« On joue dans la rue parce qu'il fait froid à l'intérieur. »
Citation de Bruno Schneblin
co-directeur artistique de la compagnie Ilotopie et
directeur du Citron Jaune (Centre National de Création des Arts de la Rue)
à Port Saint Louis du Rhône
Par cette phrase Bruno Schneblin oppose le choix du travail
artistique dans la rue au travail réalisé à l'intérieur. On peut
imaginer que dans le Sud, et plus particulièrement l'été, il fait
plus froid dedans que dehors en raison de la climatisation. Mais
l'affirmation de Bruno Schenblin est certainement basée sur
d'autres éléments.
Cette opposition donne un caractère négatif à la formule. Les
acteurs jouent dans la rue parce qu'ils y trouvent le contraire
de l'intérieur.
À quel froid Schneblin fait-il référence ici ?
Lorsqu'on connaît son travail en tant que plasticien, on peut se
dire, dans un premier temps, que le froid de l'intérieur est lié à
la neutralité de l'espace scénique, conçu pour accueillir toute
sorte de représentations. La boîte noire coupe la lumière, source
de chaleur, qui se diffuse sans barrières à l'extérieur. Le manque
de lumière dans la salle conduit fondamentalement à fixer le
regard du spectateur sur la scène éclairée. Le volume spatial est
beaucoup plus limité dans la salle que hors les murs et ne permet
pas aux œuvres plastiques d'entrer en dialogue avec les éléments
environnants, comme c'est le cas dans la rue. La production
artistique peut se frotter à la réalité à ciel ouvert mais pas à
l'intérieur. Ce frottement sert à expliquer une forme de chaleur
dans la rue mais n'explique pas nécessairement le froid à
l'intérieur. Les espaces intérieurs ne sont pas inéluctablement
tous des boîtes noires et il n'y est pas obligatoire de créer la
coupure lumineuse entre la scène et le public. Dans certains cas,
il existe même la possibilité de créer des liens entre l'intérieur
et l'extérieur de la salle par plusieurs moyens. Mais, dans tous
les cas, pour Mr. Schneblin, il se peut que la difficulté de se
frotter à la réalité soit source de froid.
Le public est aussi un élément important dans cette réflexion.
D'une part, à l'intérieur, en règle générale, il est coupé de la
scène par l'obscurité et il se trouve empêché de tout mouvement,
alors que, les possibilités de frottement avec le public sont plus
grandes à l'extérieur, du fait que l'on retrouve moins fréquemment
ces limites. D'autre part, dans la salle le public est en règle
générale plus homogène que dans la rue, ce qui fait que le
frottement intrapublic est moindre et plus consensuel, ça chauffe
moins, pour ainsi dire. Mais ce ne sont la que des
généralisations, car aujourd'hui nous pouvons trouver tous ces cas
de figure à l'intérieur comme à l'extérieur. C'est pourquoi, nous
pouvons dire de manière objective que la question qui a le plus de
poids est la question spatiale que nous avons précédemment
mentionné.