Discours cérémonie d`ouverture, François-Xavier de

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ABUJA, NIGÉRIA
12-14 DÉCEMBRE 2016
32E RÉUNION ANNUELLE
RÉSEAU DE PRÉVENTION
DES CRISES ALIMENTAIRES
DISCOURS D’OUVERTURE
François-Xavier
de Donnea
Président du Club
du Sahel et de
l’Afrique de l’Ouest
Accueillie par la République
fédérale du Nigéria
et sous le haut patronage
des Commissions de la
Communauté économique
des États de l’Afrique
de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Union
économique et monétaire
ouest-africaine (UEMOA), la
32e réunion annuelle du RPCA
rassemblera les principales
parties prenantes de la sécurité
alimentaire et nutritionnelle
de la région, dont de nombreux
représentants de haut niveau.
La rencontre est organisée par
le Comité permanent inter-États
de lutte contre la sécheresse dans
le Sahel (CILSS) et le Secrétariat du
Club du Sahel et de l’Afrique de
l’Ouest (CSAO/OCDE),
avec l’appui de l’Agence régionale
pour l’agriculture et l’alimentation
(ARAA/CEDEAO).
Excellences,
Chers amis du Sahel, de l’Afrique de l'Ouest,
Chers amis du Nigéria,
Mesdames et Messieurs,
C’
est une immense joie de nous retrouver
aujourd’hui à Abuja, capitale fédérale
du Nigéria, qui accueille pour la
première fois la Semaine du Sahel et de l’Afrique
de l’Ouest et le réseau de prévention des crises
alimentaires.
administrateurs coloniaux. Elle n’est pas non plus
une frontière pour les fous terroristes qui
martyrisent les populations du pourtour du lac
Tchad depuis trop longtemps.
L’origine du Réseau – et du Club – est sahélienne.
Le Nigéria lui aussi est sahélien ; par le fleuve
sahélien qui lui a donné son nom et que les
Touaregs du Sahara nomment le fleuve des
fleuves ; par les peuples de son septentrion,
haoussas et kanouris sahéliens de souche ;
par les innombrables réseaux sociaux et
commerçants qui tissent depuis des siècles la
trame de l’intégration régionale entre la rive du
désert et celle de l’océan.
Nous sommes aussi parmi vous pour témoigner
notre solidarité et notre admiration pour le
combat que vous menez contre la folie meurtrière
dans le nord-est de votre pays.
Une frontière sépare deux pays qui ont le même
nom – Niger et Nigéria. Mais on est aussi
vulnérables aux caprices de la saison des pluies
à Maradi qu’à Katsina. La frontière n’est pas une
frontière pour la sécheresse. Elle n’est pas une
frontière pour la hausse des prix en cas de
mauvaise récolte d’un côté ou d’un autre de la
ligne dessinée il y a fort longtemps par des
UEMOA
Chers amis du Nigéria,
Mesdames et Messieurs,
La situation alimentaire et nutritionnelle liée au
conflit sanglant affectant les États fédérés
d’Adamawa, du Borno et de Yobe, sera au centre
de nos discussions ; c’est pourquoi je ne m’y
attarderai pas ici et maintenant. Permettez-moi
simplement d’en tirer une réflexion plus large à
partir d’un constat préoccupant à mes yeux.
Les défis sécuritaires sont réels, importants et
menaçants. Mais ne sont-ils pas en train d’occulter
progressivement les enjeux alimentaires dans les
agendas internationaux ? N’en est-il pas de même
pour les autres grands défis – je pense aux migrations en
particulier – qui occupent les esprits, les médias et les classes
politiques des pays les plus développés ; et qui pèsent de plus
en plus sur les stratégies de coopération internationale ? J’ai le
sentiment que c’est ce qui est en train de se passer. Et j’ai la
profonde conviction que cette tendance ne sera profitable à
personne au bout du compte.
La production de céréales, de tubercules, de fruits et de légumes,
l’élevage sous toutes ses formes, la pêche maritime et
continentale, le commerce de collecte, de gros et de détail à
chaque coin de rue, le transport, la transformation artisanale et
industrielle des produits agricoles et alimentaires ; tout cet
entrelacs d’activités et d’acteurs innombrables est constitutif du
génome du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest ; de son histoire, de
l’organisation de ses sociétés et de son économie. Ignorer cet
ADN alimentaire, même et surtout si l’on se préoccupe de
stabilité et de migration, serait commettre une lourde erreur.
Prenons l’exemple de l’emploi des jeunes qui est – à juste titre
– LA préoccupation majeure. Le chômage – ou plus précisément
l’absence d’activité stable génératrice de revenus, est l’un des
facteurs qui poussent les jeunes africains vers les groupes armés.
C’est un facteur parmi d’autres ; mais c’est un facteur à prendre
en compte. C’est également un facteur significatif des enjeux
migratoires. Comment aborder cet enjeu ?
Un chiffre trône au milieu de l’équation de l’emploi : 11 millions.
Il correspond à la population additionnelle annuelle de l’Afrique
de l’Ouest au cours des dix prochaines années. En d’autres
termes, les 17 pays membres de la CEDEAO, de l’UEMOA et du
CILSS compteront 110 millions d’habitants supplémentaires en
2026. La population totale passera de 380 millions aujourd’hui à
490 millions dans dix ans.
Comment faire face ? Où faire porter l’effort ? Dans quel secteur
susceptible de connaître une croissance à la fois supérieure à
celle de la population et peu volatile ; c’est-à-dire peu sensible
aux aléas des marchés mondiaux ?
Ce secteur économique existe. Il s’agit de l’économie alimentaire
qui représente aujourd’hui plus d’un tiers du PIB régional et qui,
en volume, se situe très loin devant les cultures d’exportation ou
le pétrole par exemple. Cette économie est – de très loin – le
premier gisement d’emplois. Elle est installée sur une trajectoire
UEMOA
de croissance forte et durable car reposant sur une demande
intérieure en augmentation constante.
Le mouvement d’extension du marché ouvre de nouvelles
opportunités en amont et en aval de la production agricole qui
ne représente plus que 60 % de l’économie alimentaire. Il faut
certes continuer à appuyer les producteurs agricoles ; mais il faut
aussi – et de plus en plus – s’intéresser aux autres acteurs de
l’économie alimentaire que sont les fabricants et réparateurs
d’outils, les vendeurs d’engrais et de semences, les marchands,
les manœuvres, emballeurs, les transporteurs, les
transformateurs, les restaurateurs. Sans oublier tous ceux qui,
par leur activités, permettent aux précédents de faire leurs
métiers.
C’est dans ce secteur qu’il faut investir massivement si l’on veut
accélérer la création d’activités économiques et faire émerger
une classe d’entrepreneurs ; si l’on veut également aider les plus
fragiles – en particulier les femmes – de la précarité.
Le Réseau qui nous réunit une fois de plus aujourd’hui, a été créé
il y a plus de trois décennie pour mieux prévenir et mieux gérer
les crises alimentaires. Je pense par conséquent qu’il est de notre
devoir de rappeler collectivement à la communauté africaine et
mondiale, que des crises – alimentaires mais pas seulement –
surgiront à l’avenir si l‘on baisse la garde aujourd’hui en matière
de résilience alimentaire et de développement de l’économie
alimentaire.
Je propose que le réseau se prononce sur ce sujet et fasse
entendre sa voix.
Nous avons collectivement fait de nombreux progrès dans notre
capacité à construire le consensus sur les perspectives
alimentaires et nutritionnelles à court terme – c’est-à-dire d’une
année à l’autre. Nous devons désormais renforcer nos capacités
d’analyse et d’interpellation politique sur les enjeux à moyen et
long termes. Nous devons aider à prévenir les crises et à
promouvoir les opportunités d’après-demain ; crises et
opportunités dont les germes résident dans les changements
structurels à l’œuvre dans la région.
Le Réseau est-il prêt à s’engager dans cette direction ?
Je vous remercie.
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