COMPTERENDUDELASEMAINEDEL’HISTOIRE
Printempsdespeuples,printempsarabes
(Jeudi24octobre2013,de17hà19h30).
Lesintervenants,lorsd’unetablerondeaniméeparBéatriceGarapon,doctorante
del’EHESS,etJulieJoly,directriceduCFJ,étaientinvitésàdébattresurlessimilitudes
possibles et les différences entre le «printemps des peuples» de 1848, et les
«printemps arabes» de 2011. Peut‐on constater des mécanismes communsauxdeux
mouvements?
Sylvie Aprile, professeur d’histoire contemporaine à l’université Lille III a d’emblée
affirmé que la position de l’historien est celle du recul et de la défiance face à une
assimilationtrophâtiveentrelesdeuxphénomènes.Néanmoins,des ressemblances
sontobservables,notammentdanslarécurrenceduvocabulaireutilisé pour décrire
l‘événement.Unautrepointcommunrésidedanslapropagationde la révolution, qui
s’exportedansdifférentspays:partiedelieuxrelativementpériphérique (Palerme en
1848, la Tunisie en 2011), elle se diffuse ensuite dans des Etats plus importants (la
Francedansuncas,l’Egyptedansl’autre).Maisunegrandedifférence réside dans le
tempsdelacommunication:ilfautdeuxoutroisjours,en1848,pourquel’information
circule d’un pays à un autre, alors que les évènements de 2011 ont été retransmis
instantanémentàlatélévision.
De manière générale, c’est l’européocentrisme qui prédomine dans l’analyse des
printempsarabes.
BernardHeyberger,directeurd’étudesàl’EHESS,amontréquelesnotionsderévolution
et de nation, dans le monde arabe, viennent des modèles européensduXIXesiècle.
Paradoxalement, les révolutions duprintempsarabesesontfaites contre des régimes
qui ont longtemps monopolisé le discours révolutionnaire. La liberté était en effet
idéologiquement liée à la lutte anticoloniale, et les nouveaux régimes accaparaient le
vocabulairedunationalisme;lesnouvellescontestationssesontalorssouventfaitesau
nom de l’islam. Il est difficile, pour les mentalités européennes, de concevoir un
authentiquemouvementrévolutionnairebâtisurdesassisesreligieuses.
GuillaumeMazeau,maîtredeconférenced’Histoiremoderneàl’universitédeParisI,a
souligné que si la Révolution française fonctionne toujours comme référence
révolutionnairedebase,cen’estpasparcequelevocabulaireutiliséestidentiquequela
situationestlamême.Lesréactionsauxprintempsarabes,àcausedecesmodèles,ont
été au départ optimistes: enfin, les pays arabes entreraient dans l’histoire de la
démocratielibérale.Or,sic’estbienlesouhaitdesélitesurbainesquiontjouéunrôle
non négligeable dans la révolution, ces revendications ne sont pas représentatives de
l’ensemble de la population. Certains courants souhaitent une «révolution‐
restauration»,quiconcilieraittraditionislamiqueetmodernité,àlasuitedesréformes
religieuses du XIXe siècle; les salafistes veulent quant à euxune«révolution‐
régression»,unretouràlapuretéfantasmée del’islamdesorigines.MaislesFrançais
oublientaussilareligiositédeleurpropreRévolution…
Jean‐Pierre Sereni, journaliste au Mondediplomatique, a évoqué comme ressemblance
possiblelagrandeincertitudequirégnaitaumomentdesrévolutionsarabes,ainsiquela