La naissance du mythe nationaliste dans les Principautés roumaines pendant la domination ottomane, comme décrit dans La Troisième Lettre de Mihai Eminescu -L'importance de l'église orthodoxe et le refus de 11slâm- par Mimna Catalina Radulescu Thèse remise à la Faculté d'Etudes Supérieures et de Recherche afin de remplir en partie les demandes pour le niveau de Maîtrise d'Arts Institut des Etudes Islamiques Université McGiIl, Montreal Juillet 2002 !O Miruna Radulescu 2002 1+1 National Library of Canada Bibliothèque nationale du Canada Acquisitions and Bibliographie Services Acquisisitons et services bibliographiques 395 Wellington Street Ottawa ON K1A ON4 Canada 395, rue Wellington Ottawa ON K1A ON4 Canada Your file Votre référence ISBN: 0-612-85871-5 Our file Notre référence ISBN: 0-612-85871-5 The author has granted a nonexclusive licence allowing the National Library of Canada to reproduce, loan, distribute or sell copies of this thesis in microform, paper or electronic formats. L'auteur a accordé une licence non exclusive permettant à la Bibliothèque nationale du Canada de reproduire, prêter, distribuer ou vendre des copies de cette thèse sous la forme de microfiche/film, de reproduction sur papier ou sur format électronique. The author retains ownership of the copyright in this thesis. Neither the thesis nor substantial extracts from it may be printed or otherwise reproduced without the author's permission. L'auteur conserve la propriété du droit d'auteur qui protège cette thèse. Ni la thèse ni des extraits substantiels de celle-ci ne doivent être imprimés ou aturement reproduits sans son autorisation. Canada Remerciements Je ne trouve pas de mots suffisants pour remercier le Professeur Onnsby~ mon directeur de thèse, pour tous ses conseils et ses extraordinaires encouragements. De même~ j'aimerais adresser un grand merci au Professeur A Ûner Turgay~ qui, depuis le tout début, m'a aidé et soutenu aftn que je puisse rendre mon rêve de faire ma maîtrise réalité. malgré mon jeune âge et ma peur. J'aimerais également remercier le Professeur Boulatta qui m'a toujours adressé, lui aussi, plein de mots d'encouragement. Je n'ai pas oublié, mon amie, le Professeur Marina Swoboda grâce à laquelle je suis aujourd'hui étudiante à McGill, qui m'a toujours comblé d'amour et de compréhensio~ ainsi que le Professeur Minoo Derayeh qui a su m'inspirer la curiosité envers l'étude de l'Islâm et qui m'a soutenu, ensemble avec le Professeur Swoboda, tout au long du processus d'acceptation dans l'Institut des Etudes Islamiques (fiS). Je pense également à tous mes amis de t'IlS et à tous ceux qui m'ont soutenu Valery, Khalil, Salwa, Dawn, Ann et bien sûr, le meilleur des meilleurs, Wayne. Mon plus grand support tout au long de mes études est venu de la part de ma petite famille de ma mère et de mon père, obligé de travailler à mes côtés malgré la distance énonne qui nous séparait, afin de pouvoir me fournir tous les documents trouvables seulement en Roumanie, de mon frère qui a payé mes études et qui s'est quotidiennement préoccupé de tout ce qui pouvait m'entourer et dont la paternelle présence j'ai toujours ressenti, de ma feu grand-mère qui m'a entouré d'amour et m'a apprit la persévérence~ de Chris sans lequel je n'aurais jamais été ici et surtout de la part de celui qui a toujours partagé mes moments de bonheur, ainsi que ceux de panique, de fatigue, de stress ou de réussite, mon très cher Ouatiq. Résumé Titre: La naissance du mythe nationaliste dans les principautés roumaines pendant la domination ottomane, comme décrit dans La Troisième Lettre de Mibai Eminescu L'importance de l'église orthodoxe et le refus de l'Islâm Auteur: Miruna Catalina Radulescu Département: Insitut des Etudes Islamiques, Université McGilI Niveau: Maîtrise La plupart des héros nationaux roumains ont vécu pendant la domination de l'empire ottoman dans les Balkans. L'histoire témoigne de leurs faits mais certaines figures sont devenues presques mythiques grâce au pouvoir de la littérature nationaliste. Mihai Eminescu, le poète national roumain par excellence, dont les écrits ont été tollérés pendant le communisme, a eu une influence tellement forte avec ses écrits peu objectifs, qu'il est parvenu a créer une confusion historique au niveau de plusieurs générations. Après 1989, les livres d'histoire roumaine ont du être changés et j'essaie dans ma thèse de défaire tout le mythe des invincibles héros roumains et de comprendre pourquoi les principautés roumaines ont bénéficié d'un traitement à part à l'époque ottomane. Les principautés roumaines ont servi d'états tampons, empêcheant souvent l'avancée des ottomans au nord du Danube. Le double jeu, dont les leaders roumains se sont souvent servis, ont fait que la Valaquie et la Moldavie aient pu garder leur statut à part. De même, les traités de vassalité signés avec les roumains et le pouvoir de la foi orthodoxe ont empêché les ottomans d'imposer leurs lois et coutumes. Je souligne egalement que les ottomans avaient toujours eu la possibilité de tout changer dans les deux principautés et que c'est plutôt les intérêts financiers qui les en empêchaient. L'héroïsme des roumains est bien mis en évidence tout au long de ma thèse, cependant je cherche à ajuster les véritables positions de chaque partie impliquée. ii Abstract Tide: The coming to being of the nationalistic myth in the Romanian principalities during the ottoman domination, as described in The Third Letter of Mihai Eminescu - The importance of the orthodox church and the refusaI of Islam. Author: Miruna Catalina Radulescu Department: Institute ofIslamic Studies, McGill University Degree: Masters Degree Most Romanian national heroes lived while the Ottoman Empire dominated the Balkans. History bears witness to their doings, yet certain figures have become aimost mythical thanks to the powerful impact of the nationalistic literature. Mihai Eminescu, the Romanian national poet par excellence, whose writings were merely tolerated by the Communists, exerted a strong influence despite his passionate involvement and he managed to create historical confusion lasting for generations. After 1989, Romanian history books changed. In my thesis, 1 seek to modify the myth of invincible Romanian heroes and to understand the reason why Romanian principalities enjoyed a special treatment during the Ottoman period. The Romanian principalities served as buffer states, stopping, halting the Ottoman advancement to the north of the Danube on many occasions. The double game often used by Romanian leaders helped Valaquia and Moldavia retain their special status. Also, the treaties of vassalage signed with the Romanians and the power of the Orthodox Church have prevented the Ottomans from imposing their own laws and customs. 1 also argue that while the Ottomans always had the power to change everything in the Romanian principalities financial considerations kept them from doing so. Romanian heroism genuine enough but must be adjusted to reflect the true positions of each party involved. Hi Note: Le clavier français ne m'a pas permis l'utilisation de la méthode de translittération utilisée par l'Institut des Etudes Islamiques de l'Université McGill. J'ai donc été obligée d'utiliser des signes acceptés par le clavier français tels que: - â au lieu de il - Ji au lieu de h De même certains mots tels que devsirme ou paSa, je les ai écrit en utilisant la lettre turque "~.~. Des mots tels que vizir, acceptés en français, je les ai écrit tels quels. IV Table de matières Remerciements Résumé Abstraet Nœ Table de matières Traduction La Troisième Lettre Introduction 1 ü üi W v 1 1 a~~l 8 L'EMPIRE OTTOMAN A LA CONQUETE DES BALKANS Ùl création de la Maison d"O!,mân Ùl conquête territoriale et le système d'allillnces Le système de deVJirme Le comportement des ottomans dJzns différentes régions 0CCIlpéJ!S L'occupation de la Serbie et de la Bosnie L'occupation de la Grèce Les relations des Ottomans avec les états vassaux La relation de l'empire ottoman avec Dubrovnik (Ragusa) La relation des Ottomans Ql'ec la Va/aquie et avec la Mo/dm'ie 8 8 10 19 23 24 26 28 28 31 Chapitre 2 LES CINQ CENTS ANS DE VASSALITE DES PAYS ROUMAINS Les règnes les plus remarquables dans l'histoire roumaine du XIVe au XVIIe siècle Mircea l'Ancien La Moldavie de Etienne le Grand 1er Vlad Tepes Michelle Brave L'époque phanariote Origine des Phanariotes et les premiers hospodars La deuxième période du règne phanariote et le rapprochement des Russes L'évolution culturelle des pr;IIcïpautés dès son début jusqu'au milieu du XlXe siècle L'importance de l'église orthodoxe et des premières écritures du Moyean Age L'influence occidentale et la littérature roumaine L'influence des voïévodes phanariotes sur la culture roumaine La culture transy!l'aine et le réel rb'eil nalionaliste 38 38 41 41 45 48 50 54 54 57 61 61 65 68 70 Conclusion 72 Bibliographie 77 v La Troisième Lettre Traduite par Miruna Catlina Radulescu Un sultan parmi ceux qui règnent sur une langue Qui change la patrie des champs appartenant aux troupeaux Donnait à terre gardant la main droite sous son chef Mais l'œil fenné en dehors. dedans se réveille. Il voit comment la lune glisse et descend des cieux Et s'approche de lui transfonnée en vierge. Les ruelles fleurissent comme sous le pas du doux printemps Ses yeux sont remplis de l'ombre de longues douleurs Les bois sont émus de tant de beauté Les eaux bouclent en tremblant leurs visages diaphanes De la poudre de diamant tombe fine comme un bourre Etincelant, elle flotte dans l'air et dans toute la nature Et dans ce beau sort, il sonne une musique de chuchotements Et sur les cieux montent l'arc-en-ciel de la nuit Elle, assise à ses côtés, sa fine main lui étend Ses noirs cheveux de soie dans des vagues se décrochent Laisse-moi lier ma vie à la tienne... Dans mes bras viens Et apaise ma douce douleur avec la tienne Il est écrit dans le livre de la vie et dans celui des siècles et des étoiles Moi je serai ta maîtresse, toi le maître de ma vie. Et comme il regardait le sultan, elle noircit et disparut Et de son cœur il sentit un arbre qui poussa Qui grandit dans comme d'autres en siècles, toujours plus grand Il s'élargit avec ses branches sur le monde et sur la mer II comprit l'horizon de son immense ombre Il vit les chaînes des grandes montages dans les quatre coins du monde L'Atlas, le Caucase, le Taure et les Balkans séculaires TI vit l'Euphrate et le Tigre, le Nil et le vieux Danube L'ombre du fier arbre sur tout en fut la maîtresse Ainsi l'Asie, l'Europe, l'Afrique avec ses déserts Et les vaisseaux qui se balancent sur les ruisseaux Les vagues vertes de blé qui se balancent sur les près 1 En ancien français le chef veut dire la tête. 1 Les mers littorales et les châteaux des havres Tous s'étendirent devant lui... comme sur un immense tapis Il vit pays après pays et peuple après peuple Comme par des brouillards blancs il s'esquivèrent et firent semblant Dans l'étendue du royaume sous l'ombre d'un arbre Les vautours dans leur départ vers les cieuxjusqu'à ses branches n'y arrivèrent Mais un vent de victoire commença fortement Et bâtit de rang en rang la verdure qui sonna Des cris d'Allah! L'Allah! S'étendirent en haut parmi les nuages Le bruit grandit comme une mer troublée et haute Des cris de bataille se prolongèrent encore plus loin Mais les feuilles pointues se plièrent après le vent Et au-dessus de la nouvelle Rome s'inclinèrent jusqu'à terre Le sultan tremble... il se réveille et sur le ciel Il voit la lune flotter sur les lieux d'Echicker Il regarde tristement la maison du cheikh Edebali Il aperçoit une enfant derrière les barreaux à la fenêtre Elle lui sourit, souple comme une branche de noisetier C'est la fille du cheikh, la belle Malcatun Alors il comprend ce rêve que le Prophète lui a envoyé Que pendant un infime instant il s'était élevé au Paradis chez Mahomet Que de son mondain amour un empire ira naître Dont les années et marges uniquement le ciel connaîtra Son rêve se réalise et il étend comme un vautour Année après année son empire de plus en plus grand Et la bannière verte grandit an après an Ainsi pays après pays route glorieuse lui en ouvrent Jusqu'au Danube il arrive l'orageux Bayazid... A un signe, un rivage de lie à un autre balançant bateaux et bateaux Et dans un son de fanfare passe son armée entière Janissaires, enfants d'âme d'Allah et des soldats Ils viennent et noircissent la terre à Rovine dans les plaines Se répartissant en essaims, ils ouvrent leurs grandes tentes Seulement loin, à l'horizon sonne le bois des chênes Voilà venir un messager de paix avec une écharpe au bout d'un bâton Bayazid, le regardant, lui demande avec mépris Que veux-tu ? Nous, bonne paix. Et si cela ne dérange pas Notre Sieur voudrait voir le grandiose Empereur. A un signe la route lui fut ouverte et s'approche de la tente Un vieux tellement simple d'après sa parole, d'après son port Tu es Mircea ? Oui Empereur! - Je suis venu pour que tu t'inclines II Sinon je change ta couronne dans des branches d'épines Quelle que soit ton intention, Empereur et comment tu serais venu Tant qu'il y a encore la paix, je te souhaite: la Bienvenue ! Quant à nous incliner, Sire, excuse-nous: Et si maintenant tu veux nous punir avec l'année et la guerre Ou tu voudrais faire dès maintenant demi-tour Afin de nous faire signe de la compassion de ton Altesse. Que ce soit l'une, que ce soit l'autre...Ce qu'il est écrit pour nous Nous l'obéirons volontiers, que ce soit la guerre ou la paix. Comment? Quand le monde entier m'est ouvert, tu penses que je pourrais regarder Mon armée qui trébuche sur une souche a vieillard tu ne penses même pas combien sont venus couper ma route Toute la fleur renommée de l'entier Occident Tout ce qui reste dans l'ombre de la croix, empereurs et rois réunis Ils sont venus s'opposer à l'ouragan élevé par le quart de lune Habillés dans des armures brillantes, les chevaliers de Malte Le Pape avec ses trois couronnes mises une sur l'autre Des éclairs réunis contre les éclairs qui, Dans la tempête de sa ragea couvert terre et mer Ils n'avaient qu'à faire signe avec la main ou avec l'œil, Et l'Orient a poussé tous ses gens vers ici; Pour le triomphe de la croix ruisseaux et ruisseaux bougeaient Ou relevés des bois ou mouvements des déserts Ebranlant de la paix profonde les commencements du monde, Noircissant l'horizon entier avec leurs dizaines de milliers de boucliers Elles bougeaient affreusement comme des bois de lances et d'épées La mer tremblait apeurée de leurs navires A Nicopole as-tu vu combien de campements se sont réunis Pour empêcher mon passage comme un mur invincible. Quand j'ai vu leur nombre autant que les feuilles et l'herbe Avec une haine inconsolable, je me suis chuchoté dans ma barbe J'ai juré qu'au-dessus d'eux je passerais fier, sans soucis De l'autel de Rome je donnerai de l'avoine à mon cheval Et de mon cruel ouragan tu te défends avec un bâton? Et mené par le triomphe, je trébuche sur un vieillard? Oui, sur un vieillard, Empereur, parce que le vieillard que voici N'est pas un commun des mortels, il est le roi du Pays des Roumains. Je ne souhaite pas que tu arrives à nous connaître Ni que le Danube coule tes armées en écume. Depuis les anciens temps beaucoup sont venus, en commençant par cet hôte Dont les ancêtres parlaient en l'appelant Darius de Istaspe Beaucoup ont fait un pont sur le Danube dans le temps Et ils sont passés avec la peur du monde et avec une multitude de peuples; Des Empereurs que le monde ne pouvait plus contenir Sont venus aussi chez nous et ils ont demandé de la terre et de l'eau III Et je ne voudrais pas me louer ~t non plus te menacer mais dès qu'ils sont venus, ils sont tous devenus terre et eau Tu te glorifies que devant toi tu as renversé vite fait Les années en annures des empereurs et des vaillants Tu dis que l'Occident a coupé ta route Qu'est-ce qui les amenait à la guerre Que voulaient-ils ces Occidentaux 1 (' Ds voulaient arracher les lauriers de ton front de fer, Le triomphe de la croyance, c'est ce que cherche un chevalier Moi, je défends ma pauvreté, mes besoins et mon peuple... Et c'est pour cela que tout ce qui bouge dans ce pays, les fleuves et les arbres Sont amis justes avec moi, avec toi, des ennemis Tu seras hars par tous sans même te rendre compte On n'a pas d'armées, mais l'amour pour la terre est un mur Qui n'a pas peur de ta r~nommée Bayazid ! Et à peine s'en alla le vieillard... Quels cris, quels tremblements Le bois bouillait dans les bruits d'annes et de buccins Et dans ses bras verts, des milliers de têtes à longs cheveux Des chevaliers remplissent le champ et bougent suite à un signe Et avec leurs chevaux sauvages ils parcourent tous les bois Ils traversent avec leurs sabots le noir visage de la terre Des lances étincellent dans le soleil, les arches s'étendent dans le vent Et comme des nuages de cuivre et comme le trot de grêle Noircissent l'horizon, viennent des flèches de partout Violents comme l'ouragan et comme la frappe de pluie Hurle le champ de trots et de cris de bataille L'Empereur crie pour rien comme un lion enragé L'ombre de la mort s'étend de plus en plus grande En vain élève-t-il vers l'armée l'étendard vert Parce qu'accaparés par la mort et de front et de côté Parce que les longues rangées de bataille pendulent de plus en plus rares Les chevaliers tombent comme les unités dispersées à travers le champ Les pédestres s'agenouillent, là les cheveux sont retournés Les flèches en vagues sifflent et rompent Et attaquent d'en face et d'arrière, comme l'aquilon et le gèle Sur la terre il leur semble que tombe le ciel en entier Mircea lui-même mène dans la bataille l'affreux ouragan Qui vient, vient, vient, marche sur tout ce qu'il rencontre Les chevaliers arrivaient comme un grand mur de lances Passant parmi les têtes païennes te perçant à travers les grandes rangées Eparpillés des dissipent les files des ennemis Et courant triomphants, viennent sans arrêt les drapeaux du pays Comme un déluge qui détruit, comme une mer tumultueuse Après une heure les païens sont comme la balle de blé éventée Cette grêle d'acier vers le Danube est menée IV Et derrière eux s'étale farouchement l'année roumaine. Alors que les soldats s'asseyent, voici le coucher du soleil Qui couronne les hauts sommets de notre pays Avec une auréole de triomphe; foudre longue pétrifiée Marge des montagnes noires et de tout le crépuscule Jusqu'au jaillissement, l'une après l'autre des étoiles séculaiœs Et à travers la brume et les bois, tremblant se montre la lune Dame des mers et de la nuit qui verse silence et sommeil. Près de sa tente, l'un des fils du fàrouche roi Reste, souriant à un souvenir, écrivant un livre sur ses genoux Pour l'envoyer à sa bien-aimée, auprès d'Arges, aux environs De la vallée de Rovine Nous nous adressons Dame à vous Pas en paroles, mais en écriture Car vous nous êtes tellement lointaine... J'aimerais Altesse te demander De m'envoyer avec quelque messager Ce qu'il y a de plus fier dans ta vallée Les bois avec leurs vallées Les yeux avec leurs surcils Moi je vous enverrai Ce qu'il y a de p/usfier che= nous Mes armées avec leurs drapeaux Les casques hauts avec leurs plumes Les yeux avec leurs sourcils. Et sache= que je suis en santé Que grâce au Christ Je vous embrasse. Madame, tendrement. De tels temps parlent les chroniqueurs et les poètes Notre époque est remplie de saltimbanques et de mendiants Dans les sources anciennes, je peux encore chercher des héros, Ou une lire qui rêve, ou des sons de flûte Tu peux accueillir les patriotes qui sont venus dès lors ici ? Devant eux cache-toi Apollon! Oh héros! Qui dans le passé n'aviez pas besoin de louanges Vous êtes à la mode maintenant et on vous sort des écritures Et avec vous ils exposent leur ignorance, tous les ignorants vous citent Mélangeant l'époque d'or avec la boue lourde de la prose Restez dans la sainte ombre Basarabes et Musatins Libérateurs de pays, donneurs de lois et de traditions Qui avec les charrues et l'épée aviez étendu votre domaine De la mer à la montagne au Danube bleu Mais notre présent n'est pas si grand? Je n'aurai pas ce que je demande? Je ne rencontrerai pas panni les nôtres un bijoutier plein de mérites? v Ou bien au Sybaris ne sommes-noc.s pas près du comble Cle la détresse Les gloires ne naissent point dans la rue et non plus à la porte de quelque café Nous n'avons pas de gens qui luttent avec des lances rhétoriques Dans l'applaudissement lourd de la racaille des chemins Des cordonniers des affaires du pays qui jouent, comme aux carte Des masques renommés de la comédie des mensonges Or de patrie, de vertu ne parle pas le libéral Et tu croyais que la vie est honnête comme le cristal., Tu ne vois même pas que devant toi il ya un pilier de cafés Qui rit de ces paroles et en les répétant souvent Tu vois là comment la laideur sans âme et sans songe Avec son regard poilu, gonflé dans les joues et dans le budget Noir, bossu et gourmand, une source de magouilles A ses camarades il raconte ses vénéneux n'importe quois Tous ayant vertu sur leurs lèvres et dans la monnaie ils se cachent Quintessence de saletés de la tête jusqu'aux talons Et au-dessus de tous, leur armée pour la reconnaître Ils jettent leurs cochonneries, ceux avec des yeux gonflés comme de grenouille Parmi ceux-ci choisit aujourd'hui notre pays des ambassadeurs2 ! Gens appliqués qui mettent le fondement de la Sainte Gaule 1 Dans des chemises avec de longues manches et avec des tarbouches sur la tête Ils font nos lois et nous obligent à payer tribut, nous parlent de philosophie Les Patriotes! Les Vertueux et les fondateurs de maisons Là où la décadence flotte dans les pestes et dans les mots Et applaudissent des schismes frénétiques, des chaussons et des jeux... Et ensuite à la Cour du pays ils se rassemblent pour s'admirer Des Bulgares avec la nuque grosse, des Grecs avec le nez mince Toutes ces geules sont prétendues de romains Tous ces greco-bulgares petit-fils de Trajan! Cette écume vénéneuse, ces vulgaires, ces déchets Qui arrivent à être maîtres sur le pays et sur nous ! Tout ce qui est marqué avec la putréfaction de la nature Tout ce qui est perfide et gourmand, tout le Phanar, tous les ilotes Tous se sont écroulés ici et forment les patriotes Et ainsi les fanfarons et les bêtes, les gros et les retardés Bafouilleurs à la bouche déformée sont maîtres de cette nation. Vous êtes les descendants de Rome? Des méchants et des gourmands ? Il est honteux pour 1'humanité de vous appeler des hommes Et cette peste dans le monde et toutes ces créatures Même la honte n'en trouve part dans leurs bouches folles Amenant la honte sur la gloire du pays Et osent appeler ton nom... pays! A Paris dans les bordels de cuisine et de paresse Avec leurs femmes perdues et leurs orgueils obscènes 2 Le mot pertinent serait plutôt messagers, mais dans le contexte du ISe siècle ambassadeurs me paraît plus dans le contexte. VI Là vous avez mis votre fortune et vos jeunesses, à pourrir Qu'a fait de vous l'Occident, quand il n'y a rien a faire Et ensuite vous êtes retournés chez nous, à la place de cervelle une bouteille de pommade Consommés, sans temps, mais avec le cerveau d'enfants Comme connaissance ayant en tête, une valse de Bal-Mabil Et en échange de sa fortune un soulier de courtisane Oh, comme je t'admire, progéniture de romane ! Et maintenant vous regardez avec peur notre visage sceptique et froid, Vous êtes étonnés comment m.gourd'hui votre mensonge ne passe plus Quand on voit que tous ceux qui jettent des mots grandioses Qui ne chassent autre que l'argent et le bénéfice sans peine Aujourd'hui quand la phrase soignée ne peut plus nous tromper Aujourd'hui, Messieurs d'autres sont coupables n'est-ce pas? Vous avez trop montré votre arôme, dévorant ce pays, Vous avez trop rempli ce peuple de honte et d'injures Vous avez trop abusé de la langue, des anciens et des habitudes Pour qu'on ne puisse pas montrer une fois que vous êtes des escrocs. Oui le bénéfice sans travail, voici l'unique départ La vertu? Une connerie. Le génie" Un impédiment Mais laissez au moins les anciens dormir dans la poussière des chroniques Dans leur glorieux passé vous regardent au moins ironiques Pourquoi ne viens-tu pas Tepes mon prince et mettant ta main sur eux Tu les partagerais en deux camps de fous et d'escrocs Et dans deux larges prisons, tu les jetterais contre leur bon grès Et mets feu à la prison et à la maison de fous ! VII IntrodJlctlon Toute nation et tout peuple reposent sur un passé, passé qui leur appartient plus ou moins.. passé qu'ils aient pu s'associer ou s'inventer. Quel qu'il soit, il a à l'origine des faits réels, qui ont été remodelés ou tout simplement mal compris par les peuples en question. Les Grecs d'aujourd'hui s'associent très souvent à la Grèce Antique, alors que les Dieux de l'Olympe ne voient plus cette population se prosterner devant eux et les habitudes anciennes ont été remplacées par celle de l'église chrétienne orthodoxe, si importante aujourd'hui dans cette région. De la même manière, les Turcs nationalistes parlent de l'époque pré-ottomane, alors qu'ils sont beaucoup plus proches de l'empire ottoman~ les Français parlent des anciens Gaulois et même de leur héritage celte, les Mexicains des Aztèques dont les connaissances en matière de génie civile semblent dépasser celles contemporaines, les Roumains parlent de leur latinité et de leurs ancêtres Romains ou bien de leurs héros du temps des ottomans dans les Balkans. Pendant cinquante ans de communisme, le peuple roumain a pu bénéficier d'une histoire très subjective, très souvent fabriquée de faits réels, mélangée avec beaucoup d'imagination et avec beaucoup de subjectivité. Une histoire mentie, dont la vraisemblance était loin et pourtant certains faits que le Parti Communiste aurait préféré laisser en dehors des pages des livres d'histoire, ont cependant été mentionnés. Ces faits portent en eux les graines de cette vérité reconstruite après la Révolution roumaine de 1989 par les historiens roumains, l vérité qui a été mentionnée dans les livres d'histoire ottomane publiés à l'étranger . Dans le contexte de l'écriture de cette histoire mal interprétée ou mal évoquée de la période communiste, il y a eu besoin d'aller fouiller dans le passé pour trouver des faits qui puissent être utilisés afin de mieux convaincre les masses. De même, certains événements ou certaines personnalités sont tellement bien inscrits dans la mémoire commune d'un peuple, qu'il est difficile de les effacer. Ainsi, dans la culture propagandiste communiste, une place a du être reservée au poète Mihai Eminescu2, quoiqu'il ne se soit aucunement plié aux clichés imposés par cette nouvelle manière d'expression tellement rigide. Il est évident que ses poèmes n'avaient rien qui ait pu servir au but de la propagande, mais ils n'avaient pas trop d'éléments qui aient pu nuire non plus. Cependant, il fallait garder l'attention sur les méthodes d'interpretation qui auraient pu être risquées si les enseignants n'adoptaient pas le conformisme très strict, en évitant ainsi toute possibilité de faire appel à l'imagination. Nous pouvons conclure à une nouvelle manière de propager le nationalisme roumain, qui ne se comptait pas au sein du Parti Communiste. Par ailleurs, le fait d'interdire un tel poète aurait pu créer beaucoup plus de chaos. Il valait donc mieux lui permettre cette existence quoique peu justifiable. Sa censure aurait pu entraîner un désir très fort de partager ses idéaux, son écriture, ses messages et certains faits qu'Eminescu évoquait de façon ironique ou 1 La plupart des livres dont je me sers tout au long de la thèse dont les auteurs sont roumains ou d'origine roumaine ont été publiés à l'étranger, avant 1989. Leur vue de l'histoire roumaine à l'époque de l'empire ottoman n'était souvent pas connue par les Roumains qui n'avaient aucun accès à ces sources. Ecrivain roumain, né à Ipotesti en 1850, mort en 1889. Ce qu'il est très intéressant est le fait qu'il ait été souvent accusé de xénophobie pendant sa vie. Cependant, son vrai nom est Mihail Eminovici et on 2 2 négative auraient pu être directement superposés au communisme: Je fais référence plus exactement au passage où il parle de ce qu'il est resté de ce glorieux passé des roumains et de cette race de guerriers après l'arrivée des Phanariotes, parvenus, en détresse et sans aucune éducation, ni scrupule. Mihai Eminescu est considéré jusqu'à nos jours le poète national roumain par excellence et bien d'entre ses poèmes sont appris par cœur dès l'âge le plus jeune. Panni ceux-ci se compte La Troisième Lettre, que tout jeune roumain doit retenir religieusement dès les premières années d'école, généralement à partir de neuf ou dix ans. Ce poème évoque l'héroïsme du peuple roumain dans le passé et suit les événements à partir de 1394 jusqu'au contemporain de l'écrivain, c'est à dire au XIXe siècle, époque de la désintégration de l'empire ottoman. En évoquant tous tes moments importants de l'histoire roumaine dans un seul poème, Eminescu ait crée l'impression que le nationalisme roumain a existé, bien avant que la notion même de nationalisme ait pu trouver ses racines. L'auteur parlait avec une tene ardeur des luttes menées par les Roumains contre les Ottomans et des victoires évidentes, sans même se soucier des vérités historiques. A vrai dire, son intérêt était plutôt de pouvoir faire sentir à ses compatriotes que le précipice vers lequel ils se sont orientés, sans avoir le droit de veto, voudrait dire signer l'arrêt de mort de toute une culture et toute une tradition ancienne et forte. La suite de cet événement serait l'apparition de salons de café français, en compagnie des récentes découvertes teUes que l'arrivisme, la prostitution, le prétendu argumente que son père soit d'origine bulgare. Ceci fait que son comportement xénophobe soit aperçu comme sans fondements et il s'est retrouvé discrédité d'une certaine façon sur le plan politique. 3 savoir-vivre d'Wle couche inférieure de la société, dont le pouvoir financier en était devenu énorme. J'ai évoqué plus haut la notion de nationalisme, mais ce qu'il faudrait comprendre dès le début est qu'au moment où les mouvements nationalistes se 1àisaient profondément ressentir dans l'ouest de l'Europe, les Balkans étaient encore sous occupation ottomane. Ainsi, non seulement le nationalisme a été retardé de presque cent ans, mais encore il s'est basé sur l'idéalisation des mythes glorieux du passé. L'impact de la Renaissance et de l'llluminisme des XVIIe et XVIIIe siècles occidentaux n'ont pas pu faire naître des réactions dans une Europe orientale, si axée encore sur un passé démodé. A ce propos l'historien allemand Hans Kohn argumente que: Le nationalisme en Europe Centrale et de l'Est est souvent crée de mythes du passé et de rêves du futur, de la patrie idéale liée de près au passé, manquant toute connexion immédiate3 avec le présent et qu'on attend de voir devenir une réalité politique. 4 L'idée ci-haut s'applique parfaitement dans le cas des pays roumains (et ceci vient contre dire en partie le poète Mihai Eminescu). C'est une des ces parties de l'Europe où le passé a tardé, où l'ouverture vers un monde moderne avec de nouveaux idéaux n'a pas été possible, sa seule ouverture, n'étant que celle vers Istanbul, vers les pa~as (ou pachas), les vi=irs et les sultans, vers un passé traditionnel et lointain. Nous allons faire une comparaison chronologique du poème La Troisième Lettre avec l'histoire teUe quelle, en 3 Ceci représente l'argument clé dans tout le reste de la présentation. 4 Sugar, Peter f. - Nationality and Society in Habsburg and Ottoman Europe 1354-1804, Variorum, Great Britain, (1997), 9 4 essayant de comprendre Pimporœnce stratégique des pays roumains devant le passage des armées de Pempire ottoman en Europe. Le fait de jouer le rôle d'état tampon, a mis plusieurs fois enjeu la situation économique autant que politique des pays roumains et le fait de pouvoir garder le contrôle dans les affaires intérieures a pu être envisageable seulement grâce à la bonne foi des leaders roumainss. Bien des gens ont essayé d'écrire à nouveau l'histoire roumaine après la tombée du communisme, mais il faut comprendre quels sondes facteurs qui ont contribué à tordre la vérité. L'influence d'un poème tel que La Troisième Lettre a été si grande que tes gens ont fini par l'accepter comme vérité irréfutable. Il est d'autant très difficile de nier tout ce qu'on leur a appris pendant cinquante ans et changer la mentalité de deux générations demande, au moins, l'attente d'une nouvelle prête à accepter ce phénomène. Mais avant de parler de la lutte anti-ottomane portée au long des siècle par les des roumains, il est important de comprendre le contexte, c'est à dire le pouvoir de l'empire ottoman et ses intérêts dans les Balkans. Ainsi, mon travail sera divisé en deux parties importantes, l'empire ottoman et son influence dans les Balkans en général, suivi par une deuxième partie qui illustrera chronologiquement (et plus en détail) le cas des deux pays roumains, la Valaquie et la Moldavie à l'intérieur de cet énorme empire6 . Il s'agit d'illustrer et de bien comprendre ce qui a mené les Ottomans à arriver si loin de l'Anatolie. Il faudrait saisir les origines du désir de posséder les terres de l'Europe orientale, d'abord pour des S En parlant de bonne foi, je veux dire bonne foi vis à vis de leurs principautés respectives. n fiwt surtout comprendre que le double jeu a été un des moyens par lesquels des zones si petites que les pays roumains ont pu grader leur indépendance. Ainsi, la bonne foi n'est pas une vertu montrée ni envers les Ottomans, ni envers tout autre état voisin. -- 5 raisons économiques (les richesses de ces terres, et leur rendement agricole et maritime etc., qui a pennis de nourrir presque tout l'empire ottoman) et pour des raisons politique (l'ouverture vers l'Europe occidentale et le désir peut-être d'arriver à contrôler le monde entier). La conquête ottomane était possible grâce à la conquête terrestre et au partage du terrain suite à la conquête. Quant au désir de contrôler le monde, il serait peut-être intéressant de citer le propos de Franz Babinger7 dans Mehmed the Conqueror and His Time, afin de se rendre compte de la persévérance des sultans ottomans et les pouvoirs dont ils disposaient Mehmed n'avait rien à craindre dans la partie du nord-est de la Roumélie. La Valaquie ne donnait aucun signe d'hostilité et dans tous tes cas ses forces armées étaient négligeables. Clairement la Hongrie était le seul adversaire sérieux, et donc, c'était contre la Hongrie que, l'été de 1456, le sultan a orienté sa première large campagne après la conquête de Constantinople. Certainement, le premier pas devrait être la subjugation totale de la Serbie [... J. l'annexe de Belgrade. la forteresse hongroise du Danube. Une fois ceci entre ses mains ~ ... J il serait capable de manger son dîner en paix8 à Buda . Quelques paragraphes seront dédiés à la Transylvanie également. La raison pour laquelle je n'ai pas choisi de parler entièrement de la Transylvanie est son passage continu de l'autorité hongroise à l'autorité turque et son impossibilité de "garder le même rythme'" que les autres deux principautés roumaines. 6 Franz Babinger - Mehmed the Conqueror and His Time, translated by Ralph Manheim, ed. by William C. Hickman, Princeton University Press, (l978) 138. 7 Rien ne prouve que ce soit véritablement les dits de Mehmed le Conquérant. A mon avis l'auteur rentre dans la personnalité du personnage du sultan et il utilise cette formule sarcastique afin de mieux illustrer la force des ottomans et dirai-je presque l'impossibilité de trouver un adversaire qu'ils puissent craindre. 8 Toutes les citations sont traduites par moi-même en français afin de permettre un meilleur suivi de l'histoire. 9 6 Ce pouvoir des ottomans a été gagné de manière tellement mpide et sans préalables, que même les rois européens tels que François 1er ont été obligés de reconnaître l'existence de l'empire ottoman et de ses bénéfices. Ce propos est énoncé par Halil InaJciklO dans Studies in Ottoman Social and Economic History: En 1532, François 1er avouait qu~iI considérait l'empire ottoman comme l'unique puissance garantissant l'existence des états européens contre Charles Quint. A cette époque J'empire ottoman passa sans aucun doute de la situation d'un état anatolien et balkanique à celle d~un empire mondial. Mais comment s~est déroulée l'évolution ascendance de J'empire ottoman avant J'arrivée au bord du Danube? Nous aJlons suivre plusieurs étapes telles que la création de la maison d"O~mân, avec les conquêtes et le système de mariages atnlngés, plus tard l'imposition de l'Islâm dans certaines zones occupées, l'adoption de l'Islâm pour de raisons opportunistes et le système de dev$irme par lequel les sultans avaient plus de contrôle dans les régions occupées et finalement la place des principautés roumaines dans le cadre de l'expansion dans les Balkans. Cette place est à part et c'est justement ce traitement différent dont les Roumains ont disposé qui a permis le développement de mon sujet. Après avoir bien illustré la position géopolitique des principautés, J'avantage de leur richesse, de leur collaboratio~ je vais me concentrer sur les cinq cents ans pendant lesquels les principautés roumaines ont signé plusieurs traités de vassalité et voir s'ils ont été véritablement respectés autant d'un côté que de l'autre. Ceci m'aidera à comprendre 10 Halil Inalcik - Studies in Qttoman Social and Economie HistOlY, Variorum Reprints, London, (1985) 88. 7 la naissance de ce mythe nationaliste que Mihai Eminescu semble évoquer avec tant de fierté. Dans cette deuxième partie, je procéderai à une étude chronologique des différents règnes des pays roumains, en commençant par les plus remarquables du XIVe au XVIIe siècles, règnes sous l'autorité des princes purement roumains, suivis par les règnes des Phanariotes. issus des anciennes famines nobles de Byzance. Dans le cadre de cette même partie, je suivrai l'évolution culturelle des principautés dès le début jusqu'au XIXe siècle, en soulignant tous les apports des différents règnes et bien sûr l'influence de l'église orthodoxe. Chapitre 1 L'EMPIRE OTTOMAN A LA CONQUETE DES BALKANS La création de la A-faison d"OE,mânll L'origine de cet empire, qui a dominé pendant plus de six cents ans dans le monde, se trouve dans les tribus turques situées au sud de la Sibérie. Ces tribus étaient réunies sous l2 formes de "fédérations tribales "formant en quelque sorte des "états 13". Ces fédérations Il '''Othmân 1er, fondateur éponyme de la dynastie ottomane. D est impossible d'établir la date de sa naissance et ceJle de son ascension au pouvoir souverain. Son activité s'étendit sur le premier quart du VIlIelXIVe siècle, et la tradition ottomane affirme qu'i! mourut peu après la conquête de Bursa (... ] par son fils Orkhân." C.E. Bothworth, E. van Donzel, W.P. Heinrichs et G. Lecompte - Encyclopédie de !'!stID:!!, Nouvelle édition, Leiden, Brill, (1995), VIII, 183. 12 Sugar, Peter f. - Southeastem Europe under Ottoman Rule. 1354-1804, A History of East Central Europe, V, University of Washington Press, Seattle and London, (1977) 8. 8 étaient dirigées par des conquérants. Ds suivaient un système pyramidal, dont les influences seront vues plus tard dans la croissance et l'organisation de l'empire ottoman. Leurs statégies et la confiance montrée au leader ont fait que ces peuples ait pu gagner un pouvoir très fort dans la région et en permettant r expansion de certaines tribus. fi est difficile de suivre leur l'évolution car la plupart ne possédaient pas de pouvoirs héréditaires et donc uniquement les plus grandes se sont fait remarquer. Les premiers "états" turcs étaient au mieux des "fédérations tribales" mises sur pieds par des hommes très forts dont la mort signifiait la fin de r"étaf,14. Cependant, toute règle a une exception et dans ce cas il s'agit des tribus de Turkmènes à l'origine des ottomans. Elles étaient établies aux environs de la mer d'Aral vers la fin du XIe siècle. C'était des Seljuqs, provenant de Ghuz et de Orghuz. Ces tribus formées de guerriers étaient menées par un fort désir expansionniste. Comme résultat, ils ont établi plusieurs centres où leur pouvoir était entièrement reconnu et respecté, dont l'Anatolie et même Baghdâd. Ds sont parvenus à avoir un tel pouvoir tel qu'ils ont réussi à régner sur la totalité de l'état abbâside15. Ce qu'il est important de mentionner est que ces tribus turkmènes étaient déjà converties à J'Islâm avant même qu'on puisse parler d'un état seIjuq. Elles avaient donc adopté les lois musulmanes et nous allons voir comment, plus tard, leur devise est devenue plutôt la 13 Ibid. 14 Ibid IS Ibid, 9. 9 lutte contre le non-croyants et non plus te désii." de pouvoir, notamment celui offerts par les conquêtes territoriales. Alp Arslan, neveu de Tughril, le leader seljuq en place à Baghdâd, a été envoyé en Anatolie pour offrir la sécurité des frontières. D'ailleurs, lorsque les Seljuqs ont été mis en dehors de Bagl!dâd à toutj~ ils ont profité de leur forte influence en Anatolie pour s"y installer définitivement. Les soldats turkmènes, les défendeurs de la religion musulmane étaient connus sous le nom de gâzÎ. ns portaient des luttes constantes contre les défendeurs byzantins, les artikois. Autant les gâzîs que les artikois, quoique soldats au nom de la religion, ils n'étaient pas suffisamment éduqués pour savoir exactement au nom de quoi ils luttaient. n y avait toute sorte de mythes et d'histoires populaires qui influençaient les vraies pratiques musulmanes et chrétiennes. Suite à ce fait, les lois islamiques ont pu gagner plus de terrain, et bientôt, la principale influence dans la région de l'Anatolie, devenue l'état des Seljuqs de Rûm avec la capitale Konya (SeIjuqs de Rome), était celle de l'Islâm. La conquête territoriale et le système d'a[Dances Il n'y a pas de précision exacte à propos de la formation de l'empire ottoman. Ce qui est cependant sûr est que ses bases ont été établies par 'O~mân, le fils d'Erthogrul, gâzî de Sôgüt. Pendant l'époque des invasions mongoles plusieurs de ces petits états, dont celui d'Erthogrul, ont pu devenir indépendants et continuer à vivre d'après leurs propres lois. 'O~mân est devenu le chef militaire ainsi que le chef spirituel de turcs l6 • Il a continué à 16 Inalcik, Halil - Studies in Ottoman Social and Economie HistQIY, n, 77: "Mais l'entourage d"O~mân, c'est-à-dire les 'O~mânh (Ottomans) comme les TurahanIJ, les Evrellz/u, plus tard était peut-être formé de 10 se servir du système de tlmarl1 , er. ayant mis en place Wle bureaucratie très stable1B• Ce qu'il a très vite compris était le besoin de conquête territoriale, que ce soit par le moyen de l'épée ou bien par le moyen des alliances. '~mân a réussi à s'élever très vite grâce à son association avec le sheikh Edebali, en prenant sa fille comme épousel9• Plus tard, pendant que le père O~mân menait la lutte contre Byzance20, arrivant dans ces conquêtes très près de Constantinople, le fils, Orkhân occupait Bursa en 1307. guerriers gâzî venus de toutes parts. Dans la vieille tradition ottomane, '~mân est représenté comme un chef protecteur de garibs, c'est-à-dire des guerriers vagabonds, gens ayant abandonné leurs foyers pour venir s'enrôler sous ses drapeaux. Toujours, selon cette tradition, les gens qui entouraient 'OImân étaient des gâzîs des ahi, des derviches. Lui distribue à ceux-ci sous fonne de tlmar, de vakoufs ou de mülk les terres qu'il a conquises. Certains leaders appartenant à l'aristocratie militaire de Byzance aux frontières tels que Gâzî Mihal, se joignirent à lui. Les grandes donations terriennes faites à Gâzî Mihal dans la région centrale de Sakarya étaient, d'après les cahiers de registre XVe siècle, encore à cette époque détenus par ses descendants". Voici à quel point celui qui s'alliait avec les Ottomans, pouvait en profiter, sans que sa religion ou sa descendance soient prises en compte. Cette tradition a été gardée pendant plusieurs générations et nous allons voir comment Mehmed 1er a essayé de la changer, sans cependant que ceci dure au-delà de ses années de règne. 17 Système qui ressemble fortement au système féodal européen. l i Ceci est très favorable aux historiens d'aujourd'hu~ car c'est la dynastie musulmane qui offre le plus de documents. Elle pennet d'établir avec précision certains faits historiques. 19 Dans son poème, La Troisième Lettre, Mihai Eminescu fait allusion à la belle fille du sheikh Edebali. Ceci peut aider à mieux comprendre la chronologie de son poème et aussi de nous éviter à penser que Malcatun était l'amoureuse de Bâyazîd. A mon avis, après d'innombrables lectures du poème, cette confusion demeure fort possible. "Malkhâtün, fille de ·Ùmer Beg, dont le nom figure aussi comme témoin dans le même document, peut avoir été l'épouse de 'O~mân. La tradition ottomane à partie de •Âshi~pashazâde, appelle son épouse Malkhun, fille du derviche légendaire, Edebali." Ençyclopédie de l'Islam, VIII, 183. Inalcik, Halil - Studies in Ottoman Social and Economie HistQty, II, 75.. Les Turcs n'ont pas toujours mené une politique d'attaque envers Byzance. Plutôt, aux environs de 1290" Devant la pression exercée par son rival, protégé des mongols, le sultan seldjoukide Izzeddin Keykâvus, chercha, avec son entourage, refuge dans les marches. Un épisode concernant Keykâvus qui se réfugia en fin de compte à Byzance, a son importance pour l'histoire des Balkans. En effet, trente à quarante "oba", panni ses partisans, rejoignirent le sultan à Byzance et furent installés par le gouvernement byzantin en Dobroudja où ils fondèrent des bourgades et des villes. Là ils passèrent sous la domination du puissant Emir Nogay de la Horde d'Or, qui était musulman. D'après le professeur Wittek, ils prirent le nom de Gagavuz, déformation de Keykâvus. Le chef moral des ces turcs musulmans d'Anatolie, le derviche hétérodoxe Baba Saltuk, est représenté dans la grande épopée des turcs des Balkans appelée 5altllknâme, comme un Gâzi, comme une grande figure religieuse ayant joué le rôle prépondérant dans la diffusion de l'Islâm dans les Balkans. La mort de Nogay en 1299 priva ces musulmans de leur protecteur. Une partie essaya de retourner en Anatolie. Ceux qui restèrent embrassèrent le christianisme". J'ai choisi de citer ce paragraphe en entier, car je trouve qu'il a une forte importance pour l'étude de la lutte avec les principautés roumaines de plus 20 11 Dès les premières incursions ottomanes en Europe, jusqu'à plus ou moins la conquête de Edirne (Adrianopolis, Adrianople, Adrianopol, Odrin) en 1365, plusieurs facteurs, ajoutés à la pression de la population mentionnée plus hauf 1, rendaient la migration extensive des turcs en Europe possible. Les Ottomans ont réalisé la nécessité de gagner fermement le contrôle des Dardanelles pour deux misons. militaire et économique. Ils espéraient contrôler le passage de l'Anatolie vers les Balkans et de charger des frais de passage sur les biens transportés dans les détroits. lis étaient donc impatients de créer une nouvelle frontière en ~llrope[... ]22. Une raison importante pour laquelle cette conquête territoriale de plus en plus étendue était fort nécessaire, était le fait que les gâzis. classe militaire exemptée de taxes, avaient un revenu provenant de leurs territoires et donc, plus ils avaient de territoires sous leurs contrôles, plus ils pouvaient avancer sur l'échelle sociale. A part la conquête territoriale, il existait une autre manière de gagner le pouvoir territorial. Il s'agit du système d'alliances que je viens d'évoquer plus haut. Nous pouvons remarquer qu'à mesure que le temps passait, les alliances avec les voisins étaient de plus en plus nombreuses. Généralement ces alliances se faisaient grâce au mariage du sultan avec les filles des leaders voisins, que ce soit des princesses de la famille Cantacuzène ou bien de la famille Paleologos23 . Nous allons voir plus tard que les alliances se faisaient graduellement vers tard. Cet épisode prouve que les Ottomans avaient donc une forte connaissance des Balkans, bien avant qu'ils ne décident de les attaquer. 21 TI s'agit du désir des soldats de détenir le plus de territoire, d'avoir des domaines qui leur appartenaient et de profiter bien évidement des conquêtes. La classe militaire était constamment croissante. Pour pouvoir tenir les soldats satisfaits, il fallait être capable de leur offrir des biens. Ceci mettait les leaders dans la position où ils devaient continuer l'occupation des territoire chrétiens qui se trouvaient dans le voisinage. 22 Sugar, Peter F. - Southeastern Europe under Ottoman Rule. 1354-1804, 18. 23 Familles princières byzantines. 12 l'intérieur des Balkans. D'un côté, ceci assumit en quelque sorte la paix entre leaders opposés (ils donnaient leurs filles en gage de leurs accords de garder la paix dans les territoires), d'autre côté, ces mariages mixtes pennettaient aux ottomans de mieux garder le contrôle sur leurs sujets cbrétie~ montrant ainsi leur tolérance. '~mân a réussi à mettre les bases de ce que plus tard allait devenir Memâlik-I mahrüse-I ma 'müreh-I 'osmâniyeh, en d'autres mots Le domaine absolu. divinement protégé et fort fleurissant de la Maison d"O§.mân, dont la durée allait s'étendre sur environ six cents ans et dont les caractéristiques de base étaient deux: l'Islâm et le turque. Ce qu'il est important d'énoncer et de bien comprendre est le fait que les Ottomans aient été un exemple de tolérance religieuse, tolérance venue tout juste des lois fondamentales de l'Islâm. En effet, quoique la devise même des Turcs ottomans soit devenue la lutte contre les non-croyants, il faudrait comprendre que la conversion des peuples chrétiens et juifs n'a pas été imposée24 • D'ailleurs le Qur'ân tolère deux autres religions monothéistes le Christianisme et le Judaïsme. Le prophète Muhammad lui-même s'était servi d'alliances avec les tribus juives de l'Arabie. Pour autant que ces populations étaient prêtes à accepter les lois fondamentales de l'Islâm et de respecter cette religion en tant que première autorité, elles étaient tolérées25 • D'autant plus que pour l'empire ottoman, Ceci reste quand-même sujet à discuter. Un exemple très clair serait celui de la famille princière roumaine Brâncoveanu, qu'on a obligé à adopter l'Islâm comme religion et dont les membres ont été décapités suite à leur refus. 24 2~ Sugar, Peter F. - Southeastem Europe under Ottoman Rule. 1354-1804, 5: "Tout monothéiste qui était prêt à accepter la suprématie politique de l'Islâm et désirait vivre dans un état musulman sous des conditions bien établies, devenait un zimmi, une personne protégée. Cette protection allait plus loin que la liberté religieuse [... ]. fi s'agissait d'une certaine manière de s'autogouvemer qu~ sous les Ottomans devenait une institution, connue sous le nom de système de millet, qui était en effet une minorité de règlements de lois de maisons basées sur l'affiliation religieuse". 13 le fait d'avoir des sujets chrétiens et juifs représentait un avantage du point de vue économique. L'Islâm interdit d'avoir des esclaves qui sont musulmans, cependant, si certains esclaves étaient musulmans avant l'arrivée de t'occupation ottomane, alors seulement la première génération était considérée comme telle, la deuxième devenant des hommes libres. L'autre problème que les sultans ont été obligés de surmonter est que très souvent les gâzîs s'opposaient à faire la guerre à leurs frères musulmans arabes, alors les sultans étaient obligés de se servir des artikoî, également à leur service. Les gâzîs se servaient du principe islamique qu'il ne faut jamais faire la guerre à un semblable. Alors ceci avait encouragé l'augmentation de soldats chrétiens dans les armées ottomanes. Comme je viens de l'énoncer dans un paragraphe antérieur, les gâzîs ou tes artikois vivaient du produit de leurs luttes, c'est à dire qu'ils recevaient une partie de terre dont ils étaient obligés de s'occuper, d'abord pour défendre le territoire, (w que souvent il s'agissait de territoires nouvellement conquis qu'ils avaient le droit de gérer) et ensuite pour faire vivre leurs familles, ces terrains étant leur seul revenu. Un tel épisode est arrivé au sultan 6 ottoman Bâyazîd Ier , qui, à la mort de son père a eu énormément de conflits avec les princes de l'Anatolie, (car ils avaient oublié les serrements faits auparavant et qu'ils ont voulu profiter le plus possible du changement de régime). Alors, il s'est w obligé de se servir de ses serviteurs chrétiens pour défendre sa place. Par la suite, il a du remplacer toute la noblesse Anatolienne, toutes les «maisons de leaders turques» par des familles 26 "Bâyazîd 1er, dit ytldmm 'l'éclair', sultan ottoman (régna du 15 juin 1389 au 8 mars 1403), né en 1354, fils de Murâd 1er (... ]. Lorsque Murâd 1er fut mortellement blessé à la bataille de Kosovo (15 juin 1389), il demanda à ses paLhas de reconnaître comme sultan Bâyazîd, son remarquable fils aîné, ce qu'ils firent, et le seul de ses frères qui ait survécu fut immédiatement mis à mort affin d'empêcher une guerre civile." Encyclopédie de l'Islam, L 1151. 14 d'esclaves chrétiens, plus honnêtes alors27• n ne faudrait pas oublier que Bâyazid 1er est issu de mère et de grand-mère chrétiennes et donc cette tendance d'être très proche des chrétiens est explicable. Lors de la bataille d'Ankara, bataille menée contre le han des tatares Timur, Bâyazid 1 a vu la plus part de ses sol~ musulmans le déserter et ceci lui a même coûté sa vie. A ce moment-là, il ya eu la disparition du premier empire ottoman, vite repris en main et suivi par la naissance du deuxième empire. Bâyazid était très mal w dans plusieurs des couches de la société turque, et c'est bien connu qu'il a perdu la Bataille d'Ankara car seulement ses forces chrétiennes lui sont restées loyales, pendant que les unités musulmanes l'ont déserté pendant la lutte. Les gâzîs rejetaient cette supérieure et «illégale» manière de traitement de leurs camarades princes musulmans. Les familles turques leaders, descendantes premièrement de gâzîs très glorieux et de ceux qui se sont alliés très tôt avec les Ottomans et sont devenue riches en occupant des positions dominantes, n'aimaient pas les tendances «byzantines» du sultan qui étaient ascendantes: La poussée de la centralisation du pouvoir, Wle cour qui était de plus en plus «impériale», et plusieurs nouvelles influences y inclus des esclaves dans la façon de régner et de prises de décisions, tout ce qui diminuait leur position. Ces deux groupes accusaient Bâyazîd pas seulement d'avoir abandonné la tradition des gâzîs, mais même d'être Wl mauvais musulman car il était fortement sous l'influence chrétienne de sa mère, de sa femme et de ses amis européens. Bâyazîd ne montrait certainement aucun intérêt dans le fait de changer sa religion, mais Wl désir de devenir Wl leader universel et son intérêt dans les tendances religieuses éclectiques, à la mode à cette époque, le poussaient à être plus tolérant envers les autres religions qu'il ne l'était sous le règlement d'Wl Islâm choisi et stricte28• 27 Sugar, Peter f. - Southeastem Europe under Ottoman Rule. 1354-1804,21. 28 Ibid, 23 15 Ce que Bâyazîd a essayé de faire pendant ses années de règne a été de centraliser le pouvoir. Malheureusement son essai a échoué, w les nombreuses antipathies qu'il a réussi à attirer, et ce n'est que Mehmed n qui aura à nouveau cette initiative29• Une autre raison pour laquelle la centralisation me paraît presque impossible est le fait que la plupart du temps le sultan était en train de faire la guerre soit dans les Balkans, et nous allons parler plus en détail de l'arrivé de Bâyazid dans les principautés roumaines, soit dans le Moyen Orient, sa présence n'étant jamais en Anatolie. Ceci représentait une bonne occasion pour les grandes familles d'aristocrates d'arranger des complots contre le sultan-même. Pourtant ce que Bâyazid a réussi, est de renforcer sa position dans les Balkans, continuant ainsi ce que «Snleymân 30 commencé . Pa~ petit-fils d'~~mâm) avait déjà Il est intéressant de comprendre comment la démarche à l'attaque se faisait. A ce propos Inalcik explique que les Ottomans suivaient «une vieille coutume turque, des marches: celles du centre et des ailes droite et gauche31 ». Bâyazîd a transfonné les états balkaniques qui avaient, jusqu'à son règne, une relation de vassalité avec l'empire, en provinces ottomanes32 . 29 Dans ces lieux occupés dans les lnaleik, Halil - Studies in Ottoman Social and Economie HistOlY, Il, 78. 30 Ibid., 78. "Süleymân Pa~a, petit-fils d"O~mân, s'établit en 1352 à Tzympe (Cinbi) comme allié de Jean Cantacuzène et y organisa une tête de pont pour l'expansion dans les Balkans. Avec la petite flotte ancrée à Aydincik, il débarqua à Kozludere [... ]. Quand la nuit du 2 mars 1354, un tremblement de terre démolit les murs de Gallipoli et des autres forteresses, il occupa ces places fortes et les fit réparer. installa des forces qu'il fit venir hâtivement d'Anatolie. Ainsi fut fondé Pqa-Sancak, noyau de la Roumélie ottomane". Cet épisode est important car grâce à cette occupation et à cette nouvelle forteresse, les Ottomans se sont rapprochés de plus en plus du territoire des principautés roumaines. C'est finalement Murâd 1er, qui d'après lnalcik "'soumit les états balkaniques", et qui les transforma en vassaux des ottomans. . . ny 31 Ibid, 79. 32 Sugar, Peter F. - Southeastern Europe under Ottoman Rule. 1354-1804, 64. 16 Balkans, il avait deux choix clam.: soit il éliminait les dynasties locales, les faisant 34 remplacer par ses partisans33 , soit il les acceptait comme vassaux • Très souvent l'aristocratie locale était acceptée dans les forces ottomanes3S et ceux qui acceptaient de s'aligner avaient bien évidemment des avantages. Bâyazîd a réussi à assurer le contrôle direct de la Mer Noire, devenant l'ennemi direct de la Hongrie, après t'élimination de la royauté de la Bulgarie et l'accord de vassalité avec la Valaquie36• La mort de Bâyazîd 1er a crée énonnément de chaos qui s'est soldé avec la rivalité des ses quatre fils, chacun considérant qu'il a plus le droit au trône que rautre37• De nombreux intérêts des nobles de l'extérieur autant que de l'intérieur de l'Anatolie se font sentir. Ceux-ci essaient d'encourager un des fils de Bâyazîd 1er au trône, devenant ainsi son allié38 • Chaque sultan a essayé d'amener ses améliorations d'une manière ou d'une autre. Par exemple, Mehmed Ie~9 a toujours accusé ce choix de ses ancêtres de marier des 33 Inalcik, Halil - The Ottoman Empire: Conguest. Organization and Economy, Variorum Reprints, London, (1978) 103. 34 Voir le cas de la Valaquie et le traité de vassalité qui sera énoncé dans le chapitre traitant de Mrrcea r Ancien, prince de Valaquie et des ses relations avec Bâyazîd 1er. 35lnalcik, Halil- Studies in Ottoman Social and Economie HistoQ', Il, 85. 36 lnalcik, Halil- The Ottoman Empire - The Classical Age 1300-1600, Weidenfeld and Nicolson, London, (1973) 15. Pendant l'empire ottoman ce n'est pas le fils le plus âgé qui obtenait le droit de remplacer son père. mais plutôt celui qui avait le plus de mérite. Dans plusieurs livres historiques, surtout cetles qui racontent la vie de harem, il est évoqué la vie des princes, frères du sultan, qui restaient enfermés dans le palais, ceci dans le cas où ils avaient eu la chance de restee en vie. 37 Plus tard j'évoquerai un épisode où Mircea l'Ancien <!e Valaquie, se servait de nombreuses intrigues pour encourager l'arrivé au trône de son protégé Müsâ Celebi. Cet épisode est également raconté par Marios Philippides dans Byzantium Europe and the early Ottoman Sultans 1373-1513, Aristide D. Caratzas, New York, (1990) 42. 38 39 "Mehemmed 1er, sultan ottoman qui régna de 1413 à 1241. Il est également appelé êelebi (turc: "de haut lignage, prince"), il régna sur \' Anatolie à partir de Tokat, d'Amasia et de Bursa, tandis que ses frères 17 chrétiennes, argumentant que les épouses avaient trop d'influence sur leurs maris et ceci dans le détriment de la politique de l'empire ottoman40 • Cette décision n'a pas eu d'influence sur d'autres sultans; panni les épouses de Murâd rr! et de Mehmed n 42 • nous pouvons aussi compter des princesses chrétiennes de la noblesse européenne. Mais ce système d'alliances n'était pas le seul moyen de gagner le contrôle territorial ou le contrôle de la population. Tout au long de l'histoire la population a sans arrêt essayé de s'opposer aux ottomans et surtout dans les zones les plus frontalières, l'autorité était de moins en moins évidente. Süleymân (1402-1411) et Müsâ (1411-1413) dominaient la Roumélie à partir d'Edirne. Mehemmed étendit son autorité sur Bursa et l'Anatolie occidentale dans les années 1403-1404 et 1410-1413 et acheva l'unification des deux parties de l'état ottoman sous sa seule souveraineté en 1413." Encyclopédie de l'Islam, VI, 966. 40 Sugar, Peter f. - Southeastem Europe under Ottoman Rule. 1354-1804, 16. "Murâd Il (1421-1444, 1446-1451), Sixième souverain de l'empire ottoman, naquit en 1403-1404? Et monta sur le trône en mai 1421, quand il arriva à Adrianopole, quelques jours après la mort de son père, Mehemmed 1er. [... ] Son règne joua un rôle extrêmement important pour l'avenir politique et le développement de la culture de J'empire ottoman. Après les premières années critiques, il poursuivit l'œuvre de consolidation de son père. Son but était surtout de vivre en termes pacifiques avec les princes vassaux." Encyclopédie de J'Islam. vol Vil, 595-596. 41 42 .. Meflemmed II, sultan ottoman qui régna de 1444 à 1446 et de 1451 à 1481. n était appelé Abü I-Fath ou Fâtih 'le Conquêrant' et considéré comme le fondateur ultime de l'empire ottoman. [...] MelÎemmed n est le véritable fondateur de l'empire ottoman dont il a posé les bases territoriales, idéologiques et économiques.[ ] Son empire centralisé fut réalisé par la surpression ou la mise en sous son autorité des familles locales de J'aristocratie foncière dans les Balkans et en Anatolie." Encyclopédie de l'Islam, VI, 970-972. 18 Les taxes continuaient à être inégales pour tous les habitants de rempile ottoman. Par exemple, les soldats ne payaient quasiment pas de taxes, les musulmans payaient un certain quota, les chrétiens et les juifs beaucoup plus etc. nyavait énonnément de gens qui ont choisi de se convertir à l'Islâm et ceci pour des raisons opportunistes. Quant à un musulman, la volonté de renoncer à la foi d'Allâh était passible de la punition capitale. En adoptant la nouvelle religion, l'Islâm, les avantages financiers se faisaient sentir également. De la même manière la personne choisissant ce chemin gagnait un statut beaucoup plus avantageux par rapport à l'empire ottoman, c'est à dire qu'elle devenait citoyen de «première classe». Comme le disait Halil Inalcik, «aucun historien sérieux., connaissant les archives ottomanes ne peut prétendre que les Turcs ne se maintenaient 44 dans les Balkans comme la classe militaire dominante ». Un moyen pour bien contrôler la population sur le plan idéologique était le système de dev~irme. Cela représentait une forme de conversion forcée, complètement différente de celle volontaire, encouragée par les dervi~, une sorte de médecin, «sorcier», qui passaient de ville en ville, dictant les bons enseignements de l'Islâm. Mais que signifie le dev~irme? L'esclavage a été permis dans l'IsIâm dès le tout début. Comme je l'avais mentionné plus haut, un musulman n'avait pourtant pas le droit de tmnsformer un autre musulman dans son esclave. Si cependant, l'esclave était déjà musulman ou s'est décidé à adopter cette nouvelle foi, ses enfants 43 D'après Paul Wittek, le dev~irme se trouve souvent en conflit avec les principes de la loi islamique et son établissement dans les Balkans est souvent difficile à expliquer. Voir Wittek, Paul - "Devshirrne and Sharï'a", SOAS Bulletin, 17, London, (1955) 271-278. 44 Inalcik, Halil - Studies in Ottoman Social and Economie HistoQ', II, 90. 19 allaient devenir des geIlS libres. Ceci veut également dire que nous participons à des évènements qui risquent de secouer la balance économique de l'empire. D'un côté des gens libres qui se convertissent pour diminuer leurs taxes et pour pouvoir tirer un maximum de profit, d'autre côté des enfants d'esclaves devenaient des gens libres et pour que le problème soit encore plus grave, le marché d'esclave était en baisse. En effet, lorsque le système de dev~irme a été mis en place, vers la fin du XIVe siècle, les pays qui livraient des esclaves à l'empire ottoman n'avaient plus les mêmes ressources. Ceci a obligé les Ottomans à se procurer des esclaves de l'intérieur de r empire. Le fonctionnement était simple: les fonctionnaires de la Grande Porte installés dans les différentes régions orthodoxes de l'empire, avaient le devoir de choisir les jeunes garçons le plus doués des familles locales. Par la suite, ils étaient envoyés dans le palais du sultan et élevés là jusqu'à l'âge adulte. L'enseignement qui leur était administré était fortement islamique, destiné à les transformer en vrais musulmans, qui allaient, plus tard, occuper des positions de cadres dans l'empire. Tous les meilleurs soins leurs étaient attribués et, à part l'amour maternel, rien ne leur manquait dans leurs vies. Cependant, ce changement d'identité forcé et subit avait bien souvent ses fins tragiques. Les enfants devenaient la plupart du temps des fanatiques religieux qui défendaient avec ardeur cette religion imposée et qui portaient en eux la flamme de cet Islâm à la lettre, dont le plus 4s grand idéal était la Guerre Sainte • Souvent on les faisait retourner dans les régions d'où ils étaient originellement issus, en tant que vizirs du sultan et c'est là qu'ils devaient 45 Inalcik, Halil - The Ottoman Empire - The Classical Age 1300-1600, 80. 20 mettre en oeuvre tous leurs enseignements antérieurs46• Certains parmi eux restaient même sur place, au service le plus proche du sultan. J'ai parlé plus haut d'un Istâm à la lettre. Dans les régions des Balkans où l'Islâm a été adopté par quelque moyen que se soit, l'influence des croyances populaires se faisait fortement sentir. D'ailleurs bien souvent le mélange était un des résultats. Je dirais que parfois les concepts adoptés par certains venaient contrecarrer tout enseignement de l'Islâm et le but de ces nouveaux leaders était justement de tout éclaircir, mis à part toutes leur autres obligations. li faut comprendre que les conséquences psychologiques de ces décisions ont du être énonnes, autant du côté de la population qui rejetait silencieusement ce genre de pratique, sans avoir trop de choix, que du côté des ottomans. Alors qu'on offrait justement une nouvelle identité à ces jeunes garçons venus de partout dans les Balkans, sauf des pays roumains47, certains parmi eux n'avait pas pu oublier leurs origines. D'ailleurs, il y a même eu des cas où les familles ont payé pour que leurs fils soient recrutés pour le dev~inne et ceci parce que les paysans très pauvres espéraient pouvoir offrir une meilleure vie à leurs enfants. Seul le service du sultan pouvait leur pennettre le dépassement de leur condition et l'accès à des classes supérieures. Par ailleurs, les paysans en question gardaient l'espoir qu'un jour leurs enfants retourneraient un jour dans les régions natalesen tant que vizirs et qu'ils se rappelleraient leur descendance. Ainsi ils allaient se montrer beaucoup plus indulgents surtout en ce qui Plus de détails à propos du fonctionnement du système de dev$irme peuvent être trouvés dans Sugar, PeterF. - Southeastem Europe under Ottoman Rule. 1354-1804,55-59. 46 47 Cette remarque deviendra plus claire une fois la lecture de la thèse est finie. Il s'agit du statut à part dont les principautés ont pu bénéficier pendant les années de pouvoir des ottomans dans les Balkans, c'est à dire celles d'états vassaux et non pas d'états occupés. 21 concerne les augmentations des taxes et les punitions. La Bosnie a été une des régions avec le plus de recrutements, environ 30 000 soldats bosniaques ont été incorporés dans l'armée ottomane, grâce au ~inne48. D'après Inalcik, «à, part les masses musulmanes non-turcophones, les musulmanes dans les Balkans étaient, en grande majorité, les descendants des turcs d'Anatolie». n précise qu'en Roumélie le processus ne dépassait pas 300 personnes par an49• Ce processus est resté cependant continu et, plus le temps passait plus les sultans devenaient strictesso• Parfois, envoyer les enfants volontairement à Istanbul (en espérant des avantages plus tard) a fonctionné et Peter Sugar a énuméré certains exemples tels que Ibrahim Pa~ d'origine grecque, Mehmed Sokollu d'origine serbe et plein d'autres d'origine bosniaque. Ces gens, une fois retournés dans leur provinces originelles ont pu soutenir leurs familles et leurs proches, au détriment des ottomans, victimes, après tout, de leurs propres inventions. Pourtant, Sugar souligne que même si parfois ces résultats ont été positifs, de manière globale ce système a été fortement destructeur pour la population, du point de vue moral, financier, ethnique, démographique etc. Cette forme était, par-dessus tout, la plus grande forme de conversion forcée et d'esclavage que l'empire ottoman ait jamais connu. 411 Franz Babinger - Mehmed the Congueror and His Time, 223. 49 Inalcik, Halil- Studies in Ottoman Social and Economic History, IL 89. 50 Le règne de Selim 1er a connu le plus grand nombre de musulmans. D'ailleurs à cette époque les musulmans représentaient la majorité de la population.. Dès lors jusqu'au XVIIe siècle les sultans sont devenus de plus en plus orthodoxes. Ce propos est bien soutenu par.Sugar, Peter F. - Southeastem Europe under Ottoman Rule. 1354-1804,65. La conversion forcée a même été pratfquée dans les pays roumains à partir du XVIIe siècle et la preuve en est la mise à mort de la famille Brâncoveanu, suite à leur refus d'adopter la foie islamique. Ce propos sera détaillé dans le deuxième chapitre de ma thèse. 22 Le dev~inne était un système adrecsée uniquement aux jeunes garçons. Les jeunes filles esclaves du palais grandissaient dans un esprit de beauté et d'élégance réellement inédit. La culture ottomane étant une culture de palais, les femmes qui occupaient la position de cadm, étaient éduquées, initiées à la broderie, à la couture, à la danse, à la chanson, aux instruments musicaux en généraiS). D'ici vient ce conflit entre ce qu'on éntend à propos des ottomans, surtout dans les régions européennes, c'est à dire qu'il s'agit de peuples qui ne sont pas civilisés. A ce propos, en 1624, un certain M. Beaudier, après avoir visité le palais du sultan a écrit que «l'ordre et la méthode avec laquelle ces jeunes sont entraînés est une preuve que les Turcs n'ont rien retenu du barbarisme que le nom». Le comportement des ottomans dans différentes régions occupées Ayant les pieds si fortement mis dans les Balkans, les Ottomans avaient presque obtenu le pouvoir désiré. La conquête des Balkans a commencé avec «Süleymân fils d"O~mân, P~, le petit- [qui s'est établi] en 1352 à Tzympe (Cinbi) comme allié de Jean Cantacuzène et y [a organisé] une tête de pont pour l'expansion dans les Balkans.[... ] Süleymân Pa~a établit le centre, la gauche et la droite, vieille coutume turque des marches». Comme nous avons pu le voir cette tradition de conquête a été continuée par Bâyazîd 1er, mais le véritable fondateur et guerrier que l'empire ottoman ait connu était Me6med il «le Conquérant». '1 Inalcik, Halil. The Ottoman Empire - The Classical Age 1300-1600,85. 23 L'occupation de la Serbie et de /a Bosnie Avec le passage du temps les méthodes de conquête des ottomans semblent être beaucoup plus dures. Le but de Mehmed II était de transformer la Mer Noire dans une «mer ottomane». En effet, détenir le monopole de cette zone aurait voulu dire que les Ottomans pouvaient contrôler tout le commerce se faisant de l'est à l'ouest et vice et versa, pouvant imposer n'importe quelle taxes il leur semblait correcte. Ceci aurait pu entraîner une crise économique très importante de la part des pays européens. A la volonté de Mehmed II, il Y avait l'opposition forte de Kilia et Akkerman, deux villes portuaires moldaves, donnant sur la Mer Noire (soumises en fin de compte en 148452 ). Ce qui était très intéressant est de remarquer comment Mehmed a mis de côté tout pouvoir ou toute personne qui s'opposait à lui, offrant l'avantage net à ses partisans. D'ailleurs, il a intégré l'aristocratie locale dans ses forces armées, faisant en sorte qu'ils deviennent les hommes du sultan. Il a éliminé de cette manière toute personne qui aurait pu faire alliance contre lui. Il s'agit d'alliances possibles avec les Vénitiens ou les Hongrois. Mais de quelle manière a Mehmed le Conquérant a-t-il établi et renforcé son pouvoir dans les Balkans? Quand Mehmed il est arrivé au pouvoir, une bonne partie des Balkans était déjà sous contrôle et donc il n'avait presque rien à craindre de ce côté. Les Valaques, qui jusque là étaient des adversaires véritables, n'avaient presque plus d'armée et donc les seuls S2 Inalcik, Halil - Studies in Ottoman Social and Economie History, II, 85. 24 ennemis desquels Mehmed Il devait se méfier étaient les Hongrois. Son rêve, comme je l'avais mentionné plus haut, était de pouvoir conquérir la Hongrie en entier ce qui lui donnerait une porte sur rEurope occidentale. Pourtant, avant d'en arriver là, il fallaÎt qu'il sunnonte quelques obstacles, quoique faciles. En effet, après la victoire totale et la prise de contrôle à Constantinople, le sultan a commencé une campagne orientée vers la Serbie et vers la province danubienne de la HongrieS3 , la Bosnie. En ce qui concerne la Serbie, c'était déjà une province indépendante et donc facile à conquérir. D'ailleurs, les alliés européens retiraient très souvent leurs promesses d'aide juste avant les attaques des ottomans, laissant les petits états alliées complètement démunis. Mis à part John Hunyadi, les Hongrois ont refusé de se battre. La Bataille de Belgrade s'est soldée avec énonnément de victimes dans les camps des ottomans, ce qui a poussé à la délivrance de cette ville. Malheureusement pour l'Europe en général, la seule personne qui pouvait s'opposer encore aux turques, John Hunyadi, était morte et il ne restait plus qu'un seul espoir, l'albanais George Castoriota. Ce dernier était également connu sous le nom de Skanderbeg. Grâce à son pouvoir de retenir les Ottomans, en 1457, il n'y avait plus que deux places qui obstruaient le passage des ottomans en Italie, la Bosnie et l'Albanie54 • Faisant appel à l'aide, seulement le pape a répondu à Skanderbeg en demandant en échange des possessions. Très souvent les petites principautés ont été piégées entre les deux puissances. Il s'agit de la création d'un doute ne sachant pas de quel côté s'aligner, vu qu'en fin de compte, même les attendus alliés demandaient la 53 Voir note 7. 54 Franz Babinger - Mehmed the Congueror and His Time, 151. 25 même chose que le Ottomans, c'est à dire des possessions territoriales. Je dirais qu'il fallait plutôt choisir vers quels pouvoir s'orienter pour se faire occu~S. Les Serbes, comme dans la majorité des peuples dont nous allons parler plus tard, ils ont choisi les Ottomans. Aux environs de 1459 toute la Serbie était sous la puissance des ottomans. Presque deux cents milles habitants chretiens ont été pris comme esclaves et déplacés dans les zones moins peuplées de l'empire ou envoyés dans l'armée. Le pays a été peuplé d'ottomans. Ils ont fait transférer leur propre bureaucratie et petit à petit le pays a complètement changé d'apparence. L 'occupation de la Grèce La Grèce est un autre territoire déjà occupé qui n'a pas fait parvenir le tribut aux ottomans, en 1457. MelÎmed les a conditionnés soit de payer la somme qui leur était imposée, soit de s'attendre à ce que leur terre soit occupée. Ainsi, la Grèce a été conquise petit à petit. D'abord le nord, où la population des petites villes a été envoyée vers Istanbul et vers d'autre villes ottomanes. La foi d'Altâh a été imposée aux Corinthiens suite au siège de leur ville. Cependant, ils ont réussi à passer des accords et les Ottomans qui ont fait, encore une fois, preuve de leur tolérance, ne laissant que quelques garnisons sur place. Quant aux habitants d'Athènes, Mehmed a choisi de montrer sa bienveillance. Cette attitude peut paraître complètement paradoxale de la part des pouvoirs tels que la Hongrie ou l'Italie, cependant c'est vrai. n serait normal qu'ils aident les petits états qui leur servent de tampons entre eux et les Ottomans, pourtant ils semblent plus désireux de posséder les territoires plutôt que de les protéger. Plus tard nous allons avoir le même genre d'exemples, cette fois-ci dans le cas des principautés roumaines. Très souvent les leaders roumains ont du faire jeu double entre les occidentaux d'un côté et les ottomans de l'autre. D'ailleurs certains princes ont même avisé leurs héritiers de faire plutôt confiance aux turcs qu'aux pouvoirs européens voisins (voir Etienne le Grand de Moldavie). 55 26 Afin qu'ils puissent protéger les richesses de leur ville, tes Athéniens ont du laisser les armées ottomanes entrer sans protester. Franz Babinger met l'accent sur cette attitude courtoise que les sultans ottomans avaient l'habitude d'afficher envers les population qui s'alignaient sans riposter: S6 MelÎmed a traité les Athéniens avec générosité et leur a retourné les meilleurs vœux qu'eux lui ont adressés. TI a confirmé les libertés qu'Omer Bey leur a déjà accordées. Une taxe per capita était prélevée, mais bien de familles avaient les positions nécessaires qui leur évitaient de payer les taxes et les services. La plupart des citoyens ont pu éviter le prélèvement des garçons pas les janissaires en payant de l'argent Vabbé du monastère de Kyriani sur le Mont Hymettus, qui avait offert les clés de la ville, a été complètement exempté de la taxe per capita et n'avait qu'à payer une pièce d'or par an, comme taxe d'hommage. La population avait le droit d'être représentée par une gerousia ou conseil des âgés (vecchiades) sous les contrôle du gouverneur turque. Les Athéniens montraient une certaine joie de voir la tombée de l'église latine et du contrôle de ses curés. Comme compensation pour leurs pertes de leur église, le clergé orthodoxe a rapidement obtenu des faveurs et des privilèges de la part du Conquérant; c'était un abbé grec qui lui avait donné les clés de la ville. Impatient de gagner les Athéniens, MelÎmed leur a accordé la tolérance complète vis à vis de leur religion [... ]57. 'ti Franz Babinger - Mehrned the Conqueror and His Time, 160. Ce genre de tolérance rendra la conclusion de ma thèse très difficile. Les Ottomans, aux yeux des roumains, étaient des païens qui cherchaient à imposer leur religion et leurs lois, cependant dans la plus part des provinces qui se sont rendues sans riposte les Ottomans se sont montrés tolérants. D'ailleurs le fait qu'ils épargnent les chrétiens, se montrant même fortement tolérants s'explique par le fait que les chrétiens étaient passibles de payer plus de taxes que les musulmans. Cependant, il est vrai qu'à certains moments les sultans devenaient de plus en plus strictes, imposant l'Islâm à leurs nouveaux sujets. Pour plus de détails à propos de cette évolution au niveau de la mentalité il serait utile de lire Sugar, Peter F. Southeastern Europe under Ottoman Rule. 1354-1804,63-72. 57 27 Comme nous pouvons le remarquer, les Ottomans n'accordaient pas les mêmes avantages à toute la population occupée par l'empire. Dans le cas des serbes ou des bosniaques, ils n'ont pas pu disposer du même tmitement de faveur dont pouvaient jouir les Athéniens. Mais certaines provinces dans les Balkans avaient des avantages encore plus évidents que les territoires occupés. Il s'agit des états qui ont pu signer des traités de vassalité avec l'empire. Mais pourquoi le statut de vassalité était préférable à celui de territoire occupé? Les relations des Ottomans avec les états vassaux Ces régions avaient le pouvoir gérer leurs propres affaires intérieures, sans que tes Ottomans puissent imposer leurs préférences et leurs choix. Ceci dit, les sultans gardaient le droit de véto en ce qui concernait l'élection du leader du pays. A part ce droit, des taxes annuelles et des taxes occasionnelles étaient imposées aux états vassaux et rien de plus. Les Ottomans n'avaient pas le droit de s'installer dans un territoire vassal, ils n'avaient pas le droit de se mélanger avec la population autochtone, ils n'avaient même pas le droit de tarder et quant à imposer leurs propres lois ceci était hors de question. La relation de l'empire ottoman avec Dubrovnik (Ragusa) Parmi ces états vassaux se comptaient, à part des petits territoires libres, quatre grandes provinces: Dubrovnik (Ragusa), la Moldavie, la Valaquie et la Transylvanie. Comme 28 nous l'avons bien constaté plus haut, même à l'intérieur des régions ayant la même relation avec l'empire ottoman, le traitement était, en réalité différent. Ainsi, Dubrovnik disposait, parmi les états vassaux, d'un traitement spécial et hautement meilleur de la part des ottomans et ce fait était du à plusieurs raisons. D'abord la position géographique: Dubrovnik, situé sur la côte Adriatique, pouvait profiter d'une véritable ouverture sur l'Italie et sur tout le reste de l'Europe occidentale, de même que sur les Balkans. La population ragousaine a pu jouir d'une liberté presque totale pendant toutes les années d'occupation ottomane dans les Balkans. Mis à part le tribut annuel et des taxes sur les importations, dues directement à la Grande Porte, Dubrovnik se trouvait complètement en dehors de la jurisprudence ottomane. De plus, les habitants d'origine latine et slave, avaient le droit de pratiquer leur négoce et de s'installer temporairement partout dans l'empire. «Pratiquement les routes de l'Europe orientale ne sont utilisées que par les Ottomans et leurs protégés; parfois l'on y voit passer quelque caravane vénitienne ou ragousaine58 ». Cette relation satisfaisait entièrement les deux parties et, par rapport aux autres principautés vassales, Dubrovnik n'a jamais essayé de rompre ses accords avec 59 l'empire ottoman depuis leur premier contact en 1392 • Malgré les nombreuses interventions de Skanderbeg et de Mathieu Corvin qui poussaient les habitants ragousains à interrompre leurs relations avec l'empire, pour ces derniers l'empire ottoman représentait dirai-je le garant de la liberté. Ainsi, Dubrovnik pouvait profiter des ses propres lois et de ses propres leaders. Si jamais la population se sentait menacée, il suffisait de faire appel au sultan et le problème était réglé aussitôt que possible. Même au S8 Mantran, Robert - Histoire de l'Empire Ottoman, Fayard, Lille, (1989) IV, 182. ~9 - Sugar, PeterF. - Southeastem Europe under Ottoman Rule. 1354-1804, 172. 29 cas d'une menace de la part des pirates, Istanbul était avisé et les troupes ottomanes débarquaient sur place60 • Les Turcs aussi avaient l'intérêt de garder de bonnes relations avec Dubrovnik car cette région représentait leur seule sortie vers l'Europe de l'ouest Grâce à cet allié détenant une position stratégique, ils pouvaient tàire passer énormément de produits dans tes Balkans et ceci qui permettait de garder une économie fleurissante. Mais évidement qu'avec la prospérité de la région venait la prospérité de certaines familles de commerçants qui avaient de plus en plus d'influence dans la région balkanique et notamment vis à vis du sultan. Grâce à ces familles de «magnats», comme nous les appellerions aujourd'hui, la position favorable de Dubrovnik restait la même à travers les temps. Les princes ragousains sont même parvenus à gagner tellement de respect et ils sont arrivés si haut sur l'échelle sociale, que les Ottomans leur ont accordé le titre de bey, titre qui n'a jamais été attribué à aucun des princes des autres territoires, c'est à dire des trois territoires roumains, remarque Peter Sugar61 • Le succès connu par cette région est du également au fait que les habitants, en majorité commerçants, étaient capables de communiquer avec tous les peuples de la région: Ils parlaient latin, italien et slavonne. La population était au début mixte, mais à mesure que le temps passait, les slaves devenaient majoritaires. Mais, comme dans le cas des pays roumains, les pe§lœ§ler ou baqi§ ou pot-de-vin étaient nécessaires. Parfois il fallait acheter la bienveillance de certaines personnes faisant partie de la couche ottomane d'influence. Cependant, les abus auxquels ont été confrontés les pays roumains, et qui 60 Ibid, 177. Ibid., 175. Maxim Mihai, dans son livre L'Empire Ottoman au Nord du Danube et l'Autonomie des Principautés Roumaines au XVIe siècle, ISIS, Istanbul, (1999) 12, contredit le professeur Sugar et cite un document dans lequel!'appellation bey ou beg était également adressée aux roumains. 61 30 seront évoqués en détails dans le deuxième chapitre, Dubrovnik ne les a jamais connues62 • Ainsi, les ragousains ont réussi à garder de bonnes relations autant avec les Ottomans qu'avec les autres clients européens et Peter Sugar met l'accent sur le mit que ces habitants étaient véritablement au-dessus de leurs temps. Ils ont compris et adopté certains principes de marché dont nous nous servons même aujourd'hui, tels que: les finances, les prêts, les crédits et les assurances63 • Mais en quoi ce traitement est-il si différent de celui des autres pays vassaux64? La relation des Ottomans avec la Valaquie et avec la Moldavie Tout d'abord il faudrait commencer avec l'époque où la Valaquie et la Moldavie ont été occupées. Là-dessus il semble déjà avoir un problème et surtout en ce qui concerne la Valaquie. Certains historiens semblent accepter le fait que 1394 ait été la date exacte de la soumission de la Valaquié5, c'est à dire pendant le règne le Mircea l'Ancien, d'autres Ce qu'il faut retenir est le fait que les pays roumains, quoique vassaux des ottomans, ont du tolérer que des princes grecs phanariotes soient nommés à la tête de leurs provinces. Ces règnes ne duraient que fort peu de temps, temps pendant lequel ces princes voulaient ramasser la plus grande fortune possible. Dubrovnik n'a jamais permis ce genre d'actions. D'autre côté les ragousains sont restés plus fidèles aux ottomans, n'essayant jamais d'ignorer les accords entre eux et la Grande Porte. 62 63 Sugar, Peter F. - Southeastem Europe under Ottoman Rule. 1354-1804, 182. Dans ce cas je me concentrerai seulement sur la Moldavie et la Valaquie. Comme je l'ai dis plus haut la Transylvanie fait parfois exception à la règle, car elle passait de I;iilfluence ottomane à celle hongroise. 64 65 Beldiceanu, Nicoara - Le Monde Ottoman dans les Balkans 0402-1566) - Institutions. société. économie, Variorum Reprints, Londres, (1976) 70. Beldiceanu cite Babinger là-dessus et accepte cette date comme marquant le début de la suzeraineté ottomane. 31 choisissent plutôt l'année 141f6. Dans cette thèse j'accepterai 1394 comme date de début de la vassalité de la Valaquie. En ce qui concerne la Moldavie tous tes historiens semblent être d'accord pour l'année 1455. Mihnea Berindei argumente que la signature des traités de vassalité ait été faite dans les années mentionnées plus haut. mais que «la période 1538-1541, voire 1559, [ait été] celle de l'installation effective de la domination Ce traité de vassalité consistait dans le fait que les pays roumains étaient tenus de payer un tribut significatif à l'empire ottoman. Le problème avec cette décision est que le tribut n'est pas resté le même. A mesure que temps passait, les pays roumains avaient l'obligation de payer de plus en plus d'argent. selon les besoins du moment. fis ont ainsi acquis une place plus importante dans l'économie impérialé8• Contrairement à Dubrovnik, où nous avons mentionné que grâce à leurs familles riches et bien placées, les abus n'étaient pas trop fréquents, dans les pays roumains ceci est devenu presque une mode. Pendant la crise monétaire du XVIe siècle de l'empire ottoman, la dévalorisation de la monnaie a été finalement ressentie. Mais ceci n'a fait qu'obliger les sultans à en exiger plus de la part des vassaux. Après la Deuxième Guerre Mondiale l'historiographie a souligné que la suzeraineté ottomane a joué un rôle vital dans la continuation de la «féodalité» dans les territoires Berinde~ Mihnea - L'Empire Ottoman et le Pays Roumains 1544-1545, Histoire de l'Empire Ottoman, Fayard, Paris, (1987) 47. Cette date est correcte aussi car nous allons voir que cette année-Ià a eu lieu l'installation définitive de la suzeraineté ottomane en Valaquie. 66 67lbid 68 Ibid., 50. 32 roumains. V «exploitation» ottomane de la population de la Valaquie et de la Moldavie, est-il dit, a été faite de deux manières: d'abord en les obligeant à payer le tribut par les voiévodes et ensuite en mettant en place un système monopolistique destructeur sur l'économie. a été calculé que seulement pendant la période 1538-1600, le sultan a extrait des principautés roumaines 13-1-5 millions de pièces d'or. La dépendance économique et l' «exploitation», est-il dit, ont été réalisées dans leur forme visibles grâce à l'obligation d'approvisionner le gigantesque marché d'Istanbul et le palais ottoman et l'armée avec de la viande, 69 du blé, du sel , des graisses, des chevaux, des bovins à des prix fixés Par la Porte. [... ] L'historiographie roumaine met l'accent sur le caractère exploitant d'un tel système d'échange, comme part du despotisme ottoman. Mais nous ajouterons immédiatement que, basé sur l'évidence offerte Par les archives ottomanes, à l'époque où le capitalisme occidental n'a pas encore pénétré ces régions, d'immenses capitaux ont été pompés dans les pays roumains, grâce à la demande croissante de nourriture et de matière première 70 pour le centre ottoman • n Le tribut pouvait parfois augmenter tellement fort que la somme due doublait'l. Et à chaque nouvelJe occasion, les Ottomans n'hésitaient pas de J'augmenter à nouveau. Par exemple, la fin de la guerre d'Iran en 1590 a représenté une très bonne excuse. L'empire ottoman a réellement perdu beaucoup d'argent au long de cette campagne guerrière et ceci s'est soldé avec un résultat plutôt effrayant pour les pays roumains. En Valaquie, le tribut est passé de 59322 ducats en 1585-1586 à 84 745 en 1591-1592 et en Moldavie, de 69 Le sel était également connu comme étant "l'or blanc" des Balkans. Maxim, Mibai - L'Empire Ottoman au Nord du Danube et l'Autonomie des Principautés Roumaines au XVIe siècle, 231. 70 lnalcik, Halil - From Empire to ReJ?ublic, TIte Isis Press, Istanbul, (1995) 35-36. Je voudrais mentionner que lnalcik n'a donné aucun exemple clair en ce qui concerne les capitaux entrés dans les territoires roumains à cette époque-là. J'aimerais également reprendre les mots de ce dernier et expliquer que si le prix de vente était fixé à l'avance par la Porte, les paysansne pouvant faire par conséquent aucun profit. 71 Beldiceanu, Nicoara - Le Monde Ottoman dans les Balkans (1402-1566) - Institutions. société. économie, 78. L'exemple donné est celui de l'année 1574 quand l'envoyé turc a demandé que le tribut soit de 120000 pièces au lieu de 60000. 33 33389 à 59576 pendant la même période. (La Valaquie a toujours du payer un tn"but plus grand que la Moldavie72.) Afin de pouvoir bien comprendre ce que ces sommes signifiaient, une comparaison avec la grande mosquée Süleymâniye serait relevante. Cette mosquée est beaucoup plus grande que la Sainte Sophie d~IstanbuI et son coût entier a été de 890380 ducats73 • De plus, les conflits continuels avec les Habsbourgs ont eu leur influence aussi. Entre 1540 et 1568 le sultan devait avoir de tout à sa dispositio~ pour qu~i1 puisse permettre de continuer la lutte vers l'ouest européen. Ces besoins étaient bien évidement adressés aux Roumains qui occupaient une position stratégique entre l'empire ottoman et les territoires de la maison d'Habsbourg. C'est ainsi que nous pouvons nous rendre compte de l'importance très grande que les territoires roumains avaient eu pour l'économie ottomane. Ces derniers sont devenus indispensables à la prospérité et au bon fonctionnement de I~empire. Ce désir du sultan de posséder les territoires roumains est allé si loin qu'un décret de 1545 souligne: Le pays de Valaquie est mon état au même titre que mes autres états et ses sujets sont mes serviteurs tributaires. Maxim, Mihai - L'Empire Ottoman au Nord du Danube et \' Autonomie des Principautés Roumaines au XVIe siècle. 124-125. 72 73 Ibid., 126. 34 Ainsi se manifestait la relation s:.:zemin-vassal pour le sultan Mehmed II en ce qui concerne la Valaquie et la Moldavie74 • A son arrivée Süleymân n'a rien voulu changer au décret passé antérieurement par Mehmed II75. Les Roumains disposaient de certains avantages offerts par les traités de vassalité. avantages que les pays occupés n'auraient pas pu avoir. Le 15 avril 1577, des décrets signés par le sultan interdisaient à tout musulman de retarder sur le territoire roumain, plus qu'il ne devait. fi s'agissait de rester-là juste pour finir ce pourquoi il a été envoyé et de n'avoir aucune relation avec les «infidèles, pour ne pas altérer la pureté musulmane», comme l'explique Mihai Maxim dans son livre L'Empire Ottoman au Nord du Danube et l'Autonomie des Principautés Roumaines. Se marier ou s'établir dans n'importe lequel des territoire roumains, était, bien évidement hors de pensée: Et que personne de mes grands VIZIrs, ni parmi les beylerbeys, ni panni les serviteurs de ma Porte de Félicité ou d'autres catégories, ne touche jamais et d'aucune façon ni au vilayet d'Eflâk76, ni à ses beys77, ni à ses logothètes, ni à ses bayars, ni à ses knezes, ni à ses reaya, ni à ses fils et à ses filles, ni à ... ses marchandises et à ses biens78. 74 Berindei, Mihnea - L'Empire Ottoman et le Pays Roumains 1544-1545, 54. 75 Ibid, 81. 76 Dénomination turque de la Valaquie. Plus haut, en parlant des beys ragousains, je me suis servie d'un propos de Peter Sugar qui affirmait que les Roumains n'ont jamais pu atteindre Je degré de respect dont pouvaient jouir les ragousains, et qu'ils n'ont jamais eu Je titre de beys. Cette citation en prouve le contraire, cependant je ne dispose pas du document original pour pouvoir en juger. 77 Maxim, Mihai - L'Empire Ottoman au Nord du Danube et l'Autonomie des Principautés Roumaines au XVIe siècle, 12. 78 35 Ce genre de décrets a pennis au rownains, après avoir payé le tribut de garder le contrôle plus ou moins sur les affaires intérieures de leurs pays. Je dis plus ou moins car les sultans avaient toujours le pouvoir d'influencer l'élection de la partie au pouvoir. Le résultat du système économique et politique imposé aux rownains s'est soldé avec l'affaiblissement de la classe noble et le remplacement au pouvoir avec les bourgeois79• Un autre avantage dont pouvaient jouir les territoires roumains, comme Dubrovnik le faisait aussi, était la protection assurée des territoires. Grâce aux traités de vassalité personne n'avait le droit de violer les frontières des pays roumains. sinon une intervention des ottomans venait en réponse. La Valaquie, depuis le temps d'autrefois et jusqu'à ce jour, est enregistrée séparément à la Chancellerie (Kalem) et il est interdit de la fouler aux pieds. Elle a le droit à la liberté à tous les égards et ses sujets et ses habitants ont le droit d'être en paix et heureux, de posséder leurs propriétés et leurs terres et d'en jouir; de même que personne d'autre pays ne viole les frontières de la Valaquieso et de l'Olténie81 • Ainsi, les territoires roumains ont obtenu un statut spécial à l'intérieur de l'empire. Comme je l'avais mentionné plus haut Dar-uf-/sfâm représentait les territoires occupés. Memâlik-/ Mahrüse-/, en d'autres mots «pays bien gardés» était la position des principautés roumaines. Plus tard, à cause de nombreux mécontentements de la 79 Ce fait tournera dans la défaveur des ottomans et nous allons voir ceci lors de l'anivée au pouvoir de Michelle Brave. Maxim, Mihai - L'Empire Ottoman au Nord du Danube et l'Autonomie des Principautés Roumaines au XVIe siècle, 13. 80 81 Tenitoire du sud-ouest roumain. 36 population roumaine et des coups surprise que les leaders roumains réservaient aux sultans, leurs territoires respectifs sont devenus Dar-ul-Harh, c'est à dire, maison de guerre. La position de territoire bien gardé permettait aux rownains de garder leur foie orthodoxe et aucune loi islamique n'était imposée. De même, il y avait une interdiction stricte de la construction des mosquées autant en Moldavie qu'en Valaquie. Le prince gardait son autorité dans la région. L'autre avantage était que les Roumains n'avaient pas l'obligation de faire partie du système de dev$inne et donc les garçons roumains n'ont pas été arrachés à leurs familles pour être envoyés et élevés à Istanbul. Par contre, sous le règne de Murâd nI, la position favorable des roumains a commencé à se détériorer pour finir en devenant Dar-ul-Harh. A cause de ce manque de confiance que les Roumains ont crée vis à vis des sultans, les Ottomans ont surpassé les décrets passés avec leurs ancêtres et l'arrivée de Phanariotes marquera la fin de la vassalité de la Moldavie et de la Valaquie et le début de l'occupation de ces territoires, quoique pas entièrement officielle. Mais comment les relations turco-roumaines ont-elJes été perçues au nord du Danube? 37 Chapitre 2 LES CINO CENTS ANS DE VASSALITE DES PAYS ROUMAINS Comme je le disais dans un paragraphe antérieur, pareil que dans les autres provinces européennes, les cinq cents ans d'occupation ottomane dans les principautés roumaines ont certainement laissé de fortes traces. C'est dans ce passé de luttes anti-ottomanes que les Roumains cherchent les bases de leur nationalisme. Le meilleur exemple pour illustrer le nationalisme et les relations ottomano-roumaines, telles que vues due l'autre côté du Danube, est le poème La Troisième Lettre, chef d'œuvre de l'auteur roumain Mihai Eminescu. Dans son poème, Eminescu a passé en revue quatre siècles d'occupation ottomane, en évoquant par ce moyen les vertus des voïévodes82 régnant en Moldavie et en Valaquie83 , le pouvoir de leur foi chrétienne84 et leur amour vis-à-vis du territoire qu'ils défendaient. Il a décrit un épisode très important de l'histoire Renault, Elias - Histoire Politigue et Sociale des Principautés Danubiennes, Paulin et Chenalier, Paris. (1855), 7. L'auteur explique que les mots voïévode et hospodar sont des mots slaves donnés au chef du gouvernement et respectivement au seigneur. Pourtant les Roumains choisissent souvent d'utiliser des mots tels que domlnJ (domitms) pour dénommer leur prince et domnie pour la principauté. 82 Ibid., 5-6. Renault explique que la Valaquie est un nom latin désignant les populations latines ou italiennes (Wlah). habitants de ce territoire qu'ils appellent la Roumanie. Eux-mêmes se disent roumains. En effet, dans les livres d'histoire roumaine la dénomination utilisée est celle de Pays Roumain (Tara Romaneasca). qui veut égaIement dire le compté roumai1L Dans cette présentation je garderai la notion de Va/aqllie, vu qu'elle est acceptée par un certain nombre d'historiens roumains tels que Serban P. Papacostea, Gemil Tahsin, Petre P. Panaitescu etc. Les populations des autres deux principautés roumaines, la Moldavie et la Transylvanie s'appelaient aussi roumains et parlaient la même langue que les Roumains de Valaquie (bien évidement avec des touches dialectiques ou certains mots régionaux). 83 S4 En parlant de foi chrétienne, je fais référence à la religion orthodoxe, plutôt qu'aux autres religions chrétiennes qu'on puisse trouver dans les principautés à l'époque évoquée. 38 roumaine, la bataille de Rovine de 1395, pendant laquelle a eu lieu la confrontation entre 86 le sultan ottoman Bâyazîd 1er ytldtnm8S et le voiévode roumain, Mircea r Ancien. Après avoir mentionné ce conflit, qui s~ est bien évidement soldé avec une parfaite victoire des roumains87~ le poète est passé à traversJes siècJes en évoquant de manière sous-entendue r année 1600 et la première union des principautés, faite sous le règne de Michel le Brave, pour arriver en fin de compte aux années 1711 et respectivement 1716, l'époque des règnes phanariotes88• Pour finir, l'auteur est retourné de nouveau au passé, cette fois en 1456, demandant de l'aide à Vlad Tepes, (connu aussi sous le nom de Dracula89 ) pour qu'il vienne remettre de l'ordre dans le pays90. L~affirmation de Kohn à propos du nationalisme tardif l s'applique parfaitement aux principautés roumaines et pour prouver sa validité je me servirai du poème d'Eminescu 85 Ytldmm est le surnom donné à Bâyazid, qui veut dire l'Eclair. 86 J'ai choisi de garder cette forme du mot vu qu'elle est francisée, et donc plus facile â manipuler dans le contexte. Le lecteur ne devrait pas oublier qu'il s'agit des propos faits par un des champions du nationalisme roumain. 87 Le sultan, ayant perdu confiance dans les Roumains, a décidé de les remplacer au pouvoir par des Grecs venus du cartier Fanar ou Phanar de Constantinople. 18 89 Vlad Tepes (1456-1462) était le fils du voïévode Vlad Dracul (Vlad le Diable) connu pour sa cruauté. Ce trait a été hérité par son fils, dont les comptes liés à sa manière d'agir l'ont transformé en légende. Pour Eminescu, Vlad représentait l'image du pur héros national, alors que Petre P. Panaitescu, argumente qu'il était plutôt un tyran, dont la cruauté excédait toute limite imaginable. Voir Panaitescu, Petre P. - Istoria Romanilor, Editura Didaetica si Pedagogica, BucurestL (1990), 113 "Certains auteurs, panni lesquels notre grand poète Eminescu, ont vu dans l'apparence de Vlad Tepes une personne qui rend justice, un voïévode qui a été cruel seulement pour éliminer le vol et le manque de justesse qui régnaient dans le pays. [... ] Son mérite est juste d'avoir défendu le pays contre Mahomed II". A l'époque d'Eminescu, le chaos régnait en Roumanie. La corruption, l'arrivisme, les mauvais choix politiques entouraient le poète de partout. 90 91 Voir note 4. 39 comme ligne directrice92 • Je me concentrerai sur les règnes les plus remarquables, de l'histoire des principautés en ayant comme point de départ l'année 1386, le début du règne de Mircea l'Ancien et allantjusqu~en 1861~ l'année définitive de l'union des trois principautés93 • Avant de passer en revue les règnes, je commencerai par expliquer que les trois principautés ont joué, pendant toutes les années évoquées, le rôle d'état tampon dans le passage des années ottomanes vers l'Europe. La lutte menée par les peuples roumains ne se résumait pas seulement à garder leur indépendance par rapport à l'empire ottoman, mais également par rapport aux puissances expansionnistes européennes telles que la Hongrie ou la Pologne. Il n'est pas rare de voir au long de l'histoire qu'on essayait d'imposer la religion catholique en défaveur de l'orthodoxie, en créant de cette façon des moyens pour pouvoir dominer. Ainsi, les leaders roumains ont du balancer leurs amitiés 94 quand du côté de la Grande Porte, quand du côté des états de rOuest • Il faut également mentionner que l'empire ottoman a compris deux grandes périodes, celle de l'ascension 95 de 1300 à 1566, (l'Age d'Or), allant jusqu'au règne de Süleymân le Magnifique 92 , et la Il faut comprendre qu'Eminescu suit l'histoire de manière presque chronologique. Eminescu se limite seulement à des personnalités de la Valaquie. Pour le but de cette recherche, je vais aussi me servir de faits pertinents des autres deux principautés, la Moldavie et la Transylvanie. 93 Tahsin, Gemil - Romanii si Otomanii in Secolele XIY-XVI, Editura Academiei Romane, Bucuresti, (1991), 48 "à cause de leur position géopolitique, de petits états, entourés en permanence de grandes . puissances agressives, les principautés roumaines ont été obligées de veiller sans arrêt sur l'évolution de rapports de forces des deux tendances expansionnistes de leur zone de contact. Sur cette base, elles ont adopté la tactique adéquate selon les situations apparues à des moments donnés, ayant comme but la défense et l'affirmation de leurs propres intérêts". A la page 23 du même livre, il explique que les deux tendances expansionnistes sont d'un côté celle "turco-islamique" et d'autre côté celle "bongroisocatholique". 94 9~ Mic Dictionar Enciclopedic De la A la Z, Editura enciclopedica romana, Bucuresti (1972) 1- "Süleymân le Magnifique, né en 1494, mort en 1566. Il a été sultan à partir de 1520. n a fait la réfonne de la législation de l'année, des finances et il a reorganisé le système des bmars, afin de consolider l'autorité centrale de l'empire. n a étendu considérablement le frontières de l'empire, conquêrant Belgrade, l'île Rodos, le centre de la Hongrie, une partie des territoires perses et le lemen. Luttant contre Radu de Afumati [en Valquie] et contre Pierre Rares de Moldavie, il a renforcé la domination ottomane dans les 40 période de déclin de 1566 à 178996• Ces dates ont une importance majeure, vu que les principautés ont été directement affectées par la situation politique de l'empire ottoman. D'autres aspects des principautés sm lesquels je m'arrêterai ont été, d'une part le début et l'évolution de la littérature écrite et d'autre rimportance de l'église orthodoxe et l'aide envoyée par l'église catholique affin de gagner la lutte contre l'occupant ottoman. Ces derniers aspects ont un apport considérable dans la création du sentiment «roumain», et jouent également le rôle très important d'unificateur. Les règnes les plus rel1Ulrquables dans l'histoire rollma/ne dJl XIVe /lU XVIIe siècle Mircea / 'Ancien 1386- J4 J~7 Pendant les années d'école primaire, tout roumain doit apprendre par cœur certains épisodes de l'histoire, tels que celui décrit dans la Troisième Lettr/8 par Mihai Eminescu. Cet épisode mentionne les faits héroïques du peuple de Mircea. Sous le principautés roumaines. n a encouragé les arts et les sciences. Pendant son règne, l'empire ottoman a connu l'apogée de son pouvoir militaire." Les règnes roumains les plus significatifs ont été compris entre 1386 et 1600 lors de l'Union des principautés. Pendant la période de déclin, les Ottomans ont envoyé les voïévodes phanariotes qui se sont montrés parfois utiles parfois détrimentaires. 96 Mic Dictionar Enciclopedic - "Mircea l'Ancien, homme politique et commandant des armées, prince de Valaquie (1386-1418). Preoccupé par le developpement economique du pays ayant en we la lutte contre l'empire ottoman, il a renforcé les châteauforts sur le bord du Danube. n a étendu son pouvoir sur le Dobrogea en 1388-1389, a conquis à Rovine le 10 octobre 1394 la puissante armée ottomane dirigée par Bâyazîd Ytldmm. Après avoir participé à la bataille de Nicopole, en 1396, il a repoussé une nouvelle campagne ottomane en 1397. A partir de 1415, il a accepté de payer un tribut aux turques, obtenant en échange la non-implication de ces derniers dans les affaires de l'état. n a fait construire le monsatère Cozia et Bradet." 97 41 commandement de ce dernier, les Roumains ont réussi à arrêter une nouvelle fois l'avancée des ottomans vers le nord du Danube. En effet, dès le début de son règne, le voIévode de la Valaquie s'est opposé à la puissance expansionniste des ottomans. allé aussi loin jusqu'à expulser ~Alî n était p . des territoires occupés sur les bords du Danube99 en 1388. Pour Mircea, le fait qu'il puisse avoir accès au Danube et y inclus à la Mer Noire loo était très important. L'éloignement par rapport à ces deux aurait pu être catastrophique, vu que c'est par-là qu'arrivaient les croisés. Ceci représentait le meilleur moyen pour que Mircea puisse recevoir de l'aide extérieure dans ses batailles contre les armées ottomanes. Tel que décrit par Eminescu, Mircea était «un vieil homme fort simple en ses mots, en son port» venant rencontrer le «fougueux Bâyazîd», le «sultan parmi ceux qui règnent sur les races». Dans tout le poème ce même ton a été gardé, montrant la supériorité inconditionnée du sultan. Pourtant, le ton de Mircea a changé au moment où il a confronté Bâyazîd, lui disant: Oui, sur un vieillard, Empereur, parce que le vieillard que voici N'est pas un commun des mortels, il est le roi du Pays des Roumains. Je ne souhaite pas que tu arrives à nous connaître Ni que le Danube coule tes armées en écume 101. 98 Eminescu, Mihai -Scriosoareall/, Poezii, Junimea, Bucuresti, (1974), 122-130. Ce conflit a attiré la rage du sultan ottoman et c'est la raison pour laquelle Bâyazid est allé faire ta guerre à Mircea l'Ancien. 99 \00 Il s'agit plus exactement du Dobrogea ou Dobrugea, territoire limitrophe."' 101 J'ai choisi de traduire moi-même La Troisième Lettre. Voir Traduction III. 42 Ces mots valent entièrement la réussite que te voIévode a camu contre le sultan, pourtant, il ne faut pas ignorer le ton, un peu exagéré, utilisé par Eminescu pour des fins poétiques et nationalistes. De même, en lisant le poème attentivement, nous pouvons même remarquer des fautes chronologiques. Le sultan ayant voulu prouver à Mircea qu'il ne représentait qu'un obstacle insignifiant, lui a évoqué !e succès de la bataille de Nicopolis. En effet, cette bataille n'a lieu qu'un an après celle de Rovine et Mircea s'est vu vaincu sur le front, à côté du roi Sigismond de la Hongrie. Pourtant, Mircea était un des premiers roumains à avoir laissé connaître l'attachement de ses compatriotes à leurs terres et à leur indépendance. Son orgueil, tel que le souligne Petre P. Panaitescu, était comparable à ses vertus. Mircea était comu pour sa manière de se présenter: Moi, Mircea, grand voïévode et domn, par la pitié de Dieu et avec sa bienveillance régnant et sur tout le pays de 1'Ungro-Valaquie.... lm Mircea était le premier roumain à avoir été déçu par ses VOISInS chrétiens. Par conséquent, c'est lui qui a signé le premier traité de capitulation l03 avec les Ottomans en 1392 104 • Ce traité a permis à la Valaquie de garder une relation de vassalité et de tenir le sultan loin des problèmes intérieurs du payslO5. 102 Panaitescu, Petre P. - Istoria Romanilor, 89. J03 n faut comprendre qu'au long de l'histoire les Ottomans ont fait preuve de beaucoup plus de sérieux, dans les relations de suzeraineté ou d'alliance, que les autres peuples puissants. 104 Re~ult, Elias - Histoire Politique et Sociale des Principautés Danubiennes, 34. L'auteur a mentionné ce traité en énumérant ses conditions et a expliqué que ceci représentait le point de départ de l'histoire moderne. 43 Mircea ne s'est pas résumé à défendre uniquement son propre territoire: il a même essayé de manipuler l'arrivé au trône de rempire de Miisâ, un des fils de Bâyazid 1er, lors de la mort de son pèrel06. Même si dans la vue historique rownaine, ces épisodes d'entente profonde avec certains leaders de rempire ottoman sont souvent ignorés, l'histoire universelle en prouve le contraire107• Mais Mircea n'a pas été le seul voïévode roumain qui s'est affinné dans la lutte anti-ottomane et qui a fini par signer un traité de vassalité avec les Ottomans. 10~ Ibid. Le traité soulignait le fait que le sultan recevait un tribut, ayant r obligeance de défendre ce pays, sans avoir cependant d'autres attentes, que l'administration serait aux mains des roumains, et qu'aucun turc n'aurait la permission d'aller en Valaquie sans avoir une forte raison, que le voïévode serait élu par les Roumains et qu'en fin, aucune mosquée ne serait construite sur le territoire valaque. permettant ainsi aux habitants la continuation de la pratique de leurs propres lois et habitudes. 106 Berindei, Mihnea - L'Empire Ottoman et le Pays Roumains 1544-1545, 52. L'auteur mentionne les jeux politiques que Mircea faisait, essayant d'avoir le plus d'atouts à son avantage. 107 Ibid, 61. Dans ce même livre, il est précisé que Mircea a même donné la main d'une de ses filles à Müsâ. 44 La Moldavie de Etienne1os/e Grand 1er (/457-1504/fJ9 La Pologne a longtemps voulu être souveraine de la Moldavie et à quelques moments de l'histoire elle y a même réussi. En arrivant au trône de la Moldavie, Etienne ne s'est pas servi de la leçon de ses confrères valaques. Il s'agissait du fait que les deux puissances voisines, les Hongrois et les Polonais n'arrivaient jamais à temps pour les aider dans leurs luttes ou bien hésitaient de les aider. Ce qui est remarquable est qu'Etienne ait utilisé presque les même stratégies que Mircea fi a attaqué en t473 la Valaquie, en essayant de faire en sorte qu'elle mène la lutte de son côté. A cette époque, la Valaquie se trouvait sous le règne de Radu le Beau, qui avait gagné le mécontentement de son peuple, car il voulait mettre sous contrôle ottoman une des forteresses les plus importantes, Chilia 11O • Ces épisodes sont très importants car les peuples roumains mènent pour la première fois 108 Mic DiClionar Enciclopedic - "Etienne le Grand, Prince de Moldavie (1457-1504). Un des plus grands leaders militaires de l'histoire des principautés roumaines (la Moldavie et la Valaquie). TI a renforcé l'armée et le système de châteauforts de la Moldavie. Preoccupé par le developpement economique du pays, il a favorisé le developpement des artisanats et des villes et il appuyé la culture. Il a longtemps lutté pour défendre l'indépendance de la Moldavie devant le turques, obtenant la remarquable victoire de Vaslu~ le 10 janvier 1475. Il a été battu à la Valée Blanche en 1476, pourtant les armées ottomanes ont été obligées de se retirer, sans disposer d'une victoire décisive. Pendant son règne la culture et surtout l'architecture ont fleuri." 109 Comme je viens de l'énoncer plus haut, Eminescu ne se sert que d'exemples de voïévodes de la Valaquie. Pour le but de cette recherche, je considère qu'Etienne le Grand 1er est une des personnalités historiques les plus remarquables de l'histoire roumaine. D'ailleurs le poète roumain Dimitrie Bolintineanu a écrit un poème aussi connu que la Troisième Lettre, intitulé La Mère d'Etienne le Grand. On attribue au voïévode autant qu'à la mère de celui-ci des mérites de vrais patriotes. Les vertus évoquées quant à la mère pourraient faire partie uniquement de la mythologie roumaine. n est dit qu'elle a refusé d'ouvrir la porte de la forteresse de Neamt ou Nearnzo lorsque Etienne est retourné de la guerre contre les Ottomans, lui disant : "je prends le ciel à témoin que ces portes De se rouvriront devant mon fils que lorsqu'il reviendra vainqueur des turcs". Voir Renault, Elias - Histoire Politique et Sociale des Principautés Danubiennes, 36. HO Cette forteresse permet l'accès à la Mer Noire. Chilia est Akkerman ont appartenu la plupart du temps à la Moldavie. C'est ce fait qui a permis que le commerce soit fleurissant et que la Moldavie puisse parvenir constamment à ses besoins. La richesse de ce territoire a donné envie aux rois de la Pologne de l'annexer à leur royaume. 45 des batailles ayant des buts communs. Ainsi, les bases pour Wl sentiment uni sont mises dès ces temps-ci. Ce qui reste remarquable dans l'histoire à propos de la vie d'Etienne le Grand, est qu'il ait porté des batailles contres les Ottomans pendant toute sa viel Il. La plus importante est celle de La Vallée Blanche ou Razboieni l12. Alors que son armée n'était que de 10000 hommes, il a pourtant réussi à vaincre l'année ottomane qui était sept fois plus grande. n est intéressant de comprendre que la victoire de cette bataille est due au fait que le voïévode ait su utiliser la nature de son territoire envers son avantage. Etienne et son armée se sont retirés dans une forêt où ils ont construit des refuges de tronc d'arbres et c'est ainsi qu'ils ont pu attaquer les armées ottomanes sans être aperçus. La raison pour laquelle j'évoque cet épisode, est pour revenir de nouveau aux paroles qu'Eminescu ait attribué à Mircea l'Ancien, lors de son dialogue avec Bâyazid 1er. Dans une des citations énoncées plus haut, le Danube semblait mener la bataille avec Mircea. En d'autres mots, même la nature des principautés luttait contre les Ottomans. n avait continué son discours en disant: Moi, je défends ma pauvreté, mes besoins et mon peuple... Et c'est pour cela que tout ce qui bouge dans ce pays, les fleuves et les arbres Sont amis justes avec moi, avec toi, des ennemis... 113 11I Dans Istoria Romanilor, 117, Panaitescu affirme: "Le pays était riche, les marchands italiens, polonais et annéniens, qui passaient par la Moldavie de la Mer Noire vers Lemberg, amenant de l'orient des épices, des tapis des métaux et des pierres précieuses et de l'Ouest des habits et des armes, laissaient beaucoup d'argent aux douaniers du voïévode. C'est ainsi que s'explique comment Etienne a-t-il eu les moyens naturels pour lutter sans arrêt durant son long règne". tI2 C'est la lutte à laquel1e je faisais al1usion dans la note 103. lB Traduction, IV. 46 Cette affinnation est entièrement applicable même au règne d'Etienne le Grand, w que dans le cas de Chilia, il gYest servi de l'aide des habitants pour l'occuper. Lors de la bataille de Razboieni, cYest gnice à la œture quYil ait pu vaincre. Vamour pour le territoire aide au développement du sentiment d'appartenance et plus tard au nationalisme. Mircea disait à Bâyazid : On n'a pas d'armées, mais l'amour pour la terre est un mur Qui n'a pas peur de ta renommée Bayazid! 114 Revenant vers la fin du règne d'Etienne, il a prédit qu'une capitulation ou plutôt une alliance serait nécessaire et il a conseillé son fils Bogdan de signer, s'il le faut, la capitulation avec les Ottomans plutôt qu'avec les voisins catholiques de la région lIS. Ce traité a été signé en 1513, entre Bogdan ll6 et Bâyazid II, et comme dans le cas de la Valaquie voisine, les Ottomans se sont engagés à «conserver les droits nationaux)) 117. Ainsi, suivant l'évolution politique de la région, Etienne «a réussi pourtant à assurer en Moldavie le statut le plus favorable possible, vis-à-vis de la Porte Ottomane I18». Alors 114 Traduction, IV. II~ Sugar, Peter f. - Southeastem Europe under Ottoman Rule 1354-1804, 116. 116 Renault Elias explique dans Histoire Politique et Sociale de Principautés Danubiennes. 6, que le tenne accordée à la Valaquie est celui de IjIak et à la Moldavie Cara Ij1ak (La Valaquie Noire) ou Bogdania, d'après le traité signé par le fils d'Etienne le Grand 1er. ll7 Ibid, 36. fi souligne le fait que "la Moldavie et la Valaquie ne sont pas devenues des terres musulmanes; car il n'y a ni pachaliks ni mosquées: un turc même, selon les traités n'y peut entrer sans permission, tant on y maintient avec un respect jaloux la liberté du territoire...". 118 Papacostea, Serban - «Politica extema a Moldovei in vremea lui Stefan cel Mare: Puncte de reper», Revista de Jstorie, J, Romania (1975) 26. 47 que qualifié de héros national, il ne faudrait pas ignorer la cruauté dont Etienne a fait preuve pendant son règne, vis-à-vis de ses ennemis tl9, cruauté qu'on remarque également du côté de son contemporain de la Valaquie, Vlad Tepes. Vlad Tepes (1456 à 1462 et 1476) Aujourd'hui légende et cause de tous les films contemporains de vampires120, Vlad s'est fait remarquer non seulement pour sa cruauté, mais également pour avoir continué en Valaquie la lutte contre les Ottomans. Comme Etienne le Grand en Moldavie, il a commencé par refuser de payer le tribut aux ottomans, ce qui lui a certainement amené des ennuis. Son règne a connu deux périodes, la première de 1456 à 1462 et ensuite 1476. Vlad a également essayé de mener la lutte anti-ottomane avec l'aide des Hongrois et notamment avec celle de Mathieu Corvin. Malheureusement, ce dernier n'a pas tenu ses promesses. Après l'intervention de Vidin, où Hamza p~ a trouvé sa mort, MalÎomed II a fait une expédition en Valaquie pour essayer de remplacer Vlad par son 119 Renault Elias raconte dans Histoire PolitiQue et Sociale des Principautés Danubiennes, 47, que "Etienne le grand, hospodar de Moldavie, prend dans une bataille Carsick, fils du Khan des tatares. Des envoyés de celui-ci viennent réclamer le prisonnier. Pour toute réponse, il fait, en leur présence trancher la tête de Carsick ; puis saisissant les envoyés eux-mêmes, les fait tous empaler, à J'exception d'un seul, qu'il renvoie après lui avoir fàit couper te nez et les oreilles". 120 Les mythes à propos de sa personnalité ont été commencés, selon les affirmations de Petre P. Panaitescu, par les Sacs de Transylvanie qui ont souffert d'après la cruauté de ce voiévode ; Voir Panaitescu, Petre P. - Istoria Romanilor, 113. Ainsi ils ont écrit -un livre s'intitulant les emalltés dll Diable-Voda (autre forme de voiévode), où ils racontaient comment il a clo~é les turbans sur les têtes des messagers ottomans et comment il faisait passer des piques à travers les corps de ses ennemis. L'histoire des turbans est acceptés comme étant une vérité par Elias Renault. 48 frère Radu le Beau121 • Vlad a alors essayé de se rapprocher du sultan. fi lui a alors écrit une lettre d'amitié, qui a abouti entre les mains du roi hongrois et qui a coûté 12 ans de prison à Vlad l22• TI n'lest revenu au trône qu'en 1476 pour trois mo~ w que les Hongrois n'ont pas trouvé quelqu'un pour le remplacer. Le rôle très important que lui attribue l'histoire est celui d'avoir signé en 1460 une nouvelle capitulation avec Mehmed II 123, cette foi~i en «des termes qui garantissent encore mieux tous les droits nationaux124». Elias Renault est le seul qui ait mentionné ce traité, ne rentrant pas dans les détails. Ainsi, ce voïévode quoique centre évident des mythes, remarquable pour sa cruauté, occupe dans l'histoire roumaine la place d'un des champions pour l'indépendance vis-à-vis des ottomans 125• Ainsi, les trois voiévodes énoncés ont mené les combats les plus remarquables, gagnant au XIXe siècle 126des titres de héros nationaux et servant d'exemples pour illustrer les combats nationalistes. Leurs luttes et l'essai d'aboutir à l'union des peuples roumains sous un seul voiévode n'ont pas été en vain. En effet, en plein moment de tombée sous Mie Dietionar Enciclopedic - "Radu le Beau, prince de Valaquie (1462-1473, 1473-1474, 1474, 14741475). n a obtenu son règne avec l'aide des turques, mettant à l'écart son fère Vlad Tepes. n a été battu par Etienne le Grand à Soci en 1471 et à Paraul Vodna." . 121 122 Panaitescu, Petre P. - Istoria Romanilor, 115. 123 Mahomed II, après avoir conquit Constantinople en 1453, n'avait plus qu'un front de bataille, Le Danube. Cette conquête lui aurait ouvert la route vers l'Europe Centrale, en arrivant jusqu'en Italie. Panaitescu, Petre P. -Istoria Romanilor, 118. 124 Renault, Elias - Histoire Politique et Sociale des Principautés Danubiennes, 34. 12S L'utilisation du terme indépendance dans ce contexte, ne c~mprend son sens propre, mais plutôt la relation à part, qui s'est établie suite aux traités de 1392, 1460 et 1503. 126 Ce n'est qu'à cette époque que la Roumanie est devenue entièrement indépendante. 49 contrôle ottoman «est né notre plus grand héros», Michel le Brave, comme le dit le professeur roumain Petre P. Panaitescu. Michelle Brave (1593-1601) fi est inutile d'essayer de lui trouver d'autres titres que celui énoncé plus haut. Les faits et la victoire idéologique de Michel le Brave justifient tout qualificatif qu'on puisse lui attribuer, car c'est sous son règne que les principautés roumaines ont été unies pour la première fois et qu'être roumain aboutissait enfin à être compris dans son vrai sens, c'est à dire habitant de n'importe ville des trois principautés. A cette époque, les boyars (bourgeois) roumains, avaient en leurs mains toutes les terres. pouvoir de contrôler l'élection au trône. Ceci leur donnait le Ainsi, Michel s'est fait élire parmi ses semblables avec l'aide des grecs, des bulgares et des cantaeuzins127• Ce qui est presque paradoxal est que Michel soit nommé avec l'accord du sultan, auquel, plua tard il allait prouver plus tard ses véritables intentions. Le jeu politique de Michel est encore plus fort que celui de ses ancêtres. En Transylvanie, le hongrois Bathory était fortement influencé par les jésuites pour mener la lutte contre les païens et en Moldavie, Aron Voda a accepté de lutter à ses côtés, en 1594. Aron est parti occuper la ville d'lzmail et Michel est allé à Bucarest où il a donné l'ordre de tuer tous les Grecs, les Turcs et les Arméniens. En réponse à ceci le sultan lui a envoyé les Tatares pour l'arrêter. En 1595, Michel s'est vu obligé de faire appel à l'aide 127 La famille Cantacuzino ou Cantacuzène est une des puissantes familles restées depuis l'empire byzantin. 50 des Hongrois, acceptant ainsi les conditions imposées par Sigismond Bathory. Ce dernier envisageait être le souverain des trois principautés roumaines. Grâce à l'aide hongroise, le voiévode roumain est parvenu à gagner la bataille contre les Ottomans et a reconnu comme souverain Rodolphe II de Habsbourg. Il a attaqué ensuite la Transylvanie J28 en 1599 et en est sorti vainqueurJ29• A ce moment à Alba Iulia, la capitale de la Transylvanie, des chansons nationales été jouées par les chanteurs traditionnels 130. En 1600, la Moldavie se trouvait sous la souveraineté de la Pologne. Michel a réussi à rentrer sans rencontrer aucun obstacle, mais quoique les Moldaves lui aient demandé qu"il reste sur place, Michel a nommé son neveu, Marc Voda, comme remplaçant. Ainsi, en 1600, Michel est arrivé à son but, de voir les trois principautés unies sous le pouvoir d'un seul voiévode. Dans les chroniques de ces temps, ce moment est évoqué très souvent. Miron Costinl 31 mentionne que Michel «s'est fait chef.. sur tous les trois pays roi». Plus haut, j'affirmais que même Eminescu, dans la Troisième Lettre, a fait allusion de manière subtile à Michel : 128 Au long de l'histoire la Transylvanie a été soit sous souveraineté hongroise, soit autrichienne, soit ottomane. Les gens les plus malheureux étaient les paysans roumains, maltraités par toutes les autres ethnies cohabitant, nettement favorisées par le régime. 129 Panaitescu précise que Michel a été obligé d'aller contre la Transylvanie w que Bathory avait fait alliance avec les Ottomans, Istoria Romanilor, 177. 130 Ibid., 179. J3J Chroniqueur moldave. 51 Libérateurs de pays, donneurs de lois et de tmditions Qui avec les charrues et l'épée aviez étendu votre domaine De la mer à la montagne au Danube bleu... 132 Le glorieux passé des roumains est sans doute souligné dans ce paragraphe et prouve en toute justesse la théorie de Kohn, énoncée dans l'introduction. Pourtant, Panaitescu argumente que, penser que Michel ait eu une idée nationaliste, notamment celle d'unir tous les Roumains dans un seul état, est complètement faux, vu que ces idées ne sont apparues en Europe que deux siècles plus tard Cette théorie vient contrecarrer toutes les théories des écrivains nationalistes qui font appel au passé. Malheureusement, cette union n'a duré que très peu de temps car Michel, compte tenant de toutes les promesses faites en vain, s'est fait attaquer par les Polonais en Moldavie et en Valaquie et Sigismond Bathory a essayé de rentrer en Transylvanie. Aussi, du même côté, il a été attaqué par les Autrichiens et il s'est vu obligé de conclure la paix avec le général Basta, pour pouvoir aller défendre la Moldavie. En 1601, Michel a perdu toutes les trois principautés, mais il restera comme exemple de courage pour les deux siècles à vemr. Ainsi, on arrive à la fin d'une époque, extrêmement glorieuse aux yeux des roumains, extrêmement glorieuse aux yeux des ottomans. On dirait qu'il ya presque une balance entre les victoires autant des uns que des autres, les Roumains ont réussi à imposer leurs désirs dans les traités et les Ottomans sont devenus souverains. Comme tout point culminant dans une histoire, qu'elle soit vraie ou fictive, comme toute histoire d'empire, 132 Taduction, V. 52 il suit une époque de détresse, où toute moralité et éclat du début, sont remplacés par la détresse et la corruption. De même, des voiévodes, tels que Constantin Brancoveanu (1688-1714) et Dimitrie Cantemir (1710-1711)133, suivant l'exemple de leurs ancêtres, 9 ont prouvé aux leaders ottomans qu il est presque impossible de faire confiance aux roumains, qu'ils seraient toujours du côté de celui qui saurait leur offrir le plus d'avantages et que, compte tenu de leur origine chrétienne, ils chercheraient toujours à s'allier avec leurs semblables. Déjà, à cette époque la Russie semblait avoir des relations très proches avec les voIévodes roumains l34• Ce rapprochement a coûté très cher au deux principautés: La Porte jusqu'alors, tout en violant les droits d'élection, avait au moins respecté la nationalité roumaine, en choisissant toujours des princes parmi les indigènes. La trahison de Brancoveanu lui offrit un prétexte à de nouvelles usurpations ; et quoique les populations roumaines fussent demeurées fidèles, elles se virent enlever le plus sacré de leurs droits, celui d'être commandés par 135 des chefs de leur race • En effet, le changement a été radical, lorsque le sultan a pris la décision d'envoyer des hospodars 136 d'origine étrangère. 133 Ces derniers seront discutés davantage dans un chapitre traitant de l'évolution de la culture et de la religion. 134 Dimitrie Cantemir, voïévode de Moldavie, a même été obligé de chercher refuge à la cour du tzar Pierre te Grand, car, même s'il avait été élevé à la Grande Porte, il a signé un traité d'alliance avec la Russie en 17 J J, où il était mentionné que la Moldavie resterait indépendante sous la protection du tzar~ Constantin Brancoveanu, voïévode de la Valaquie, a été accusé de s'être allié avec les Russes, et décapité avec toute sa famille à Constantinople. Voir Panaitescu, Petre P. - Istoria Romanilor, 208-210. 13S Renault, Elias - Histoire Politique et Sociale des Principautés Danubienne~ 57. 136 Voir note 82. 53 L'époquephano.riote 1711-1821 Origine des Phanariotes et les premiers hospodars Commençant par le premier quart du XVllIe siècle, une nouvelle vague de vOIévodes est arrivée au trône des deux principautés. Les hospodars grecs, venus du cartier Pbanar J37 de Constantinople se voient nommés par les Ottomans à la tête des principautés. Les Phanariotes sont les Grecs des anciennes familles nobles byzantines restées à Constantinople, et très souvent dépourvus des privilèges qu'ils ont eus pendant l'époque antérieure à l'empire ottoman. Ces gens se sont vus mélangés à des Grecs de basse condition, parvenus pendant l'époque ottomane. Les Phanariotes avaient une place à part dans l'empire notamment grâce au négoce et grâce au pouvoir financier qu'ils commençaient à avoir. Les Grecs ont réussi à favoriser leur condition également grâce aux langues étrangères qu'ils maîtrisaient et à l'ouverture que celles-ci leur offraient sur l'Ouest. Ainsi, les Turcs, qui ne connaissaient aucune langue étrangère, ont du leur offrir des positions des dragomanes 138 et de diplomates 139 • Les Phanariotes avaient gagné la confiance du sultan et c'est la raison pour laquelle, ils ont remplacé les voïévodes locaux I37 Panaitescu, Petre P. -lstoria Romanilor, 222. n qualifie le cartier Phanar comme étant moha/a. Ce nom venant du turc maha//e a une connotation négative en roumain; il s'agit d'un cartier pauvre et saie, se trouvant à la périphérie du centre ville. 138 Ce mot signifie traducteurs, mais la position est tellement aisée qu'elle équivaut à celle d'un ministre d'affaires extérieures. 139 Panaitescu, Petre P. - Istoria Romanilor, 223. 54 dans les principautés roumaines. D'lm point de we économique cette époque a été destructrice pour les principautés. Les PhanariotesJ40achetaient le trône du sultan et chaque règne durait environ trois ans. Evidemm~ à chaque fois, le nombre de cadeaux et leurs prix augmentaient afin de pouvoir impressionner, et pour que les hospodars puissent tirer aussi de profits de leurs règnes respectifs, ils augmentaient de plus en plus les taxes imposées aux pauvres paysans roumains. Panaitescu explique que la vie dans les principautés était tellement dure que les paysans traversaient les frontières pour se réfugier dans les lieux d'occupation uniquement turque et non greco-turqueJ41 . Le problème apparu est celui du dépeuplement des villages et la transformation des villes en cadeaux pour les favoris des hospodarsJ42. Les règne des Phanariotes n'a pas été entièrement en défaveur des principautés. Très orientés vers la culture française, ils ont permis l'accès aux idées réformistes, à la philosophie et au progrès culturel 143• Le premier voïévode, Nicolas Mavrocordat, fils du grand dragomane de la Porte, Alexandre, a essayé de prouver son amour et ses 140 Ibid Pendant le règne des Phanariotes il n'y a pas eu que des hospodars grecs; des familles roumaines hellénisées ont également eu accès au pouvoir. Par exemple la famille Calimachi, dont beaucoup d'hospodars moldaves, était d'origine roumaine, son vrai nom étant Calmas. 141 Ibid, 224. 142 Renault, Elias - Histoire Politique et Sociale des Principautés Danubiennes, 57-58. L'historien prend une position presque extrême par rapport aux Grecs phanariotes: ''... l'étranger sans patrie, le Grec bâtard, que renie la Grèce, que méprise le Turc; le Grec parasite [... l, le lâche et arrogant, le rapace et vil Phanariote. [...] On verra des pâtissiers et des marchands de limonade devenir hospodars ; [... ] à la naissance d'un enfant grec, les accoucheuses de Constantinople lui souhaitent, [...] de devenir un jour pâtissier, marchand de limonade et prince de Va/aquie". Ces affirmations n'ont été affirmées par aucun historien, à part celui que cite Renault dans la dernière phrase•. notamment Desprez, M. - <<La MoldoValaquie et le mouvement roumain», Revue des Deux Mondes, 1er janvier 1848. Ce sentiment xénophobe peut être rencontré également dans les écrits de l'auteur roumain, Vasile Alecsandri, Ciocoii Doi si vechi. 143 IstQria Romanilor, 225-226. Evidemment Renault ne partage pas cette opinion. 55 rapprochements aux roumains grâce à ta culturel44 . Quant à son successeur Constantin, il a libéré tous tes paysans serfs par un traité signé en 1746145 et a instauré un nouveau régime administratif avec des fonctionnaires employés et rémunérés l46• Les intentions de ces hospodars avaient donc des côtés positifs, malheureusement les abus ont continué et ont bien valu Je durjugement d'Eminescu: Et applaudissent des schismes frénétiques, des chaussons et des jeux... Et ensuite à la Cour du pays ils se rassemblent pour s'admirer Des Bulgares avec la nuque grosse, des Grecs avec le nez mince Toutes ces geules sont prétendues de romains Tous ces greco-bulgares petit-fils de Trajan147 ! Cette écume vénéneuse, ces vulgaires, ces déchets Qui arrivent à être maîtres sur le pays et sur nous! 143 Le poète est mené à cette conclusion car même l'essai de faire de bonnes choses n'a pas réussi. Le traité de 1746 a rendu la situation des paysans encore pire. ~ayant pas de terre à eux, les seigneurs des terres ont pu se permettre encore des pires abus contre les paysans, afin de leur permettre de travailler leurs domaines. Cette fois-ci, le travail était devenu plus demandant. Ainsi, les bourgeois et les prêtres qui payaient des impôts jusqu'à cette époque ont été exemptés l49 . Alors d'où fournir l'argent pour pouvoir 144 Les activités de cet hospodar seront discutées dans un chapitre à venir, notamment celui sur l'évolution culturelle. 14' Ce traite . .n, a eu presque aucune va1eur vu que les paysans, n' ayant pas reçu des terres, ne pouvlUent . pas quitter leurs anciens seigneurs. 146 Panaitescu, Petre P. - Istoria Romanilor, 228-229. 147 Le peuple dace a été conquit par les armées de Tngan, et donc les Roumains se considèrent descendants des Romains. Voir Renault, Elias, Histoire Politique et Sociale des Principautés Danubiennes. 2-4 et Nedelcea, Tudor - Eminescu. Aparatorul Romanilor de Pretutindeni, Aius, Craiova, (1995), 10. 148 Traduction, VI. 149 Panaitescu, Petre P. - Istoria Romanilor, 230-231. 56 supporter les armées ottomanes qui portaient de plus en plus de batailles contre les étrangers, sinon des paysans exploités au maximum. De même, la grande influence d~une nouvelle administration étrangère, abusait toutes les lois déjà exïstantes lSO• Dans ce dernier paragraphe Eminescu pourrait être accusé de"xénophobie. En effet, sa critique n'était pas vis-à-vis du peuple grec en général, ce qu~il juge plutôt est «la prédominance du méchant et intriguant rec de l'Orient»JSJ. L~influence étrangère ne s'arrête pas là. Une nouvelle vague d'influence vient opposer celle des Phanariotes ottomans dans les principautés. La deuxième période du règne phanariote et le rapprochement des russes Le règne de Catherine li de Russie a bouleversé la politique déjà existante 152 • Elle voulait unir les deux principautés roumaines, la Moldavie et la Vataquie pour former un royaume dace. En vérité ceci ne serait qu ~un état de passage, vu qu'ensuite les deux principautés deviendraient des provinces de la Russie ls3 • Ce royaume devrait servir de barrière entre les Ottomans et le reste de l'Europe et aurait à la tête le fils de Catherine, ISO Renault, Elias - Histoire Politiqye et Sociale des Principautés Danubiennes, 60-61. 151 Nedelcea, Tudor - Eminescu. Aparatorul Romanilor de Pretutindeni, 10. L'auteur explique en utilisant les mots d'Eminescu, que ce dernier fait une critique de la paresse et de la corruption qui a été instaurée dans le pays une fois l'arrivée des Grecs et le fait que le monde moderne ne puisse pas permettre ce genre d'attitude. 152 Catherine n se voulait libératrice de tous les peuples orthodoxes et leur soumission à la couronne russe. Elle voulait également la destruction de l'empire ottoman, considéré paien. Panaitescu afftrme que même les Phanatiotes n'attendaient qu'une forte impulse pour qu'ils se retournent eux aussi contre le sultan, Voir Panaitescu, Petre P, - Istoria Romanilor, 232. 153 Ibid 57 Constantin. Dans cette entreprise la Russie avait comme rivale r Autriche qui cherchait à l'empêcher d'annexer les principautés, l'Autriche voulant les annexer elle-même. D'ailleurs, les deux empires avaient déjà prévu le partage équitable de l'empire ottoman. La guerre de 1768 à 1774 entre la Russie et l'empire s'est soldée avec le Ttaité de Paix de Cuciuc Cainargi, où les principautés sont restées sous contrôle ottoman, tout en permettant aux Russes de défendre les Roumains contre les abus. Ainsi, les Russes ont commencé à avoir un contrôle continu dans la politique interne des principautés. Afin de libérer les Roumains des Russes, les Autrichiens ont demandé au sultan une récompense et c'est la Bucovine 1S4 qui leur a été offerte en 1775. Les Autrichiens sont arrivés jusqu'à Bucarest, où ils ont été rejetés par Nicolas Mavrogheni (Phanariote régnant dans cette période) et son armée de mercenaires. A cause des intrigues, Mavrogheni n'a pas été récompensé par le sultan, pire encore, il a été condamné à mort et tué en 1790. Aussi, les Autrichiens ont commencé à être menacés par les Français et ont été obligés d'oublier l'idée d'annexion des principautés. Nous pouvons donc conclure d'après les faits qu'il s'agissait d'une période de forte confusion et corruption politique où quelque chose aurait dû se passer. Un autre facteur est venu s'interférer dans les affaires internes des principautés. Napoléon 1er s'est décidé à aller contre l'influence russe en Europe et en orient et de la remplacer par la sienne, notamment l'influence française. Cette période a été remarquable dans les principautés, car même les familles des Phanariotes ont étaient IS4 Ce territoire représente une grande partie de la Moldavie. Il est resté sous contrôle autrichien jusqu'en 1918. 58 divisées, entre les russophiles et les francophiles1SS • nya eu une série de traités de 1791 à 1812 signés soit entre les Français et les Ottomans, soit entre les Français et les Russes. Ces tendances ont montré l'indécision et même la confusion et pendant toute cette période les principautés oscillaient entre les uns et les autres. D'un côté, ces événements ont poussé les principautés vers le détriment économique, vu qu'il ya eu constamment un effort de guerre soutenu par les principautés, d'autre côté les idées occidentales ont commencé à influencer la pensée des hospodars. D'ailleurs ces tendances pro-russes et pro-françaises ont été la preuve que les Phanariotes n'étaient pas uniquement les instruments du sultan. En 1812, quand Napoléon 1er a commencé sa campagne contre les Russes, ces derniers, se trouvant seuls, se sont dépêchés à faire la paix avec les Ottomans. Le traité de Bucarest de la même année, s'est malheureusement soldé avec de grosses pertes pour les principautés. Presque la moitié de la Moldavie a été annexée à la Russie, en devenant ainsi, territoire étranger. Bessarabie l56 • Cette partie allait du Nistre au Prut et a été nommée la Une seule bonne chose s'était passé après ce traité, notamment que les hospodars ont commencé à être nommés pour sept ans au lieu de trois. Ceci a donné plus de crédibilité aux principautés sur le plan extérieur. Malheureusement, ces hospodars n'ont pas montré trop de vertus. Joan Caragea de Valaquie voulait constamment de l'argent et il a même dû fuir la Valaquie après avoir été au trône pendant six ans, car le sultan a décidé de le condamner à mort. Scarlate Calimah en Moldavie a réussi à garder l'SPanaitescu, Petre P. -lstoria Romanilor, 236. 1S6 Ibid, 237. Jusqu'en 1840 cette partie du territoire a eu à sa tête un divan de bourgeois roumains, qui ont continué les anciennes traditions et lis du pays. Même le Tzar Alexandre a compris que ce territoire est presque impossible à soumettre à de nouvelles lois. 59 son trône pendant tous les sept ans. Ces deux hospodars ont essayé d·imposer de nouvelles lois, des lois écrites, dans les principautés. Ds disaient qu·eUes étaient basées sur des lois byzantines. Toutes ces décisions étaient soit inutiles soit dans le détriment des traditions et des lois déjà existantes dans le pays 157. Ainsi a pris fin une époque très sombre pour les principautés, période où eUes ont perdu leurs droits légitimes, périodes où parler roumain ou l'être tout simplement était devenu une honte. D'ailleurs. Elias Renault affirme que les Phanariotes ont fait «du nom de Roumain un terme de mépris, qu'ils jettent à la face du paysan 158» : Le règne des Phanariotes a été pour la Moldo-Vala~uie quelque chose de plus triste que la ruine, le déshonneur1 9. Quoique cette affirmation puisse trouver ses justifications dans les faits historiques, il est quand-même important de comprendre, que les Phanariotes ont pourtant rendu possible l'ouverture des principautés vers la littérature. vers la culture et vers le vrai sentiment roumain. Ces faits ont eu une importance majeure pour les principautés. m Cette opinion est unanime que ce soit celle des historiens dont je me suis servie pour la recherche ou bien celle d'Eminescu, énoncée plus haut. 158 Renault, Elias - Histoire Politique et Sociale des Principautés Dan~bienne~~ 58. \59 Ibid, 79. 60 L'évoludon culturelle des princ1pllu.tés dès son débuJjUSllu'DIlllliIiellt1ll XlXe slède L'importance de / 'église orthodoxe et des premières écritures du Moyen Age Les principautés roumaines n'avaient pas vraiment de tradition écrite, pourtant les grands du pays connaissaient la langue latine, langue de communication des peuples au XIVe siècle, ainsi que d'autres langues étrangères. Les Roumains avaient pourtant une tradition orale et c'est grâce à l'église que les gens ont pu avoir accès â récriture de la langue roumaine. Le processus a été très lent, il a pris des siècles et il ya eu plusieurs obstacles tels que les influences étrangères. L'église orthodoxe a eu une importance majeure dans l'histoire des principautés, jouant le rôle d'identificateur de leur culture. Et sache= que je suis en santé Que grâce au Christ Je vous embrasse, Madame, tendrement. 160 Dans la Troisième Lettre, Eminescu introduit ces vers comme étant les dits de Mircea l'Ancien envers sa bien aimée, pendant la Bataille de Ravine. Ces vers sont importants car non seulement on se rend compte de l'existence de l'écriture, comme moyen de correspondance l61 , mais également de l'importance de la religion chrétienne l62 • Il est aussi important de mentionner la bataille de Nicopole de 1396, connue dans l'histoire 160 Traduction, V. 161 L'existence des messagers est confirmée dans toute l'histoire. 162 Il faut se rendre compte du fait qu'il s'agit de l'époque des croisades. 61 comme la Croisade de Nicopole. Quoique finalement l'armée chrétienne ait été vaincue, il est pourtant essentiel de savoir que Mircea luttait dans cette croisade à côté du roi hongrois, Sigismond. Nous remarquons la même tendance, de faire appel à la religion, dans le poème La mère d'Etienne le Grand, de Dimitrie Bolintineanu, où la mère du voïévode roumain a dis à son fils: Je prends le Ciel à témoin, que ces portes ne se rouvriront devant mon fils que lorsqu'il reviendra vainqueur des turcs. 163 Seraient ces paroles vraies ou non, ce qu'il est important est de remarquer l'importance de Dieu dans le folklore roumain et cette manière répétitive de tout faire avec l'aide et la protection du Seigneur. Ce qui est pourtant vrai est qu'en même temps qu'il traitait tout étranger avec une odieuse cruautë 64 , Etienne le Grand avait fait bâtir le monastère Putna, dédié à Jésus et à Marie l65 • Sa cruauté avait une justification dans le fait de défendre sa foi chrétienne. Les luttes menées par les voïévodes roumains semblent être destinées non seulement vers une défense territoriale, mais également idéologique. Il est vrai qu'ils 163 Dimitrie Bolintineanu utilise ces paroles comme étant une vérité. Elias Renault relate ces paroles également, mais en disant "on raconte que...... Voir Renault, Elias - Histoire Politique et Sociale des Principautés Danubiennes, 36. 164 Je fais référence à l'épisode relaté plus haut, entre Carsick le fils du khan des tatares et Etienne le Grand. 16~enault, Elias - Histoire Politique et Sociale des Principautés Danubiennes, 47. 62 luttaient à côté d'autres chrétiens pour défendre leur croyance, pourtant avec le temps cette lutte est devenue celle de la défense de l'idéologie orthodoxe l66 • A partir de 1495" avec le règne de Radu le Grand (1495-1508)Jfi7, l'église a commencé à avoir encore plus d'influence" grâce au serbe Maxime, qui a été nommé à la tête de J'église valaque. Vers la fin de son règne, il a mis en place la première imprimerie, où sera publiée la Sainte Liturgie, en slave. Cette imprimerie à été installée à Targoviste et dans la même ville, il a fait construire le Monastère de la Colline, où il a été d'ailleurs enterré 168. fi est intéressant de remarquer que les voïévodes roumains non seulement ont essayé de s'opposer aux influences extérieures, mais ils ont établi un fondement très stable de l'orthodoxie. A partir de 1512, avec le règne de Matei Basarab {1512-lS21)J69, cette lutte de protection de l'église orthodoxe devient de plus en plus forte dans les principautés. D'ailleurs, Panaitescu le qualifie de «protecteur de l'orthodoxie de partout l70». En effet, il a soutenu les Grecs, les Bulgares, les Serbes, les Syriens et les Egyptiens. fi leur a fait construire des églises, pour que leur foi puisse demeurer intacte, quoique occupés par les Ottomans. Il faut remarquer qu'au temps de Mircea l'Ancien et d'Etienne le Grand l'église orthodoxe semblait très proche de l'église catholique et que leur éloignement sera senti plus tard dans l'histoire. 166 167 Mic Dictionar Enciclopedic - "Radu le Grand, Prince de Valaquie (1495-1508). Il a pris des mesures de centralisation de l'état. Soumis devant la Porte (l'empire ottoman) il a eu de bonnes relations avec la Hongrie et avec le roi de la pologne. Il a accordé une grnde attention à la vie culturelle et religieuse. n a mis en place une typographie et il a fait publier des livres religieux." 168 Panaitescu, Petre P. - Istoria Romanilor, 142. 169 Mic Dictionar Enciclopedic - "Matei Basarab, prince de Valaquie (1632-1654). Pendant son règne les artisanats, le commerce et les premiers atelliers de manufactures se sont developpés. Il a songé à faire éliberer le pays de la domination ottomane. 1\ a soutenu la création d'écoles et l'activité typographique." 170 Panaitescu, Petre P. - Istoria Romanilor, 143-144. 63 Matei a fait construire le monastère Curtea de Arges, décoré de richesses amenées de partout. L"histoire lui accorde une place très importante dans le support de l"orthodoxie. TI est important de retenir le fait que la plus part des grands voIévodes roumains ont fait bâtir un lieu saint, afin de faire passer leurs héritages aux futures générations'71. Ainsi finit le Moyen Age roumain et même si la naissance d'une culture roumaine est évidente dans les deux principautés, pourtant le rôle le plus important dans la naissance de l'écriture est attribuée en Transylvanie, où, le luthériens et les calvinistes d"origine étrangère, essayant de faire convertir les Roumains, ont fait publier le premier livre de catéchisme en roumain, en 1544. Cet exemplaire a été perdu, pourtant, il nous reste l'évidence de la traduction de l'Ancien Testament, traduit de l'hongrois en roumain et publié en 1582 en Transylvanie. Une série de livres religieux ont été publiés par le moine Coresi en Transylvanie entre 1557 et 1581, livres qui ont été répandus non seulement sur le territoire des Transylvains, mais également sur celui des Valaques et des Moldaves. Quoique ces livres comprennent une tendance luthérienne très évidente, il est pourtant impératif de connaître la raison de ses écrits. Coresi 172 disait que «presque tous les peuples ont la parole de Dieu dans leur langue, sauf nous les Roumains, qui ne l'avons 171 Ibid., 149-158. Petre Cercel (1583-1585) en Valaquie et Petre Rares (1527-1538, 1541-1546) en Moldavie, ont suivi les mêmes traditions et gardé les mêmes principes de défense de la culture et de la religion. 17:2 Mie Dictionar Encicloped\c - "'Coresi, né en 1510, mort 1581, traducteur et maître typographe. Chanteur à l'église. fi e eu un rôle essentiel dans l'introduction du roumain dans le culte religieux. Ses livres, influencés par le calvinisme et le luthéranisme sont des monuments de langue ancienne roumaine. En utilisant le langage de Valaquie et de Transylvanie, ses livres se trouvent à l'Origine de la formation de la langue roumaine littéraire." 64 pasI73». Ceci semble être un rév~il des Roumains et quoique les intentions de ces écritures n'aient pas été les plus pures, leur contribution à la culture a été très forte. L'influence occidentale et la littérature roumaine L'influence de la culture occidentale n'a réussi à se faire sentir dans les principautés que vers le milieu du XVlle siècle, vu que les conflits entre l'église catholique et celle orthodoxe étaient de plus en plus évidents. D'ailleurs, au début du XVIIe siècle les occidentaux étaient considérés comme hérétiques et toute influence bannie des principautés. 174 En effet, le Pape essayait de faire convertir les voïévodes roumains, en utilisant comme excuse l'union des chrétiens d'origine latine17S• En vérité, vers le milieu du XVIIe siècle la langue latine a commencé à gagner de l'importance, dans les principautés. Du point de vue culturel. la région la plus importante a été la Moldavie qui est devenue en 1642 presque le centre de l'orthodoxie et de l'écriture. Une série de typographies ont été ouvertes, l'école princière mise en place avec l'aide du patriarche Pierre Movila de Kiev l76 , qui est d'origine roumaine et il y a eu une forte lutte qui a 173 Ibid, 166. 174 Ibid m fi Y a même un conte qui dit que lorsque le pape Clément VIII a essayé de conseiller Michel le Brave d'adopter la foi catholique, tenant compte des racines latines du peuple roumain, celui-ci a répondu en demandant au Pape pourquoi ne deviendrait-il pas lui-même orthodoxe. fi mut comprendre que lorsque le voïévode se convertissait, le peuple était obligé de changer de foi aussi. 176 Mic Dictionar Enciclopedic - "Pierre Movila (1597-1647), fait partie de la famille de bourgeios moldaves Movila, qui a eu un important rôle politique dans le Moldavie du XVIIe siècle. fi a été patriarche de Kiev à partir de 1633. n était le fils de Simion Movila, prince de Valaquie (1600, 1601,1601-1602) et de Moldavie (1606-1607)." 6S commencé contre les calvinistes et les luthériens. En même temps, dans les églises de la Moldavie, la langue roumaine est devenue officielle et est venue remplacer le slavonne, en arrivant petit à petit à devenir la langne officielle même des livres de lecture régulière. Serban Cantacuzène(1678-1688)177, Constantin Brancoveanu (1688-1714)178 et Dimitrie Cantemir (1710_1711)179 occupent également une place majeure l80• En 1685, Cantacuzène a ouvert une école princière supérieure en Moldavie et a fait traduire la 181 Bible entière en rownain. Brancoveanu a été voiévode en Valaquie en même temps que Cantemir l'a été en Moldavie. C'était un bourgeois riche qui a dédié toute sa fortune à la culture et à la survie de l'orthodoxie. Pendant son règne, les deux imprimeries de la Valaquie ne publiaient que des livres en roumain. Il s'est beaucoup battu pour 177 Ibid - "Serban Canateuzène, prince de Valaquie (1678-1688). Partisan de la politique antiottomane. fi a participé au siège de Viennes en 1683. n a initié la publication de la "Bible de Bucarest" en 1688 (la Bible de Serban Cantacuzène). n fait partie d'une grande famille de bourgeois roumains d'origine grecque." l7S Ibid - "Constantin Brancoveanu, grand conseiller (1682-1688), prince de Valaquie (1688-1714). na mené une politique externe d'expectative entre les trois grands pouvoirs voisins (la Turquie, la Russie et l'Autriche), qui étaient en guerre. Lui et ses quatre fils ont été tués par les turques en 1714. Son règne est caractérisé par la fleurissance de la culture. L'architecture de type "brancoveanu" a été créee et developpée." 179 Ibid - "Dimitrie Cantemir, né en 1673, mort en 1723. Réel humaniste, il a été prince de Moldavie (mars-avril 1693, 1710-1711). Son fils, Constantin Cantemir, a été egalement prince de Moldavie (l6851693). Dimitrie Cantemir a essayé de regagner l'indépendance de la Moldavie, en faisant alliance avec Pierre 1er, le tzar russe. Après la bataille de Stalinesti sur Prut de 1711, où les années russo-moldaves ont été battues, Dimitrie Cantemir s'est réfugié en Russie. n est devenu conseiller de Pierre 1er. Après le règne de Dimitrie Cantemir, a commencé l'époque phanariotte, pendant laquelle les voiévodes des principautés roumaines étaient nommés directement par le sultan. Ce dernier les choisissait parmi les reprèsentants les plus remarquables de la population citadine grecque de l'empire ottoman. Dimitrie Cantemir a été membre de l'Académie de Berlin. n a eu des preoccupations encyclopédiques, il a été oliglotte, comparable aux n a encouragé des recherches historiques, géographiques, humanistes de la Renaissance. musicographiques, beletristiques, philosophiques etc." 180 Panaiteseu, Petre P. - Istoria Romanilor, 203-212. lit Ibid, 210. La force de sa foi l'a coûté très cher. Accusé de trahison par le sultan, et après la fuite de Cantemir à la cour du tzar, Brancoveanu a été amené à Constantinople pour être décapité avec toute sa famille. Lorsque son plus jeune fils a 'demandé la pitié du sultan en promettant d'adopter la foie musulmane, Brancoveanu lui a répondu qu'il préfère la mort de son fils. Ainsi, il a été condamné à voir toute sa famille décapitée devant lui et enfin il a eu le même sort. n est important de comprendre la force de la foi de ces voïévodes et l'importance de la survie de leur culture. 66 encourager l'orthodoxie en Transylvanie ou bien en Syrie. Brancoveanu a même fait publier des livres religieux en arabe, afin de soutenir les orthodoxes de l'orient. C'est durant cette même époque, que les deux voiévodes moldave et valaque, ont facilité l'introduction des études helléniques, notamment de la Grèce Antique. Le vrai helléniste était Cantemir, homme d'une culture très développée. D'ailleurs, même le tzar russe Pierre le Grand s'est montré émerveillé devant la richesse et la culture de la Moldavie 182. Aux côtés des grands voïévodes orientés vers le développement culturel se comptaient aussi les chroniqueurs. Non seulement ont·ils écrit sur la vie à la cour, mais ils ont également décrit la géographie de leurs pays et des pays qui les entouraient. Des chroniqueurs moldaves très importants sont Grégoire Ureche et Miron Costin, dont se servent même de nos jours les historiens. Avec le début des écritures en langue roumaine, il commence une époque où les Roumains cherchent à se rapprocher, en étant conscients de leur origine commune, que ce soit des Transylvains, des Moldaves ou des Valaques. Les mots de Constantin Cantacuzène l83 sont évocatoires de ce sentiment commun : Mais les Roumains se comwennent, non seulement ceux d'ici, mais ceux de l'Ardeal 84, qui sont plus mélangés, et les Moldaves et tous ceux qui se trouvent dans dfautres 182 Ibid, 208. 113 Mie Dietionar Enciclopedic - "Constantin Cantacuzène, né en 1650, mort en 1716. Il a été conseiller, diplômate, historien et géographe. Il a représenté l'humanisme et il a été l'adepte d'une politique antiottomane de rapprochement entre la Russie et l'Autriche. Il a fait une carte de ta Valaquie, publiée en grec à Padova en 1700. Il a été l'auteur d'une "Histoire de la V~aquie depuis le début", qui est resté sans fin, dans laquelle il soutient, avec des arguments solides, l'origine romaine, la continuité et l'unité du peuple roumain du territoire dace." 184 D'enommatton " . pour 1a T ' roumame ransyI vante. 67 coins et qui ont tous la même langue. n y a peut-être quelques mots différents provenant de l'influence d'autres langues, comme je l'ai dit plus haut. mais ils sont pourtant pareils. Mais même ceux-ci, on les considère comme étant roumains, car tous proviennent de la même fontaine et représentent la même eau.lB' Ainsi, ce n'est plus seulement l'église et la foi orthodoxe dans lesquelles se retrouvent les Roumains, mais également dans le fait d'avoir une langue commune. fi ne s'agit plus de défendre seulement le territoire et la liberté de pratique confessionnelle, mais également de défendre le droit de parler sa propre langue. Cette tendance existe déjà depuis longtemps en Transylvanie, alors que dans les autres deux principautés, elle représentait une idée nouvelle. L'influence des voïévodes phanariotes sur la culture roumaine L'arrivée des Phanariotes dans les principautés a représenté le plus dur essai auquel la Moldavie et la Vahiquie se sont vues soumises. Comme nous venons de l'énoncer plus haut, dans le chapitre traitant des voïévodes phanariotes, la détresse était évidente dans presque tous les domaines. Pourtant, il y a un côté positif qui est malheureusement presque effacé par tout le mal qu'ont du subir les principautés pendant ces époques. Des écrivains moins orientés, tels que Peter Sugar, nous affirment que certains Phanariotes ont offert quand même des avantages à la culture l86• Il s'agit plus exactement de Nicolas tll5 Panaitescu, Petre P. - Istoria Romanilor, 221. 186 Sugar, Peter f. - Southeastem Europe under Ottoman Rule. 1354-1804, 139. 68 Mavrocordat 187 qui a rassemblé toutes les chroniques en une seule édition, en assurant ainsi leur continuation. De même, l'oscillation entre l'influence française et l'influence russe ont permis l'accès et le progrès de la culture occidemale dans les principautés118. L'idée de réforme est apparue en même temps. L'accès à la culture n'était pourtant réservé qu'aux élites, vu que l'influence de la langue grecque était tellement forte. Le roumain était, comme nous l'avons pu remarquer plus haut, une langue méprisée. La culture roumaine a commencé à être remplacée par la philosophie classique grecque. Pourtant, après la paix de Bucarest, en 1840, il Ya eu une nouvelle vague de livres publiés en roumain, parmi lesquels nous pouvons compter, le premier livre complet décrivant la géographie de la Roumanie. Ce terme est utilisé pour la première fois dans l'histoire et il révèle l'apparition d'une nouvelle idéologie, celle des principautés unies l89 • Ceci ne voulait pas forcément comprendre la Tnmsylvanie l90, mais plutôt la Valaquie et la Moldavie. Dionisie Fotino a écrit une histoire de tous les Roumains et le poète Rigas a dessiné une carte des deux principautés, la Moldavie et la Valaquie. Ainsi les Phanariotes ont contribué au réveil de la nation roumaine, quoique leurs faits soit souvent dissimulés dans le mécontentement des roumains. 187 Mic Dietionar enciclopedic - "Nicolas Mavrocordat, prince de Moldavie (1709-1710, 1711-1115) et de Vala.quie (1715-1716,1719-1730). Il était le fils d'Alexandre Mavrocordat, médecin, phisiologue et philosophe. Il a été professeur à }' Académie de Constantinple et grand dragomane de la Porte Ottomane à partie de 1673. Il a inauguré le régime phanariote en Moldavie et en Valaquie. Il s'est occupé du developpement de l'enseignement." 188 Comme mentionné plus haut jusque là toute idée occidentale était bannie. 1119 Panaitescu, Petre P. - Istoria Romanilor, 239. 190 Quand il s'agissait de parler de tous les Roumains, les Transylvains y faisaient certainement partie; quand il s'agissait du pays roumain, la Transylvanie n'y faisait pas partie. 69 La culture transylvaine et le réel réveil nationaliste Malgré tous les efforts évidents des deux principautés, la Transylvanie s'est avérée le centre culturel rownain. Les Transylvains ont perdu tous leurs droits en 1437, lors de l'Union des Trois Nations191 • Pourtant la langue roumaine et la religion orthodoxe ont été préservées, malgré le très pauvre sort auquel ont été soumis, les Roumains de la Transylvanie. A propos des ces derniers, Peter Sugar explique que: Les Roumains avaient une meilleure vie sous tes règnes phanariotes que ceux de la Transylvanie, pourtant le 192 nationalisme roumain est né à l'ouest des Carpates • Cette théorie est justifiée dans le fait que l'oppression étrangère ait poussé les Roumains à se mobiliser. De plus, l'ouverture géographique et même les différentes influences ont permis l'accès de ce peuple aux nouvelles tendances politiques venant de l'Ouest. Ainsi, aussitôt que 1784, nous avons pu remarquer le début des mouvements contre le régime en place. L'insurrection menée par Horia, Closca et Crisan 193 avec, au début, la bénédiction de l'empereur autrichien Joseph n, quoique finissant par la mort des trois leaders, elle n'a pourtant pas été en vain l94 • Le premier document démontrant l'appartenance des 191 Il s'agit des trois nations étrangères les Sachs, les Secui et les Hongrois. 192 Sugar, Peter F. - Nationality and Society in Habsburg and Ottoman Europe, 22. 193 Mic Dietionar enciclopedic - "Horia, Closca et Crisan, leaders de la révolte paysanne de 1784. La révolte a été dans les montagnes occidentales de la Transylvanie et dans les environs. L'intervention des troupes austro-hongroises ont empêché la révolte" et les trois leaders ont été mis à mort en utilisant les moyens les plus atroces." 194 Panaitescu, Petre P. - Istoria Romanilor, 243. 70 Roumains à ces terres et donc automatiquement leur légitime raison pour demander des droits égaux aux autres habitants a été Supplex Lihellus Valachorum. C'est le premier document où le nationalisme est affinné de manière claire. Ce premier manifeste a été suivi d'une série d'autres écritures telles que, Le Lexicon de Buda (1825), écrit par Samuel Klein195 et Pierre Maiorl96, L'histoire du commencement des Roumains en Dacie (1812) écrite par Pierre Maior et La chronique des Roumains et d'autres peuples de la Dacie, écrite en 1808 par Georges Sincai l97• Ceux-ci représentent seulement quelques exemples de l'explosion culturelle de cette époque. Le pouvoir philosophique de l'école transylvaine a eu des conséquences très importantes dans la politique des principautés, vu que les idées étaient répandues partout 195 Mic Dictionar Enciclopedic - "Samuel Micu Klein, né en 1692, mort en 1768. muministe roumain. Eveque de l'église unie de Transylvanie (1728-1751). Il a été le promotteur de la lutte politique nationale des Roumains de la Transylvanie. Il a participé à une large action d'émancipation du peuple roumain, basant son argumentation sur la romanité, sur l'ancienneté et sur la continuité de ce territoire. Il a eu une position clé dans la mise en place de l'idéologie de l'Ecole transylvaine (il s'agit du mouvement idéologique et culturel avec un caractère ilIuministe de l'intellectualité roumaine de Transylvanie, de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle)." 196 Ibid "Pierre Maior, né en 1761, mort en 1821. Historien et philologue roumain, représentant honorifique de l'Ecole transylvaine. Il a voulu démontrer dans ses travaux l'origine romaine du peuple roumain, la latinité de la langue roumaine et la continuité des roumains en Dacie. n a milité pour le réveil de la conscience nationale." 197 Ibid "Georges Sincai, né en 1754, mort en 1816. n a été un historien et un philologue roumain d'orientation illuministe. n a été un des membre honorifiques de l'Ecole transylvaine. Il a été procccupé par l'origine du peuple roumain et de sa langue et par la continuité de la vie des romains su nord du Danube, après le retirement commandé par l'emperreur romain Aurélien. Il a milité pour le remplacement, dans les écriture laïques des lettres slavones par celles latines et pour l'enseignement en langue roumaine." 71 Conclllslon En 1821 il Y a eu une nouvelle insurrection cette fois-ci en Valaquie qui a poussé au remplacement des Pbanariotes par des voiévodes locaux. Ainsi 5 est terminé r époque 11 des hospodars étrangers, suivie par réel mouvement nationaliste de toutes les principautés. La période d'occupation russe a permis aux Roumains de reprendre leurs forces et grâce à la Révolution de 1848, la première Union des principautés a eu lieu. l98 L'Union définitive n'a lieu qu'en 1861 sous Alexandre Joan Cuza • A partir de 1394 nous avons remarqué d'abord le désir de défense territoriale, où régtise a toujours joué un rôle très important. Les grands voïévodes, aujourd'hui élevés au titre de héros nationaux par intellectuels roumains, n'avaient peut-être par des intentions nationalistes, cette notion n'apparaissant qu'après la Révolution française de 1789. Ces luttes menés ont eu comme but la liberté par rapport à de l'empire ottoman. Cette volonté des Roumains de s'opposer à la Porte a servi évidemment comme instrument aux nationalistes roumains. Ceci dit, Eminescu et tant d'autres auteurs ont spéculé ces événements afin de soutenir le nationalisme tardif né dans les principautés. Il est vrai que les Roumains ont fait à plusieurs reprises preuve de courage, jouant le rôle d'état tampon devant le pouvoir expansionniste de l'empire ottoman et l'Europe, pourtant il ne faudrait pas ignorer les intérêts ottomans dans cette région. 198 Mic Dietionar Enciclopedic - "Alexandre Joan Cuza, né à Rusi, en 1820, mort en 1873. fi a été Donm des Principautés Unies (1859-1862) et de l'Etat National Ro~rnain' (1862-1866). fi a participé au mouvement révolutionaire de 1848 de Moldavie et à la lutte pour l'union des principautés roumaines. Le 5 janvier 1859, il a été élu prince de Moldavie et le 29 janvier 1859, il a été élu prince de Valaquie, faisant ainsi l'union des deux principautés." 72 Les Roumains se font un plaisir en mettant raccent sur les victoites portées contre r empire ottom~ pourtant il est évident que les sultans avaient suffisamment de ressources pour mettre fin à ces petits états et installer leur pouvoir définitif, comme dans tant d'autres zones. fi est vrai que les traités signés aux XIVe et XVe siècles ont servi la cause des principautés, mais le XVIIe siècle a prouvé que si les Ottomans voulaient ignorer ces traités, ils le pouvaient. La meilleure preuve nous est offerte par l'histoire avec le commencement des règnes phanariotes en Moldavie et en Valaquie. La tolérance montrée par les sultans dans ces régions a été possible grâce à r extrême tolérance dont l'Islâm fait preuve. Comme l'affirme l'historien roumain, Nicolae Iorga: Les Turcs de Murâd, Bâyazîd, MelÛned le 1er, Murâd et MelÎmed le II nd - les six sultans de la conquête n'ont pas l99 vengé l'Islâm pour l'attaque chrétienne des croisades • Cette affirmation est légitime, vu que les traité signés avec les Roumains ont permis la pratique chrétienne orthodoxe des principautés. n faut aussi tenir compte du fait que les sultans étaient nés de mères souvent chrétiennes, ce qui aurait pu influencer plutôt la signature de traités de paix et de non-violence. D'ailleurs les princesses chrétiennes étaient données en mariages aux princes ottomans en gage de fidélité et d'amitié2°O. Bâyazîd 1er, s'est servi plutôt des chrétiens pour mener ses batailles contre d'autres peuples musulmans, vu que les princes d'Anatolie refusaient de faire la guerre contre 199 Iorga, Nicolae - Istoria Statelor Balcanice in Europa Modern~ Valenii de Munte, (1913), 13. 200 Mircea l'Ancien avait offert la main de sa fille à Müsâ. le fils de Bâyazid 1er. 73 leurs frères guerriers musulmans. n a même été accusé d'être plus chrétien que musulman201 • Ce qui est très important de comprendre est qu'au tout début les intentions n'étaient pas d'islamiser les peuples conquis. Les ulémas ont amené dans le jeune état ottoman les principes administratifs de l'Islâm classique, qui mettaient davantage l'accent sur la valeur économique des peuples chrétiens soumis, plutôt que sur leur conversion à l'Islâm202• En effet, surtout dans le cas des principautés roumaines devenues «les distributeurs de nourriture» de l'empire, les Ottomans n'avaient aucun intérêt à pousser la population à se convertir. L'économie de l'empire ottoman était fleurissante, grâce aux chrétiens auxquels ils pouvaient imposer les taxes désirées et leur continuation dans cette zone a été possible grâce à cette politique tolérante. Ainsi, le courage des roumains pendant les siècles d'occupation ottomane n'~t certainement pas passéinaperçu, pourtant le nationalisme en tant que tel ne peut certainement pas être démontré. Par contre, l'attachement au territoire, à la tradition, à la langue et à la religion est évident. De cette façon, ces faits ont contribué au nationalisme tardif connu par les principautés où la langue a eu un rôle primordiafo3. 20\ Sugar,Peter F.- Southeastem Euro.pe under Ottoman, Rule, 1354-1804, 24. Wittek, Paul - «De la défaite d'Ankara à la prise de Constantinople. Un demi-siècle d'histoire ottomane», Revue des Etudes Islamigues, cahier 1. Paris, (1938) 4. 202 Je fais allusion au nationalisme dont parle l'historien Jan Kollar: " Qu'apprécie le plus une nationalité, spécialement une qui manque de culture, que la langue de ses pères". Voir Sugar, F. Peter - Nationality and Society in Habsburg and Ottoman Empire, 17. 203 74 Les Ottomans sont apparus en Europe, pas comme des fanatiques musulmans, mais plutôt comme des guerriers asiatiques qui offraient alliance, amitié et, d'après l'habitude patriarcale asiatique, la fmtemifé204. Je ne sais point si c'est la fraternité que les Roumains, comme tes autres peuples dominés par les Ottomans, ont choisi de se rappeler nos jours. Ce qui est certain est que les Ottomans auraient pu occuper complètement la Valaquie et la Moldavie et que se sont plutôt des raisons économiques qui les ont empêchés. n faudrait bien comprendre qu'il s'agissait du plus grand empire islamique qui ait jamais existé, que tes sultans sont parvenus à être nommés protecteurs des lieux saints de / '/slâm, tels que la Mecque et Medine. Dans ce contexte les petits pays roumains auraient été très faciles à occuper, malgré les luttes ardentes des leaders roumains. n reste aujourd'hui une sorte de mémoire commune dont les Roumains se souviennent. Ceci est dû au fait que les Ottomans ont été la nation dominante, que les abus (surtout après les années 1600) n'étaient pas moindres: Pendant environs 400 ans, l'Islâm était vu par cette population [il s'agit des chrétiens des Balkans] comme une religion d'un état conquérant: en tant que désavantagés, les chrétiens des Balkans sont restés suspicieux et avec un sentiment de rejet vis à vis des turcs et de l'Islâm205 • 204 Citation de Nicolae Iorga, voir, Tahsin Gemil, Romanii si Otomanii in sec. XIV-XVI, 6. 20S Poulton Hugh, Taji-Farouki Suha - Muslim Identity and the Balkan States, Hurst & Company, London, (1997) 6. 75 C'est de cette façon que les dits de Mibai Eminescu trouvent leur validité de nos jours et, pour revenir à l'introduction de ma thèse, c'est dans ce contexte qu'il sera très difficile de changer une mentalité d'un peuple. 76 Bibliographie: Livres: Babinger, Franz Mehmed the Congueror and His Time, translated by Ralph Manheim, 00. by William C. 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