants répondant insuffisamment au traitement par collyre
peuvent bénéficier d’injections latéro-bulbaires de dexamétha-
sone.
Enfin, l’emploi de corticoïdes est susceptible d’augmenter la pres-
sion intraoculaire, qui doit être régulièrement mesurée chez ces
enfants. À l’arrêt du traitement, une consultation de contrôle après
quelques jours permet de s’assurer de l’absence de rechutes
inflammatoires. Un flare résiduel isolé ne correspond pas à une
inflammation active et ne doit pas empêcher l’arrêt du traitement.
L’utilisation d’immunosuppresseurs dans des indications ophtal-
mologiques a parfois été proposée dans des formes particulière-
ment sévères de ces uvéites, mais elle reste très controversée.
Par rapport à la moyenne des uvéites, l’atteinte inflammatoire
endoculaire au cours des ACJ est de pronostic sévère.
Ces complications sont fonction, en nombre et en importance,
du délai entre les premiers signes et la prise en charge de l’uvéite
(1, 2, 3).
Une cataracte acquise complique environ 30 % des uvéites chez
les enfants atteints d’ACJ. Elle est secondaire à l’inflammation
intraoculaire, mais également favorisée par l’emploi des corti-
coïdes.
La chirurgie est souvent gênée par la présence de synéchies iri-
docristalliniennes ou d’une kératopathie en bandelettes. Le choix
du moment de la chirurgie est délicat : il est conseillé d’attendre
que l’inflammation soit contrôlée, mais il ne faut pas trop tarder,
en raison du risque d’amblyopie (4, 5). Dans tous les cas, l’acte
chirurgical peut exacerber l’inflammation intraoculaire. La pose
d’un implant intraoculaire était autrefois contre-indiquée, et la
réhabilitation fonctionnelle impliquait au mieux l’usage de len-
tilles de contact, dont l’adaptation est parfois délicate à ces âges.
Toutefois, certains auteurs proposent désormais la mise en place
d’implants (4, 5).
Le glaucome secondaire, caractérisé par une augmentation de
la pression intraoculaire et un retentissement sur le nerf optique,
est une complication redoutée. Il survient pour 14 à 22 % de ces
uvéites (2).Il est directement lié à l’inflammation oculaire, abou-
tissant à la fermeture progressive de l’angle iridocornéen par la
périphérie rétinienne. C’est le facteur étiologique principal de
perte d’acuité visuelle. Une étude sur les résultats fonctionnels
des jeunes enfants atteints de glaucome secondaire rapporte 30 %
d’acuité visuelle limitée à des perceptions lumineuses.
Son contrôle pose également des problèmes médicaux et chirur-
gicaux : les traitements médicaux, à base de collyres hypotoni-
sants de type bêtabloquant, ont très souvent un effet temporaire.
La chirurgie filtrante classique de l’adulte est décevante chez l’en-
fant, avec de très fréquentes sténoses secondaires.
Il faut garder à l’esprit le risque d’acidose métabolique grave
qui existe lors de l’association de l’acétazolamide (Diamox®),
inhibiteur de l’anhydrase carbonique utilisé comme hypotonisant
oculaire par voie générale, et de l’aspirine, utilisée parfois en
automédication.
Une kératopathie en bandelettes complique typiquement les
uvéites chroniques à bas bruit. Elle s’observe sous forme d’une
bande interpalpébrale correspondant à des dépôts calciques au
niveau de la membrane de Bowman, membrane basale de l’épi-
thélium cornéen. C’est la complication la plus bénigne de ces
uvéites. L’incidence est fortement corrélée au délai du diagnos-
tic de l’uvéite, et varie de 5 à 77 % (1, 2).
Dans les formes évoluées, elle peut entraîner une baisse d’acuité
visuelle et nécessiter le recours à un traitement chirurgical, et plus
récemment le recours au laser de type excimer (kératectomie
superficielle).
L’œdème maculaire dans ces uvéites est habituellement la
séquelle d’une longue inflammation intraoculaire. Il est parfois
difficile à visualiser cliniquement.
Enfin, et plus rarement, une hypotonie oculaire chronique par
atteinte du corps ciliaire peut survenir. Son incidence est faible
(2 à 27 % des patients) ; elle conduit à l’atrophie du globe (2, 6).
Le pronostic visuel est directement lié au degré d’inflammation
lors de l’examen initial, et cette uvéite doit être considérée
comme potentiellement cécitante.
Seule une prise en charge initiale précoce,avant le stade des com-
plications, peut améliorer son pronostic visuel (tableau III).Au-
delà de l’âge de sept ans, le risque d’atteinte oculaire diminue
mais persiste, et impose une éducation progressive de ces jeunes
enfants sur les signes ophtalmologiques d’alerte.
UVÉITES ASSOCIÉES AUX SPONDYLARTHROPATHIES
Incidence, signes cliniques
Les spondylarthropathies se compliquent d’uvéites dans 5 à15 %
des cas (1, 7). Elles ne représentent que 1,4 % des étiologies des
uvéites de l’enfant (2). La présentation de l’uvéite associée aux
spondylarthropathies est en tous points différente de la précé-
dente. Elle est semblable à celle observée chez l’adulte porteur
de l’antigène HLA B27 ; elle se manifeste par un début brutal,
avec un œil rouge, douloureux et photophobe. Elle évolue sur un
mode aigu, les épisodes n’excédant pas six semaines en général ;
l’uvéite est unilatérale dans l’immense majorité des cas.
L’intervention de la cataracte chez ces enfants pose
des problèmes particulièrement difficiles.
Examen initial Inflammation Présence de synéchies
modérée iridocristalliniennes
Cataracte 28 % 51 %
Glaucome 17 % 45 %
Kératopathie en 5 % 77 %
bandelettes
Acuité visuelle 3 % 58 %
finale ≤1/10
Tableau III. Influence du délai de prise en charge sur le nombre des
complications et le pronostic visuel d’après Kansky (1).