Les comités de bioéthique : des laboratoires de réflexion éthique 105
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Jurisdoctoria
n° 11, 2014
de choix moraux difficiles à saisir étaient autrefois du ressort unique des
professionnels de santé ; l’on parlait alors d’une éthique médicale de type
paternaliste. Il faudra atteindre les années soixante et soixante-dix marquées par
l’accentuation de la lutte pour l’obtention de droits au bénéfice des citoyens pour
que la relation clinique soit plus horizontale et que le patient intervienne dans le
processus de prise de décisions6.
La complexité des problèmes posés par l’évolution des sciences de la santé et de
la médecine est un élément crucial de l’élargissement du débat à d’autres disciplines
capables d’éclairer de manière pertinente la question. La norme juridique favorise le
passage d’un vieux système paternaliste à un nouveau modèle fondé sur l’idée
d’autonomie des individus. Les décisions judiciaires et législatives ouvrent
définitivement le pas à ce nouveau terrain où la création de codes, la reconnaissance
de droits aux patients et le principe de consentement éclairé transforment peu à peu
le système de santé en un système plus démocratique. Désormais, la détermination
de ce qui est correct ou non est plus complexe qu’autrefois : avec l’affirmation d’une
techno-science, les questionnements sur ce qui est convenable et légitime, sur ce qui
peut profiter ou porter préjudice, surgissent de manière incessante. À ceci il faut
ajouter l’existence d’une diversité d’opinions, reflet du pluralisme moral des sociétés
actuelles. Tout se passe comme si l’Homme vivait une rupture radicale dans la
relation qu’il entretient avec lui-même. Il semble de plus en plus impossible d’assurer
une protection adéquate de l’être humain dans son intégrité. Dès lors, un conflit
apparaît entre le risque engendré par des actions techniques et l’exigence d’efficacité
et de sécurité attendue par les personnes concernées par ces interventions.
Insuffisante pour donner des réponses à cette crise, l’éthique médicale a dû se
rapprocher d’une éthique du patient et de la société ; c’est dans ce contexte qu’est
née la bioéthique. À la différence de l’éthique médicale traditionnelle, soit une
déontologie caractérisée par le dogmatisme, la normativité, l’autorité professionnelle
et surtout largement influencée par les croyances et la morale religieuses dominantes,
la bioéthique s’inscrit dans le cadre d’une société laïque et privilégie le consensus
pour fournir les outils nécessaires aux personnes qui, à partir de positions morales
diverses, doivent répondre aux dilemmes bioéthiques contemporains.
« Préoccupation commune au départ, la bioéthique s’est rapidement
institutionnalisée : commissions gouvernementales, centres de bioéthique, comités de
bioéthique »7. Des universités ont mis sur pied des programmes d’études en
6 Voir notamment : J. LOMBARD, Éthique médicale et philosophie : l’apport de l’antiquité, Paris, L’Harmattan,
2009, 131 p. ; N. DIDIER, L’évolution de la pensée en éthique médicale, Paris, Connaissances et Savoirs, 2005,
462 p.
7 G. DURAND, Introduction générale à la bioéthique. Histoire, concepts et outils, Québec, Fides, 2005, p. 469.