Utilisation de l'hypnose en pratique quotidienne Brigitte Barbarelli, IDE Ressource Douleur, Clinique Arnault Tzanck, St-Laurent-du-Var ( 06) Infirmière depuis vingt-huit ans, cela fait treize ans que j'exerce comme infirmière référente douleur à la clinique Arnault Tzanck de St-Laurent-du-Var ( 06). La structure et sa politique de prise en charge de la douleur : C'est une clinique médico chirurgicale privée à but non lucratif. Elle emploie 550 salariés dont 360 médicaux et paramédicaux, pour une capacité d'hospitalisation de 256 lits. L'activité est une activité de chirurgie générale et cardiaque, de médecine, avec également une unité d'hémodialyse de 30 postes, un service de chirurgie ambulatoire de 33 lits, et un service d'acceuil des urgences UPATOU. Dès 1999, en application du premier plan de lutte contre la douleur (1998-2000), la direction a choisi de créer un poste d'infirmière référente douleur (0,5 ETP), puis un deuxième en 2003 (0,75 ETP). Ces postes sont entièrement dédiés à l'amélioration de la prise en charge de la douleur dans l'établissement. Ils complètent et coordonnent le travail de l'équipe du CLUDS. Après 13 ans d'existence, la "culture douleur" proposée par le plan Kouchner est présente dans l'établissement avec, entre autres : - Des protocoles d'analgésie adaptés aux pratiques de la structure. - En complément du suivi proposé par les équipes, pour les patients opérés, nous réalisons ma collègue ou moi-même, une évaluation systématique à J1, avec une adaptation du traitement antalgique, si nécessaire. - Des évaluations approfondies ou bilan douleur, à la demande des médecins ou des équipes, pour les douleurs chroniques et / ou rebelles. - La naissance cette année d'une équipe douleur dans le service d'hémodialyse avec la formation de 2 infirmières au DIU douleur et du temps dédié. - De nombreuses enquêtes pour améliorer la prise en charge de la douleur, actuellement le suivi de la douleur chez les patientes ayant bénéficié d'une embolisation pelvienne. - Et enfin, des formations sur le terrain et en externe. 1 Pour ce qui est de l'hypnose, plusieurs soignants, des médecins en particulier sont formés à l'hypnose médicale. De nombreux infirmiers et aides-soignants ont reçu une formation proposant des techniques de communication issues de l'hypnose, pour aborder différemment le patient pendant le soin. Pour ma part, après quelques années de pratique en tant qu'infirmière douleur, j’étais gênée dans certaines situations quand les traitements et/ou la relation d'aide étaient insuffisants, où le patient restait fixé dans et par son état douloureux. L'hypnose m'a paru être un outil adapté pour explorer d'autres pistes. Ma formation en hypnose Ericksonienne : J'ai suivi une formation à l'Institut Milton H Erickson d'Avignon en Provence, en faisant le choix d'un apprentissage en 4 modules (il en existe dix) répartis sur deux années (2007-2008). Sur des sessions de 2 à 7 jours (116 heures au total). Cet enseignement s'est déroulé de manière active, avec de nombreuses mises en situation, de très nombreux exercices pratiques par petits groupes de trois "sujet, opérateur, observateur ". Les modules choisis, dans l'ordre de mon apprentissage ont été : - Techniques de métaphores, art du conte et imagination - Initiation à l'hypnose Ericksonienne et aux thérapies brèves - Analgésie, traitement de la douleur et hypnose - Perfectionnement à l'hypnose Ericksonienne et aux thérapies brèves. C'est une formation de base, elle se poursuit au jour le jour, au fur et à mesure des expériences, des lectures, à mon rythme. Ma pratique est modeste et l'hypnose est pour moi un outil parmis d'autres, même si cet enseignement a sérieusement modifié ma façon de communiquer. Utilisation dans ma pratique : 2 - Au moment des entretiens d'évaluation, c'est l'hypnose conversationnelle que j'utilise, en étant attentive au langage du patient, à ses images, surtout en l'observant (la règle des 3 "O" de l'enseignement de M.H.Erickson, l'hypnose c'est : Observer, Observer et Observer encore ...) pour améliorer la relation thérapeutique, créer une situation propice au changement si nécessaire. L'évaluation de la douleur avec une échelle est, en elle-même, une situation hypnotique, elle transforme quelque chose de flou, d'abstrait en quelque chose de concret et réel, dans le moment présent. C'est une forme de dissociation. Suivant les cas, pratiquée avec la conscience de ce phénomène, l'évaluation amène déjà un certain soulagement. - J'utilise souvent l'hypnose pour accompagner (attendre) l'effet d'une injection de morphine (si la douleur est très forte) avec une suggestion sur l'effet escompté : "Pour cette patiente souffrant d'un cancer colique métastasé, en attente des résultats de son scanner. Après une injection de morphine pour une douleur dont elle dit qu'elle est "partout, explosive , envahissante, insupportable".... je lui propose de l'aider en attendant l'action du traitement... "l' attention est portée sur la respiration... et sur la douleur...... observer cette douleur... lui donner une couleur... selon son choix... sur le rythme de la respiration qui s'apaise... quelle couleur ?... et au fur à mesure qu'elle s'apaise... prendre un crayon, cerner cette douleur, minutieusement en suivre les contours ..... la cerner, et au fur et à mesure que la détente s'installe dans l'expiration... estomper le contour... Au bout d'une dizaine de minutes, ça va déjà mieux, l'insupportable est passé... La patiente se sent d'attendre l'effet complet du traitement, seule dans sa chambre. A propos de la douleur provoquée par les soins : L'hypnose est dans ce cas confortable à utiliser. Du fait de la programmation du soin, il existe un temps pour faire connaissance avec le patient, et préparer l'évocation de sujets plaisants, agréables. En pratique j'interviens pour les pansements douloureux, quand les traitements médicamenteux sont insuffisants, refusés ou mal tolérés. Et très souvent dans les cas où la composante anxieuse est forte. Depuis deux ans nous avons la possibilté d'utiliser le MEOPA, au lit du patient. Dans la mesure du possible, j'accompagne l'administration avec le conte d'une situation plaisante pour 3 le patient. L'effet du produit est accentué par les suggestions de confort, d'images et de sensations agréables, le soin est mis à distance. Avec ou sans MEOPA, les résultats sont en général satisfaisants pour le patient mais aussi pour le soignant. Finalement tout le monde y trouve son "compte". C'est quand même plus plaisant de mècher un pansement, dans l'imagerie des fonds marins, ou sur un marché coloré à Bali ... Le calme et la détente qui en résultent, profitent à tout le monde et ressourcent tous les acteurs du soin. Je pense à Mme P. , atteinte d'un cancer de la vessie, métastasé avec envahissement des racines sacrées, présentant des pics douloureux très forts. Les pansements de la cystostomie s'avèrent excessivement douloureux malgré les morphiniques. Le MEOPA est prescrit au décours du pansement, car la douleur est insupportable, Mme P est en pleurs. L'infirmière est bouleversée... Pendant le soin, je parle à Mme P. de ses oliviers, des reflets argentés de leur feuilles, des promenades sur les planches de sa campagne à St Vallier, dans le soleil ... elle dira à la fin du soin... c'était comme une caresse... avec le sourire, et nous avec elle. Ce sont toujours des expériences singulières, étonnantes, émouvantes. En conclusion, l'apport de l"hypnose dans ma pratique d"infirmière référente douleur est très satisfaisant, c'est une bonne clé pour débloquer certaines situations, d'une façon, rapide et créative. Dans la douleur provoquée par les soins, le patient tire profit de ce moment qui lui est consacré, non seulement pendant le soin mais aussi après. En effet, cette expérience est la sienne et il peut envisager de la reproduire à tout moment. Bien sûr il faut un entraînement pour arriver à un résultat, mais savoir que cela est possible permet d'aborder plus calmement les futurs soins. Le propos de l'hypnose est le changement. Changement d'état de conscience, modification de point de vue, autre façon de communiquer... C'est, il me semble une proposition intéressante... à tous points de vue. 4