CVC N ° 874 MAI / JUIN BBC 2012 : RETOURS D ’ EXPÉRIENCES 21 CONSTRUCTIONS BBC : RETOURS D’EXPÉRIENCES Il y a deux ans, nous avions déjà réalisé un dossier sur les retours d’expériences (REX) des constructions BBC. À l’époque, nous nous plaignions du peu de retours d’informations. Cela ne s’est pas amélioré, car malgré nos nombreuses sollicitations, peu d’auteurs ont répondu. Il semble que la communication soit toujours aisée avant la mise en service et, après, c’est, souvent, silence radio ! Nous remercions vivement les auteurs qui ont accepté de jouer le jeu. À noter le compte rendu réalisé par Olivier Sidler d’Enertech sur les points d’améliorations suite aux REX réalisés sur les premières constructions BBC. Il n’en demeure pas moins que la confrontation prévision/réalisation est toujours un sujet difficile, la transparence n’est pas encore d’actualité ! Dossier coordonné par José Naveteur AICVF Un collège qui préserve les générations futures Le nouveau collège de Saint-Dizier a été conçu pour réduire au maximum son empreinte écologique. L’analyse des consommations sur la première année de fonctionnement est très prometteuse. Un objectif de 50 kWh/m2 pour l’ensemble des usages électriques est à portée de main. Photo 1 Vue extérieure du bâtiment. Par Patrice Drapier et Frédéric Marteau EDF R&D département EnerBAT (Énergie dans les Bâtiments et Territoires) L e nouveau collège Luis-Ortiz de Saint-Dizier a ouvert ses portes le 3 janvier 2011 aux élèves de l’ancien établissement du Clos Mortier. L’ensemble scolaire de 9 400 m2 se compose de trois entités distinctes : des logements de fonction, un gymnase et le collège d’une surface de 5 400 m2 avec 23 salles qui peut accueillir 400 élèves. Le Conseil général de la Haute-Marne l’a voulu exemplaire sur le long terme pour le respect de l’environnement et des économies d’énergie. Aussi, le collège a-t-il été certifié HQE construction le 2 novembre 2011. Le projet a été conçu par l’agence AAT “Jean-Philippe Thomas Architectes” suivant quatre axes de réflexion : l’environnement, le mieux-vivre, la construction bois et l’engagement architectural. Le bureau 22 COORDONNÉ PAR JOSÉ NAVETEUR d’étude IPH Ingénierie et l’entreprise Forclum ont, entre autre, été chargés de le mettre en œuvre. > Photo 1 Consommation et confort Pour atteindre les objectifs de consommation et de confort des utilisateurs, il a été fait appel à l’association de plusieurs systèmes performants. > Le bâti Il a été fait recours à des panneaux bois lamellés croisés KLH prédécoupés en usine pour les murs et les dalles. Cette technologie a permis de réduire les ponts thermiques et les délais de construction. L’isolation des murs est constituée par 220 mm d’isolant minéral et 340 mm en toiture. De nombreuses ouvertures laissent pénétrer la lumière naturelle. Afin de limiter leurs déperditions, elles sont équipées de triple vitrage (Uw = 0,85 W/m2K) associé à des protections solaires pour limiter les apports directs du soleil durant la période estivale. La bonne isolation du bâti et l’attention particulière apportée à la perméabilité à l’air ont permis de limiter les besoins annuels de chauffage à 36 kWh/m2. > Photo 2 CVC N ° 874 MAI / JUIN > Les systèmes Le chauffage est assuré par deux pompes à chaleur de marque DAIKIN eau/eau sur nappe phréatique d’une puissance thermique unitaire de 150 kW et un coefficient de performance de 4,2. Les PAC alimentent au rez-de-chaussée un plancher chauffant et des radiateurs à l’étage. Pour garantir la bonne qualité de l’air dans les locaux, le collège dispose de sept centrales de traitement d’air double flux avec récupérateur à roue (efficacité de 85 %) sans batterie chaude. Les luminaires sont équipés de lampes T5 et de systèmes de gestion avec détecteur de présence et gradateur automatique en fonction de l’éclairage naturel. Des cellules photovoltaïques amorphes et monocristallines d’une surface de 2 600 m2 sont installées en toiture et en façade, engendrant une production annuelle de 130 000 kWh d’électricité. > Les résultats des mesures Les mesures sur l’année 2011 du collège seul (en excluant le gymnase et les logements de fonction) montrent une consommation finale d’électricité pour tous les usages de 59 kWh/m2.an. Par rapport à l’an- Consommation totale de 59 kWh/m2 Eclairage 12,3 kWh/m2 21 % PAC 10,9 kWh/m2 18 % Pompes 7,2 kWh/m2 12 % CTA 4,1 kWh/m2 7 % Cuisine 10,9 kWh/m2 18 % Onduleur 4,1 kWh/m2 7 % Autres 10,0 kWh/m2 17 % Figure 1 Répartition des consommations. Eclairage total : 12,3 kWh/m2 Eclairage nocturne 2,2 kWh/m² 18 % Eclairage RdC 5,1 kWh/m² 42 % Eclairage étages 3,1 kWh/m² 25 % Vie scolaire + salle polyvalente 0,6 kWh/m² 5 % Cuisine 1,2 kWh/m² 10 % Figure 2 Décomposition des consommations d’éclairage. 2012 Photo 2 Collège en cours de construction. cien collège de même taille qui était chauffé au gaz, la collectivité territoriale constate que l’association d’un bâti performant et de pompes à chaleur a permis de réduire le coût énergétique de 38 % sur l’année soit 25 k€, et de 81 % ceux de CO2 soit une baisse de 230 tonnes de CO2 en un an. > Figure 1 > L’éclairage, premier poste de consommation Malgré l’utilisation de luminaires équipés de tubes fluorescents T5 et d’une gestion par détection de présence et gradation automatique en fonction de la lumière naturelle, le poste éclairage est prépondérant. C’est le résultat d’une consommation de chauffage très faible et de la difficulté à réduire les besoins d’éclairage sans dégrader le confort visuel. D’où l’importance de bien étudier les caractéristiques des surfaces vitrées pour trouver le meilleur compromis entre les besoins de chauffage et d’éclairage. Les 12,3 kWh/m2 du poste éclairage englobent les points d’éclairage intérieur et extérieur ainsi que la consommation de la gestion et des blocs de secours qui sont branchés sur les circuits d’éclairage. > Figure 2 > Le chauffage Avec 18 % des consommations, le deuxième poste concerne les pompes à chaleur pour le chauffage du bâtiment. Cette faible consommation est le résultat de la réduction des besoins grâce à la très bonne isolation du bâti et à la bonne performance DOSSIER CVC N ° 874 MAI / JUIN 2012 des pompes à chaleur qui consomment 10,9 kWh/m2 pour chauffer le bâtiment. > La consommation des pompes de circulation Un poste important est celui des pompes hydrauliques qui permettent de faire circuler l’eau de nappe dans les échangeurs et de transporter les calories produites par les PAC vers les équipements terminaux. Même si les moteurs sont équipés de variateur de vitesse, leur consommation n’est pas négligeable et demande à être réglée finement pour ne pas dégrader les performances globales. Le poste CVC représente 37 % de la consommation électrique totale du bâtiment soit 22 kWh/m2. Vient ensuite la consommation de la cuisine. Même avec une part importante des appareils de cuisson au gaz, il reste de nombreux appareils électriques: les chambres froides, certains appareils de cuisson, la machine à laver et divers petits ustensiles. La consommation pour la production de l’eau chaude sanitaire et les divers appa- BBC reils de cuisson gaz est de 120 000 kWh/an. Et pour finir, on trouve le poste “autres usages” qui regroupe l’ensemble des tableaux interactifs équipant les salles de cours, toute la bureautique, l’eau chaude dans les sanitaires et tout ce qui n’est pas compté précédemment. > La sensibilisation des occupants Afin de répondre à la volonté du Conseil Général de la Haute-Marne, des panneaux d’information ont été installés dans le hall d’entrée pour afficher en direct les taux de fonctionnement des PAC et de la production des panneaux photovoltaïques. Ils peuvent permettre aux équipes enseignantes de sensibiliser les élèves à l’aspect environnemental et développement durable du collège. Les mesures montrent que les performances énergétiques sont bonnes, comparées à la moyenne de celle des collèges qui est d’environ 125 kWh/m2. Il est également apparu que des améliorations sont encore possibles dans la gestion des équi- : RETOURS D ’ EXPÉRIENCES 23 Les intervenants > Maître d’ouvrage : Conseil Général de la Haute-Marne > Maître d’œuvre : Jean-Philippe Thomas Architectes > Consultants HQE : Hubert Penicaud > Bet tous corps d’état : I.P.H Ingénierie > Bet structure bois : HV conseil > Bet ingénierie de restauration : Ecohal > Bet acoustique : Echologos > Bureau SSi : Betelec > Bet design écologique et paysage : Phytorestore > Bet étanchéité à l’air : Manexi DER pements et que la barre des 50 kWh/m2 est atteignable. Cela permettra aux panneaux photovoltaïques de compenser les consommations pour le chauffage, la ventilation et l’éclairage. n 11-81-83 Les critères d’un bâtiment passif Les choix environnementaux Bâtiment 100 % bois Bilan énergétique Objectif Passivhaus Améliorations mises en place Par Florence Cinotti, Alto Ingénierie, responsable du pôle Énergie Alto Ingénierie a pris le parti d’appliquer à la construction de son siège social les principes de conception que le bureau d’études développe tous les jours avec ses collaborateurs architectes et ses clients. Retour sur expérience. L e bail des précédents locaux de la société arrivait à échéance. Deux solutions étaient envisagées : louer des locaux à un promoteur donné ou investir dans la construction d’un siège social qui se devait d’être un exemple. La deuxième option a été retenue… Les exigences du projet ainsi que les contraintes étaient multiples. Il s’agissait de construire pour un coût équivalent à un coût de marché classique un bâtiment de bureaux dans le 77, à Torcy, d’environ 1 100 m2 SHON comportant un logement de fonction pour le régisseur de 65 m2. Les critères d’un bâtiment passif Ayant choisi de se lancer dans l’aventure, cela impliquait des contraintes de délais : les études et le chantier devaient être réalisés pendant la fin du bail. L’objectif budgétaire était aussi serré (1 800 €/m2SHON y compris achat du terrain et études). Enfin, sans pour autant viser une certification environnementale qui aurait été autant d’argent non investi dans la technique, Alto Ingénierie a décidé de réaliser un bâtiment type PassivHaus. Les objectifs d’un bâtiment passif se répartissent en trois critères: des besoins de chauffage inférieurs à 15 kWh/m2.an, une perméabilité à l’air réduite à 0,6 vol/h sous 50 Pa (contre 1,2 m3/h.m2 sous 4 Pa selon la réglementation thermique), des consommations tous usages de 120 kWhep/m2.an (il s’agit des usages conventionnels : chauffage ; produc- 24 COORDONNÉ PAR JOSÉ NAVETEUR CVC N ° 874 MAI / JUIN 2012 tion ECS ; éclairage ; ventilation ; auxiliaires ; mais également prises de courant ; informatique : postes bureautique et serveurs ; électroménager : machine à café, réfrigérateurs…). Cela correspond pour le bâtiment à 132 MWhep/an ou encore 52 MWhénergie finale/an (installations tout électrique – coefficient de conversion de 2,58). Une équipe de maîtrise d’œuvre a donc été créée, dont l’architecte mandataire était Andreï Feraru, de l’agence AAFeraru. Le bureau d’études thermique et fluides Alto Ingénierie, le BET structure Intégrale 4 et le BET VRD ATPI. Les choix environnementaux Les études ont débuté fin 2007 pour lancer le chantier en juin 2008 après obtention du permis de construire en mars 2008. Le chantier a commencé par la dalle béton puis la réalisation des forages géothermiques. L’enveloppe et la structure 100 % bois du bâtiment ont été montées en trois semaines en septembre. L’emménagement a eu lieu fin janvier 2009 avec un bouclage des travaux en mars 2009. En tout, six mois d’études suivis de six mois de travaux. > Photo 1 > Le bois Concernant les matériaux, le choix du bois est venu de deux principaux critères : son impact environnemental et sa capacité à stocker du CO2 d’une part, la rapidité d’exécution en chantier, d’autre part. > La gestion de l’eau Pour ce qui est de la gestion de l’eau, les équipements mis en place sont hydroéconomes, et un point fort vient de l’absence de raccordement au réseau d’évacuation des eaux pluviales car le débit de rejet autorisé était trop faible. Tout est infiltré sur place: raccordement des quatre descentes d’eaux pluviales au drain périphérique du bâtiment puis vers la cuve de récupération des eaux pluviales. Cette cuve est équipée d’un trop plein vers une noue plantée qui s’infiltre sur place ou se déverse ensuite vers le bassin de rétention de la ZAC. Un système de récupération des eaux de pluie est prévu mais non encore raccordé (problème de pression disponible et écrasement de la canalisation en chantier). Une solution est en cours de mise en place avec Salmson. Il s’agissait bien entendu de réaliser un bâti- Photo 1 Le siège social d’Alto Ingénierie terminé. Photo 2 La construction des premiers murs. ment à la fois performant au niveau de ses consommations, mais confortable pour ses occupants. > Photo 2 > Le confort visuel Le confort visuel est assuré via des baies vitrées généreuses (bandeau vitré principal pour les toutes les façades, imposte vitrée supplémentaire pour les façades nord et est, pas d’imposte vitrée supplémentaire au sud pour éviter trop d’apports solaires). En partie centrale du bâtiment, des sheds (> photo 3) vitrés au nord permettent d’alimenter les bureaux en open space en lumière naturelle. Des vitrages de second jour sont systématiquement mis en place dans les bureaux cloisonnés. > La gestion de l’énergie Concernant la gestion de l’énergie, la pre- mière opération a consisté à renforcer les performances thermiques de l’enveloppe. Une isolation en laine minérale de 24 cm (8+16) d’épaisseur est mise en place ainsi que des doubles vitrages à menuiserie bois-aluminium (Uw = 1,6 W/m2/K et FS = 0,6 en bandeau principal et sheds/0,4 en imposte). Le bâtiment n’étant pas climatisé, il est fondamental de le protéger contre les apports solaires tout en garantissant le maximum d’apport de lumière naturelle : des stores métalliques mobiles Griesser à lames orientables sont mis en place sur les façades sud, est et ouest. Ils sont pilotés grâce à des télécommandes par les utilisateurs. > Les équipements : ventilation, chauffage, ECS La ventilation hygiénique mécanique est DOSSIER CVC N ° 874 MAI / JUIN BBC 2012 Photo 3 De longs bandeaux vitrés. assurée par une centrale de traitement d’air double flux avec récupérateur à roue (de marque Swegon). Toutes les informations concernant la centrale sont disponibles via l’automate de la machine branché sur le serveur. Cette ventilation mécanique est complétée en mi-saison et en été par Photo 4 Pompe à chaleur CIAT. des ouvrants de ventilation naturelle (manipulés par les occupants) et par des brasseurs d’air (au choix des occupants). En hiver, le chauffage est assuré par une PAC DYNACIAT (> Photo 4) de 37 kW(chaud) non réversible connectée à six sondes verticales de 87 m de profondeur (> Photo 5). : RETOURS D ’ EXPÉRIENCES 25 Photo 5 Installation des sondes. Cette PAC alimente des panneaux rayonnants en plafond des bureaux. Pour produire l’ECS (douches et cuisine), l’installation de chauffage est délestée pour alimenter un échangeur de chaleur permettant une production d’ECS instantanée. En été, de l’eau rafraîchie par les sondes via un 26 COORDONNÉ PAR JOSÉ NAVETEUR autre échangeur, circule dans les panneaux rayonnants. Une GTB TREND a été mise en place afin de suivre le fonctionnement des équipements et d’affiner au fur et à mesure le paramétrage des lois de chauffe et de rafraîchissement. Le chauffage du logement est également branché sur la PAC mais la production d’ECS est faite par un ballon électrique (pour des questions de coûts, la solution de délestage sur le chauffage, selon le même principe que la production d’ECS des bureaux, n’a pas pu être conservée). Le local serveur est situé au niveau R+1 du bâtiment. L’idée d’origine consistait à valoriser les transferts entre la production d’eau chaude et la production d’eau glacée de la PAC, mais le coût induit par l’installation n’était pas acceptable vis-à-vis d’une solution classique de split system, ce qui a été mis en place. Enfin, une installation photovoltaïque de 50 m2 assurant l’étanchéité des sheds exposés sud (5,36 kWcrête) a produit 125 kWh/m2PV/an soit 5,7 kWhef/m2SHON/an en 2010 et 2011). Bilan énergétique Sur les trois années d’occupation (2009, 2010, 2011), on constate que l’objectif n’est pas atteint (60 puis 75-80 kWhef/an au lieu de 52 kWhef/an). Ceci étant, le bâtiment est performant (72 kWh/m2/an soit 190 kWhep/m2/an tous usages confondus). L’augmentation constatée provient d’une augmentation du nombre de serveurs et d’occupants. > Figures 1 et 2 La moitié des consommations relèvent donc de postes dits non conventionnels (hors réglementation thermique). Concernant les postes RT, on s’aperçoit de l’importance des pompes de circulation qui, dans les bâtiments anciens, avaient une part relative beaucoup plus faible. Les performances de la PAC sont caractérisées par les valeurs suivantes : COP mini = 3,2 – COP maxi = 4,8 – sCOP = 3,86 (COP moyen saisonnier en chaud) Une comparaison simple d’une solution PAC sur sondes et d’une solution gaz (en considérant les consommations de chaud du bâtiment non climatisé/hors rafraichissement) montre un surinvestissement de la PAC de l’ordre de 35 000 € pour une consommation électrique de 10 MWh/an contre une consommation de gaz de 40 MWh/an. À CVC N ° 874 MAI / JUIN 2012 kWhef 90 000 80 000 9 472 9 268 28 641 29 446 10 227 9 503 29 211 26 887 Total 2010 Total 2011 70 000 60 000 6 797 50 000 40 000 30 000 20 000 10 000 22 916 7 992 22 482 0 Total 2009 Figure 1 Bilan énergétique des trois années d’occupation du collège. Chaud 9,6 Serveur Bass 2,7 Auxiliaires 7,5 Serveur Tenor, Mail, NAS 6,3 Ventilation Téléphones 2,8 Eclairage 5,8 Imprimantes 2,9 Bureautique 14,3 Machine café 1,5 Switch (x4) 2,9 Split 1,5 Figure 2 Répartition des consommations en énergie finale en kWhef/m². coûts des énergies variables (augmentation du prix du gaz plus rapide que celle de l’électricité), la rentabilité de l’équipement sera faite en moins de 20 ans. Le bilan est encore plus favorable lorsque l’on compare la PAC à une solution gaz associée à des groupes frigorifiques pour rafraîchir le bâtiment. Améliorations mises en place Plusieurs démarches sont entamées afin d’améliorer le bilan énergétique. Un compteur d’énergie sur le condenseur et un sur l’ECS sont opérationnels depuis fin 2011. Ils permettent d’ores et déjà de mettre en relief la part des consommations d’ECS (environ 4 % de l’énergie délivrée au condenseur pour une semaine d’hiver). De plus, la mise en place d’une programmation horaire sur la pompe ECS permet de ne la faire fonctionner qu’en cas de besoin (programme modifiable). La mise en place de sous-comptages électriques est opérationnelle depuis fin mars 2012. Il s’agit de compter les consommations électriques de la PAC, des pompes, de l’éclairage RDC et R+1 séparément, du logement et des serveurs. Une entreprise doit intervenir pour finaliser les calfeutre- ments de l’enveloppe afin que l’on procède à un deuxième essai de porte soufflante pour évaluer la perméabilité à l’air de l’enveloppe. Enfin, les têtes thermostatiques initiales ont été remplacées cette année par des têtes électrothermiques à double position: Alto Ingénierie va donc pouvoir tester le fonctionnement du rafraîchissement direct cet été. La société va également expérimenter une mise en place de matériaux à changement de phase dans les locaux afin d’améliorer le confort d’été. L’adéquation de la labellisation PassivHaus avec une société en pleine expansion est donc remise en question. Ceci étant, la société continue à rechercher l’optimisation de ses consommations: elle est en train de renouveler son parc informatique avec la mise en place d’ordinateurs portables. Une recherche d’optimisation des horaires de fonctionnement des serveurs est en cours qui ne doit pas entraver la sauvegarde des données ou le travail hors horaires ouvrés des collaborateurs. n 11-81 Plus d’informations www.alto-ingenierie.fr [email protected] Tél. : 01 64 68 18 50 28 CVC N ° 874 MAI / JUIN COORDONNÉ PAR JOSÉ NAVETEUR D’une construction “habituelle” à une construction BBC 2012 Les équipements Résultats de l’exploitation Par Yves-Alexis Le Bars, AICVF* Lors de la conception du bâtiment d’Héliante et Eolis à Lyon en 2005, le label BBC n’existait pas encore, mais le but du maitre d’ouvrage était de réaliser un bâtiment pilote économe en énergie du type HQE, puis, en cours de route, de se rapprocher du BBC lorsque les données ont été connues. L es deux constructions neuves réalisées sur la zone “Confluence” à Lyon abritent pour la totalité d’Héliante et pour une partie d’Eolis la Direction Régionale du groupe Eiffage. Les bâtiments sont occupés depuis octobre 2009. À la livraison en 2009, la certification NF HQE a été obtenue auprès de Certivea, puis le label BBC a été obtenu pour Héliante; Eolis étant labelisé THPE ENR. Les équipements Le chauffage et la climatisation sont assurés par deux PAC desservant les deux bâtiments. Ces deux machines sont alimentées par deux forages à 18 m de profondeur, du type doublet, d’un débit de pointe de 140 m3/h. Cette installation délivre une puissance de 1 036 kW en chaud et 994 kW en froid. L’éclairage est assuré par des tubes T 5 dans les deux bâtiments, mais contrôlé en présence et modulation sur Héliante. La production d’eau chaude sanitaire est assurée par micro accumulation au plus près des points de puisage afin de minimiser les pertes de distribution. Les serveurs informatiques sont traités à part, et leur climatisation est assurée par un groupe à condensation à air d’une puissance de 100 kW. Le traitement d’ambiance est assuré par des poutres froides actives sur Héliante et par des ventilo convecteurs sur Eolis. Héliante possède une production d’électricité photovoltaique injectée dans le réseau EDF. 1 000 m2 sont installés en toiture (148 kWc) et 550 m2 (73 kWc) sont disposés en brise soleil sur la façade sud. La production prévue annuelle de 200 MWh a été dépassée sur l’année 2011. Eolis est munie d’une éolienne à axe vertical en toiture, d’un diamètre de 8 m et d’une puissance électrique de pointe de 20 kW. La fourniture annuelle de 20 000 kWh par an envisagée à l’origine n’a pu être assurée du fait d’un couloir de vent irrégulier et de la faible altitude de l’éolienne. L’énergie produite est reversée dans le tableau BT d’Eolis. Résultats de l’exploitation L’exploitation des bâtiments est gérée par Eiffage Thermie et l’on dispose sur l’année 2011 des résultats suivants pour les cinq usages conventionnels : consommation Héliante: 143,4 kWhep/m2 ; consommation Eolis : 152 kWep/m2. Il est visible qu’Héliante est pénalisé par le fait que le système poutre froide active requiert un débit de ven- tilation important, CTA double flux de 16 500 m3/h délivrant une pression disponible de 150 Pa aux 417 poutres. D’autre part, il apparait que les températures de référence (par exemple 19 °C en chauffage) sont largement dépassées, ce qui n’a rien de surprenant dans ce type de construction. Actuellement, Eiffage examine en détail les points techniques sur lesquels il est possible d’agir: > performance des moto-ventilateurs de la CTA; > régulation des pompes et de leurs moteurs, tant du côté puisage que du côté réseau; > filtration du type HPE, donc à très faible perte de charge. Nous avons dans ce document la présentation honnête et sans fard de la difficulté de passer de la construction habituelle à la construction du type BBC au moment où les technologies et produits ne sont pas encore tous développés. n 11-63-81 * Éléments recueillis auprès de MM Chambas, Stouvenel, Dumas du groupe EIFFAGE. DOSSIER CVC N ° 874 MAI / JUIN BBC 2012 : RETOURS D ’ EXPÉRIENCES 29 Consommation électrique Les températures intérieures L’enveloppe du bâtiment Bâtiments basse consommation Premiers retours d’expériences Conçus entre 2003 et 2006, les premiers bâtiments basse consommation ont fait l’objet de suivis instrumentés riches d’enseignements sur leurs spécificités et les problèmes récurrents qui apparaissaient. Compte-rendu. L a conception de bâtiments basse consommation doit associer, dès l’origine du projet, l’architecte et l’énergéticien. Celui-ci utilisera de puissants outils d’aide à la conception, comme la simulation thermique dynamique où celle de la migration de vapeur dans les parois. La méthode de calcul RT n’est en rien un outil d’aide à la conception, même si elle est utilisée comme telle par les ingénieurs aujourd’hui. Elle n’est qu’une validation du projet. Il faut donc réapprendre à concevoir en ingénieur, pas en applicateur de recettes réglementaires. La réussite des bâtiments BBC en dépend. Consommation électrique L’une des grandes caractéristiques de ces bâtiments est le poids des usages spécifiques de l’électricité : 60 % à 75 % de la consommation tous usages confondus, et jusqu’à plus de 90 % dans les Bepos. Il s’ensuit que leur rôle est prépondérant que ce soit sous forme d’apports de chaleur dans le bilan énergétique ou dans l’origine des surchauffes en été. Il faut donc aussi très vite associer l’ingénieur électricien à la conception, à condition qu’il possède une vraie connaissance en maîtrise de la demande d’électricité (MDE), ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Si globalement les consommations mesurées dans les bâtiments BBC ne sont pas exactement celles que l’on attendait, c’est d’abord parce que la notion de prévision reste floue. Souvent, c’est le calcul RT qui fait état de prévisions. Or, ce n’est en rien un calcul prévisionnel, mais seulement un calcul conventionnel (à la manière des véhicules). Le CSTB est clair sur ce point. Alors quelle méthode de prévision? Même la simulation dynamique ne peut être considérée comme une méthode prévisionnelle autorisant un engagement de consommation, car elle suppose de multiples hypothèses sur la température intérieure, les débits d’air infiltré et soufflé, la nature des équipements et leur mode d’utilisation, jusqu’aux données météo fondées sur des stations hors des villes dont les températures ignorent le phénomène d’îlot de chaleur urbain. Il est donc impossible de “prévoir” une consommation, et par voie de conséquence de s’engager sur une consommation dont on n’a nullement la maîtrise. Attention aux contrats d’engagement très à la mode et qui n’auront d’effet visible que la suractivité des tribunaux. VMC double flux L’eau chaude sanitaire L’importance du suivi des chantiers Par Olivier Sidler, Enertech L’enveloppe du bâtiment Concernant l’enveloppe, il existe deux éléments de dérive des consommations. D’abord l’existence de nombreux ponts thermiques structurels totalement ignorés: ce sont tous les dispositifs d’accrochage des bardages en ITE. Les simulations dynamiques tridimensionnelles ont montré dans certains cas une dégradation de plus de 50 % du coefficient U courant de la paroi lorsque l’on prenait en compte les éléments structurels, ce qui n’est quasiment jamais fait par l’ingénierie. La seconde raison des dérives dues à l’enveloppe est la qualité encore très incertaine de l’étanchéité à l’air. Ce sujet est nouveau en France, mais il n’est ni très compliqué à traiter, ni très coûteux. Il nécessite une bonne conception, un bon dessin, des carnets de détails, du soin et un suivi rigoureux des opérations sur le chantier. Les maîtres d’œuvre doivent vite progresser sur ce thème qui s’avère effectivement très dommageable aux performances des bâtiments BBC: les besoins augmentent de 4 kWh/m2/an pour chaque vol/h supplémentaire sous ΔP de 50 Pa. Les températures intérieures Le premier paramètre de dérive des consommations est la température intérieure. Règlementairement (art. R.131-20 du Code de la Construction), elle ne doit pas dépasser 19 °C. Si les usagers étaient vêtus comme la saison le nécessite, cette température serait parfaitement acceptable car il n’y a plus de parois froides dans les bâtiments BBC. Mais Les gens vivent été comme hiver avec les mêmes T-shirt, d’où des conflits et des quiproquo sans fin. Or une loi est faite pour être respectée, sinon on l’abroge ou on la change. Il faut savoir que dans les bâtiments BBC, un degré supplémentaire conduit à une hausse de 15 % à 20 % des consommations de chauffage. Ce paramètre est donc d’influence majeure… VMC double flux Le point le plus faible des équipements techniques est toujours la VMC double flux. Cette technologie a bien de réelles vertus: récupération de chaleur importante, filtrage de l’air neuf, etc. Mais elle est très mal maîtrisée par les bureaux d’études et les entreprises. La plupart des installations ne fonctionnent pas correctement : débits peu conformes aux besoins, très déséquilibrés entre extraction et soufflage (ce qui suppose des infiltrations ou des exfiltrations importantes et néfastes), recyclage d’air en présence d’échangeurs à roue à cause du positionnement incorrect des ventilateurs mettant la roue en surpression sur l’extraction et en dépression sur le soufflage. On 30 COORDONNÉ PAR JOSÉ NAVETEUR observe aussi systématiquement une consommation excessive des ventilateurs. Pourtant, pour minimiser celle-ci, il suffit de réseaux bien dessinés, courts et en étoile, avec de très faibles pertes de charge (donc pas d’étranglement des sections), un point de fonctionnement situé au sommet de la colline de rendement et un moto-ventilateur à haut rendement. On a aussi pu mesurer que les débits d’air neufs chutent de 75 % en 10 mois parce que les filtres ne sont jamais changés alors que la fréquence de remplacement nécessaire est de 4 mois. Paradoxalement, la réduction du débit soufflé conduit à une augmentation du débit infiltré, donc à une augmentation de la consommation de chauffage de 8 à 10 kWh/m2.an. Le défaut patent de maintenance et son insuffisance dans le pilotage des installations sont aussi une constante. En trois ans, on a pu observer que la programmation de la plupart des organes d’un bâtiment était complètement déréglée, comme par exemple la VMC de bureaux fonctionnant 24 h/24 au lieu des seules heures de présence. L’eau chaude sanitaire Quant à l’eau chaude sanitaire, c’est une vraie source potentielle d’amélioration mal valorisée par le calcul RT. Les mesures montrent que les besoins à 10 minutes sont toujours inférieurs d’un facteur 2,5 à 3 aux valeurs obtenues par les méthodes de calcul classiques. Il s’ensuit que toutes les installations sont surdimensionnées, donc trop chères et affectées d’un rendement CVC N ° 874 MAI / JUIN dégradé. Mais surtout, elles montrent que l’essentiel de l’énergie primaire consommée par l’ECS est en réalité perdue, lors de la production et de la distribution de chaleur, et lors des puisages dans les installations mal conçues dans lesquelles la distance entre la colonne et le point de puisage est trop grande. Réduire ces pertes suppose une très forte isolation de tous les organes (corps de pompe, vannes, compteurs, etc) et des canalisations (minimum de 30 mm d’isolant). On travaillera aussi à la réduction des volumes d’eau puisés par l’utilisation de limiteurs de débit. L’importance du suivi des chantiers On ne peut terminer ce rapide tout d’horizon sans rappeler l’importance de la qualité du suivi des chantiers aujourd’hui malheureusement trop désaffectés par les bureaux d’études, et l’inexistence de procédures rigoureuses de réception des installations fondées sur la vérification du bon réglage de tous les paramètres et points de consigne (lois d’eau mal réglées), de toutes les séquences de programmation, de la mesure des débits d’air et du bon fonctionnement des éléments de l’installation. Afin de conserver cohérence à la démarche de réduction des consommations d’énergie dans le bâtiment, il restera à travailler maintenant sur l’énergie grise. Classiquement, un bâtiment consomme de 1 750 à 2 000 kWh/m2 d’énergie grise. Est-il alors raisonnable de continuer à réduire les énergies d’exploitation dès lors que l’énergie grise peut représenter 50 années de 2012 Pour aller plus loin > Rapports de campagnes de mesure sur le site www.enertech.fr > Formation à la conception basse consommation et à la maîtrise de la demande d’électricité à l’Institut Négawatt : www.institut-negawatt.com consommation? Certainement pas. Il faut donc désormais mettre des contraintes sur le contenu énergétique des produits et obliger les industriels à faire de réels efforts en la matière. La concurrence les départagera bientôt sur ce terrain. La conclusion générale qui ressort de ces premiers travaux d’évaluation est qu’il devient nécessaire que l’ensemble des professionnels impliqués dans l’acte de construire améliorent leurs pratiques. On observe une vraie insuffisance, une façon trop approximative de travailler, le poids de la routine aussi et des procédures toutes faites, à l’heure où la matière grise et la réflexion devraient s’imposer dans les projets et sur les chantiers. La France doit relever un immense défi. Mais il faut pour cela que chacun se remette en cause et accepte humblement de retourner se former, de remettre en cause ses certitudes pour pouvoir aborder un type de bâtiments qui ne fonctionnent plus du tout comme ceux que l’on a construit jusqu’à aujourd’hui et dont les performances exigent une qualité d’étude et de réalisation qui n’était pas nécessaire jusqu’à présent. n 11-55-81 DOSSIER CVC N ° 874 MAI / JUIN BBC 2012 : RETOURS D ’ EXPÉRIENCES 31 LABEL BBC-Effinergie fin 2011 Les évolutions envisagées en RT 2012 Les bâtiments tertiaires Par Jacques Daliphard 392 1 395 L’association Effinergie a réalisé un bilan de la certification BBC-Effinergie pour les bâtiments neufs puis pour les bâtiments rénovés, à partir des données communiquées par les organismes certificateurs que sont Promotelc, Cerqual, Cequami et Certivea. Les comptabilisations ont été effectuées pour les demandes de labellisation, les mises en chantier et aussi pour les chantiers livrés. R egardons tout d’abord la montée en puissance des demandes de labellisation BBC-Effinergie par rapport au nombre de logements neufs autorisés chaque année. Le Tableau 1 rassemble ces chiffres pour les logements collectifs et pour les maisons individuelles. À fin 2011, les bâtiments neufs labellisés dans le secteur tertiaire, depuis 2007, concernent 608 opérations pour une surface totale de 4,84 millions de m2. En 2011, les logements neufs mis en chantiers et labellisés BBC-Effinergie représentent 10 % des maisons individuelles et plus de 75 % des logements collectifs. Le Tableau 2 montre la progression des mises en chantier de bâtiments neufs sur les trois dernières années. La labellisation des chantiers neufs livrés entre 2007 – année du lancement de la certification (avec un démarrage plutôt en 2008) – et le 31 décembre 2011, concerne: > 562 opérations de logements collectifs, soit 19 643 logements; > 299 opérations de maisons individuelles en secteur groupé soit 3 058 logements; > 8 998 maisons individuelles en secteur diffus; > 42 opérations de bâtiments tertiaires soit 235 585 m2 de planchers. Les chantiers terminés sont encore insuffisants pour conclure à une bonne prise en compte des données du label BBC-Effinergie, ce qui nécessite de porter attention aux évolutions envisagées pour le label BBC- 76 190 1 118 334 539 2 096 324 581 3 139 1 139 2 072 1 2 10 2 1 187 356 301 270 459 3 548 351 4 850 1 1 350 1 123 163 1 011 18 94 4 052 3 1 2 826 604 1 065 534 541 625 2 1 028 645 1 1 171 515 377 543 292 1 195 0 0 Maisons individuelles (secteur diffus et groupé) Logements collectifs Tertiaire (répartition en attente) Figure 1 Répartition géographique des projets neufs labellisés. 1 599 86 55 134 258 2 389 78 106 1 469 86 4 81 Tableau 1 Demandes de labellisation BBC-Effinergie 2008 2009 2010 2011 Cumul* Logements collectifs 3% 8% 34 % 75 % 273 945 Maisons individuelles 0,3 % 1,4 % 5,2 % 10 % 49 928 (*) Ce chiffre concerne le cumul des logements neufs autorisés qui recherchent le label BBC-2005 depuis la création du label BBC-Effinergie en 2007. Maisons individuelles (secteur diffus et groupé) Logements collectifs Tertiaire (répartition en attente) Figure 2 Répartition géographique des projets rénovés labellisés. Effinergie +. Les données du label BBC 2005 sont encore trop peu vérifiées sur le terrain! Tableau 2 Nombre de mises en chantier de bâtiments neufs 2009 2010 2011 % 2011 MEDDLT* Les bâtiments tertiaires Logements collectifs 13 000 70 000 160 000 75 % 191 000 Maisons individuelles 2 900 14 000 33 000 10 % 195 000 Secteur tertiaire (en m2) 400 000 600 000 2,6 millions Le label BBC-Effinergie +, première étape de labellisation pour la RT 2012, devrait donc envisager de modérer certaines exigences, notamment sur la perméabilité à l’air en logements, afin de laisser ces évolutions pour le “label BEPOS” qui sera défini ultérieurement et surtout envisagé sur des (*) La dernière colonne reprend les chantiers de logements neufs démarrés durant l’année 2011, d’après les chiffres du ministère MEDDLT, certainement différents de ceux estimés par Effinergie. 32 COORDONNÉ PAR JOSÉ NAVETEUR projets d’ici environ 4 à 5 ans, afin de préparer la future RT 2020. > Figure 1 Depuis 2009, la dynamique des labels BBCEffinergie en rénovation représente, pour les demandes de labels, une augmentation linéaire en bâtiments tertiaires ; le logement collectif a connu une forte progression pendant les trois premiers trimestres de 2011 avec un essoufflement au qua- CVC N ° 874 MAI / JUIN trième trimestre. Pour les maisons individuelles, le nombre de demandes reste peu élevé et instable, car certains projets sont abandonnés. En 2011, les demandes de labels concernent 22 000 logements collectifs, 200 logements individuels et 600 000 m² de bâtiments tertiaires. > Figure 2 En cumulé au 31 décembre 2011, depuis un lancement en 2009, les 2012 chantiers réceptionnés représentent: > trois opérations de logements collectifs, soit 3 286 logements; > deux maisons individuelles en secteur diffus; > trois opérations de maisons individuelles en secteur groupé, soit 58 maisons; > et trois opérations de bâtiments tertiaires comptabilisant 5 544 m2. n 82-87 La conception et la réalisation du bâtiment De premiers résultats encourageants “La Clairière”, à Bétheny près de Reims Conclusions et perspectives Retours d'expérience de 13 logements BBC et PassivHaus Par Stéphane Hémon et Joseph Turi, EDF R&D Département Enerbat – Énergie dans les bâtiments et territoires Le Foyer Rémois a fait réaliser la construction d’un bâtiment de treize logements. Celui-ci a été réalisé selon les standards BBC et PassivHaus, EDF R&D en a mesuré les consommations. Compte-rendu. L a Clairière”, immeuble construit par le Foyer Rémois et conçu par BCDE architecture, a été inauguré en mars 2010. L’immeuble est composé de treize logements, pour une surface totale habitable de 1 289 m2, répartis sur trois niveaux avec parc de stationnement en sous-sol. Il comporte des appartements allant du T2 au T5 dont quatre au rez-de-chaussée réservés pour des personnes à mobilité réduite. Cet immeuble a la particularité d’être certifié à la fois du label français BBC Effinergie (1er immeuble social en France) et du label allemand PassivHaus. Il se devait donc de respecter les exigences des deux labels. Deux bureaux d’études sont intervenus dans le projet : Synapse Ingéniérie pour les calculs réglementaires BBC et LUWOGE Consult pour les aspects relatifs au Passivhaus. Comparer les deux labels d’une manière générale est très difficile en raison de deux méthodes de calcul, d’hypothèses et de valeurs de référence totalement diffé- rentes. Cet exercice, non généralisable, ne peut être réalisé qu’au cas par cas pour un bâtiment donné. L’immeuble “La Clairière” nous en donne l’opportunité jusque dans le suivi des consommations. EDF R&D a été sollicitée afin d’assurer durant trois années le suivi des consommations électriques des treize logements et des équi- pements collectifs, mais également de réaliser une enquête sociologique et comportementale auprès des locataires. Cette enquête doit permettre de cerner le niveau d’appropriation d’un tel bâtiment par ses occupants et de mieux cibler les conseils d’utilisation des équipements performants. La conception et la réalisation du bâtiment De par sa conception et dès le premier regard, le bâtiment affiche son appartenance au standard Passivhaus: forme com- DOSSIER CVC N ° 874 MAI / JUIN BBC 2012 : RETOURS D ’ EXPÉRIENCES 33 Tableau 1 Résultats des mesures des consommations PassivHaus du 01/10/2010 au 30/09/2011 Chauffage Appoint ECS Ventilation Pompes et Éclairage (individuel) régulation ECS (collectif) Electroménager Total Passivhaus Consommations [kWhep/m²Shab] 51,08 28,87 25,88 135,43 Consommation [kWhef/m²Shab] 18,92(1) 21,62 5,41 2,57 (1) C’est cette valeur de consommation de chauffage en énergie finale que nous rapprochons des besoins en énergie du label Passivhaus (chauffage Joule). Tableau 2 Résultats des mesures des consommations BBC du 01/10/2010 au 30/09/2011 Consommations [kWhep/m²Shon] Chauffage Appoint ECS (individuel) Ventilation Pompes et régulation ECS (collectif) Éclairage Total BBC 40,9 23,12 17,32 4,33 2,05 87,72 pacte, orientation nord/sud, façade sud fortement vitrée dotée de protections solaires adéquates, façade nord peu vitrée… Les logements sont traversants, les pièces de séjour orientées au sud et les chambres au nord. Le choix constructif s’est porté sur le principe d’une structure béton associée à une isolation extérieure afin de disposer d’une forte inertie propice à un meilleur confort d’été. > L’ossature béton La structure du bâtiment est constituée d’une ossature béton partiellement préfabriquée reposant sur le principe de prémurs industrialisés. Fabriqués en usine, ils sont composés de deux panneaux en béton armé de 60 mm d’épaisseur, espacés de 80 mm et reliés l’un à l’autre par des poutres à treillis. Ils constituent les faces extérieures du mur tout en assurant le rôle de coffrage recevant le béton coulé sur chantier. Le mur béton fini après coulage a donc une épaisseur de 200 mm. > L’isolation Les murs et les planchers béton de la structure sont associés à une isolation extérieure particulièrement performante, à la fois en raison de l’épaisseur retenue et de la nature de l’isolant. En effet, ce sont des blocs de polystyrène graphité (Neopor de BASF) de 300 mm d’épaisseur sous enduit mince qui “enveloppent” totalement les murs du bâtiment, réduisant ainsi drastiquement les ponts thermiques et renforçant l’effet inertiel de la structure lourde. Le plancher bas est isolé en face supérieure par 60 mm de polyuréthane sous chape flottante et en sous-face par un flocage de 200 mm de laine de roche. Les terrasses sont isolées par 24 cm de mousse de polyuréthane et bénéficient en grande partie d’une couverture végétalisée. > Les ouvrants Les façades du bâtiment sont équipées d’ouvrants en bois avec triple vitrage 4/12/4/12/4 mm peu émissifs avec argon, et d’ouvrants en aluminium avec double vitrage 4/16/4 mm peu émissifs avec argon. Cette répartition résulte d’une optimisation entre réduction des déperditions et valorisation des apports. Des stores extérieurs assurent la protection solaire. > Le renouvellement de l’air Complément indispensable d’un bâti hyper isolé, l’étanchéité à l’air de l’enveloppe du bâtiment a été particulièrement soignée afin que les fuites d’air ne dépassent pas les 0,6 volume/heure sous une différence de pression de 50 Pascals, qui est le niveau requis pour les bâtiments passifs. Le bâtiment a passé avec succès les tests d’étanchéité en fin de chantier. Le renouvellement d’air maîtrisé est assuré par une ventilation double flux dotée de moteurs basse consommation; deux ventilateurs installés en terrasse assurent l’extraction, un autre en sous-sol assure l’insufflation. Chaque logement est équipé d’un échangeur thermique individuel à haut rendement Dee Fly Aldes (jusqu’à 90 % des calories de l’air extrait sont récupérées et transmises à l'air neuf entrant), installé en volume chauffé. L’ensemble est couplé à un puits canadien préchauffant l’air neuf en hiver et le rafraîchissant en été. Un by-pass permet de contourner le puits canadien et d’insuffler directement l’air extérieur, mais il n’a pas été utilisé jusqu’ici. > Le chauffage En raison du très haut niveau d’isolation du bâtiment, de son étanchéité à l’air et de son système de ventilation performant, les besoins de chauffage sont très faibles, puisque conformes à l’exigence Passivhaus (inférieurs à 15 kWh/m2shab). Le complément de chauffage est donc assuré par des résistances terminales de faible puissance intégrées au système de ventilation (terminal UBio Aldes), et régulées pièce par pièce par des thermostats d’ambiance. En complément, un panneau rayonnant a été installé dans le séjour et un sèche-serviette équipe la salle de bains. > L’eau chaude sanitaire La production d’eau chaude sanitaire est assurée collectivement par quinze capteurs solaires plans placés en terrasse, complétés par des ballons individuels ; une boucle primaire glycolée réchauffe une boucle d’eau secondaire à travers les échangeurs de la station solaire située au dernier étage. La boucle secondaire alimente ensuite l’échangeur de chaque ballon individuel dans les logements où un appoint électrique assure le complément. La bonne réalisation d’un tel bâtiment demande une implication forte des entreprises de maîtrise d’ouvrage afin que les tra- 34 COORDONNÉ PAR JOSÉ NAVETEUR vaux soient réalisés parfaitement, ce qui nécessite de très fréquents contrôles jusqu’en fin de chantier afin de pouvoir apporter les éventuelles corrections nécessaires. Des premiers résultats encourageants EDF R&D a été sollicitée afin d’assurer durant trois années le suivi des consommations électriques des 13 logements et des équipements collectifs. Afin de mesurer les consommations des usages entrant dans le calcul du label PassivHaus et du label BBC, chaque appartement a été équipé d’un dispositif de mesure, comprenant deux indicateurs multi-usages télé-relevables qui enregistrent également la température de confort du séjour. Pour les équipements collectifs, un coffret situé en sous-sol enregistre les consommations d’énergie électrique des ventilateurs de soufflage et d’extraction d’air du système de ventilation et des circulateurs de la boucle ECS collective. Il est ainsi possible de mesurer l’ensemble des consommations réelles à l’échelle du bâtiment et de les positionner par rapport aux exigences PassivHaus et BBC. Des mesures de température et de débit d’air sont également effectuées sur le puits canadien afin de quantifier l’apport énergétique de celui-ci. Une sonde de température extérieure est placée sur la façade nord du bâtiment afin de suivre la rigueur du climat. Situer les consommations du bâtiment à la fois par rapport aux exigences PassivHaus et BBC nécessite de bien préciser dans chaque cas les surfaces de référence, les unités énergétiques et les coefficients de conversion utilisés qui diffèrent dans les deux méthodes de calcul: > le label BBC exige une consommation annuelle globale du bâtiment inférieure ou égale à 65 kWhep/m2Shon, avec un coefficient de conversion kWhep/kWhef de 2,58; > le label PassivHaus exige au plus des besoins de chauffage de 15 kWh/m2shab. et une consommation totale annuelle de 120 kWhep/m2shab avec un coefficient de conversion kWhep/kWhef de 2,70 (valeur utilisée dans l’étude Passivhaus, elle a évolué depuis); > le rapport entre la surface hors œuvre nette et la surface habitable est variable CVC N ° 874 MAI / JUIN d’un bâtiment à l’autre et dépend entre autres de l’épaisseur des murs finis. À l’époque du calcul du label BBC Effinergie pour “La Clairière”, si la SHON dépassait de 20 % la Shab, le rapport SHON/Shab était limité à 1,2 (cette règle a évolué depuis avec la définition de la SHON RT). Ces différences expliquent que les valeurs exprimées en énergie primaire par unité de surface pour un même usage pour les deux labels soient différentes. Par ailleurs, la comparaison d’un calcul théorique et conventionnel avec des consommations réelles reste un exercice à interpréter prudemment. > Résultats des mesures de consommations Les chiffres des Tableaux 1 et 2 montrent que, dans les deux cas, les valeurs réelles dépassent les valeurs théoriques et conventionnelles, mais l’écart est moindre pour le Passivhaus. Nous estimons néanmoins que pour une première année de fonctionnement, ces résultats sont tout à fait encourageants. > Explications probables des écarts – Le poste ventilation attire notre attention par sa valeur élevée, malgré le recours à des moteurs basse consommation. Ceci s’explique par le fait que les pertes de charge du puits canadien sont supérieures à celles estimées en phase étude et par conséquent par une puissance et une consommation plus importantes des ventilateurs. – Derrière cette vision à l’échelle du bâtiment, nous relevons des disparités de consommations entre les logements, tant au niveau global qu’en répartition suivant les usages. Nous constatons qu’un tiers des logements se situe autour des consommations prévisionnelles, un tiers en dessous et un tiers en dessus. Comme dans tout bâtiment collectif, ceci confirme la forte influence du comportement et des habitudes des occupants sur les résultats. Par exemple, les logements les plus consommateurs sont plutôt chauffés aux alentours de 22 °C, et les consommations d’eau chaude sanitaire varient fortement suivant les habitudes des locataires. La sensibilité aux comportements est d’autant plus forte dans un bâtiment passif où la gestion des apports gratuits a un fort impact sur le bilan. Nous estimons que l’appropriation progressive 2012 du bâtiment et de ses équipements par les occupants et l’adaptation des comportements devrait réduire les écarts constatés pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire. Dans ce but, le Foyer Rémois s’implique fortement dans la relation avec les locataires à travers des réunions d’échanges et d’information, et EDF R&D mène actuellement une étude sociologique et comportementale auprès de l’ensemble des occupants. Cette étude permettra entre autres de comprendre les disparités de consommations et de mieux cibler les conseils aux locataires d’ici la prochaine saison de chauffage. Plus largement, elle offrira un retour sur la satisfaction globale des occupants en terme de dépenses d’électricité, de confort et de qualité de vie dans un bâtiment passif. Conclusions et perspectives Les premiers retours de consommation pour cette opération sont probants à l’échelle du bâtiment. Les écarts constatés par rapport aux calculs conventionnels et les disparités entre logements doivent surtout nous rappeler que les facteurs humains et comportementaux traduisent une réalité que la théorie peut difficilement appréhender, même si labels et réglementations sont indispensables pour fixer des seuils de comparaison et de progression. L’exercice inédit de comparaison des labels PassivHaus et BBC sur un même bâtiment en exploitation va ici à l’encontre de certaines idées reçues, mais nous le répétons, il ne peut être généralisable. La conception des bâtiments, leur mode constructif, le rapport Shon/Shab entre autres font de chaque projet un cas particulier. Pour “La Clairière”, des pistes de progression restent possibles. Nous avons vu que la configuration des groupes de ventilation pourrait sans doute être améliorée, ce poste de consommation représentant une part importante du bilan. Les mesures de température et de débit du puits canadien sont en cours d’analyse afin de quantifier les apports engendrés et d’en optimiser le fonctionnement par l’activation éventuelle du by-pass en demi-saison. Pour l’ECS solaire, des investigations vont être menées afin de vérifier le bon équilibrage du réseau de distribution garantissant un apport équitable de l’énergie solaire dans chaque appartement. n 55-811