civ-1961-1968-onc-bou-o13_habitat_rural_d8

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RÉPUBLIQUE
DE
MINISTÈRE
COTE
DU
L'HABITAT
ETUDE REGIONALE
DE
D'IVOIRE
PLAN
RURAL
BOUAKE
1962 - 1964
DOCUMENT 8
BUREAU DE CONCEPTION, DE COORDINATION ET D'EXPLOITATION
LA REPUBLIQUE DE COTE D'IVOIRE 1962-1965
DES ETUDES REGIONALES DE
B . FRIDE
-
LE CHAU
-
H. LHUILLIER
-
P . MICHAUD
-
C.
~!PAILL ES
LISTE DES PUBLICATIONS A PARAITRE
METHODOLOGIE GENERALE DES ETUDES REGIONALES EN REPUBLIQUE
DE COTE D'IVOIRE
*
ETUDE
REGIONALE
DE
BOUAKE
RAPPORTS PRINCIPAUX
-
FEVRIER 1962 - DECEMBRE 1963
T OM E 1 -
L 'Economie.
T OM E 2
DOCUMENTS
DOCUMENT
Le Peuplement.
TOME 3
-
La Synthèse Générale .
.TOME 4
-
Les Propositions de Développement.
-
Inventaire des villages de la zone Baoulé .
DOCUMENT
2
-
Histoire de !'Agriculture en zone Baoulé.
DOCUMENT
3
-
Eléments pour une monographie du centre semiurbain de Toumodi.
DOCUMENT
4
Essai de monographie d'un village de savane
Diamelassou.
DOCUMENT
5
Essai de monographie
Kouakoubroukro .
DOC UM ENT
6
-
d'un
vi li age
de
Expériences actuelles de vulgarisation
DOCUMENT
7
-
Données sur quelques terroirs villageois.
DOCUMENT
8
-
L'habitat rural.
DOCUMENT
9
-
Quelques aspects de la vie sociale.
Tableaux statistiques de base .
DOCUMENT 10
DOCUMENT 11
-
Etude des sols.
*
*
*
forêt
agricole.
L'HABITAT RURAL BAOULE
SOMMAIRE
L'HABITAT RURAL BAOULE
PRESENTATION
. . . . . . . . . . . . . . •. •••. . . . . . . . •. . . ••••. . . •••••••••••••. •. . .. . . . . . . •. . ••
5
INTRODUCTION . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
6
LA MAISON RURALE • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • • • • . . . .
9
La construction traditionnelle . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
10
Les techniques de construction • • . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1O
Les plans et les types de bâtiments . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . • . . .
14
Croquis de bâtiments traditionnels . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
18
La maison moderne . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
28
Les phases de la construction . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . .
28
Les plans et les types de bâtiments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . .
32
Croquis de bâtiments modernes ....•.........••......................
Les installations utilitaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . • . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . •
38
LE VILLAGE • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
41
Les caractères généraux • • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
43
Exemples de plans de cours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
44
Exemples de plans de villages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . .
52
LES PROBLEMES ET L'EVOLUTION DE L'HABITAT .. . . .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. . .. .. .. . .
65
L'approvisionnement en eau • • • . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
66
Le développement de la construction moderne • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
71
La répartition géographique des maisons modernes . . • • • . . . . . . . . . . . . . . .
71
Le coût des maisons de conception moderne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • • . . . .
72
L'âge et le renouvellement des constructions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . .
73
La surface couverte et la densité d'occupation • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
74
CONCLUSION • • . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
76
3
PRESENTATION
Ainsi, li apparait que la question de l'habitat rural doit
être replacé dans le cadre de la politique économique
nationale. Ses incidences, aussi bien vis-à-vis du monde
rural que du monde urbain, très Importantes, justifient
l'intervention des Pouvoirs Publics dans ce domaine.
L'habitat constitue de nos jours l'indicateur le plus
immédiat de la progression du modernisme dans le milieu
rural. Les villageois ont conscience des modifications radicales qu'introduisent les constructions de maisons • en dur •
tant pour leur mode de vie en général que pour l'organisation concrète de leur existence journalière : mals Ils ne
volent pas clairement le bouleversement que sera pour eux
ce nouvel habitat dans les années futures.
Généraliser les plans de lotissements, créer de grands
axes de circulation reliés aux villages, susciter un cadre
villageois socialement et culturellement organisé : toutes
ces mesures devraient accélérer la modernisation des
campagnes.
L'analyse des effets Inducteurs de ces modifications
devra faire l'objet d'une étude spécifique. On peut toutefois
mentionner dès à présent les effets suivants, directs et
Indirects:
L'étude présentée Ici a pour objet de mettre à la disposition des urbanistes, architectes, sociologues et psychologues les principaux éléments d'appréciation concernant
la situation actuelle de l'habitat rural.
1. L'habitat sera fixé, condition fondamentale pour que
les villageois puissent disposer d'une Infrastructure économique, sociale et culturelle.
S'écartant de plus en plus de la maison traditionnelle,
les villageois n'ont pas encore élaboré des types de constructions qui répondent réellement à leurs besoins.
2. La maison moderne nécessite l'utlllsatlon des services
de plusieurs corps de métiers (maçons, charpentiers, menuisiers, peintres...). Ces artisans, qui viennent des centres
urbains ou qui apparaissent spontanément dans les villages,
devront Investir pour s'équiper, afin de pouvoir répondre è
la demande.
L'architecte trouvera dans cette étude les caractéristiques des types modernes d'habitat, retenus actuellement
par les villageois. Mals, replacées dans leur cadre normal
cours et villages, les maisons modernes restent plus ou
moins " étrangères • à leurs occupants : ces habitations ne
sont pas suffisamment adaptées à la vie rurale Baoulé.
3. Les entreprises Industrielles nationales (scieries, brlquetterles, broyage de cllnkers à défaut de cimenterie ...)
disposeront d'un marché étendu : des Investissements Importants seront nécessaires et des emplois nombreux seront
créés.
Proposer aux paysans des plans de demeures répondant
à leurs besoins économiques et sociaux, telle est donc
la tâche que l'architecte devra se fixer.
B. FRIDE.
Oette étude a été effectuée par M. TROUCIIAUD, Chargé de Recherche à l'O.R.8.T.O.!tl.
5
INTRODUCTION
transformés en Côte d'ivoire ou Importés (bols scié, tôle,
ciment, ferrures) s'achètent en ville et sont acheminés par
transport automobile jusqu'au vlllage. L'exécution des travaux
est confiée à une série d'artisans spécialisés, rémunérés
en espèces; ils résident d'ordinaire en ville et se déplacent
à la demande.
Le développement d'une économie monétaire de
plantation provoque, depuis quinze années environ, la
transformation de l'habitat rural Baoulé.
Dans la plupart des villages, entre les anciennes cases
de boue séchée, de bols et de chaume, s'insèrent des
bâtiments de conception moderne, édifiés à partir de matériaux nouveaux.
Le propriétaire n'intervient plus dans les phases de la
construction et devient commanditaire : les partlcularlsmes
locaux cèdent le pas devant une uniformité accrue.
La construction traditlonnelle de l'ethnie Baoulé continue
cependant d'être couramment employée et rassemble toujours la majorité des édifices. Elle se caractérise par
plusieurs types de bâtiments différenciés d'après leur tallle
et leurs fonctions : elle admet quelques particularismes
régionaux : les techniques de construction sont connues
de tous et les terroirs des villages fournissent en principe
la totalité des matériaux utlllsés.
Les manifestations de modernisme n'affectent pas de
façon homogène l'habitat de la zone étudiée : elles tendent
à remonter du sud vers le nord, s'étant surtout multipliées
jusqu'à présent dans les réglons des marges forestières où
les plantations de café et de cacao assurent des excédents
monétaires plus importants. Le développement des bâtiments
à toits de tôles dans ces réglons sud prolonge une forme
d'habitat devenue prépondérante en Basse-Côte.
Les maisons modernes échappent au contraire au milieu
villageois, tant pour la conception des plans que pour leur
réalisation : les plans proviennent de l'extérieur, ou sont
des transpositions de modèles urbains. Les matériaux,
La politique de reconstruction massive des villages,
appliquée depuis peu par les autorités administratives,
accélère notablement le processus de transformation ; elle
doit normalement aboutir à généraliser les types de bâtiments modernes sur l'ensemble de la zone au Nord comme
au Sud.
Les matériaux de cette étude proviennent essentiellement de six
villages, objets d'enquêtes monographiques exhaustives :
Villages étudiés :
TIONAKANSI
: $/Préfecture Botro,
canton Goll.
NGATAKRO
:
Dlabo,
Bro.
KOKRO KOUASSIKRO :
Dldlévl,
Nziprl.
Ouarebo.
ANDOBO ALLUIBO
Sakassou,
NZERE
:
Yamoussokro,
Nanafoué.
KOUAKOU BROUKRO :
Bocanda,
Bonou.
Lee plans de villages reproduits ont été dessinés d'après des
restitutions effectuées par la Société GEOTECHNIP à partir de
photographies aériennes LG.N. de 1962. Ils ont été vérifiés et
complétés sur le terrain de Juillet à octobre 1963.
Les plans de cours et de bAtlments ont été levés en mesures
directes à la même période.
Les renseignements obtenus dans les six villages ont été complétés
par des observations de· caractère plus général Intéressant l'ensemble
de la zone. Il est apparu que l'échantillon des villages était convenablement réparti dans l'espace et rendait compte des prlnclpales
variations régionales, au demeurant faibles, observables sur la zone
Baoulé étudiée.
La description de l'habitat urbain n'a pas été abordée dans la
présente étude. Il convient, pour l'analyse de ce domaine Important,
de se reporter à l'étude monographique de la vllle de Toumodi
(Document no 3).
La présente étude s'est efforcée de mettre l'accent sur
les points suivants :
- La description d'un habitat traditionnel en vole de
régression, dont les manifestations authentiques risquent de
disparaitre ou tout au moins de s'altérer à brève échéance ;
- L'analyse de la construction moderne en tant que
poste d'investissement principal en milieu rural et en tant
que facteur de transformation de la conception du logement;
- La restitution de nombreux plans (de bâtiments, de
cours, de villages) susceptibles de fournir des bases
concrètes et chiffrées à un travail de planification de
l'habitat, conclllant modernisation et adaptation aux réalités
régionales.
8
lA ZONE D'ETUDE
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-1LA MAISON RURALE
9
LA CONSTRUCTION TRADITIONNELLE.
Les bâtiments édifiés selon les procédés anciens restent
majoritaires : maisons traditionnelles et maisons modernes
se répartissent d'après des pourcentages respectifs de
72 % et de 28 % dans l'échantillon.
La construction traditionnelle utilise exclusivement des
matériaux provenant du milieu naturel environnant. Les techniques varient peu sur toute l'étendue de la zone, à cause
du fond culturel commun et à cause des possibilités à peu
près identiques offertes par le milieu.
Les types de bâtiments se diversifient d'après leurs
fonctions : la plupart servent au logement, quelques-uns
reçoivent des affectations particulières, soit cuisine soit
magasin.
Figure no 1
Détail de charpente :
- Des baguettes pliées en demi-cercle stabilisent l'éventail des
chevrons.
- Vu de l'intérieur et par en dessous, cet assemblage rappelle
un nid d'oiseau (kotokoll sûa).
Les techniques de construction.
La maison traditionnelle (waka sua = maison en bois),
de plan rectangulaire ou ovoïde, est essentiellement constituée par une armature de pièces de bois, assemblée et
maintenue par des liens végétaux. L'armature est enrobée
de boue séchée (banco) pour former les murs et les
cloisons, la charpente est recouverte d'herbes de savane
pour former le toit.
Le toit obtenu à partir de cette charpente est à quatre
pans, il est recouvert de longues herbes de savane (anyin,
a/utré). Une armature de baguettes horizontales fixée aux
chevrons sert de support aux faisceaux de tiges qui se
recouvrent par rangs successifs. L'ensemble est maintenu
par les liens végétaux qui assurent à l'édifice une souplesse
relative lui permettant de mieux résister aux coups de vent
violents des tornades.
Nous avons employé le terme de case c de banco sur
armature • pour définir avec plus de précision ce bâtiment.
L'ARMATURE ET LE TOIT.
Les bois employés sont très variés, sans grande spécialisation des essences (1). Seuls les chevrons et les baguettes
de clayonnages utilisent de préférence les nervures de
divers palmiers.
Des piliers de bois écorcés de 8 à 10 cm de diamètre
(sua dja) sont fichés en terre et dessinent le plan : péri-
mètre extérieur et cloisonnement qui sépare les pièces de
l'intérieur. Ils sont réunis par un double clayonnage serré
de baguettes horizontales et verticales qui assurent la
cohésion. L'ensemble s'élève à 1,50 mètre environ, renforcé
au sommet par des perches plus fortes reposant sur l'extrémité fourchue de certains piliers; ces perches forment un
cadre supérieur sur lequel reposent les chevrons de la
toiture. Le clayonnage est interrompu entre certains piliers
pour ménager les ouvertures des portes ou des vérandas.
Les quatre piliers d'angles sont parfois d'un diamètre plus
important, mais ce fait n'est pas général.
L'assemblage de l'armature, de la charpente et la pose
du toit constituent les premières phases de la construction,
où n'interviennent que des matériaux végétaux, tirés de la
forêt ou de la savane.
LE SOL ET LES MURS.
L'édifice repose sur un socle remblayé, formé d'une
argile gravillonnaire que l'on extrait du pied des versants;
humidifiée, puis fortement tassé à coups de dame, elle
prend l'aspect d'un béton rougeâtre qui renforce la base
des piliers de l'armature.
La charpente du toit repose sur deux piliers centraux
fourchus de 10 à 15 cm de diamètre (kwatrin), profondément enfoncés dans le sol, dans le long axe médian du
rectangle. Ils sont souvent Incorporés dans les cloisons
intérieures et en acquièrent plus de solidité. Leur sommet
se situe entre 3 mètres et 3, 75 mètres au-dessus du
sol. Quelques bâtiments de faibles dimensions ne comportent qu'un seul pilier de soutien. Sur les fourches des
piliers centraux repose horizontalement une poutre faitière
(dja nvlé) qui dépasse les piliers, de part et d'autre, d'un
demi-mètre ; elle marque l'axe du toit.
L'épaisseur normale du socle, d'une dizaine de centimètres lors de la première construction, peut atteindre
50 à 60 cm dans le cas d'une maison plusieurs fois rebâtie
sur un même emplacement : la coupe révèle parfois quatre
lits superposés d'argile à gravillons.
Le ruissellement intense qui érode le sol dénudé des
villages peut dégager la terre environnante et accentuer
la surélévation de plusieurs décimètres.
Un réseau serré de chevrons (wala walasu), longues
perches de bois ou, le plus souvent, nervures des grandes
palmes du raphia, joint la faitière au sommet de l'armature
des murs.
Le clayonnage des murs est bourré de banco (ndotié)
terre argileuse humidifée et grossièrement pétrie qui durcit
La ferme est inconnue : le raccordement des chevrons
sur les angles et les petits côtés du rectangle s'effectue à
partir des extrémités de la faitière sous forme d'un éventail
rayonnant. Le faisceau des chevrons convergeant vers
l'extrémité de la faitière, renforcé par une série de baguettes
arquées, est nommé kotokoli sua (Le nid de l'oiseau :
Kotokoli). (Fig. n° 1).
(1) Parmi les plus utilisées :
!('Pan.oui ble
Afrormosla laxifora.
J(oram ni,•ore
Markamia tomentosa.
To1ni
Tamarindus indica.
Sea
Bridelia ferruginea.
Koma
Terminalia glaucescens.
Bali
Raphia sudanica.
.Me
Eleis guineensis (palmier à huile).
S.olc.~ia
Phoenix récllnata.
10
au séchage. Les propriétés physiques et la couleur du
banco varient d'un village à l'autre selon les terres dont
il provient ; très fréquemment, on lextrait du sol même
du village ou de ses abords immédiats afin d'éviter un
long portage. Ces prélèvements parsèment le terrain d'excavations qui reçoivent par la suite les détritus ou les eaux
des • douchières •. Lorsque le sol du village est impropre
(sableux ou gravillonnalre) la terre est apportée de plus
loin, recueillie sur les plateaux forestiers ou sur les cônes
de termitières qui donnent un excellent matériau ocre foncé.
Dans certains villages, est utilisé un banco de couleur
jaune extrait des bas-fond en bordure de marigots. La
première couche centrale de banco introduite dans le clayonnage laisse celui-ci apparent ; argileuse, pour les raisons
de dureté, elle se craquelle intensément au séchage.
La paroi obtenue, lissée à la main, présente une surface
parfaitement plane, elle peut résister aux intempéries plusieurs dizaines d'années si l'enduit superficiel est renouvelé
fréquemment. Seules les bases des murs, sapées par les
pluies obliques, nécessitent des recharges de banco plus
importantes. Les cloisons internes sont édifiées selon le
même procédé, mals se différencient des murs extérieurs
par une épaisseur moindre (10 cm contre 12 à 15 cm pour les
murs extérieurs).
Au sommet des murs externes, l'intervalle entre les
chevrons reste ouvert. Les cloisons sont plus hautes que
les murs extérieurs mais n'atteignent jamais le toit : le large
espace ménagé favorise l'aération et l'évacuation de la
fumée, lorsqu'existent des foyers.
Un crépi est ensuite appliqué sur les deux faces, masquant complètement l'armature et donnant une paroi à peu
près lisse. On obtient ce crépi à partir de terre hydromorphes de fonds de vallée : sa couleur varie entre le gris,
le blanc jaunâtre et l'ocre clair, il contient moins d'argile,
davantage de limon et de sable, et ne se fendille que très
légèrement au séchage.
Un procédé de construction particulier peut être noté
dans deux cantons du Nord-Ouest : Bro et Satikran (région
de Botro et Diabo) :
Les parois sont édifiées en briques de banco (tofa)
pétries à la main (L: 30 cm; 1 : 15 cm; H 10 cm). La
construction s'opère par lits successifs de briques disposées
obliquement par rapport à l'horizontale, chaque rang étant
incliné dans le sens inverse du rang sous-jacent ; la paroi
brute prend l'aspect d'une suite de chevrons superposés.
Les briques sont façonnées à proximité immédiate et posées
encore humides, ce qui dispense de joints. Elles sèchent
sur place et il faut attendre que le dernier lit soit sec
pour entreprendre la pose du lit supérieur. La construction
peut ainsi durer plusieurs semaines. (Fig. n° 2).
Un dernier enduit protecteur est appliqué sur le précédent et obture définitivement les craquelures qui pouvaient
subsister. Il est composé généralement d'un mélange de
terre alluvionnaire et de cendre qui lui confère une teinte
grise mais les formules de fabrication varient beaucoup,
utilisant dans certains villages des argiles blanchâtres de
décomposition des granites (fa ou/oué) ou des cônes de
termitières établis sur les rives des marigots (sré /a).
1m
Figure n° 2
Mur en briques tofa. Canton GOLI.
Mur en briques to/a. Cantons BRO et SATIKRAN.
plates-formes, hautes de 40 à 60 cm, sont ceinturées d'une
légère moulure en relief et supportent les différents isolants
qui constitue la literie (1 ).
Dans le canton Goli à l'extrême Nord-Ouest, un deuxième
procédé voisin est utilisé. Les briques de banco plus volumineuses (L : 40 cm ; 1 : 15 cm ; H : 15 cm), sont également
appelées to/a, mais disposées en rangées normales horizontales et non plus obliquement. Les briques, posées
humides et encore molles se soudent naturellement les
unes aux autres. Ce procédé rappelle de très près le
procédé décrit au chapitre suivant, utilisé par les maçons
dahoméens dans la construction des maisons modernes.
D'autres banquettes surélevées, mals d'une moindre
hauteur (10 à 15 cm), sont ménagées dans les maisons de
femmes ou les cuisines contre le mur du fond. Elles
servent à entreposer une série de jarres et de récipients
contenant la réserve d'eau de la famille.
La construction en to/a, géographiquement limitée aux
cantons Nord du pays Baoulé, trahit des Influences provenant des ethnies Tagouana, Djimini et Dloula, chez qui cette
technique est couramment employée pour l'édification des
cases rondes. Malgré l'absence d'information précise, on
peut émettre l'hypothèse d'une introduction par les captifs
de Samory, dispersés en grand nombre dans ces cantons
à la fin du XIX" siècle.
Les encadrements des portes, les seuils entre les différentes pièces, les rebords de banquettes sont parfois ornés
de cannelures et de motifs géométriques en creux, modelés
dans le banco. Cette ornementation est soulignée par un
enduit rouge foncé confectionné à partir d'une terre : mgba,
fortement teintée par l'oxyde de fer et extraite en profondeur sous les bancs d'argile gravillonnaire. Certains terroirs
en sont démunis et le mgba se commercialise (notamment
dans la région Nord-Ouest où il provient de Katiola) sous
LES AMENAGEMENTS ET LA DECORATION.
(1) La série normale traditionnelle comporte : une natte, soit grossière
((JO), soit fine, en feuille de palmier raphia (lennuéré) :
une trame d'écorce battt:e, lavée puis séchée, oufouin (de l'arbre
uufouin ou bofonia. = antlarls africana) qui peut être remplacée
par des peaux de mouton (boua kplo) autrefois réservées unique·
ment aux chefs ; enfin un pagne-couverture de coton à gros fil
(01110). en damier blanc et Indigo.
La maison de banco sur armature peut recevoir plusieurs
aménagements et quelques éléments de décoration.
Dans les chambres intérieures sont édifiées des banquettes en argile pétrie qui servent de lits (mama). Ces
11
charbon de bois pilé, mélangé à du manioc frais. Cette
préparation diluée dans l'eau est mise au feu pendant une
heure environ et appliquée à froid comme les précédentes.
Les motifs de décoration modelés ou peints, tendent à
régresser: on les trouve sur les maisons les plus anciennes
des villages et dans les villages les plus reculés, les plus
traditionnallstes.
la forme de pains cylindriques de 6 cm de diamètre et de
25 cm de longueur, vendus dans les marchés au prix de
10 francs. Dans la région Nord-Ouest (cantons Kodé,
Ouarébo, Bro mais surtout Satikran et Goli) le souci de
la décoration s'est maintenu très vif. Les murs extérieurs
reçoivent des badigeons polychromes : larges bandes verticales alternées, motifs géométriques et parfois figurations
(silhouettes d'hommes, panthères, éléphants, serpents,
fleurs, etc...). Les couleurs sont obtenues à partir de
diverses terres diluées dans de l'eau et appliquées avec
des tampons végétaux. Les plus courantes sont : un rose
très pâle (terre lokpo) et un jaune pâle (terre klama fa,
contenant une forte proportion d'éléments micacés qui la
rendent brillante) extraits en profondeur au voisinage des
nappes phréatiques ; un ocre foncé obtenu à partir de la
terre mgba, déjà citée; enfin un noir fabriqué avec du
PERIODICITE ET SUCCESSION DES TRAVAUX.
Les travaux de construction ou de réparation se répartissent tout au long de l'année selon un rythme variable.
L'enquête •temps de travaux• fournit pour les moitiés
Sud et Nord de la zone d'étude les répartitions suivantes :
Nombre de jours de travail réservés à !"habitat par exploitatlonfamlllale:
'5
~
3
2
1
....·.
..
·
·'.Q ..•• ••..·.
·...
.......··
.........
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-,
....·········
J
F
M
A
J
M
J
A
s
0
N
D
Figure n° 3
paquets de cigarettes. A ceci s'ajoute plusieurs repas,
où figure généralement du poulet, parfois un mouton.
L'ensemble représente une dépense moyenne d'environ
3 000 francs. Dans quelques cas, le propriétaire fait couper
et transporter l'herbe de la toiture par un autre homme du
village qui reçoit un salaire de 2 000 à 3 000 francs.
En janvier, février, mars, au Nord comme au Sud, se
situe une phase de construction active ; elle coïncide avec
la grande saison sèche, période creuse du calendrier agricole qui précède les défrichements d'ignames et qui suit
les récoltes de café et de cacao apportant les revenus
monétaires. La sécheresse s'installe alors avec son maximum
d'intensité (vents d'harmattan), la végétation subit sa période
d'arrêt annuelle, ce qui confère aux bois utilisés une meilleure qualité.
Les travaux des murs, où la terre constitue le matériau
principal, sont en principe réservés aux femmes. L'homme
peut intervenir dans la préparation du mélange d'eau et de
terre et dans la pose de la première couche de banco
grossier, mais les divers crépis et enduits colorés restent
le domaine exclusif des femmes ; elles se font aider par
les enfants de la famille, qui assurent le portage des seaux
d'eau ou de terre.
Dans la région Sud préforestlère s'observe, immédiatement après la saison des pluies de mai-juin, une pointe
nette mais de courte durée ; il s'agit surtout de travaux
d'entretien destinés à réparer les dégâts causés par les
précipitations.
Les activités se poursuivent pendant le reste de l'année
selon un rythme régulier, avec un léger maximum de
septembre correspondant à la saison sèche intermédiaire.
Le nombre de journées de travail nécessaire peut être
décomposé comme suit :
Jours
-
La construction d'une maison en banco sur armature
dure normalement un mois. La collecte et la préparation
des matériaux a lieu quelques temps à l'avance, effectuées
aux temps morts ou à la fin des journées de travail. Les
grosses pièces sont abattues et ébranchées en forêt. puis
transportées une à une à chaque retour au village. Les
herbes de la toiture, fauchées en savane, sont liées en
bottes et portées par grosses charges sur la tête. Quelques
jours avant, et en cours de construction, sont choisies et
ramenées les diverses lianes ou herbes utilisées comme
liens. Les plus grosses sont préparées et assouplies au feu.
-
Coupe du bois d'œuvre (armature, mur, charpente)
Coupe des baguettes de charpente et du clayonnage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
C?oupe •d~ l'herbe de la toiture, préparation des
hens vegetaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Transport des matériaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • .
Assemblage de l'armature et de la charpente . . . .
Pose de la toiture (aide collective) . . . . . . . . . . . . . .
Remplissage des murs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Aménagements divers (sol, cloisons, enduits, décoration) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
TOTAL ........................
10
5
10
5
10
20
5
15
80
Ces données de temps de travaux doivent être considérées comme des ordres de grandeur : recueillies auprès
d'informateurs, elles n'ont pas de valeur statistique ; elles
varient considérablement selon le plan et l'importance du
bâtiment.
L'édification de l'armature (piliers centraux, poutre faitière et cadre des murs) constitue la première phase de la
construction exécutée par le propriétaire lui-même, aidé
parfois de parents proches. La pose des chevrons et de la
couverture d'herbe fait appel à une aide collective qui
rassemble pendant deux ou trois journées de travail une
dizaine de parents, de camarades, de voisins. La contrepartie du • coup de main ,. provoque la seule dépense en
numéraire : achat de vin rouge, de vin de palme et de
Le coût d'une maison traditionnelle, chiffré en journées
de travail (salaire journalier du manœuvre zone de Bouaké :
150 francs C.F.A.), s'élèverait à environ 12 000 francs. En
fait, la seule dépense réelle n'intervient qu'à la suite du
travail collectif.
12
L'uniformité des techniques sur toute l'étendue de la
zone concorde avec l'appartenance au même fond ethnique
et culturel. Les quelques particularismes nets restent localisés aux seuls cantons limitrophes. A l'intérieur, les
nuances sont à peine décelables ; elles portent surtout sur
des caractéristiques secondaires: détalla d'assemblage,
degré de finition, souci plus ou moins vif de décoration.
Ces différences ténues correspondent aux grands groupes,
ou ensembles de groupes Baoulé, chacun se singularisant
par un détail particulier. On peut admettre que d'habitat
traditionnel Baoulé offre ses plus belles réalisation dans
les réglons Ouest et Nord-Ouest (Sakassou, Béouml, Botro).
Ailleurs les techniques s'appauvrissent, l'habileté et le soin
apportés à la construction diminuent notablement.
13
Les plans et les types de bâtiments.
PLANCHE N° 1
Une variété remarquable de plans caractérise la construction traditionnelle.
PLANS A EXTREMITES ARRONDIES
Deux types principaux peuvent être distingués: l'un
rectangulaire, l'autre aux extrémités arrondies se rapprochant d'une forme ovoïde.
Le type rectangulaire domine. Les maisons à plans
arrondis ne représentent qu'une infime minorité des constructions actuelles (3,5 %). Trois villages sur sept de
l'échantillon n'en possèdent pas.
LES PLANS OVOIDES.
Plusieurs faits tendent à prouver l'ancienneté du plan
ovoïde et son abandon progressif à une date relativement
récente:
- Les bâtiments observés comptent parmi les plus vieux
des villages : certains constituent des cas limites de durée
avec plus de 30 années d'existence. Aucune construction
de ce genre n'a été entreprise depuis une quinzaine
d'années.
- Leurs occupants appartiennent généralement aux
milieux les plus traditlonnalistes : chefs de villages ou de
famille étendue, gens de grand âge qui n'ont pas pu,
ou n'ont pas voulu, renouveler leur logement et continuent
d'habiter 1es vieilles constructions des années 1930, minutieusement entretenues.
- Un détail technique pourrait étayer l'hypothèse d'un
plan originel ovoïde auquel se serait substitué le plan
rectangulaire: c'est l'inadaptation manifeste de la charpente
actuelle aux angles droits des murs ; la ferme n'est jamais
employée et les chevrons sont disposés en un rayonnement
régulier à partir des extrémités de la poutre faitière, comme
si le mur qui supportait leurs extrémités inférieures était
resté circulaire. C'est une charpente de maison à bouts
arrondis posée sur un plan rectangulaire.
c---!.-)
(JY
·.......
Par ailleurs, la présence de deux piliers et d'une poutre
faitière marquant un axe allongé exclut l'hypothèse d'une
forme originelle totalement circulaire telle qu'on la rencontre
normalement au Nord et à l'Ouest de l'aire de pi:iuplement
Baoulé.
__
.______
_
--- _.....-.'
,
La planche 1 montre quelques exemples de bâtiments à
bouts arrondis. Certains plans semblent indiquer un passage
au rectangle :
- Un seul côté en demi-cercle (fréquent dans le canton
Goli au Nord-Ouest) ;
-
Des angles coupés et arrondis (canton Ouarébo).
Malgré les arguments ci-dessus, l'hypothèse de l'antériorité du plan ovoïde et de son remplacement postérieur
par le plan rectangulaire n'a pu être confirmée ni par les
informateurs ni par les traditions orales.
Il apparait probable que les deux tyl)i:ls de plans ont
coexisté pendant une très longue période, l'un étant finalement abandonné à une date récente. Replacé dans le
contexte général de l'habitat ivoirien traditionnel le plan
Baoulé ovoïde assure une transition originale entre les cases
rondes des ethnies du Nord et les cases quadrangulaires
des .ethnies de la Basse-Côte forestière.
LES PLANS RECTANGULAIRES.
0
Les plans rectangulaires restent les plus courants ; ils
se rapprochent parfois du carré mais seulement pour des
bâtiments de dimensions réduites. La forme rectangulaire
est imposée, la largeur étant limitée par la forte pente
qu'exige le toit à couverture végétale (entre 35 et 40°). Une
extension des bâtiments dans le sens de la largeur implique
soit des murs extérieurs très bas, soit un faite très haut
qui rendrait la construction plus fragile et compliquerait les
14
2
4
6
&m
problèmes de charpente. Le rapport hauteur/largeur est
relativement constant : hauteur 1, largeur 1, 15 ; ses termes
varient peu :
-
PLANCHE N° 2
YASUA SUA MAISONS D'HOMMES
hauteur comprise entre 2,80 m et 3,60 m ;
largeur comprise entre 3,20 m et 4,00 m.
L'ampleur du bâtiment dépend donc uniquement de sa
longueur : on observe ainsi des cases à plan très étiré
dépassant 13 m de long.
Les cloisonnements internes provoquent une grande
diversité de combinaisons qui peuvent donner lieu, dans
les cas les plus complexes, à 5 ou 6 pièces.
Les plans s'organisent selon deux schémas fondamentaux : la diVision dominante peut être soit perpendiculaire,
soit parallèle au mur de façade situé sur un des grands
côtés du rectangle.
Figure n° 4
1
Schéma transversal.
1
t---1·~
....;•...__...
1
•
Schéma longitudinal.
Dans le premier cas, les pièces latérales donnent sur
une pièce centrale où s'ouvre l'entrée principale.
•
Dans la deuxième disposition une ligne de séparation
(seuil avec dénivellation ou mur plein) partage le rectangle
dans le sens de sa longueur ; elle tend à se situer plus
près de la façade que du mur du fond. La portion la plus
vaste s'étend vers l'arrière du bâtiment et peut être cloisonnée transversalement pour constituer des pièces
séparées.
La portion la plus restreinte, allongée derrière la façade,
constitue un couloir en cas de façade pleine, une véranda
en cas de façade ouverte.
Sur ces deux schémas Interviennent de multiples
variantes amenées par les dimensions plus ou moins
grandes, ou la destination particulière du bâtiment.
D'après ce dernier critère, trois catégories de maisons
sont distinguées par la terminologie locale.
LES TYPES DE BATIMENTS D'APRES LEURS FONCTIONS.
- yasua sun (maison d'homme) désigne un bâtiment
de taille moyenne pouvant comporter quatre pièces au
maximum.
0
'
L'agencement des cloisons Intérieures peut s'inspirer
du schéma transversal ou longitudinal (voir planche n° 2),
mais le caractère fermé des plans reste commun. L'édifice
ne communique avec l'extérieur que par une seule ouverture: l'air et la lumière utilisent la porte d'entrée, ou les
Intervalles entre le toit et les murs. Toutes les pièces sont
dépendantes et donnent soit sur un couloir de façade dans
le schéma longitudinal, soit sur une pièce centrale dans le
15
2
'
41
'
1
am
1
schéma transversal ; dans ce denier cas il faut remarquer
que les ouvertures des plèoes sont décalées et ne se font
jamais face.
PLANCHE N° 3
BUA BA MAISONS CUISINES
Ce type de maison fermée comporte des chambres à
coucher ou des magasins. Autrefois il constituait le logement personnel des chefs de ménage ou d·1solés. Il abrite
désormais des ménages mais ne sert pas de cadre aux
activités domestiques : les occupants s'y retirent seulement
pour la nuit.
Certaines pièces servent de resserre, et renferment, à
l'abri d'une porte de bois munie d'un verrou, les biens
précieux de la famille. La porte extérieure de la maison
peut elle-même être fermée à clef lorsque les occupants
se déplacent hors du vlllage.
D
- sua ba (petite maison) s'applique à des constructions
simples et restreintes où sont préparés les repas: des
maisons-cuisines.
Quelques-unes comportent des cloisons transversales qui
séparent les domaines respectifs des épouses d•un ménage
polygamique (voir planche 3). Ces bâtiments, faute d'entretien, n'ont qu'une existence éphémère de quelques années.
Leur construction peu soignée utilise souvent des matériaux
de rebut, pris dans des cases voisines écroulées. La fumée
des foyers tripodes, (mbo) en banco durci, s'évacue par
des espaces ménagés entre le toit et les parois qui
s'interrompant fréquemment à hauteur d'homme. L'orifice
de l'entrée est barré à l'aide d'une claie légère maintenue
à l'extérieur par deux pieux; elle permet l'aération et
préserve des moutons et des chèvres errant dans le village
les provisions ou les repas en préparation.
.
[!]
-
rn
La cuisine sert d'entrepôt pour des produits vivriers de
consommation immédiate, mis à sécher sur des vanneries ;
elle abrite les ustensiles de cuisine et la provision d'eau
contenue dans des jarres ou des cuvettes. Une banquette
de banco plaquée contre le mur du fond constitue la place
habituelle de ces gros récipients.
[j [3
En fait les repas sont couramment préparés en plein air
sur des foyers extérieurs établis devant la façade. La
cuisine est surtout utilisée les jours de mauvais temps.
t Lf]
- bla sua (maison de femme). li s'agit d'un bâtiment
de grandes dimensions pouvant dépasser 1O m de longueur.
Le plan à séparation longitudinale est ici la règle (voir
planche 4). Une véranda, délimitée vers l'extérieur par
l'alignement des piliers de soutien ou par des pans de
murs, court le long de la façade. L'arrière, généralement
surélevé d'une vingtaine de centimères, est fractionné en
plusieurs pièces donnant sur la véranda.
0
1
Les fonctior.s Ju bâtiment sont multiples : il sert à la
fois de logement pour les femmes et les enfants, de cuisine
et de magasin. Les pièces d'ailes, fermées, constituent
traditionnellern€nt des logements pour les femmes des
ménages polygamiques (le chef de famille habitant seul
dans une yas1ui su" voisine) ; en fa!t, elles sont fréquemment occupées par des ménages. Les pièces centrales,
largement ouvertes sur la véranda, abritent des provisions,
16
5
1
1om
1
des ustenslles, et sont utilisées comme salles de séjour
ou lieu de repos pour la sieste. Elles peuvent être séparées
de la véranda par une natte ou un rideau et servir à
l'occasion de chambre à coucher. La véranda abrite parfois
un petit grenier en banco édifié à l'une de ses extrémités :
les foyers qui y sont établis servent les jours de pluie.
PLANCHE N° 4
BLA SUA MAISONS DE FEMMES
La bla sua et sa véranda constitue le centre de la
vie familiale, le lieu de réunion privilégié. Les activités
domestiques se déplacent alternativement de la véranda à
l'espace dégagé de la cour selon l'heure de la journée
ou les conditions atmosphériques : ombre, humidité, chaleur
pluie.
·-----·-·
[I_IJ~
f.J------~- -.J:J
0
17
s
10 m
Croquis de bâtiments traditionnels.
Plans, coupes transversales ou longitudinales, élévatlonsà l'échelle du centième.
BATIMENTS OVOIDES.
PLANCHE 5
yasua sua à deux pièces
bla sua à deux pièces et véranda
(Andobo Alluibo)
(Andobo Alluibo)
- Deux pièces fermées comportent des banquettes-lits (mama)
à rebords ornés de cannelures.
- Des parois cloisonnées : chaque pieu vertical enrobé de banco
apparait en salllle sur la face intérieure ;
- Deux plllers centraux soutiennent le toit.
- Deux petites ouvertures éclairent les pièces du fond (cas peu
fréquent).
18
PLANCHE 6
bla sua à deux pièces et véranda
bla sua à véranda très ouverte (type courant)
(Andobo Alluibo)
(Kouakou Broukro)
,
-
__ --
-
-
Des pièces d'ailes exlguês;
Une large pièce centrale abrite un foyer tripode.
19
Une pièce centrale très exiguê qui sert de resserre ;
Une murette ferme partiellement la véranda.
PLANCHE 7
yasua sua à véranda (cas exceptionnel)
(Kouakou Broukro)
0
-
Une seule ouverture située sur le petit côté ;
-
Une véranda semi-circulaire utilisée fréquemment comme lieu
de réunion (logement d'un chef de village).
20
-
BATIMENTS RECTANGULAIRES -
MAISONS D'HOMMES.
PLANCHE 8
yœua
$UO
à deux pièces (type courant)
yasua $ua à trois pièces (type courant)
(Kouakou Broukro)
(Andobo Alluibo)
-- -__--::-.:-
-~----
-- ----
----- -- --
--:--
--
..;... __
. ~---
---- -.-=:::
1
0
-
Plan presque carré fréquent dans les petits bêtlments.
21
-
Des plllers enrobés dans les cloisons transversales:
Des portes Intérieures ne se faisant pas face :
-
Une natte ferme rentrée centrale.
PLANCHE 9
yasua sua à véranda (cas peu fréquent)
yasua sua de grandes dimensions
(Kouakou Broukro)
(Ngatakro)
1
0
1
---------
0
0
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1
1
1
1
1
1
1
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0
-- -
- Une seule ouverture vers l'extérieur;
- Une resserre étroite au fond et à gauche du bâtiment :
- Une banquette-lit ( mama) dans la pièce centre-gauche ferme
partiellement l'entrée de la resserre.
22
-
BATIMENTS RECTANGULAIRES -
MAISONS CUISINES.
PLANCHE 10
3ua ba à une pièce (forme très répandue)
5ua
ba à deux pièces (type très fréquent)
(Kokro Kouassikro)
(Kouakou Broukro)
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-
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-
Un seul piller de soutien :
Un foyer tripode à droite de l'entrée.
23
Une cloison basse sépare partiellement les deux pièces :
Une claie légère en branchage ferme l'une des ouvertures.
PLANCHE 11
sua ba à deux pièces
sua ba à trois compartiments (cas exceptionnel)
(Ngatakro)
(Andobo Allulbo)
-----
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L
0
- Un couloir central abrite une provision de bois ;
- Une claie en vannerie <Gnén:). particulière aux cantons
Nord-Ouest, sert à la fermeture ; elle est maintenue par deux pieux
fichés en terre ;
- Une banquette à jarres au fond de la pièce à droite ;
- Une construction peu soignée : la poutre faitière trop faible
s'est incurvée à ses extrémités.
JJ
- Un mur de façade ouvert à sa partie supérieure pour faciliter
l'aération;
- Un toit à deux pans.
- Quatre poteries enrobées dans le banco du mur de façade sont
utilisées pour des sacrifices aux fétiches.
24
-
BATIMENTS RECTANGULAIRES -
MAISONS DE FEMMES.
PLANCHE 12
bla sua à véranda restreinte
bla su.a à véranda ouverte (type très fréquent)
(Ngatakro)
(Kokro Kouassikro)
·~-------~
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- 0- - - -
- Une pièce chambre à coucher à gauche; deux pièces cuisines
au centre et à droite :
- Un grenier rond à l'extrémité droite de la véranda.
A gauche une pièce chambre à coucher avec un lit-banquette :
- A droite une pièce cuisine avec un foyer double et des jarres
posées sur leur banquette.
25
PLANCHE 13
bla sua à pièce centrale ouverte (type très fréquent)
(Kouakou Broukro)
-
1
- ----- -- -
1
e•I
0
0
Deux pièces logement aux ailes;
- Une pièce centrale ouverte servant de magasin, de lieu de
réunion, de lleu de repos pour la sieste ;
- La véranda abrite un foyer et un magasin à son extrémité
gauche.
26
PLANCHE 14
bla sua de grandes dimensions à deux pièces centrales
(Kouakou Broukro)
-
- --==--- ·. -====-~-
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27
8
~1
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LA MAISON MODERNE.
L'apparition des bâtiments de conception moderne en
milieu rural Baoulé ne remonte pas à une date très
ancienne.
Dans les deux cas, les parois reposent sans fondation
à même le sol ; seuls quelques bâtiments de briques sont
renforcés d'un soubassement en blocs latéritiques cimentés.
Dans l'échantillon des six villages. la plus vieille maison
à toit de tôle date de l'année 1943 (Ngatakro) ; elle peut
être considérée comme une exception, initiative d'un précurseur, chef de village et ancien urbanisé. A partir des
années 1948-1949 quelques tentatives isolées apparaissent,
mais il faut attendre 1955 pour observer un développement
massif des constructions nouvelles. Cette année-là, dans
quatre des sept villages de l'échantillon, trente bâtiments
au total ont été achevés. Le mouvement s'est poursuivi
jusqu'à ces dernières années.
D'après les informations recueillies, les maçons. originaires du Dahomey, auraient commencé à construire en
pays Baoulé aux alentours des années 1949-1950. Ce sont
des migrants temporaires quittant le Dahomey pour des
séjours d'un an environ et y laissant leur famille. Ils
s'établissent dans un secteur rural et rayonnent de village
à village en proposant leurs services. Ils se déplacent
généralement accompagnés d'un ou plusieurs aides, non
rémunérés, qui apprennent le métier, et peuvent revenir
à leur compte après un ou deux ans d'apprentissage.
Nourris et logés par leurs commanditaires, changeant de
village au hasard des contrats, n'utilisant aucun outillage
onéreux ou encombrant, ils parviennent à rassembler un
pécule de 150 000 à 250 000 francs C.F.A. au cours de leur
séjour en Côte d'ivoire. Ils retournent alors au Dahomey
passer deux à quatre mois dans leur village et confier
leurs gains à leur famille.
Les phases de la construction.
Les phases successives de la construction font appel
à une série d'artisans, venant sur commande de l'extérieur;
cinq interviennent successivement: un maçon des murs, un
charpentier-couvreur, un deuxième maçon effectuant le crépissage et la pose de la dalle de ciment, un menuisier
et éventuellement un peintre.
Le banco des dahoméens est constitué à partir des
mêmes terres argileuses utilisées en construction traditionnelle ; il est édifié par couches superposées de 50 à
60 centimères de hauteur, épaisses de 25 centimètres à la
base des murs et de 20 centimètres au sommet. La
construction s'étale sur un laps de temps assez long car
chaque couche doit partiellement sécher avant de pouvoir
supporter le poids de la couche supérieure. Les lits sont
modelés et pétris à la main par le maitre-maçon, l'aide
prépare le banco et alimente l'artisan en matière première,
lui lançant à la volée les mottes lorsque les parois atteignent
leur niveau supérieur. Chaque lit de banco est régularisé
à la planche puis laissé au séchage sous l'ombre d'un
faisceau de palmes.
LES MURS EN BANCO DAHOMEEN.
Deux matériaux peuvent entrer dans la confection des
murs et des cloisons : le banco sans armature dressé
selon les procédés des maçons dahoméens ou bien la
brique crue jointée au ciment.
t..
Fig. 5 : La construction dahoméenne :
-
Couches superposées de banco ;
-
Cloisons transversales destinées à supporter le poutre faitière :
-
Linteaux en planche sur porte et fenêtres.
villages largement prépondérante (87 % des maisons
modernes de l'échantillon). A l'inverse des villes ou des
centres semi-urbains la brique est moins employée car
plus onéreuse.
Le maçon essaye généralement d'obtenir plusieurs
contrats dans un même village, ce qui lui permet de construire sans interruption pendant les périodes de séchage
et d'effectuer une rotation entre ses divers chantiers.
L'épaisseur des murs confère au bâtiment un aspect
massif, renforcé par les lignes horizontales des lits successifs ; sa solidité dépend de l'habileté de l'exécutant et de
la qualité des terres : les parois trop lourdes, sans armature, peuvent fléchir et se déformer sous leur propre poids.
L'absence de fondations et les fissures qui s'ouvrent au
séchage provoquent parfois l'effondrement de pans de murs
complets. Toutefois, si la paroi est immédiatement stabilisée
par un crépissage au ciment, elle acquiert une résistance
satisfaisante.
LES MURS EN BRIQUES CRUES.
Le maçon, chargé des murs de brique, est généralement
ivoirien et souvent Baoulé. Il réside normalement en ville
et se déplace sur commande au village. Quelques villageois
connaissent également les techniques de fabrication et de
construction.
Les briques (longueur 30 cm, largeur 15 cm, hauteur
15 cm) sont façonnées sur place avec de la terre mêlée
La construction en banco dahoméen reste dans 1es
à une faible proportion de ciment. Des moules métalliques
28
d'importation ou en planche de fabrication locale, servent
à confectionner le lot nécessaire qui est mis à sécher à
lombre d'un auvent
La brique crue, assemblée et jointée au ciment, constitue
des parois assez fragiles de 15 centimères d'épaisseur qui
demandent un crépissage rapide et étanche pour éviter
qu'elles ne s'humidifient et s'effondrent au cours des saisons
de pluies. Plusieurs mécomptes de ce genre ont été observés dans les villages étudiés.
Quelques rares propriétaires ont pu utiliser des briques
de fabrication industrielle, achetées à Bouaké et transportées
en camion, mais leur coût (doublant à peu près le prix de
l'édifice par rapport aux normes courantes) interdit pour le
moment une plus large extension.
La dalle se prolonge presque toujours devant l'entrée
principale par un perron ou une terrasse surélevée, ornée
parfois d'une balustrade et desservie par un ou plusieurs
escaliers. Certaines terrasses couvrent une large superficie
et sont utilisées par la suite comme lieu de réunion ou
comme séchoir à café.
LA MENUISERIE ET LA PEINTURE.
La confection des portes et des fenêtres (les maçons
dahoméens ou citadins ont introduit la fenêtre, absente des
cases végétales) fait appel à un quatrième artisan, venu
de plus souvent des centres urbains. Il travaille généralement au village, apportant ses matériaux et ses outils, et
façonne ses panneaux et ses châssis selon les dimensions
des ouvertures. Parfois le propriétaire se déplace et achète
en ville des éléments déjà montés en ateliers. Il les place
lui-même, pouvant adapter facilement l'ouverture aux dimensions du cadre, grâce à la friabilité des murs. Des panneaux
de bois plein sont employés pour les portes, des persiennes
pour les fenêtres, qui restent des ouvertures restreintes
dépassant rarement un demi-mètre carré.
LE TOIT.
La pose de la charpente et du toit suit normalement
l'achèvement des murs et des cloisons.
Le charpentier-couvreur vient également de la ville pour
travailler à la commande. Il se charge fréquemment de
l'achat et du transport des matériaux et conclut avec le
propriétaire un contrat forfaitaire global comprenant matériaux et main-d'œuvre.
Enfin un dernier spécialiste, le peintre, intervient pour
enduire murs et cloisons de peintures d'importation ou de
lait de chaux. Ce dernier aménagement peut être exécuté
par le propriétaire, mais il reste souvent différé.
La charpente, en bois usiné provenant des scieries
urbaines, se compose d'une poutre faitière reposant sur
deux cloisons transversales et d'un quadrillage peu serré
de chevrons (section courante : 6 cm X 6 cm) reliant la
faitière au sommet des murs. Bien qu'il existe des toits
à un ou deux pans, le toit traditionnel à quatre pans reste
de règle. Des poutrelles de section plus forte en marquent
las arêtes.
Comme dans les cases végétales, la ferme n'est pas
utilisée, mais le problème du support de la faitière est
résolu par l'agencement du plan interne qui laisse toujours
deux cloisons transversales. Ces cloisons remplacent en
fait les deux piliers des cases traditionnelles. La charpente
apparait légère, tant pour des raisons économiques : le bois
usiné reste très onéreux, que pour des raisons techniques :
la portée des pièces de bois n'est pas considérable de
même que le poids de la couverture en tôle, posée et
clouée directement sur des chevrons.
LE DALLAGE ET LE
Les méthodes de construction pratiquées dans les villages font appel à quatre ou cinq spécialistes. Les tâches
restent fractionnées à l'extrême, contrairement au milieu
urbain où commencent à apparaitre des entrepreneurs se
chargeant de la totalité du gros œuvre et le menant à bien
d'une seule traite.
Les étapes peuvent s'échelonner sur un temps très
variable : quelques mois ou plusieurs années. La rapidité
de l'achèvement depend des disponibilités du propriétaire
qui conditionnent l'achat des matériaux et le paiement des
salaires. Certains bâtiments restent en chantier pendant
trois années ou plus : ils sont peu à peu complétés après
chaque récolte de café ou de cacao. Dans les cas extrêmes
observés, les murs de la maison ont été édifiés mais la
pose du toit n'a pu être payée; la carcasse de banco ou
de brique, laissée sans protection plusieurs années, subit
l'érosion des pluies et finit par s'écrouler.
CREPISSAGE.
Lorsque la toiture est achevée la maison est considérée
comme habitable, et fréquemment occupée, car les plus
grosses dépenses étant effectuées, il faut attendre de
nouvelles rentrées d'argent et souvent une nouvelle récolte
pour compléter les aménagements.
Le fractionnement de la construction, permettant de
différer dans le temps les phases successives, découle
de la faiblesse ou de l'irrégularité des revenus.
Un deuxième maçon Intervient pour assurer le crépissage des murs et égaliser le sol par une dalle de ciment.
Les plans et les types de bâtiments.
Les murs sont crépis au ciment à lextérieur comme
à l'intérieur. La dalle du sol repose généralement sur un
socle remblayé après l'élévation des murs. Il est constitué
soit par des terres gravillonnaires analogue au sol des
cases traditionnelles, soit par un blocage en débris de cuirasse latéritique.
Les maisons modernes. utilisant la tôle comme couverture, peuvent se libérer des contraintes Imposées aux cases
traditionnelles par leur toit de chaume à forte pente (35-40°).
Les inclinaisons données aux toits de tôles varient entre
25 et 30° ; aussi, pour une hauteur de faite identique,
peut-on obtenir des plans beaucoup plus amples.
1m60
l
~-----5
m 2 0----~
- - - - - - - - - 7 m 60 - - - - - - - · - ? Figure 6.
29
(A hauteur égale de faite et de murs extérieurs,
2,60 mètres sont gagnés sur la largeur avec une variation
de 10° dans l'inclinaison du toit, voir figure 6).
PLANCHE N° 15
MAISONS MODERNES
Les plans modernes atteignent couramment des dimensions de 8 à 12 mètres en longueur (ce qui s'observait
exceptionnellement sur des types traditionnels très allongés :
bla sua) et des largeurs de 4 à 7 mètres, impossible à
réaliser avec les couvertures végétales. Les bâtiments
gagent en profondeur et certains se rapprochent du carré.
Les maçons dahoméens ont généralisé le plan à cloisons
transversales délimitant un vestibule sur lequel donnent
deux, trois ou quatre pièces (voir planche 15). Les cloisons
transversales jouent un rôle essentiel, elle montent jusqu'au
contact du toit et soutiennent à leur sommet la poutre
faitière, parfois également les poutrelles formant les arêtes
du toit à quatre pans.
1
Plusieurs types de maisons s'écartent toutefois de ces
caractéristiques générales :
Les dimensions peuvent être réduites ou se rapprocher
des normes traditionnelles pour des solutions de compromis.
Il s'agit de bâtiments édifiés selon le procédé dahoméen
qui, appelés plus tard à recevoir une toiture en tôle, sont
provisoirement recouverts d'un toit végétal. Avant la construction, le propriétaire spécifie au maçon le mode de
couverture immédiat ; le plan est ensuite établi en fonction
de cet impératif, et notamment s'il s'agit d'herbe, limité
en largeur ; limitation somme toute relative car la faitière
reposant sur les cloisons transversales peut être établie
plus haut (4 m - 4,50 m) que dans les cases végétales.
A pente constante, le toit gagne en largeur, en gagnant en
hauteur. Ce mode de construction est actuellement très
employé. 68 % des maisons de conception moderne de
l'échantillon ont reçu un toit de chaume, contre 32 %
seulement recouvertes en tôle. Hormis la toiture et la
restr:iction de la largeur, ces constructions ne diffèrent en
rien des précédentes ; elles peuvent recevoir les mêmes
aménagements : crépissage, dalle de ciment, menuiserie et
peinture.
1
Ces types mixtes peuvent être considérés comme des
solutions d'attente qui permettent de transformer l'habitation
en évitant la plus grosse dépense (achat et transport des
tôles et les chevrons, maln-d'œuvre du charpentier).
Elles constituent, tout en restant parfaitement habitables,
des points de départ d'une modernisation qui peut être
différée pendant de nombreuses années, jusqu'à ce que
soit rassemblée la somme nécessaire.
.
•
Parmi les maisons modernes figurent quelques cas
d'exception provenant du maintien de plans traditionnels :
ainsi des maisons à cloisons longitudinales avec couloir de
façade rappelant des dispositions courantes des yasua sua.
D'autres bâtiments édifiés en banco dahoméen constituent
des transpositions exactes des blri sua traditionnelles.
Enfin certains chefs de familles polygamiques ont eu à
résoudre le problème du logement de plusieurs épouses.
La planche 16 montre deux exemples de solutions : longue
bâtisse cloisonnée transversalement, ou maison double
recouverte d'un toit commun.
~
•••
0
1
On aboutit ainsi à deux types principaux de maisons
modernes : un type complet comportant un toit de tôle et
les divers aménagements, un type intermédiaire à toiture
végétale. Leur distinction n'est pas fondamentale mais
résulte seulement d'un degré d'achèvement: un bâtiment
peut passer du deuxième au premier type si la pose de la
toiture en tôle est réalisée.
30
2
1
..
1
6
1
am
1
PLANCHE N° 16
MAISONS MODERNES -
Cas particuliers
1. Maintien du plan traditionnel à cloison longitudinale.
~ ____ f _____ J____ ~
2. bla sua construite en matériaux modernes.
- - -·
LLLlLIJ
3. Logements pour les épouses de deux familles polygamiques.
4. Maison double à toit commun pour une famille polygamique.
0
s
1om
31
Croquis de bâtiments modernes
PLANCHE 17
Maison à deux pièces
Maison à trois pièces (type très fréquent)
(Andobo Alluibo)
(Kouakou Broukro)
,--.
,_J
D
CJ
D
~.o_-
-
1
-
Un toit en t61es soutenu par un réseau lâche de chevrons ;
- Une poutre faitière maintenue exceptionnellement par un assemblage en bois ;
-
Une porte en bols plein, des fenêtres munies de persiennes.
32
-
Deux pièces d'ailes ouvrant sur une pièce centrale;
Un perron cimenté ;
-
Des chenaux rudimentaires pour recueillir l'eau de pluie.
PLANCHE 18
Maison à trois pièces
Maison à quatre pièces (type très fréquent)
{Kouakou Broukro)
{Kokro Kouasslkro)
- -------=u--=----=-=œ
- -----o~
--
~~-
~
-~
~
,__;
=-- --
-::.
Un couloir de façade rappel du plan traditionnel à cloison longitudinale
-
--- ·-.,,.--
Un grand perron cimenté à trois escaliers et muret de briques.
33
PLANCHE 19
Maison à cinq pièces
(Andobo Allulbo)
1
--
--
1 l____J
-
1
Une véranda d'entrée ornée d'une balustrade ajourée en ciment;
Un escalier et de•Jx banquettes en façade.
34
PLANCHE 20
Maison à cinq pièces (type fréquent)
(Kouakou Broukro)
-.--- . -
-D~--~-D~.
- - -.____... -- ·--- --..::..:-::-
_
. -------.
....
1
,
1
- Une grande maison habitée mais laissée inachevée depuis plu·
sieurs années : absence de crépi sur les murs en banco dahoméen,
absence de porte et de fenêtres.
35
PLANCHE 21
bla sua de conception moderne
(Kouakou Broukro)
0
OO
0
- Murs en banco dahoméens ;
- Plan et aménagements d'une bla süa tradltlonnelle, mais les
piliers de soutien sont remplacés par les cloisons transversales de
banco;
- Des foyers à l'intérieur et à l'extérieur;
- Des banquettes à jarres :
- Des étagères et des plates-formes pour entreposer des provisions.
36
PLANCHE 22
Maison à cinq pièces
(Maison exceptionnelle en milieu rural, tant par ses
dimensions que par les techniques et matériaux employés.)
(Andobo Allulbo)
_..,...-
illl
1111
-
Armature et encadrements des portes et fenêtres en béton armé.
Murs en briques de ciment achetées en vllle;
Ouvertures d'aération en éléments de ciment préfabriqués :
Perron monumental à double escalier.
37
LES INSTALLATIONS UTILITAIRES.
Les " douchières •·
Les greniers.
Les Baoulé font une grande consommation d'eau, dont
la majeure partie est utilisée à des soins de propreté: une
ou deux ablutions sont pratiquées tous les jours le soir au
retour des champs et souvent le matin. A cet effet sont
aménagées des enceintes s'élevant à hauteur d'homme,
munies d'un écoulement et de divers supports pour s'asseoir
et poser un seau d'eau préalablement attiédie.
Les greniers sont de trois types, chacun particulier à
une région:
- Au sud-est, dans l'indentation du Nzi entre Dimbokro
et Bocanda, les greniers s'élèvent exclusivement dans
l'enceinte des cours au milieu des bâtiments. Ce sont des
plates-formes de rondins reposant sur six ou huit pieux
à environ deux mètres du sol. Ils sont couverts d'un toit
d'herbe à double pente dont le faite se situe à environ
un mètre de la plate-forme. Leur capacité de stockage est
minime et l'abri reste précaire. En fait l'ensemble sert
d'auvent pour un ou plusieurs foyers, établis entre les
piliers, et remplace dans de nombreux cas une maisoncuisine absente.
- Les greniers carrés s'étendent sur le tiers nord-est
de la zone étudiée : au nord d'une ligne Didiévi-Bocanda,
à l'est d'une ligne Dldiévi-Bouaké. Une plate-forme de
rondins reposant sur de gros blocs de cuirasse latéritique
constitue un socle Isolant. Au-dessus est édifiée en banco
ou en briques crues une cheminée de section carrée
(1.15 m environ de côté) qui atteint 1,5 m à 1,80 m d'élévation. Un crépi analogue à celui des cases assure l'étanchéité des parois tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. L'ensemble
est coiffé d'un auvent d'herbe à deux pans qui déborde
largement de part et d'autre. Les greniers peuvent se
grouper par batteries de cinq à six et bénéficier d'un
auvent commun très allongé. Des palmes séchées posées
sur l'orifice de la cheminée complètent la fermeture vers
le haut.
- Le grenier rond, •grenier poterie"• (tangani) en
forme de jarre, s'étend à toute la moitié ouest de la zone
d'étude.
La " douchière • traditionnelle est constituée par une
palissade serrée qui circonscrit une surface de 2 à 3 mètres
de diamètre. La palissade peut s'appuyer sur une paroi de
bâtiment ou sur la clôture de la cour ; elle utilise fréquemment les renfoncements ou les Intervalles entre les murs.
Le sol est remblayé d'une couche de gravier latéritique qui
absorbe les eaux en profondeur ; un billot de bois ou un
siège désaffecté complète l'aménagement.
La • douchière .. palissadée tend à être remplacée par
un quadrilatère cimenté de 2 à 3 m de côté, entouré par
une murette de briques ou de banco crépi s'élevant à
1,50 m environ. L'entrée comporte une chicane masquant
l'intérieur. La dalle de ciment légèrement en pente aboutit
parfois à une fosse couverte.
Enfin, dans quelques villages au bord des grandes
routes, apparaissent des • douchières • circulaires formées
par plusieurs épaisseurs de nattes en herbes de savane ;
elles sont tressées par des manœuvres Mossi en cours de
migration qui gagnent ainsi des sommes d'argent pour
continuer leur voyage.
Il est modelé sur un socle analogue au précédent par
couronnes successives de banco fin. Chaque couche sèche
à l'ombre sous un faisceau de palmes avant que la suivante
soit entreprise. Ce type de grenier peut être richement
décoré de cannelures et de plusieurs anneaux de couleur
noir ou ocre rouge. Ils sont surmontés d'un chapeau conique
de paille tressée (klé), dont la pointe peut s'omer de
torsades variées. Les plus beaux greniers, tant par leurs
formes que par leur décoration, se localisent dans les
cantons du nord-ouest : Ouarébo, Bro, Kodé et Goli. Leur
construction reste dans la plupart des villages à la charge
des femmes, qui en gardent par la suite la propriété et
l'usage personnel.
Les métiers à tisser.
Les cadres des métiers sont installés en permanence
et fichés dans le sol. Quelques-uns occupent les intervalles
entre les bâtiments, mais la majorité se regroupent par
batoories de cinq à dix unités sous l'ombre des grands
arbres qui jalonnent les lisières des villages. Il s'en
trouve dans la plupart des villages du centre et du nord,
mais leur fréquence augmente considérablement dans la
grande région de tissage de Tiébissou (cantons Nanafoué Aitou - Nzipri et Saafoué). Ils peuvent voisiner avec des
cuves cimentées circulaires enfouies au ras du sol et
utilisées pour la teinture des pagnes à l'indigo.
Les chapelets de greniers édifiés en lisière, éléments
pittoresques des villages Baoulé, tendent à disparaitre,
comme d'autres constructions traditionnelles, lorsque se
développe l'économie de plantation. Leur fonction essentielle
reste d'assurer la conservation des récoltes de riz (pluvial
ou inondé) ou d'arachide.
Les installations de séchage.
Dans de nombreux villages de la moité sud de la zone
ces cultures, assurées par les femmes ou au profit des
femmes, ont été abandonnées pour les cultures industrielles
dont les revenus vont aux hommes. Les greniers traditionnels, de faible capacité (un mètre cube environ), ne pouvant
trouver une nouvelle utilisation avec le café ou le cacao,
ont perdu leur raison d'être et ont disparu progressivement.
Dans certains villages des cantons du centre-sud (NzipriAitou) on retrouve encore les emplacements des socles,
mais aucun grenier n'a été édifié depuis quinze ans environ.
Plus au sud, dans la région entre Toumodi et Dimbokro,
il n'en subsiste aucune trace. Dans la région nord-est, les
greniers carrés ne se sont maintenus en nombre important
que dans les villages cultivant le riz inondé de marais.
Au Nord-Ouest et à l'Ouest, la permanence des greniers
dans tous les villages est assurée par la culture du riz
pluvial qui continue à figurer en bonne place dans les
associations. L'aire culturale du riz pluvial détermine l'exoontion des greniers ronds ; ils disparaissent vers l'Est dès
qu'apparait le riz inondé et sont remplacés par les greniers
carrés.
Entre les bâtiments et autour des villages se dispersent
les aménagements nécessaires au conditionnement et à la
conservation des récoltes.
- Des claies légères horizontales reposant sur des
pieux à environ 1,50 m du sol servent à entreposer, à l'abri
des animaux domestiques, les aliments de consommation
immédiate. Ces claies sont également utilisées aux heures
chaudes de la journée pour sécher divers produits (piment,
gombo, manioc découpé en lamelles, et différentes graines ...)
- Des châssis verticaux atteignant 3 à 4 mètres de
hauteur supportent les épis de mais noués en essaims, ou
parfois de gros sacs en liane et herbe renfermant l'arachide.
- Des dalles cimentées de plusieurs dizaines de mètres
carrés de surface servent au séchage des grains de café
non décortiqués. Elles n'apparaissent que dans les villages
des marges sud-est et sud-ouest, à forte production
caféière ; plus au Nord, de grandes claies horizontales
atteignant 5 m sur 3 m de côté, les remplacent à la périphérie des villages.
38
PLANCHE N° 23
LES INSTALLATIONS DE STOCKAGE
m-
-=:::.-===
--
-- . -
---=-=-
1 - Claie de séchage à usages
multiples.
====--=...-::
"Co..,,. -
Il Grande claie de séchage
pour le café.
Ill - Châssis vertical pour la conservation du mais. Epis de mais
noués en essaim.
IV - Grenier plate-forme. Région
du Sud-Est. Foyer tripode .
0
•
0
•
D
0
•
0
V Grenier carré . Région du
Nord-Est.
0
D
VI Grenier rond tangani. Région de l'Ouest. Pieu servant à
poser le chapeau klé.
39
La ligne de séparation coïncide également a~c des
frontières ethniques entre différents groupes Baoulé : la
limite descend du nord vers le sud entre Bro et Farl, passe
à quelques kilomètres à l'ouest de Bouaké, suit les frontières entre Ouarébo et Saafoué, entre Aitou et Nzlprl, puis
s'infléchit vers l'ouest et gagne le Bandama en passant
à une dizaine de kilomètres au nord de Toumodi.
Les greniers ronds Baoulé se situent dans fe prolongement des greniers de même forme, dont l'aire s'étend
largement dans les savanes du nord et de l'ouest de la
Côte d'ivoire.
40
-11LE VILLAGE
41
Une étude des unités de peuplement, villages et hameaux,
figure dans le rapport principal de l'enquête (Tome 1 : le
Peuplement) ; nous en rappellerons ici les généralités, en
les complétant à la fin de ce chapitre par une série de
plans accompagnés de notices qui se rapportent en premier
lieu à des cours, unités élémentaires de résidence, en
second lieu à des villages. Nous essaierons ainsi, à propos
de chaque exemple, d'illustrer les principes communs
de l'organisation et de souligner les multiples traits spécifiques des localités étudiées.
LES CARACTERES GENERAUX.
Sites et localisation.
L'analyse de la structune Interne révèle le fractionnement
de la masse des constructions en de multiples cellules élémentaires: les cours. Ces groupes d'édifices de tailles
variables s'ordonnent généralement autour d'un espace
central dégagé vers lequel convergent les ouvertures ; une
enceinte peut être matérialisée au moyen d'une palissade
ou d'une murette.
Le village Baoulé n'obéit pas à des règles de localisation
et d'orientation bien précises; le relief monotone et
confus n'offre qu'un choix réduit de possibilités topographiques. Sur un grand nombre d'observations, Il ressort
que le site préférentiel coïncide avec le pied d'un versant.
lieu bien drainé, mais où la déclivité n'est pas accentuée
outre mesure.
Dans les régions des savanes du nord, les villages se
logent à l'intérieur de bosquets qui les protègent des feux
courants; dans les réglons plus forestières du sud, l'exposition sur un versant sud-ouest, face au soleil de l'aprèsmidi, devient fréquente pour atténuer l'humidité persistante
des mois pluvieux.
Les sites conservent un caractère de mobilité malgré
la stabilisation récente due aux constructions • en dur •.
L'apparition de roches latéritiques, après que le sol ait été
profondément décapé, semble constituer la cause de déplacement la plus fréquente, mais il en existe bien d'autres:
incendies répétés, Inondations, épidémies, rapprochement
des champs de culture, conflit entre deux fractions, série
de décès inexplicables, etc ..
La cour rassemble les membres d'une ou de plusieurs
familles réduites (ménages) auxquelles se rattachent des
éléments isolés : l'ensemble étant, en principe, uni par un
lien de parenté. La cour, groupement concrêt de bâtiments
et d'aménagements, est désignée par le terme ambigu
d'aouro, lequel s'applique également au groupe de parenté
qui l'occupe, groupe plus ou moins Instable et mouvant, à
cohésion très variable.
A un niveau plus large, le village peut être subdivisé en
plusieurs akpaswa, quartiers formés par un nombre variable
de cours.
L'akpaswa correspond en principe au groupe lignager,
à la famille étendue, elle-même formée de plusieurs famillesménages, mals à ce stade, la terminologie reste aussi
équivoque qu'au niveau cour-aouro, le vocable akpaswa
désignant à la fols le quartier matérialisé sur le plan, et les
personnes qui l'habitent : de plus, selon le cas, le groupe
social se révèle de caractère et de dimensions très
variables : il peut correspondre à une famille étendue au
sens strict, mais également à une fraction ou à un groupement de familles étendues.
Forme et structure.
Le village Baoulé est de type nucléaire : une masse
compacte de bâtiments se répartit, sans alignement apparent, dans un périmètre arrondi.
Les formes peuvent s'écarter à des degrés divers du
schéma circulaire, elles s'ouvrent d'indentations, se prolongent de lobes plus ou moins accentués, acquièrent après
une longue évolution des contours irréguliers se rapprochant
de figures allongées rectangulaires ou ovalisées. Le renouvellement périodique des cases tralditionnelles provoque
ces modifications progressives de plans.
Les quartiers akpaswa peuvent être imbriqués sur le
plan, de telle façon qu'il soit extrêmement malaisé de distinguer les lignes de séparation. Dans les villages de taille
modeste comportant deux ou trois akpaswa, la correspondance quartier-groupe de parenté reste souvent effective,
mais dans les grands villages dépassant 500 habitants et
comptant une dizaine de groupes lignagers, l'unité de résidence n'est plus réalisée, l'akpaswa ne correspond plus
qu'à sa définition sociologique. La dispersion des familles
élémentaires hors de leurs quartiers d'origine Intervient à
la suite d'événements divers: héritages de maisons à l'extérieur lors des successions utérines, conflits avec les membres de la famille étendue ou avec son chef, recherche
d'une place libre pour l'établissement d'une cour lorsque
l'expansion du quartier est bloqué par un accident topographique. L'évolution actuelle se caractérise surtout par
la création de quartiers composites qui regroupent des éléments hétérogènes détachés de divers akpaswa.
La densité des constructions varie autour de valeurs
fortes comprises entre 50 et 1OO bâtiments à l'hectare,
plus accentuée dans les vieux villages, parfois variable dans
une même agglomération où s'opposent un noyau ancien
et des quartiers neufs.
Dans la phase d'évolution actuelle, cette structure
compacte commence à se désagréger. Le village fermé
traditionnel, replié à quelques distance de la piste derrière
un rideau d'arbre, tend à s'ouvrir plus largement, à se
rapprocher de la vole carrossable aménagée depuis peu.
Les agrandissements récents, quartiers à structure lâche où
se multiplient les maisons modernes, comblent les intervalles entre le noyau ancien et la route, ou bien s'aligent
en bordure de celle-cl.
43
EXEMPLES DE PLANS DE COURS.
Les plans reproduits cl-après ont été levés pendant
le troisième trimestre de 1963 dans cinq villages: Tionakansi, Ngatakro, Andobo Allulbo, Kokro Kouasslkro et
Kouakou Broukro.
Cours de Ngatakro.
Le village compte une large majorité de cours ouvertes
(19 sur 23), imbriquées étroitement sur un espace restreint.
- La cour A montre un plan dédoublé par suite d'un
agrandissement vers la périphérie du village : à un premier
quadrilatère régulier (1, 2, 3 et 4) se sont ajoutés deux
autres bâtiments (5 et 6) et une ligne de greniers ronds.
La maison 4, replacée en position centrale, a été percée
de part en part pour rendre le passage aisé entre les
deux espaces libres de la cour.
- La cour B s'ordonne grossièrement selon un plan
linéaire, en partie imposé par la route longeant au nordest les bâtiments 3, 6 et 4. Deux greniers et un puits à
margelle basse en ciment encombrent l'espace central. La
• douchière • cimentée en murette de tofa, rare dans les
villages des savanes nord, s'appuie contre le bâtiment le
plus récent (6, de 1961).
Cours de Tionakansi.
Ces deux cours ouvertes dépassent quelque peu la
taille moyenne, calculée sur l'ensemble du vlllage (4,2 bâtiments par cour).
- La cour A s'organise selon un plan assez lâche, en
croix. Les maisons 1 et 2 se faisant face (de 1954 et 1955)
forment le noyau d'origine. Par la suite, la maison 2 est
devenue le bâtiment central, s'entourant de 3 en 1957,
de 4 et de 5 en 1960. La cour s'ouvre sur la limite nord
du village et s'y prolonge par deux greniers ronds et une
grande claie de séchage réservée au café. La maison 1,
gravement endommagée par un incendie, n'a été que partiellement reconstruite.
- La cour C est habitée par une unité familiale de
faible cohésion. Un noyau ancien (1, 2 et 5), dont les
ouvertures convergent vers un espace exigu enclos d'une
palissade, est occupé par un ménage avec enfants. Les
deux édifices périphériques abritent un ménage et des
isolés à résidence mouvante, partageant leur temps entre
le village et un hameau de culture distant de 30 km. Le
bâtiment 2 constitue le seul exemple de plan ovoïde dans
le village.
- La cour B délimite un espace central bien dégagé.
L'ordre chronologique des constructions : 1, 2, 3 (1955),
4 {1960), 5 et 6 (1961) montre la constitution progressive
d'un anneau fermé de cases. Le dernier bâtiment (6), une
cuisine, a été reporté vers l'extérieur.
La construction s'effectue en tofa disposés par lits
horizontaux, caractéristique du canton Goli de l'extrême
nord-ouest. Ce procédé s'accompagne de piliers extérieurs
nettement visibles, mals seulement sur les cases les plus
anciennes, antérieures à 1957. Le plan à un seul côté
arrondi, particulier au groupe de villages, n'est également
olus repris à partir de cette date.
LEGENDE DES
Les parois en tofa sont également de règle dans tous
les bâtiments représentés, mais il s'agit ici de briques
disposées en rangs obliques, selon le procédé courant
dans les cantons Bro et Satikran. Le renforcement des
parois par des piliers extérieurs ne subsiste qu'à titre
d'exception (Bâtiment 4 de la cour 4) .
PLANCHE~
.......~~
Mur en banco sur ormature
Mur en
banco dahoméen
!
Murette
o•mvella tion' teuil
Pilier de soutien vertical
Palissade
•.· m
G
Foyer•
Grenier
D
Douc.hière
A
Arbre
~
1, 2,J
Maison mitoyenne extérieure G la cour
Numéroi de batirnents dans l'ordre chronologique
de leur constru,tian
+++
Chaque croix représente un hQbitant
- __J
44
PLANCHE 24
Plans de cours de TIONAKANSI et de NGATAKRO
TIONAKANSI
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B
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N
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NGATAKRO
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45
lm
·-·Sm
Cours d' Andobo-Alluibo.
Ce village se caractérise par une forte densité de bâtiments dans sa partie ancienne et centrale. Comme dans
les deux localités précédentes, le nombre moyen de maisons
par cour reste faible (4, 6) mais la distribution s'écarte
nettement vers les extrêmes : de très grandes unités voisinent avec des cours modestes de deux à trois bâtiments.
- La cour A rassemble trois maisons autour d'un espace
relativement vaste, fermé par une palissade à entrée unique.
Sa création remonte à une dizaine d'années : elle abrite
un ménage dont le chef a quitté son groupe d'origine pour
s'installer à l'écart. Le plan, assez aéré, est à mettre en
liaison avec la fondation récente et la localisation dans le
secteur sud du village, où la place ne fait point défaut.
La maison 1 est construite en banco dahoméen.
- La cour 8, de taille moyenne, enclose de palissades
et de murettes, s'insère dans la partie très dense du
village, au voisinage de la place centrale. L'agrandissement
s'est effectué de 1 à 6 et a buté au sud contre une cour
mitoyenne; l'espace libre est devenu exigu et fragmenté,
les dimensions des dernières constructions (4 et 5) se
réduisent au minimum. La maison 1, la plus ancienne (1953),
reproduit le plan à côtés arrondis, fréquent dans le village
mais qui semble délaissé depuis plusieurs années.
- La cour C compte 5 bâtiments comme la précédente, mais s'étale sur une superficie deux fois plus
vaste : c'est une cour périphérique à la limite nord-est du
village. Une murette en banco matérialise l'enceinte sans
joindre systématiquement un bâtiment à l'autre, ce qui est
assez rare. La maison 2, en banco dahoméen, possède un
toit de tôle.
- La cour D s'étire entre la place centrale du village
(maison 3) et sa limite est (maison 14). Cette cour
ancienne, logée au cœur de l'agglomération, n'a pu s'étendre que dans une seule direction vers l'est, toutes les
autres expansions possibles étant interdites par d'autres
cours voisines. L'espace, utilisé au maximum, regroupe
14 bâtiments imbriqués entre lesquels ne subsistent que
d'étroits passages. Certains plans de maisons s'adaptent
à l'exiguïté par des déformations trapézoïdales. Cinq bâtiments sont couverts de tôles (8, 13, 5, 9 et 14), les
quatre premiers en banco dahoméen, le dernier, à peine
achevé en 1963, en briques de ciment et armature de
béton armé, bien de prestige d'un riche planteur de café .
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46
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Cours de Kokro Kouassikro.
Les cours de ce village sont des cours ouvertes, bien
distinctes les unes des autres, réparties de façon lâche
à l'intérieur d'un vaste périmètre. Le village n'est établi
que depuis une date récente sur son emplacement (1958)
et les cours, d'une tatlle moyenne régulière (4, 8 bâtiments),
n'ont pas eu le temps d'évoluer et de se différencier
nettement.
- Les cours A et B s'organisent selon des plans orthogonaux analogues et ne diffèrent que par leur nombre de
constructions. Les entrées des maisons convergent vers le
carré central, aucune barrière ne matérialise l'enceinte.
- La cour C, très ouverte, offre une structure symétrique : un logement et une cuisine (1 et 2) font face à
une cuisine et un logement (3 et 4). Les deux parties sont
habitées par deux ménages, reliés par des liens de parenté
ténus. Le puits reste commun.
- La seule cour fermée du village est représentée
en O. Le schéma orthogonal a été adopté dans la première
phase de construction (1, 2, 3 et 4), mais les aménagements ultérieurs ont amené une expansion notable vers
le sud.
A
Le village a été reconstruit intégralement pendant un
court laps de temps et c'est peut-être l'une des raisons
qui expliquent l'uniformité certaine des plans et des aménagements : chaque cour délimite un espace carré de
dimensions très voisines, chacune possède un ou plusieurs
bâtiments édifiés selon un procédé moderne, en général
banco dahoméen ; les foyers extérieurs sont rares et
l'usage d'une maison-cuisine apparait généralisé ; les cours
disposent toutes d'un puits à margelle basse, d'une ou
plusieurs • douchlères • cimentées, enfin d'un • pilier fétiche •. autel rustique construit en brique devant la porte
du chef de cour, couronné par une écuelle de terre cuite
destinée à recueillir les offrandes.
Cette homogénéité dans les aménagements concrets du
village, reflet d'une certaine • mode • dans la construction,
reste pourtant en contradiction avec la mentalité fortement
individualiste des habitants, décelée par lenquête sociologique.
48
B
A
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49
Cours de Kouakou Broukro.
Contrairement au cas précédent, ce viHage a conservé
une forte cohésion sociale, mais Ici la vigueur des liens
familiaux transparait avec netteté dans la juxtaposition de
grandes cellules strictement encloses. La moyenne des maisons par cour atteint la valeur maximum observée dans
l'échantillon (7, 1), et c'est également à Kouakou Broukro
qu'a été noté la plus vaste unité regroupant 24 maisons.
- La cour A, fermée par une palissade, utilise un
espace restreint délimité par des cours mitoyennes et par
la route longeant les bâtiments à l'ouest. Le plan quadrangulaire est construit sur toutes ses faces et la dernière
maison (7) sort du périmètre. Le grand bâtiment 4 en
banco dahoméen et couverture de chaume, type semimoderne très répandu dans le village, n'était plus habité
lors de l'enquête, ses murs s'étant dangereusement lézardés.
- La cour B montre un type simple et primaire de
cellule d'habitat : deux bâtiments se faisant face. Elle abrite
un chef de famille, ses deux femmes et leurs enfants.
On retrouve la distinction traditionnelle entre 1, maison de
femmes (bla sua) et 2, maison d'hommes ( yasua sua),
bien que les techniques de construction soient modernes
et les parois édifiées en banco dahoméen. Une aire de
séchage cimentée pour le café, que l'on retrouve dans les
deux cours suivantes, bouche l'un des côtés.
- Un schéma annulaire prédomine dans la cour C,
cour du vieux chef du village. Deux enceintes successives
se sont développées autour des logements du chef et de
son épouse {2 et 3), à plans arrondis anciens, les deux
seuls exemples de ce type qui subsistent dans le village.
Les 27 occupants de cette cour ne sont pas tous parents
du chef, la plupart se rattachent à lui par des liens de
clientèle, ou sont les descendants d'anciens captifs. Le
grand bâtiment 8 à toit de tôle sur murs de briques crues,
bien qu'édifié en 1958, s'était partiellement effondré un an
avant lenquête.
- La cour D, de grandes dimensions, exceptionnellement ouverte, offre un exemple de ·plan aligné, presque
régulier, d'inspiration moderne. La plus ancienne construction, remontant à 1943 (1 ), est une bla sua typique à
multiples alvéoles et à plan très étiré (14 m).
•*•
La construction en briques ou en banco dahoméen à
toit de tôle s'est moins répandue à Kouakou Broukro que
dans d'autres villages des marges forestières: la fréquence
de la solution d'attente à couverture végétale, le maintien
des plans anciens de bla sua (B1, 04, 05) révèlent une
mentalité traditionnaliste propre à ce village.
50
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51
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EXEMPLES DE PLANS DE VILLAGES.
La communauté, comptant 198 personnes, se rattache
au sous-groupe Séoulé, réparti dans 8 villages des environs,
lui-même compris dans la tribu Goli. Elle est subdivisée en
trois akpaswa, qui ont pu être distingués sur le plan bien
que l'imbrication des bâtiments soit assez poussée (limites
figurées par un tireté alternant avec des points). L'akpaswa
central, Aoutou Osou, le plus grand et le plus homogène,
détient la chefferie de tribu Séoulé (mais à la date de
l'enquête, la nomination du chef n'était pas définitivement
acquise par suite de contestations dans deux villages du
groupe). Les deux akpaswa périphériques, d'origine commune, ne sont scindées que depuis peu, celle du sud
(Drougbé Osou) détient la chefferie du village (logement
marqué d'un point noir).
TIONAKANSI.
Ce village occupe une position élevée en latitude, à
moins de 25 km de Marabadiassa, point extrême nord de
la zone d'étude. Il est compris dans le domaine végétatif
des savanes ouvertes, cloisonnées par oos forêts galeries
et parsemées par des lambeaux de forêts mésophile sur les
plateaux. Le site est établi à la lisière nord d'une de œs
taches boisées, couronnant le sommet d'une croupe sans
grande vigueur. Les trente-cinq hectares_ .de grands. a~re_s
qui s'étendaient au sud ont presque ent1erement éte defnchés et remplacés par des caféières de faible rapport mals,
dans les environs immédiats du village, a subsisté une
ceinture de boqueteaux qui isole les constructions des
étendues herbeuses.
Les cours se différencient mal sur le plan et s'imbriquent
dans la partie centrale ; 5 d'entre elles sur 18 sont fermées
ou partiellement fermées. Il existe beaucoup de maisons
isolées, dissociées par héritage, mais surtout occupées par
des co-épouses qui exigent de vivre à l'écart de leur
famille immédiate.
Le plan montre les amorces de plusieurs pistes et
sentiers qui desservent en étoile les différents secteurs
d'un terroir aux contours réguliers, limité au nord par une
importante rivière, le Tlonakan, dont le village a tiré son
nom. Une seule de ces pistes, celle du sud-ouest, permet
l'accès des véhicules et se raccorde après un parcours
difficile de 3 km, fréquemment coupé au niveau du marigot
Awé Aka. au village voisin de Péténou en bordure de la
route Béoumi-Botro. Cette mauvaise et unique liaison avec
l'extérieur entraine un Isolement certain et une vie villageoise repliée sur elle-même.
Le style de la construction est resté très traditionnel : les
plans ovoides ou à un seul côté arrondi (plan rarement
observé ailleurs) sont largement représentés ; 6 bâtiments
seulement sur un total de 76 sont édifiés en banco dahoméen; il n'existe aucune • douchière • cimentée et aucun
toit de tôle. La construction apparait cependant très soignée
et un grand nombre de cases portent des décorations polychromes sur leurs parois extérieures.
Le village, stabilisé depuis 50 ans environ, a connu trois
emplacements antérieurs. Successivement ont été délaissés :
une premier site, au lieu-dit Krofouin Si, à cause d'inondations répétées ; un deuxième, au lieu-dit Bo Pri, à la suite
d'une épidémie de variole ; enfin un troisième, installé à
50 m du bord ouest du village actuel, là où s'étend aujourd'hui le cimetière, qui a été abandonné après deux incendies
consécutifs.
Les installations utilitaires s'écartent vers les bordures:
greniers ronds de grandes dimensions, ornés de bandes
noires et ocre, grandes claies de séchage réservées au
café, métiers à tisser au nombre de 6 et des abris légers
dans lesquels sont entreposés des réserves de bois de
chauffage. Le village possède un puits unique, creusé en
1962 par un puisatier • Dioula • aux frais de tous les
habitants. L'emplacement choisi par le chef à côté de son
logement a donné entière satisfaction et l'eau ne tarit pas
en saison sèche.
Récemment, en janvier 1960, un troisième incendie a
détruit le village actuel : la savane a été allumée à plusieurs
kilomètres à l'est par des habitants d'un village voisin:
Takra Adiékro; le feu, poussé par un vent violent, a
abordé le village en début d'après-midi, par le côté est;
des tisons ont sauté par-dessus l'anneau de grands arbres,
ont enflammé simultanément plusieurs toitures de chaume,
qui ont propagé l'incendie au reste du village avec une
grande rapidité. Il n'existe aucun moyen de lutte et les
habitants se sont réfugiés sur la ceinture dénudée périphérique. en emportant leurs biens précieux ; deux cases
seulement ont été épargnées. Les habitants de Takra
Adiékro, responsable du feu, ont par la suite aidé les
villageois à couper l'herbe des nouvelles toitures et ont
offert un bœuf en guise de dédommagement.
Ce village des savanes du nord, sans grandes ressources
monétaires, replié sur lui-même en position d'écart, n'est
que. faiblement affecté par les transformations de l'habitat,
généralisées ailleurs.
52
VILLAGE
DE
TIONA KANSI
Septembre 1963
0
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D
50m
Baliment en ruine
Abri pour bois de chauffage
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Douchière en briques. en pieux
Palissade
o
~
Grenier rond
Grande claie de sechage pour le café
+ -f*
0
Mêlier à lisser. en batterie
@
Arbre isolé
~
~
Puits
Forêt
Broussaille. savane
ouest dans la région de Marabadiassa, s'entoure presque
exclusivement de plantations de café. Cette dissociation de
la communauté entre plusieurs pôles d'activités Implique des
mouvements incessants, selon le rythme des migrations saisonnières. Ceci influe sur l'habitat : de nombreuses maisons,
voire des cours entières, sont désertées pendant une partie
de l'année et laissées plus ou moins sans entretien ; inversement, pendant certaines périodes (défrichements au début
de la saison des pluies ou grands événements sociaux),
les habitants des hameaux refluent vers le village pour
aider, ou rendre visite à leurs familles et s'entassent outre
mesure dans les cases disponibles. Le renouvellement des
bâtiments traditionnels tend à mal s'effectuer et les investissements en maisons modernes restent réduits.
NGATAKRO.
Le village s'allonge en contrebas d'une route secondaire,
joignant Diabo, chef-lieu de sous-préfecture, au gros village
de Saoundi. La région immédiate correspond au so'!'met
du dôme granitique de Bouaké, à l'ouest de la ville, ou les
têtes de vallées divergentes entaillent assez vigoureusement
le plateau. Des forêts-galeries massives et des formations
dégradées couvrant les versants déterminent sur l'étendue
du terroir un paysage végétal assez dense, où la savane
ouverte ne se manifeste qu'épisodiquement.
Le village est logé entre la route, dominée elle-même
par un haut talus boisé, et une forêt galerie très large,
masquant au sud le cours indécis d'un marigot. Le terrain
présente une forte déclivité (du nord-est vers le sud-ouest}
sur toute l'étendue dénudée du site et, en plusieurs endroits.
l'érosion a dégagé les bancs rugueux d'une cuirasse latéritique de bas de pente. Cette dégradation du sol a déjà
provoqué l'abandon d'un emplacement antérieur, localisé
à une centaine de mètres au sud-est, d'où le village a été
transféré vers 1925.
La technique ancienne, encore largement prédominante.
utilise les briques to/a. Les nouveaux procédés ne se
répandent qu'avec lenteur : sur 103 bâtiments, 10 ont été
édifiés récemment en briques crues jointées au ciment et
2 maisons en banco dahoméen restent inachevées depuis
plusieurs années. On note cependant trois maisons à toit
de tôle, dont deux appartiennent au chef, disposant de
revenus importants grâce à ses caféières de Lokbonou.
L'une d'elles, de très grandes dimensions, bordant la route
au nord, est la plus ancienne construction couverte de
tôles relevée dans l'échantillon: elle remonte à 1943.
La communauté se rattache à la tribu Bro. L'enquête
a dénombré 330 habitants, divisés en trois groupes lignagers
nkpaswa dont la répartition sur le plan tronçonne le village
perpendiculairement à la route en blocs assez bien individualisés. Le chef du village (logement marqué d'un point}
appartient à l'akpaswa central.
Six puits ont été creusés dans le village par des professionnels • Diou la ,. . Ils se tarissent en général pendant
la saison sèche et l'approvisionnement s'effectue alors dans
un point d'eau aménagé à 500 m environ au nord-ouest du
village, au lieu-dit Akba Adja Bo. le marigot coulant
immédiatement au sud n'est jamais utilisé.
Les communications avec l'extérieur ne font aucune
difficulté en toutes saisons : Diabo, gros marché et siège
de la chefferie Bro, n'est distant que de 4 km et Bouaké
n'est pas éloigné de plus de 25 km; très tôt ces deux
centres ont fortement sollicité des mouvements de population. A ceci s'ajoute le facteur défavorable d'un terroir
exigu qui a provoqué la recherche de terres et la création
de deux hameaux de culture satellites, entre lesquels bon
nombre de villageois partagent leur résidence. L'un, Kouarabo, à 3 km au nord/nord-est, contrôle une auréole de
cultures essentiellement vivrières ; le deuxième, Lokbonou,
créé par le chef du village, à plus de 25 km au nord/nord-
•••
Le village parait représentatif du peuplement dispersé
de la région dense de Bouaké, où la surcharge naissante
des terroirs détermine l'éclatement des communautés, les
départs vers d'autres lieux de culture ou vers les villes.
54
VILLAGE
DE
NGATAKRO
Octobre 1963
0
Batimenf
en .construction
B f
a imenf en ruine
Q
::::
Batiment couvert en t•t
Do h. .
oe
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uc iere en br1ques
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M uretle
, en pieux
Palissade
0
~
~
~
Grenier rond
Puits
Arbre isolé
Forêt
Broussaille
Sans concordance avec les groupes familiaux, s'est
instaurée récemment une division religieuse en quatre fractions: une partie des villageois est restée animiste, deux
groupes ont adopté des cultes synchrétiques nouveaux
(Tété Kpa, dont le sanctuaire figure sur le plan, et Tlgari
situé hors du plan en bordure de la piste de Sakassou)
enfin quelques habitants se sont convertis au protestantisme et ont édifié un lieu de culte à la lisière est.
ANDOBO ALLUIBO.
Ce gros village de 638 habitants forme avec les localités
voisines de Diékro et de Pangbassou la fraction Andobo
du grand groupe Baoulé Ouarébo. Il est situé dans le
centre-ouest de la zone d'étude, à quelques kilomètres de
Sakassou, sur une bretelle divergeant à partir de la route
de Tiébissou.
La construction ancienne en banco sur armature offre
quelques beaux exemples de cases ovoïdes ornées d'ocre
et de cannelures mais, à l'opposé, les maisons modernes
se sont fortement multipliées pendant la dernière décennie.
L'effort de renouvellement s'appuie sur des revenus importants tirés du café ou du cacao et parfois sur l'investissement au village d'une épargne réalisée en ville par des
émigrés. On peut dénombrer 95 bâtiments en banco dahoméen et 11 en briques crues, représentant 38 % du total ;
le crépissage des murs au ciment est devenu courant. de
même que l'aménagement de grandes .. douchières • dallées ; 29 toitures en tôle et 1 en éverite se dispersent
dans les cours du centre et de l'est où résident des
familles de planteurs riches, souvent plus ouvertes aux
influences extérieures (forte proportion d'anciens urbanisés
ou d'anciens militaires). Certains bâtiments, par leurs
dimensions, par leurs matériaux (béton armé, éléments préfabriqués dits .. claustrats •) par leur décoration ou leurs
aménagements (cuisine Intérieure, salle d'eau), trahissent
l'influence directe de modèles urbains.
La région offre la juxtaposition de trois éléments de
paysage à zonation stricte : lanières forestières dans les
bas-fonds, savane pure sur les versants, vastes Ilots de
forêt mésophile sur les sommets, en général fortement
dégradés par une intense colonisation caféière.
Le site correspond à l'échancrure circulaire d'une tête
de vallée logée à 300 mètres environ de la ligne de faites
séparant les bassins du Nzi et du Bandama ; le marigot
qui débute à 100 mètres à l'ouest en contrebas du villagP
rejoint le Kan de Tiébissou, tributaire du Nzi. La pente
s'accentue vers les limites nord et est du village où un
rideau de très grands arbres marque la lisière d'une forêt
de plateau, lieu de culte et cimetière.
L'érosion a profondément entamé la surface dénudée
dans sa partie haute, ouvrant dans un horizon de décomposition sans trace de dalle rocheuse des entailles profondes
de 80 cm ; les soubassements de certaines cases anciennes
témoignent d'un niveau d'origine situé à environ un demlmètre au-dessus de l'actuel.
Les aménagements utilitaires des exploitations agricoles
ont été rejetés vers les bordures. On peut noter: des
greniers ronds ornés de moulures, renfermant les récoltes
de riz, une vingtaine de métiers à tisser, une aire cimentée
et de grandes claies pour le séchage du café, enfin quatre
auvents abritant des décortiqueuses mécaniques et leurs
moteurs.
Le ravinement est accentué par une densité de construction atteignant 100 à -l'hectare. La partie ancienne du village
s'organise autour d'une place centrale, ombragée par deux
arbres. A partir de ce point rayonnent d'étroits passages
qui séparent des cours de vastes dimensions, strictement
encloses de palissades ou de murets. Les marges ouest et
sud, où ont eu lieu les expansions récentes, offrent des
structure plus lâches, avec des cours de moindre importance nettement séparées.
•••
Il apparait impossible de tracer sur le plan des quartiers
homogènes correspondants aux sept akpaswa que comporte
la communauté ; à la suite d'une longue évolution, la dissociation des grands groupes lignagers est devenue totale et
l'on peut seulement avancer que la répartition ancienne
s'effectuait en rayonnements autour de la place centrale.
Cette forme d'habitat nettement modifée se retrouvera
à un degré variable, mais constant, dans les villages figurés
ci-après, localisés au même niveau ou plus au sud dans la
zone d'étude, mais participant tous à l'économie de plantation. La rupture avec l'habitat peu évolué des savanes
du nord apparait évidente.
56
VILLAGE D·ANDOBO-ALLUIBO
Aout 1963
50m
0
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-
Bafiment en construction
Batimenl en ruine
Batimenl couverl en lôle
Abri pour machine déc~rtiquer le café
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Douchière en brique, en pieux
Murette
Palissade
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Grenier rond
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Aire cimentée pour le séchage du café
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Grande claie de séchage pour le cafe
+
Métier à tisser
o
Puits
Arbre isolé
@
~
~
Forêt
Broussaille
KOKRO KOUASSIKRO.
2,3 et 3,2). Ce déficit relatif de logements peut être mis
en rapport avec la brève période écoulée depuis la fondation et avec une proportion Importante (28 %) de vastes
bâtiments modernes susceptibles d'abriter davantage d'occupants.
Kokro Kouassikro occupe, à la même latitude qu'Andobo,
une position nettement plus à l'est dans le bassin du Nzi,
à proximité de le voie ferrée Bouaké-Dimbokro ; il est
desservi par une route secondaire joignent Tiébissou à la
gare de Raviart.
On note seulement deux toits de tôle et la solution
d'attente à couverture végétale reste largement majoritaire
dans la catégorie des maisons modernes: elle a permis
de limiter les investissements monétaires, rendus très lourds
par le caractère global de le reconstruction ; de plus, le
terroir offre des ressources restreintes : du café obtenu sur
quelques parcelles du bloc ouest, des surplus d'igname
ingénieusement commercialisés vers Abidjan et du riz
inondé cultivé à l'est dans la plaine de Raviart.
Le pays offre des sols médiocres et une pluviosité nettement déficitaire, voisine de 1 000 mm annuels qui entraine
la prédominance des savanes pures ou arbustives.
Le village a été transféré peu de temps avent l'enquête,
en 1958, et sa physionomie actuelle reste marquée par
cette reconstruction massive opérée pendant une période
d'environ deux ans.
Malgré cela, les aménagements réalisés avec relativement peu d'argent révèlent une orientation utilitaire bien
comprise : un grand nombre de maisons sont isolées par
une dalle de béton prolongée vers l'extérieur en perron
ou terrasse, les parois sont fréquemment crépies au ciment,
les nombreuses • douchlères ,. sont également imperméabilisées au ciment et s'écoulent parfois dans des fosses
aménagées couvertes, enfin les puits à margelles basses
fermés d'un panneau en bois garantissent à chaque cour
une alimentation régulière et à courte distance.
L'emplacement antérieur était situé à 200 mètres au sudouest à la charnière d'un terroir dissocié en deux blocs.
11 est probable, malgré l'imprécision des réponses, que
l'ancien site était compris dans le territoire de la localité
voisine, Boungué, et que le caractère précaire de cette
Installation a constitué la cause déterminante du déplacement; toutefois le motif couramment évoqué est l'apparition
d'une cuirasse latéritique sous-jacente. Dans son transfert,
le village a quitté la rive droite d'un marigot pour occuper
le haut du versant de la rive gauche, compris dans les
limites de son terroir propre. Sa surface dénudée ouvre
dans la savane arbustive un cercle tronqué par la route ;
elle s'abaisse faiblement vers l'ouest au voisinage de la
forêt galerie qui apparait sur le plan. Les multiples sentiers
rayonnant à la périphérie s'interrompant pour la plupart
à faible distance, au voisinage d'un tas d'ordures ou d'un
lieu d'aisance désherbé. Ces sentiers dépotoirs existent
généralement sur les bordures des autres villages étudiés,
mais ils sont masqués par un couvert forestier absent tel.
A la périphérie s'égrènent des greniers carrés à auvents
caractéristiques des villages cultivant le riz inondé dans
cette région de l'est où le grenier rond à disparu.
•••
Ce village neuf rend clairement compte de plusieurs
tendances actuelles de l'habitat : une localisation en bordure de route, une structure ouverte et lâche, des cours
à plans quadrangulaires, des bâtiments plus vastes susceptibles d'être recouverts de tôle à plus ou moins longue
échéance, enfin une alimentation en eau satisfaisante.
La communauté appartenant au groupe Nzipri, sousgroupe Molonou, compte 578 individus. Elle se répartit dans
144 bâtiments de tous genres, ce qui donne le taux d'occupation le plus fort de l'échantillon avec 4 personnes par
maison. (Les moyennes relevées par ailleurs varient entre
58
Juillet 1963
0
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fr,~)\~I
-
50m
Batiment en construction
Batiment en ruine
Batiment couvert en tôle
GI :::
"Douchière" en brique . en pieux
[!]
Grenier carré
t:t
Claie de séchage
--
+
Mefier à fisser
0
Pu ifs
0
•
~
~
ESS3
,
Chassis vertical pour le maïs
Trou d'exdraction du banco
Pilier fetiche
Arbre isolé
Forêt
Broussaille. savane
sou: le chef de l'akpaswa Abikro y a établi sa résidence
et le quartier tend à s'appeler également Abikro ou
nouveau Abikro.
NZERE.
Nzéré, le plus gros des six villages étudiés, compte
1 070 habitants. Il est situé dans la partie sud de la zone
d'étude à une vingtaine de kilomètres de Yamoussoukro,
dans le canton Nanafoué.
La dualité des chefferies constitue une source de tension
dans la communauté, aggravée par une scission religieuse
complète : la fraction de Nzéré-Nzéré est restée animiste,
la fraction d'Outressou a adopté massivement le culte
Daima originaire de Basse-Côte et d'inspiration chrétienne ;
la grande église à toit de tôle ouvrant sur le sud-ouest
matér:ialise la coupure. Un petit groupe de catholiques
recrute ses éléments dans la fraction animiste.
La limite irrégulière de la grande forêt, branche ouest
du V Baoulé court à quelques 15 km au sud-ouest mals,
malgré cette proximité, le paysage conserve sur toute l'étendue du terroir un caractère très ouvert, dO à l'extension
des savanes à rôniers ; de vastes lambeaux de forêt
mésophile couronnent les interfluves.
Le village compte deux points de vente tenus par des
• Dioula .. , qui proposent un choix limité de produits divers :
étoffes, outillage, quincaillerie, conserves, boissons, etc...
Les villages voisins viennent s'y alimenter. Un groupe
restreint et fluctuant de • Dioula •, commerçants, colporteurs, manœuvres, réside dans une case édifiée à l'écart
au débouché de la piste d'Assanou.
Le site s'étire au pied d'un versant en épousant la
convexité des courbes de niveau. Le terrain s'abaisse assez
fortement depuis une forêt de plateau couverte de caféières
(au nord-est, à l'amorce de la piste de Yamoussoukro),
jusqu'à la lisière d'une galerie forestière (visible sur le plan
au sud-est) jalonnant le marigot Oto Kro.
Le village a connu un incendie pendant le mois de
février 1961. Le feu venu du nord-est s'est propagé
à partir du quartier Abikro et a pris en écharpe Assengou
et toute la partie ouest du quartier d'Outressou. D'après
l'enquête et l'examen des photos aériennes prises en
janvier 1962, nous avons pu dénombrer 70 bâtiments complètement détruits. Les emplacements des maisons brûlées
sont encore bien visibles à Outressou mais beaucoup moins
sur Assengou, où les socles anciens ont été réutilisés.
La complexité du plan doit être reliée à plusieurs causes :
- Vers 1946, le village a subi une tentative de remaniement administratif : les autorités ont fait procéder à
l'ouverture de rues et ont imposé un plan de lotissement
dans certains quartiers ; le schéma d'organisation n'a pas
été suivi ultérieurement, les alignements stricts de bâtiments se sont rompus et les percées ont été ravinées
par l'érosion. Il en subsiste plusieurs voies carrossables
transversales ou longitudinales (soulignées par un tireté
sur le plan).
- La communauté n'est pas homogène, elle est scindée
en deux grandes fractions d'origines différentes rassemblées
dans les deux ailes nord et sud du village ; la limite se
situe au niveau de l'église Daima, où s'ouvre une place
dégagée d'une trentaine de mètres.
L'incendie a provoqué la multiplication des toitures en
papier goudronné, qui s'enflamme beaucoup moins aisément
que le chaume. Les rouleaux sont cloués directement sur
un support fait de nervures jointives de palmier raphia
selon une technique courante en Basse-Côte et qui apparait
dans plusieurs cantons sud de la zone d'étude. Cette
solution se rapproche de la tôle et est appréciée pour son
prix modique ainsi que pour son étanchéité dans une
région où il pleut davantage (1 300 mm annuel). On compte
52 bâtiments de ce genre à Nzéré sur un total de 308
(17 %). localisés surtout à Outressou.
La fraction du nor.d détient la chefferie ; elle se subdivise en cinq groupes lignagers, dont la résidence est à
l'heure actuelle trop imbriquée pour que l'on puisse tracer
sur le plan des limites nettes. De l'ancienne répartition des
akpaswa subsistent toutefois quatre quartiers distincts caractérisés par des noms : Nzéré-Nzéré, Koundoukro, Abikro et
Assengou (voir Plan): dans chacun d'eux prédominent
quatre des cinq groupes lignagers, le cinquième étant à
cheval sur Nzéré-Nzéré et Assengou. Le cœur ancien du
village, Nzéré-Nzéré flanqué de son prolongement Koundoukro, à structure compacte et contours circulaires,
regroupe essentiellement deux lignages dont celui du chef.
La proportion de toits de tôle à Nzéré est la plus
forte rencontrée dans les villages étudiés : 49 toitures
soit 16 % ; elle révèle des revenus monétaires importants,
tirés des cultures de café. Par ailleurs 28 % des bâtiments
sont édifiés en banco dahoméen ou en briques, mais la
chute des prix du café au cours des dernières années a
déterminé l'abandon de multiples chantiers qui ressortent
sur le plan. Cinq décortiqueuses mécaniques se dispersent
aux lisières.
Au-delà de la coupure marquée par l'église Daima
s'élargit vers le sud-ouest la deuxième partie du village,
caractérisée par le toponyme d'Outressou. Elle est occupée
par un ensemble homogène de trois groupes lignagers
apparentés, dont la juxtaposition dans l'espace reste
relativement claire (les limites figurent sur le plan). Le
lignage placé en position médiane détient une chefferie
effective sur Outressou, bien que non reconnue par !'Administration.
Nzéré fait partie du groupe de villages répartis entre
Yamoussokro et Tiébissou, où l'art du tissage s'est maintenu
au plus haut niveau : une dizaine de tisserands sont
capables de réaliser les plus beaux types de pagnes Baoulé
et la plupart des hommes du village possèdent une solide
technique. Près de 150 châssis de métiers alignés sous
les grands arbres de la périphérie, de même que deux
cuves cimentées utilisées pour la teinture à l'indigo, témoignent de cette importante activité artisanale.
Enfin, un dernier secteur du village s'individualise au
nord-ouest, au débouché de la route de Yamoussokro;
c'est un quartier neuf, encore mal dégagé des broussailles
et comportant de nombreux bâtiments inachevés. Cette
expansion récente se révèle totalement hétérogène et rassemble des villageois venue de la plupart des lignages,
aussi bien de la fraction Nzéré que de la fraction Outres-
Ce grand village sans grande cohésion sociale, déjà
profondément remanié dans son plan et ses bâtiments,
largement ouvert par les pistes, s'agrandissant d'un quartier
neuf à structure lâche, accueillant un noyau d'étrangers,
annonce les agglomérations hétérogènes et acculturées de
la zone forestière.
60
VILLAGE
DE
NZÉRÉ
Septembre 1963
0
Balrment en construdton
Baltment en ruine
o
ffi]J
+
'Apatam'.' abri
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Aire cimentée pour 1e sechag
.
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.
Palissade
e u cafe
Métier à tisser
Métiers
A b . à ftsser en batterie (5)
r re isolé
Forêt
Broussaille
quartiers respectifs; celui du sud s'élève dans la grande
cour du chef de lignage. Une place centrale ombragée
par un gigantesque kaya (Bligia Sapide) sert de lieu de
réunion commun à tout le village. On retrouve ici un trait
d'organisation fréquent dans les cantons limitrophes du pays
Agni : une grande percée longitudinale nord-ouest/sud-est
qui ouvre le plan et laisse le passage à la route. L'embranchement qui contourne le village par l'ouest, tracé il y a
quelques années par une pelle mécanique de l'Adminlstration, était destiné à joindre le chef-lieu de canton
Bengassou; mais plusieurs ponts n'ayants pas été construits, l'itinéraire est resté sans issues et les ravinements
o.u les repousses de végétation le rendent actuellement
impraticable.
KOUAKOU BROUKRO.
Kouakou Broukro est le seul village de l'échantillon
compris dans une région purement forestière. Il se localise
dans l'extrême sud-est de la zone d'étude, à 6 km du Nzl.
Son terroir sur schistes birrlmiens, relativement exigu,
est intensément colonisé par les caféières, à un point tel
qu'une surcharge des terres libres. soumises à la rotation
des cultures vivrières, devient décelable. La population
dispose de revenus monétaires déjà importants, normaux en
régions forestières de plantations, et possède donc les
moyens d'une transformation de l'habitat ; mais celle-ci reste
atténuée par une mentalité conservatrice provenant en partie
d'une position d'isolat aux confins d'une bretelle de raccordement sur l'axe Dimbokro-Bocanda.
Depuis dix ans, de nombreux bâtiments ont été mis
en chantier, en briques ou en banco dahoméen (33 %).
mais la solution d'attente à couverture végétale a surtout
été utilisée : on compte seulement 8 % de toitures en tôles,
recouvrant souvent des maisons sommairement aménagées.
La construction traditionnelle offre de beaux exemples de
longues maisons de femmes (bla sua) à alvéoles multiples,
soigneusement ornées d'enduit ocré. La fréquence de cette
catégorie de bâtiments parait liée à un taux de polygamie
élevé.
Le site correspond à une clairière de bas de pente
comprise entre un haut talus boisé et la forêt galerie couvrant un marigot au sud-ouest. Le drainage s'effectue vers
le marigot selon une pente faible qui s'accentue fortement
au voisinage du talus ; à ce niveau apparaissent ravinements, lits de gravillons et blocs latéritiques.
La communauté, forte de 413 personnes, se rattache
au groupe Bonou, sous-groupe Guinan, dont elle détenait
autrefois la chefferie. Une forte fraction a abandonné le
village il y a une trentaine d'années pour fonder le hameau
de culture d'Amonkro à 12 km environ au sud-est, en
territoire Bonou, mals sur la rive opposée du Nzi ; 120 habitants, sur 200 que compte actuellement Amonkro, proviennent de Kouakou Broukro.
Les greniers plates-formes de type courant dans la
région se localisent à l'intérieur des cours; ils abritent
en principe les récoltes d'arachides, mais sont délaissés au
profit de certaines pièces des maisons • en dur .. ou de
petites cases-magasins. Aux bordures du village se dispersent une vingtaine de métiers à tisser et des châssis
verticaux pour le mais.
Un ancien site a été signalé au sud-est du village à une
centaine de mètres; il est recouvert d'un dôme d'arbres
très épais, considéré comme bois sacré et servant de
cimetière.
Deux abris de décortiqueuses et surtout les multiples
aires cimentées logées dans les cours ou au flanc du
talus à l'est, révèlent les récoltes importantes de café et
les soucis causés par le séchage dans une région plus
humide et plus forestière.
Trois groupes lignagers akpaswa s'individualisent de
façon assez nette sur le plan. perpendiculairement au grand
axe du village. L'akpaswa central détient la chefferie. Une
cour, installée récemment à l'entrée du village au nordouest. annonce la dispersion des groupes ; ses membres
se rattachent à l'akpastca du sud-est, à l'opposé. Malgré
cela, le village conserve une forte cohésion sociale : la
plupart des cours. de grandes dimensions, s'entourent strictement de palissades munies de portes ; plusieurs ne sont
pas jointives et s'organisent en ilots séparés par des passages plus ou moins étroits. Chaque akpa.<tWa possède un
• Apatam ,. , grand auvent sur piliers, garni de sièges, où se
réunissent les hommes du groupe après les heures de
travail ; les deux du nord sont placés au centre de leurs
Kouakou Broukro, malgré une position basse en latitude
et une participation accrue à l'économie de plantation, offre
en définitive un habitat assez peu affecté par les transformations modernes (à un degré moindre, par exemple, que
le village précédant de Nzéré situé plus au nord dans
les savanes). Il semble que ce fait soit lié au manque
d' • ouverture ,. des habitants, à l'isolement relatif, qui
agissent directement en provoquant une hausse notable
du coût de la construction (transports des matériaux majorés
et artisans peu scrupuleux demandant des rémunérations
plus élevées qu'ailleurs), mais aussi indirectement en maintenant une mentalité peu favorable aux innovations.
62
VILLAGE
oE
KOUAKOU BROU KRO .
Aout 1963
Echelle
m
Batiment en construction .
~
Batimeni en ruine
-
Bal'1ment couvert en tôle
~
Il
O :·::·
11960
"Apatam'' abri
Abri pour machine à décodi9uer le café
"Douchière" en br1ques, en pieux
Palissade
Gr en ie r plateforme
-
Aire cimentée pour le sechage du café
Chassis vertical pour le mCIÏs
Métier à tisser. batterie de métier
Arbre isolé
Forêt
BroussCJille
-
Ill -
LES PROBLEMES ET L'EVOLUTION DE L'HABITAT
65
L'APPROVISIONNEMENT EN EAU.
Paradoxalement dans une region qui reçoit plus d'un
mètre de pluies par an, l'alimentation en eau des villages
n'est pas assurée de façon continue et satisfaisante. La
saison sèche couvrant un tiers de l'année et les caractères
du substrat géologique ou des sols, peu aptes à emmagasiner et à restituer les eaux pluviales, en sont les causes
déterminantes.
L'alimentation aux cours d'eau.
L'approvisionnement direct dans les cours d'eau reste
le procédé usuel dans la majorité des villages (1).
Le transport, réservé aux femmes et parfois aux jeunes
garçons, s'effectue une ou deux fois par jour, à l'aube et
peu avant le coucher du soleil. L'eau est portée sur la
tête, dans de grandes jarres sphériques confectionnées par
les potières locales et contenant 15 à 25 litres ; mals ces
récipients, fragiles et lourds, sont de plus en plus remplacés par des cuvettes de fer émaillé • Hong Kong •.
d'une capacité sensiblement égale. Les jarres de terre
cuite, alignées au fond des cases-cuisines ou des maisons
de femmes, servent surtout à conserver une réserve d'eau
nécessaire aux usages domestiques. La consommation du
village reste forte en raison de la toilette bi-quotidienne ; on
peut l'estimer à environ 20 litres par personnes et par
jour dans des conditions normales d'alimentation.
Les points d'approvisionnement sont les rivières ou les
fleuves permanents lorsqu'il s'en trouve à proximité et, le
plus souvent, des marigots temporaires sommairement aménagés.
Les grands cours d'eau sont peu utilisés : 11 villages
sur 90 s'y alimentent mais sporadiquement, pour compenser
la défaillance d'un autre point d'eau habituel. En fait, les
sites d'habitat évitent les berges immédiates des fleuves
pour de multiples raisons : danger d'inondation, sols mal
drainés impropres à l'édification des cases, densité du
couvert forestier et trypanosomiase. Les villages se rapprochent des lignes de faites, s'établissent le long des ramifications supérieures des réseaux hydrographiques et disposent donc des débits semi-torrentiels des marigots. De
par la structure géologique, les sources ou résurgences
permanentes sont rares et les cours d'eau restent étroitement dépendants des précipitations.
L'altitude semble jouer un rôle important : la zone la
plus déficitaire en pluies de saison sèche s'étend au centre
et au nord-est entre Bouaké, Bocanda et Mbahiakro, elle
correspond à un abaissement des cotes d'altitudes sur le
bassin moyen du Nzi, qui favorise la descente des masses
d'air sec du nord et notamment la pénétration des vents
d'harmattan.
Au contraire, le dôme de hautes terres étagé de 200 à
400 mètres entre Bouaké et Béoumi provoque une concentration des précipitations orageuses de saison sèche. La
remontée des isohyètes dans ce secteur apparait grossièrement axée sur la ligne de partage des eaux séparant les
bassins du Nzi et du Bandama. Les difficultés d'approvisionnement risquent d'être davantage ressenties dans les
villages du nord-est.
La moyenne annuelle des pluies dépasse presque partout dans la zone 1 000 mm, sauf sur une des stations du
centre-est : Boli qui, avec 898 mm, apparait déficitaire mais
il s'agit peut-être d'une sous-estimation causée par un
nombre insuffisant d'années d'observations. Les difficultés
d'approvisionnement ne sont en fait ressenties que pendant
une partie de l'année et le problème de l'eau parait surtout
lié à l'étalement et à l'intensité de la saison sèche.
Pour atténuer les défaillances des marigots, les villageois
réalisent des aménagements sommaires: à certains endroits
des trous ou des mares de faibles dimensions, profonds
de 1 à 2 mètres, sont creusés dans le lit des marigots ;
ils s'alimentent normalement à la circulation souterraine qui
s'effectue dans les alluvions et les graviers et, lorsque
l'emplacement est judicieusement choisi, peuvent drainer
des eaux provenant de nappes embryonnaires s'étendant
sous les terrains de bordure. Les déblais sont amoncelés
en aval et forment des levées susceptibles de retenir les
eaux pendant quelques jours si une pluie accidentelle
survient et réalimente un débit. Le plus fréquemment, ces
trous et ces mares se remplissent au cours de la nuit mals
sont asséchés dès le milieu de la matinée par les prélèvements incessants des femmes. L'eau est boueuse, d'une
très mauvaise qualité.
L'étalement reste sensiblement identique dans toute la
zone : environ quatre mois secs, de novembre à février
Inclus. Par contre, l'intensité varie de façon assez sensible
et la sécheresse s'accentue du sud-ouest vers le nord-est:
les Isohyètes des précipitations cumulées des quatre mois
remontent à l'ouest le long de la rive gauche du Bandama
et s'infléchissent largement vers le sud dans le bassin
du Nzi (voir carte 2).
(1) Un sondage effectué dans 90 villages (unités tournantes) donne
66 % des localités s'approvisionnant à des points d'eau, contre 34 %
utilisant un ou plusieurs puits depuis des dates relativement récentes.
66
En fait, l'aménagement des marigots permet de prolonger
l'usage des points d'eau habituels généralement les plus
proches, mals ceux-ci deviennent à leur tour Jnutlllsables
lorsque la sécheresse s'accentue. Des déplacements s'imposent alors, parfois à longue distance, vers un marigot du
terroir mieux alimenté ou vers une rivière permanente.
Les puits.
LES CONDITIONS GEOLOGIQUES.
L'enquête a permis de dénombrer 249 puits en service
répartis dans 31 localités, soit un tiers des villages de
l'échantillon. Dans 7 autres villages des tentatives de
creusement sont restées improductives.
Des données chiffrées valables pour 78 villages permettent d'apprécier la longueur de ces trajets :
La structure géologique parait peu favorable à la formation de nappes phréatiques. Les grandes masses homogènes de granites ou de granitogneiss ainsi que les séries
métamorphiques birrimiennes se prêtent mal à l'emmagasinement de l'eau en profondeur. L'absence de couches
sédimentaires alternées, d'assises sub-horizontales de perméabilités variables, interdit la formation de nappes de
grande extension, susceptibles de retenir des quantités
Importantes de liquide.
Pour l'échantillon, la distance moyenne entre les villages
et leurs différents points d'eau s'établit à 990 mètres.
La plupart des communautés peuvent utiliser plusieurs
points d'eau sur leur terroir. La distance moyenne des
villages à leur point d'eau le plus proche ne dépasse pas
580 mètres. On peut admettre que telle est la distance
moyenne parcourue pendant les huit mois de l'année où
les pluies sont abondantes.
L'eau s'accumule cependant localement à la base des
horizons de décomposition dans certaines couches perméables localisées entre 5 et t 5 mètres de la surface, en
contact avec les roches du substrat plus ou moins altérées.
Des horizons de surface : couches indurées ou carapaces
latéritiques sur les plateaux et les versants, dépôts alluvionnaires dans les bas-fonds, recouvrent généralement ces
niveaux aquifères intermédiaires. Ces nappes connaissent
des extensions et des épaisseurs variables, des localisations
irrégulières ; elles se présentent le plus souvent sous forme
de poches et de lentilles : à quelques mètres de distance
un puits peut rencontrer l'eau, un autre pas.
77 % des villages possèdent un point d'eau à moins
de 1 km du site, 35 % à moins de 500 mètres, seulement
4 % ont des trajets supérieurs à 1 km.
La distance moyenne entre les villages et leur point
d'eau le plus éloigné s'élève à 1 750 m. Cette valeur ne
représente pas les déplacements de saison sèche, mals
seulement la limite maximale que pourraient atteindre ces
déplacements au cours d'une sécheresse particulièrement
accusée.
La moyenne des trajets effectués dans les villages de
zone schisteuse est supérieure à celle des déplacements
en zone granitique.
Les possibilités varient également selon les régions en
fonction de leur nature géologique.
En pays granitique les conditions paraissent favorables ;
des nappes généralement sous-latéritiques se développent
largement à faible profondeur, parfois à moins de 4 mètres
de la surface. L'inconvénient le plus grave est constitué
par l'obstacle des carapaces superficielles, dont l'épaisseur
et la dureté peuvent interdire tout forage en l'absence de
moyens techniques perfectionnés.
L'étude monographique de Kouakou Broukro (zone de
schistes entre Bocanda et Dlmbokro) a révélé un cas
limite de déplacements liés à l'eau. Ce village dispose de
trois points d'eau sur son terroir, jalonnant à 200, 2 000
et 3 450 m du site le cours d'un même marigot. Le premier,
le plus en amont, est utilisé régulièrement de mars à
juillet pendant la grande saison des pluies. Les deux autres,
en aval, conservent l'eau jusqu'au mois de novembre, mais
se tarissent à leur tour dès la fin de la petite saison des
pluies. De novembre à mars, l'eau est transportée depuis
le Nzi, distant de 7 km. Les femmes quittent le village à
3 heures du matin et sont de retour vers 9-10 heures.
Quelques jeunes gens utilisent des bicyclettes pour charrier
des bidons. Ces déplacements journaliers représentent une
somme d'efforts et des pertes de temps notables.
Dans les pays de roches métamorphiques à composition
hétérogène (schistes. quartzites, arkhoses, dolérites, rhyolites, etc ... ) et à relief accusé (longue bande sud-ouest/nordest des Collines Baoulé), feau peut être trouvée en abondance dans les couches sous-alluvionnaires au fond des
thalwegs.
Par contre, les grandes masses homogènes de schistes
(marges sud-est : région de Dimbokro, Bocanda - marges
ouest : région entre Tiébissou et le Bandama) recèlent fort
peu d'eau dans leur sous-sol. Les pluies s'infiltrent à grande
profondeur dans les schistes feuilletés et fissurés, ordonnés
selon des pendages très accentués, souvent verticaux. Les
essais de creusement restent totalement infructueux ou bien
s'épuisent en saison sèche et ne peuvent pallier les défaillances des marigots.
Le droit d'usage sur un point d'eau ou un marigot est
attribué à l'ensemble d'un communauté villageoise. Dans
certains cas, un groupe lignager plus restreint : akpaswa,
ou fragment d' akpaswa, peut se prévaloir d'un droit exclusif
sur un point d'eau particulier. Il s'agit en général d'un point
d'eau aménagé par les membres du groupe sur des terres
lui appartenant. Des accords peuvent être conclus entre
villages, autorisant les membres d'une communauté particulièrement défavorisée à venir puiser aux points d'eau ou à
la rivière situés sur un territoire voisin.
LA REPARTITION GEOGRAPHIQUE DES PUITS.
Les palliatifs traditionnels précédents : aménagements
sommaires des marigots et recherche éloignée de l'eau,
tendent de plus en plus à être remplacés par des solutions
de type moderne.
La carte n° 3 fait apparaître des différences selon la
position des villages par rapport aux grands ensembles
géologiques.
L'une d'elles, de portée limitée mais commune à de
nombreux villages en limite de zone forestière, consiste
à recueillir l'eau de pluie en disposant des récipients ou
des gouttières le long des toits de tôle. Cette eau est
consommée au fur et à mesure des besoins, parfois
stockée dans des fûts métalliques de 200 litres. La citerne
reste inconnue.
- En zone à prédominance schisteuse, 5 villages seulement (16 o/o) sur 32 localités, sont pourvus de puits ;
aucun puits n'a été relevé dans le groupe des 12 villages
répartis sur les schistes du sud-est. entre Dimbokro et
Bocanda.
- Sur 58 villages établis en zone granitique ou gneissique, 26 (soit 43 o/o) utilisent un ou plusieurs puits.
Le nombre des puits par village semble également varier
selon la nature du substrat géologique :
La deuxième solution, la plus efficace, est le creusement de puits.
67
La moyenne générale est de 10 puits par village.
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63
•
- Cette moyenne s'abaisse à 6 pour les villages situés
en position centrale dans les régions granitiques, beaucoup
de localités ne possédant qu'un puits.
l'homme travaillant au fond. Les déblais sont évacués au
seau par un manœuvre qui reste en surface. En cas
d'insuccès, de risque d'éboulement dans un terrain trop
friable, ou de rencontre avec un banc homogène de cuirasse latéritique, le forage est abandonné pour être recommencé ailleurs.
- Les villages localisés à la périphérie des régions
granitiques, au voisinage des lignes de contacts entre
schistes et granites, paraissent au contraire beaucoup mieux
dotés (178 puits, répartis dans 12 localités : moyenne 14).
Le choix de l'emplacement est déterminé sans règle
très précise, plutôt d'après la configuration topographique
du lieu que d'après une analyse qualitative des terrains.
Le choix est en principe à la charge du puisatier mais,
très souvent, l'utilisateur et le commanditaire du travail, chef
de village ou chef de cour, désigne lui-même l'emplacement
d'après des critères de commodité d'usage.
L'extrapolation des chiffres fournis par le sondage sur
les 90 villages de l'échantillon donne pour l'ensemble du
périmètre d'enquête un total de 5 600 puits, répartis irrégulièrement dans les différentes régions :
Strate centre (sous-préfecture de Bouaké,
Diabo, Brobo) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
248 puits
Strate est (sous-préfecture de Mbahiakro,
Bocanda, Kouassi Kouassikro, Dimbokro)
498 puits
Strate ouest (sous-préfecture de Béoumi
Botro, Sakassou) ......................•
2 350 puits
Strate sud (sous-préfecture de Tiébissou,
Yamoussokro, Didiévi, Toumodl)
2 540 puits
Une fois l'eau atteinte, on vérifie le débit et on aménage
le puits en surface : une margelle basse, cimentée, sert
de support à un volet mobile en bois destiné à éviter
les chutes de débris ou les accidents. Dans quelques
villages, une pompe à main scellée sur la margelle remonte
l'eau, mais dans la plupart des cas on utilise pour puiser
des petites outres en caoutchouc confectionnées avec de
vieilles chambres à air de pneumatiques cerclées à l'une
de leurs extrémités par un anneau de fil de fer.
La part des puits dans l'alimentation en eau parait
dès à présent très notable et tend à s'accroitre avec
rapidité.
Les puisatiers • Dioula .. résident en ville et se déplacent
pour travailler à la demande des villageois. Ils perçoivent
un salaire d'autant plus élevé que le puits est profond.
calculé à un tarif de 400 ou 500 francs le mètre. Le prix
du mètre augmente d'un tiers ou du double lorsque le
forage dépasse 9 ou 10 mètres de profondeur.
Le coût moyen d'un puits, calculé sur 155 forages de
l'échantillon, s'établit à 3 050 F. A cette somme s'ajoute
la nourriture fournie pendant la durée des travaux ainsi que
des cadeaux divers : volailles. cigarettes, en cours ou à
la fin de l'ouvrage. En cas d'insuccès, le puisatier n'est
pas rémunéré.
Les paysans Baoulé possèdent une vieille expérience
de la recherche de l'eau à faible profondeur dans les lits
des marigots. Toutefois les techniques de creusement profond sont d'introduction récente, adoptées depuis quelques
années seulement en milieu rural.
Le développement des forages semble être lié à l'apport
technique de puisatiers professionnels • Dioula ,. originaires
du nord, ainsi qu'à des revenus monétaires suffisants pour
payer les services de ces spécialistes.
Le creusement d'un puits constitue une œuvre collective
à la charge d'un groupe plus ou moins important: communauté villageoise ou groupe familial, quartier ou cour.
Dans certains villages à sous-sol favorable et à structure
individualiste, chaque cour possède son puits. Les droits
de propriété et d'usage concernant les puits restent le
plus souvent mal définis, très peu limitatifs. Un tiers peut
avoir accès à un puits sur simple demande effectuée auprès
de son propriétaire : le cas survient en saison sèche, lorsque
certains puits d'un même village tarissent.
Dans 28 agglomérations de l'échantillon ont pu être
rassemblées des indications concernant les dates et les
auteurs des forages.
Sur 249 puits en service, 73 % ont été creusés au
cours des 3 dernières années (1960 - 1962 - 1963):
-
-
21
%
entre 1955 et 1959;
6 % entre 1955 et 1954.
PERSPECTIVES.
Les puits les plus anciens ont été aménagés par le
service des Travaux Publics sous l'impulsion de !'Administration coloniale. On en retrouve 7 dans l'échantlllon, à
raison de 1 par village : 3 sont encore en service, 4 sont
désaffectés, en raison d'un mauvais ·choix de l'emplacement
ou d'un manque d'entretien.
Le développement récent des puits en pays Baoulé est
un fait certain, il s'effectue spontanément, encouragé et
aidé par les autorités administratives.
Pour plusieurs raisons, il serait souhaitable que ce
développement persiste et s'étende, mals à un certain
nombre de cas d'impossibilités techniques s'ajoutent d'autres
considérations d'ordre économique ou sociologique constituant autant de freins.
A partir des années 1950, des creusements dus à l'initiative des villageois apparaissent et se développent. Un
petit nombre d'entre eux sont encore établis par les Travaux
Publics, mais la grande majorité est l'œuvre des • Dloula,.
ou des villageois eux-mêmes, initiés aux techniques par
les gens du nord.
Un questionnaire concernant les motivations de l'absence
de puits a donné les réponses suivantes :
Motivations
Les parts respectives des • Dioula ,. , des villageois et
des Travaux Publics se répartissent selon les proportions
suivantes: 57,5 o/o. 41 % et 1,5 o/o.
Au cours des 3 dernières années 198 puits ont été
aménagés dans 23 villages, dont 43 sur 12 villages nouveaux.
-
LES TECHNIQUES DE CREUSEMENT.
-
Sol impropre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Eau abondante à proximité . . . . . . . . . . . . . .
Méconnaissance des techniques de creusement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Coût trop élevé d'un puits . . . . . . . . . . . . . .
Interdits religieux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Réponses
en%
34
24
23
17
2
100
Puisatiers • Dioula ,. ou villageois Baoulé utilisent la
daba et parfois le pic pour évider des trous de 0,80 à 1 m
de diamètre jusqu'à des profondeurs variant entre 5 et
15 mètres. Des encoches régulièrement espacées sont aménagées dans les parois pour permettre la remontée de
La première de ces motivations parait nettement fondée
et s'appuie souvent sur l'expérience : 7 villages étudiés ont
tenté des sondages infructueux. Mais les autres peuvent
69
masquer des raisons informulées, décelées par ailleurs lors
des enquêtes monographiques: traditionalisme et appréhensions devant un bouleversement d'habitudes, Indifférence
des hommes à l'égard d'une occupation de femmes (c'est
le cas dans quelques rares villages), enfin conception de
la qualité de l'eau totalement opposée à celle dictée par
les règles d'hygiène; il n'est pas rare d'entendre affirmer
que l'eau d'un marigot a meilleur goût que celle d'un puits
et certains villageois utilisent l'eau de leur puits pour la
toilette et le lavage du linge et continuent d'envoyer leur
femme au marigot chercher l'eau de boisson. Pourtant,
l'eau provenant de ces marigots et surtout des trous
aménagés, soutirés jusqu'à épuisement pendant quelques
mois de saison sèche, provoque dans la plupart des villages
la recrudescence d'une série de maladies : amibiases,
filaires et surtout vers de Guinée, qui paralysent pendant
de longues périodes ou définitivement de nombreux adultes.
L'extension des maladies liées au parasitisme reste extrêmement variable d'une communauté à l'autre; certaines, très
gravement atteintes, ne peuvent plus faire face à leurs
activités agricoles normales. Les villages pourvus de puits
ne sont pas épargnés, car les cultivateurs boivent toujours
l'eau des marigots lorsqu'ils partent pour la journée dans
leurs champs éloignés.
Le développement des puits reste cependant le procédé
le plus efficace dans l'immédiat pour atténuer les effets des
maladies. Mais à long terme une politique d'éducation de
base doit être envisagée au niveau des écoles primaires.
Il apparait nécessaire de préconiser l'alimentation en eau
de nappe et de proscrire l'alimentation, même partielle,
aux marigots; de vulgariser l'usage des filtres ou de procédés de filtrage rudimentaires mais suffisants (un tissu
épais arrête le cyclops, petit coquillage vecteur du vers de
Guinée) ; enfin de faire saisir le rapport entre la maladie
et l'absorption de l'eau, ce qui dans l'esprit des habitants
n'est souvent pas évident.
70
LE DEVELOPPEMENT DE LA CONSTRUCTION MODERNE.
Les maisons traditionnelles ou modernes édifiées conjointement depuis une dizaine d'années en milieu rural Baoulé
ne se distribuent pas de façon Identique sur toute l'étendue
de la zone d'étude: la modernisation a surtout affecté les
régions du sud. Par ailleurs, les deux modes de construction diffèrent en d'autres domaines que ceux de la technique et de l'aspect, par certains caractères qui intéressent
en premier lieu les utilisateurs et qui peuvent être analysés :
ces différences portent essentiellement sur les prix de
100
%
1
II
revient des bâtiments, sur leur durée, sur leurs dimensions
ou capacité de logement.
La répartition géographique
des maisons modernes.
Dans les villages de l'échantillon la proportion de
maisons modernes par rapport au total des bâtiments
apparait variable (1) :
Ill
50
0
Sud-Ouest
et Ouest
Sud-
~Tole
~
re.......,
lle
~Jnterm.
L-...JTrod.
CentreEst
Est
Nord Oues~
Fig. 7 : répartition pour village des catégories de bâtiments.
Dépenses moyennes en numéraire per capita :
Le nombre réduit de villages étudiés ne permet pas une
analyse spatiale détaillée des variations, mals on peut
souligner la raréfaction progressive des bâtiments modernes
- et notamment ceux couverts en tôles - du sud vers
le nord.
FCFA
1 Région Yamoussokro Toumodi (Sud-Ouest) ... .
Il Région Dimbokro (Sud-Est) ................. .
Ill Région Sakassou (Ouest) ................... .
IV Région Tiébissou (Centre) .................. .
V et VI Région Botro Diabo (Nord-Ouest) ..... .
Dans les régions forestières des marges sud et ouest
à forte densité de plantations caféières ou cacaoyères, la
proportion de toitures en tôles dépasse ou approche 10 %
(villages 1, Il et Ill). Les villages situés en savane, au
centre ou ou nord de la zone d'étude {IV, V, VI), comptent
moins de 3 % de toits de tôles, ou en sont totalement
dépourvus; ils n'exploitent que des caféières marginales,
aux récoltes irrégulières et aléatoires.
111
Il
IV
V
VI
Il est possible de confronter les proportions par village
de toitures en tôle avec des revenus moyens calculés sur
échantillon d'après l'enquête sur les budgets:
16%
8%
%
11
1,5%
3%
Oo/o
Dans une certaine mesure le degré de modernisation de
l'habitat révèle le niveau des revenus monétaires.
{1} Villages :
1 Nzéré
IV Kokrokouassikro
Il Andobo
V Ngatakro
111 Kouakou Broukro
VI Tlonakansl
La répartition moyenne sur l'ensemble de l'échantillon s'établit
ainsi:
Nbre
%
Type moderne complet :
murs : briques ou banco
97
9
dahoméen. Toit : tôle .......................... ..
Type moderne intermédiaire :
murs : briques ou banco
204
19
dahoméen. Toit : herbe .•...•••••..................
Type traditionnel :
murs : banco sur armature
765
72
Toit : herbe ........•••.•...........•.....•............
1 066
Pourcentage par village de toits en tôle :
Nzéré ..................................... .
Kouakou Broukro .......................... .
Andobo ................................... .
Kokro Kouassikro ......................... .
Ngatakro .................................. .
Tionakansi ................................ .
13 730
10 870
10670
5410
5470
Il faut cependant souligner que les écarts de revenus
moyens entre régions différentes ne sont pas uniquement
déterminants. Dans les villages du nord, à proportions
minimes de bâtiments modernes, existent des exploitants
riches qui pourraient transformer leurs logements mais ne
le font pas pour des motivations d'ordre psychologique ou
social.
- La transformation de l'habitat survient puis se développe comme une mode et l'attitude des quelques membres
100
71
reste minime et fréquemment remplacée par des dons en
nature.
influents de la communauté : chefs, notables, anciens urbanisés, gros planteurs, détermine dans un sens ou dans un
autre le comportement de l'ensemble. L'apparition des
premières maisons modernes peut être différée dans certains
villages par le traditionnalisme d'un chef âgé qui hésite à
prendre l'initiative, par l'immobilisation d'une part importante des revenus dans les trésors familiaux, par des
scrupules à l'égard d'une manifestation ostentatoire de
richesse, etc ...
La maison moderne donne lieu à des dépenses en
numéraire sans commune mesure.
Les calculs de prix de revient n'ont pu porter que sur
un échantillon limité de bâtiments complets {9 % de constructions à toit de tôle dans les villages étudiés). Toutefois
il est apparu que le coût de la construction variait assez
faiblement autour d'une valeur moyenne, que les prix d'achat
des matériaux restaient à peu près homogènes dans l'espace
(d'un centre urbain à un autre) et constants dans le temps
(les prix des matériaux principaux : tôles, bois et ciment
on peu changé pendant les huit dernières années).
Lorsque le mouvement est lancé et admis, ces freins
sociaux s'atténuent, et les facteurs économiques deviennent
prépondérants.
Le coût des maisons de conception moderne.
D'après les chiffres du sondage le coût moyen d'une
maison à toit de tôle entièrement équipée (il manque seulement pour quelques maisons des frais de peinture et de
menuiserie) s'élève à 121 295 F C.F.A.
L'édification d'une maison traditionnelle exige du temps
et du travail, mais sans préjudice réel pour l'exploitation
puisque ces activités comblent le plus souvent les périodes
creuses du calendrier agricole ; la somme dépensée lors
de la pose du toit en remerciement de l'aide collective
Nbr.
La dispersion autour de cette valeur moyenne reste
modérée (extrêmes : 63 000 F et 211 000 F).
de
maisons.
en .%
30
20
10
o...._____
250 Prix en milliers
J OO
50
de Fr. C.F.A.
Figure 8 : Distribution de 100 maisons en fonction de leur prix.
Les différences restent surtout imputables à la taille
des bâtiments. Le coût moyen par maison se décompose
sur les multiples postes suivants :
Valeur
en F CFA
Matériaux:
- Briques (confection) .............. .
- Sable (extraction) ................ .
- Ciment ......................... .
-Tôle ............................ .
- Chevrons ........................ .
- Portes, fenêtres, éléments ajourés en
ciment préfabriqués .............. .
- Ferrures, clous ................... .
- Peinture ......................... .
TOTAL ................... .
- Transport des matériaux ........... .
Main-d'œuvre:
- Maçon {édification des murs) ..... .
- Maçon {crépissage et sol) ........ .
- Charpentier - couvreur ........... .
- Menuisier {portes, fenêtres) ....... .
- Peintre .......................... .
- Dons en nature .................. .
TOTAL
Coût moyen d'uoo maison en briques: 133 660 F CFA.
Coût moyen d'une maison en banco dahoméen : 117 760 F
CFA.
%
1 657
1 304
14578
28606
20821
1, 1
12,0
23,6
11,1
La différence d'environ 16 000 F est provoquée par les
frais de confection des briques (7 460 F par maison) par
des achats supplémentaires de ciment, nécessaires à l'assemblage des briques (7 680 F de plus par maison) et par
quelques frais de main-d'œuvre majorés dans la phase de
l'édification des murs.
9112
1 913
3407
81 351
7,5
1,6
2,8
67,1
L'analyse des postes de dépenses ci-dessus fait ressortir
la faiblesse relative des salaires versés. Ils représentent
moins d'un tiers des sommes engagées et sont répartis
entre cinq artisans différents. Ces salaires sont établis
de façon forfaitaire après entente des deux parties.
6412
5,3
14503
4 748
6092
1 674
1 805
4 707
11,9
3,9
5,0
1,4
1,5
3,9
33532
27,6
TOTAL GENERAL .......... 121 295
1,4
Le prix payé au maçon dahoméen qui se charge des
murs varie en fonction de la taille du bâtiment; Il peut être
calculé de deux façons, soit à 4 000 F la pièce : une maison
de 4 pièces est payée 16 000 F ; soit à 1 000 F du mètre
appliqué à la somme longueur plus largeur: une maison
de 8 mètres sur 5 mètres vaut 13 000 F.
Chaque artisan est nourri pendant toute la durée des
travaux et reçoit des cadeaux divers : volailles, paquets de
cigarettes, vin de palme ou vin rouge. L'évaluation de ces
dons en nature fournit un chiffre global approchant de
5 000 F.
100
L'échantillon comporte 22 % de maisons à murs de
briques et 78 % de maisons en banco dahoméen.
L'achat et le transport des matériaux représentent les
dépenses majeures.
Les maisons de briques apparaissent légèrement plus
onéreuses:
Le ciment ne constitue qu'une part restreinte de l'investissement total. En fait, l'échantillon comporte une majorité
72
de constructions en banco dahoméen qui n'utilisent le
ciment que pour le crépissage et le sol. Il est de plus
économisé au maximum, souvent incorporé à des quantités
inusitées de sable.
Type traditionnel:
Toit végétal . . . .
murs de banco sur armature ou de to/a . . . . . . . .
12 000 F
(Ce dernier chiffre étant constitué pour la plus grande partie
en journées de travail comptabilisées).
Les frais entrainés par la toiture constituent le poste
dominant équivalant à peu près exactement à la moitié de
la dépense globale :
Achat des tôles ......................... .
Achat des chevrons ...................... .
Transport des tôles et des chevrons, environ
Achat des clous, environ ................. .
Salaire du charpentier couvreur ........... .
Dons en nature, environ .................. .
Le prix du mètre carré couvert, calculé sur les bases
des levés de plans effectués en cours d'enquête, varient
dans les proportions suivantes :
Prix
Coût
Surface du mètre
moyen
moyenne
carré
Type moderne complet ... 121 000 F 42,50 m1 2850 F
Type moderne Intermédiaire
26 000 F 42,50 m2
610 F
Type traditionnel ....... .
12000 F 21,20 m1
565 F
23,6%
17,1 %
3,5%
0,6%
5,0%
1,0%
50,8%
La solution Intermédiaire diffère peu sur le plan financier
du type traditionnel, mais elle ménage l'avenir et autorise
l'investissement des gains ultérieurs.
soit 62 000 F environ.
Cette dépense correspond à une phase de la construction qui doit Impérativement être réalisée d'une seule
traite : elle peut être confrontée avec les dépenses effectuées pendant les "utres phases :
1.
3.
4.
5.
Edification des murs ............. .
Crépissage et sol ............... .
Menuiserie ...................... .
Peinture ........................ .
en%
16
17
11
5
L'âge et le renouvellement des constructions.
en valeur
19 400
20 600
13300
6000
La maison à toit de tôles a introduit dans l'habitat un
élément de pérennité qui s'oppose au renouvellement continuel de l'ancien mode de construction.
F
F
F
F
Le relevé des dates de construction (édifice considéré
comme terminé lorsque le toit a été posé) a permis d'établir
une sorte de • pyramide des âges • portant sur 1 303 bâtiments ; les deux catégories : traditionnelle et moderne ont
été séparées.
Dans l'état actuel de la plupart des budgets (1) une
somme supérieure à 60 000 F C.F.A. ne peut être obtenue
qu'après plusieurs campagnes agricoles. Ceci explique l'emploi fréquent de la solution Intermédiaire qui consiste à
couvrir le bâtiment d'une toiture d'herbes ; elle permet de
tourner l'obstacle de la dépense majeure, tout en autorisant
le logement ainsi que la poursuite des autres aménagements.
Ces derniers: crépissage, sol, menuiserie ou peinture,
dépassent rarement une vingtaine de milliers de francs chacun ; ils peuvent être échelonnés sur le nombre d'années
nécessaires.
Figure: 9
Répartition des bâtiments selon leur année de construction :
1930
Le prix de revient de ce type Intermédiaire complètement
aménagé se situe donc aux environs de la moitié du prix
de la maison à toit de tôle (on doit rajouter les frais
entrainés par la pose du toit végétal, au demeurant minimes :
cadeaux divers en contrepartie de l'aide collective fournie
par les villageois).
19JS
En fait la majorité des bâtiments observés atteint rarement le stade de l'équipement total : les portes et les
fenêtres peuvent manquer et être remplacées par des solutions de fortune : rideaux ou nattes ; le crépissage des
murs peut être réalisé avec des enduits de terre utilisés
en construction traditionnelle et se passer de ciment ; le
sol peut rester en terre battue.
1940
IJllllillillil
Trcditionnel
~
Moderne
..
~
En construction
1945
La moyenne des prix effectivement relevés sur ces types
intermédiaires se situe à 25 000 F C.F.A. pour les maisons
à murs de banco dahoméen, et à 30 000 F C.F.A. pour les
maisons à murs de briques crues.
La disproportion des coûts de construction entre les trois
catégories de bâtiments est résumée par les chiffres suivants:
Type moderne complet :
Toit de tôle
Toit de tôle ....
murs de briques ....... .
murs de banco dahoméen
134 000 F
118000F
Type moderne intermédiaire :
Toit végétal
Toit végétal ....
murs de briques ....... .
murs de banco dahoméen
30 000 F
25 000 F
...........
...................
50
(1) Hormis les réglons de plantation au Sud-Ouest et eu Sud-Est
de la zone d'étude.
73
0
0
50
100
1-.Jbr. de bctimen ~!>
saturation de bâtiments après la période de construction
intense qui a précédé. Les constructions entreprises entre
1955 et 1960 ont probablement été le fait des exploitants
aisés des villages. Les catégories à moindres revenus,
défavorisées par la baisse des cours, n'ont pu parvenir
ensuite à acquérir les sommes nécessaires. Quelques cubes
de banco dahoméen laissés sans toiture depuis trois à
cinq années témoignent de ces abandons dans plusieurs
villages. Quant aux cultivateurs riches, une seule maison
moderne, constituant le corps de logis principal, leur suffit
généralement : il n'est pas encore de règle, comme en
Basse·Côte, de construire les logements annexes ou les
dépendances en matériaux d'importation.
La répartition par âge de la catégorie traditionnelle
s'organise de façon irrégulière sur une période supérieure
à trente années (1 ).
En supposant un nomb~ constant de maisons édifiées
chaque année, la disparition progressive des vieux bâtiments
interviendrait de façon massive entre la fin de la sixième
année (tranche d'âge de 1957) qui correspond avec la
moyenne d'âge générale (six années quatre mois à partir
du milieu de 1963) et la fin de la onzième année (tranche
d'âge de 1952). Au-dessus s'observerait une disparition
beaucoup plus lente des derniers bâtiments, échelonnée sur
une période de plus de quinze ans (depuis la tranche d'âge
1952 aux tranches d'âge des années 1935). Toutefois le
rythme de la construction n'est pas constant d'une année
à l'autre. Les classes d'âges récentes de la pyramide (de
1957 à 1963), pour lesquelles on peut admettre que les
destructions ont été minimes, révèlent des fluctuations
importantes: l'allure générale apparait décroissante avec
une pointe marquée en 1961. Ce fléchissement net de la
construction traditionnelle depuis 1957 peut être en partie
expliquée par le développement parallèle de la construction
moderne, qui intervient sous forme concurrentielle.
La case traditionnelle, constituée à partir de matériaux
périssables, n'a qu'une existence brève. Un renouvellement
continu s'effectue à cadence rapide malgré un entretien
plus ou moins efficace qui peut prolonger jusqu'à vingt ou
trente ans la vie de quelques bâtiments.
Le calcul de la durée moyenne d'un bâtiment traditionnel, de son .. espérance de vie ,. , a pu être tenté à
partir de l'observation des photos aériennes de février 1962.
Il a pu être dénombré entre cette date et la date de
l'enquête sur le terrain (août-septembre 1963) les bâtiments
détruits et les bâtiments nouvellement construits. Les résultats sont à peu près homogènes dans chaque village : il
apparait, avec toutes les réserves qu'implique la brièveté
de la période (un an et six mols) que le renouvelolement
s'effectue au rythme d'environ 10 % par an, ce qui implique
une durée d'existence moyenne de dix années (ce chiffre
correspond à deux ou trois réfections de la toiture d'herbe).
La dispersion autour de cette moyenne reste importante :
les plus anciens bâtiments de l'échantillon dépassent trente
ans d'âge; d'autres, d'après informations, seraient abandonnés dès leur quatrième ou leur cinquième année, c'est-àdire jusqu'à l'extrême durée de la première toiture d'herbe
(il s'agit en général de maisons-cuisines).
Les cases traditionnelles restant jusqu'à ce jour majoritaires, l'habitat garde un caractère mouvant. Les villages
sont perpétuellement remaniés et deviennent méconnaissables au bout de quelques années.
Le développement des maisons mode~s à toit de
tôle, investissements coûteux et durables, tend à stabiliser
à long terme les plans de villages.
La surface couverte et la densité de l'occupation.
La comparaison entre les deux catégories de bâtiments
a pu être abordée grâce à des levés de plans effectués
dans cinq villages.
L'échantillon comporte 18 cours, représentant un total
de 111 édifices de tous genres (logements, logeroontscuisines, cuisines) dont 27 modernes et 84 traditionnels.
La courbe des âges des maisons modernes ne reflète
pas comme la précédente un rythme combiné de constructions et de disparitions, mais seulement celui de la construction ; dans cette catégorie aucune destruction n'est
intervenue.
Les nouveaux bâtiments ont commencé à être édifiés
aux alentours des années 1950, se sont multipliés entre
1955 et 1961, puis raréfiés de 1961 à 1963.
L'augmentation des dimensions dans les bâtiments
modernes apparait évidente d'après les chiffres suivants:
L'interprétation de ce rythme de construction est rendu
difficile par l'étalement des travaux sur plusieurs années :
une cause d'arrêt ou d'accélération se traduit avec un
certain retard.
Construction
traditionnelle
5,86m
Longueur moyenne ......... .
3,62m
Largeur moyenne .......... .
21,21 m2
Surface couverte moyenne .. .
Le développement rapide de 1954 à 1960 doit être mis
en rapport avec les dernières années de prix élevé du café
(prix de traite 1957: 125 à 140 F le kg; 1958: 105 à 125 F
le kg). La diminution de 1961 suit, avec un décalage causé
par l'achèvement des bâtiments entrepris, la chute des cours
survenue en 1959-1960 (prix de traite : environ 80 F le kg).
Construction
moderne
8,39m
5,06m
42,50 m11
Les variations entre villages des surfaces couvertes
moyennes restent faibles ; les valeurs extrêmes se situent à :
- 18,80 m1 et 23,25 m11 pour les cases traditionnelles :
- 41,40 m1 et 48,90 m2 pour les maisons modernes.
Le palier de 1958-1959 et la remontée de 1960 peuvent
dans une certaine mesure révéler les conséquences de la
tension politique momentanée entre le Dahomey et la Côted'Ivoire. A partir de la fin 1958 la plupart des maçons
dahoméens ont regagné leur pays, laissant en chantier de
nombreuses maisons; leur reprise d'activité coincide avec
la pointe de 1960.
Les maisons modernes sont subdivisées en pièces plus
nombreuses et plus vastes :
Nombre moyen de pièces par bâti·
ment ....................... .
Surface moyenne par pièce ..... .
Traditionnel
Moderne
2,5
8,32 m2
3,4
12,45 m11
En dehors de facteurs purement économiques, le fléchissement observable depuis 1961 peut refléter une certaine
(1) A partir de 15 ans et plus la valeur des réponses devient
Incertaine.
309 personnes au total habitent les 111 bâtiments et
la surface couverte moyenne dont dispose un occupant est
de 9,47 m2 •
La tranche d'âge 1953 est sur-évaluée par suite de la fréquence
des réponses: 10 années.
74
Cette valeur moyenne varie très peu dans les deux
catégories de bâtiments.
des pièces où les habitants dorment restent inférieure de
moitié à la surface couverte totale :
Type traditionnel :
Surface totale : 1 781 m1
-
Construction traditionnelle
41, 1 % de la surface totale.
9,68 m par personne :
-
Construction moderne . .
46, 7 % de la surface totale.
9,16m2 par personne.
En moyenne, deux personnes couchent dans la même
pièce en habitat traditionnel et trois personnes en habitat
moderne. Ces valeurs moyennes ne reflètent pas les densités
exceptionnelles des cas extrêmes ou plus de six occupants
(en général des enfants) peuvent être regroupés dans une
pièce d'une douzaine de mètres carrés.
2
Nombre de personnes : 184
Type moderne:
Surface totale : 1 146 m2
-----------:
Nombre de personnes : 125
Les bâtiments modernes, bien que deux fois plus vastes,
connaissent une densité d'occupation légèrement supérieure.
•••
On peut ici schématiser, en rapprochant les données
globales suivantes:
Surface couverte moyenne par personne • • . .
Surface moyenne par pièce . . . . . . . . . . . . . . . .
9,47 m•
9,56 m•
Il semble en définitive que l'introduction des nouveaux
plans n'ait modifié en aucune sorte les conditions de
logement. Comme dans l'habitat traditionnel, la capacité
de logement demeurant Inutilisée représente plus de la
moitié des surfaces couvertes.
Chaque occupant de l'échantillon étudié dispose donc
en moyenne et théoriquement d'une pièce de 9,50 m1 environ.
Les pièces consacrées au logement deviennent plus
vastes, mals servent à de plus nombreux occupants et le
rapport surface utilisée/nombre de personnes reste constant
dans les deux catégories de bâtiments.
En fait, tous les bâtiments et toutes les pièces de chaque
bâtiment ne sont pas consacrés au logement : la surface
75
CONCLUSION
épouse, célibataire, isolé ; ou à une fonction précise :
cuisine, magasin... Elle fait partie d'un ensemble, en général
celui de la cour, qui renferme les trois types principaux :
yasua sua, bla sua, sua ba. Cet ensemble est adapté à la
composition et aux activités d'une unité familiale de grande
dimension, dépassant presque toujours la famille-ménage.
La maison moderne a provoqué des comportements
particuliers concernant l'habitat. Pour l'utilisateur elle présente des qualités spécifiques qui expliquent certains caractères concrets des bâtiments, parfois difficiles à interpréter.
L'absence d'aération paraît être la principale tare des
nouvelles constructions, qui soutiennent mal la comparaison
avec les cases à couvertures végétales. L'exiguité des
ouvertures, la suppression des vérandas, l'absence de plafond qui met directement l'air intérieur au contact des tôles,
l'absence d'espace vide entre les cloisons et la toiture
qui interdit toute ventilation intérieure, rendent étouffants
ces cubes de banco et de tôle pendant les heures chaudes
de la journée. A ces défauts s'opposent les larges ouvertures et les vérandas, les cloisons interrompues à hauteur
d'homme, la capacité d'isolement thermique des toits
d'herbes propres aux bâtiments traditionnels.
La proportion des différents types de bâtiments est
commandée par la composition de la famille ; elle peut être
modifiée et lui être ajustée fréquemment grâce au renouvellement rapide et obligatoire des constructions. Par ailleurs
les occupants peuvent émigrer d'un bâtiment à l'autre selon
les besoins, car la maison reste impersonnelle : c'est un
bien périssable, sans grande valeur, qui n'a coûté qu'une
somme d'efforts et c'est, dans une certaine mesure, un bien
collectif puisque les membres de la parenté ont collaboré
à sa construction.
A l'opposé, la maison moderne relève d'une conception
beaucoup plus individualiste. Elle devient polyvalente et
abrite le plus souvent une unité familiale complète, du type
famille~ménage. Elle reste intégrée dans un ensemble plus
vaste, la cour, mais constitue un corps de logis principal
autour duquel subsistent en nombre réduit des annexes
édifiées selon les techniques traditionnelles. A un stade
extrême, qui commence à faire son apparition, la maison
est établie en dehors de l'enceinte d'une cour et constitue
un bloc isolé, non clôturé, qui s'entoure de quelques installations utilitaires (greniers, claies de séchage, poulaillers,
abris divers, etc.).
En fait, pendant le jour, le groupe familial n'utilise pas
la maison à toit de tôle ; quand ils ne sont pas aux
champs, ses membres vivent en plein air dans l'enceinte
de la cour ou s'abritent dans les constructions traditionnelles qui subsistent ; les moments les plus chauds sont
passés dans les endroits les mieux ventilés des vérandas
ou à l'ombre des arbres et des auvents à palables ( apatam)
cjui parsèment le village.
La maison couverte de tôle n'est occupée que la nuit;
c'est une maison-dortoir et c'est à ce titre que ses ouvertures sont soigneusement bouchées ; il est fréquent de
constater que certains orifices ménagés par le constructeur
ont été obstrués par la suite : fenêtres aveuglées par un
bouchon de banco, surcharges de ciment entre le sommet
des murs et la tôle du toit. La préservation contre la
fraicheur des nuits en saison sèche ou contre l'humidité
intense en saison de pluies sont les raisons les plus fréquemment invoquées, et il parait certain qu'avec la literie
précaire habituelle, (mince couche isolante de nattes et de
pagnes en coton posée à même le sol) le froid des fins de
nuits peut être fortement ressenti ; ce fait explique en
partie la forte densité d'occupation des chambres, notée au
chapitre précédent.
Le chef de famille, promoteur et commanditaire, considère la maison comme un bien propre où a été investi une
part importante de son épargne. C'est un bien de prestige,
reflet de sa richesse, où il reçoit et loge ses hôtes de
marque. C'est également un bien durable non assujetti au
renouvellement périodique, œuvre d'un homme et construit
pour la vie d'un homme.
•••
La maison rurale Baoulé évolue avec rapidité et, si l'on
se réfère aux transformations survenues dans l'habitat de
Basse-Côte, la construction traditionnelle devrait régresser
fortement au cours des prochaines décennies, tout au moins
dans la moitié sud et forestière de la zone.
La maison moderne est par ailleurs une maison-magasin
dont une ou plusieurs pièces abritent certaines récoltes
périssables ou des biens précieux.
Le crépissage des murs, le sol cimenté, les portes en
bois plein et la toiture en tôle garantissent une bonne
étanchéité, contrairement aux cases végétales ou l'humidité
remonte du sol en terre battue, où la pluie traverse la
toiture et où les rongeurs circulent librement dans les
charpentes. Elle remplace dans de nombreux cas les
anciens greniers désaffectés.
Il est possible que les formes anciennes se maintiennent
longtemps encore dans les savanes du nord où les populations participent avec plus de difficultés à l'économie
monétaire; mais il n'est pas exclu que le développement
de nouvelles cultures industrielles (coton, tabac) dans ces
régions atténue progressivement le décalage actuel. La
modernisation est par ailleurs accélérée et généralisée par
une politique administrative récente, dont les effets sont
déjà manifestes.
La crainte des voleurs est souvent invoquée pour justifier
les systèmes de fermeture et de protection. La maison
moderne reste soigneusement verrouillée pendant l'absence
de ses occupants en voyage ou aux champs et, en temps
normal, certaines pièces généralement sans fenêtre demeurent sous clef. Elles renferment les biens précieux de la
famille: •trésors" de groupes lignagers et réserves monétaires, pagnes et divers objets d'équipement. Il est très
significatif d'observer à cet égard la hauteur et l'exlguité
de nombreux fenêtres qui, même si leur panneau était forcé,
ne permettraient pas le passage d'un homme.
Cette étude reste dans notre esprit strictement descriptive et n'a pas d'autres ambition que de guider par quelques
chiffres, et par quelques caractères concrets se rapportant
aux aménagements actuels, les entreprises ultérieures
d'urbanistes, d'architectes ou de responsables s'intéressant
à l'amélioration de l'habitat Baoulé.
La maison moderne a acquit dans l'esprit de son possesseur une signification bien différente de celle attribuée à
la case ancienne.
Nous pouvons cependant formuler ici une série de propositions qui découlent des faits étudiés.
L'aménagement d'un village totalement neuf sur un
emplacement proche n'est pas incompatible avec la mobilité
traditionnelle des sites et ne provoquera, dans la grande
Le bâtiment traditionnel est à l'origine spécialisé, correspondant à une catégorie déterminée d'occupants : mari,
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majorité des cas, aucune opposition des habitants ; le
transfert peut même correspondre à un désir latent de la
communauté. Le choix de l'emplacement devra cependant
être laissé aux responsables villageois.
L'aménagement proprement dit, le tracé d'un plan de
lotissement et surtout de rues carrossables, devrait strictement tenir compte de la topographie du site, s'adapter
à la pente pour éviter la dégradation rapide de sols
toujours profondéments altérés, qui s'ouvrent de ravinements après quelques saisons des pluies (ainsi qu'il apparait dans plusieurs villages récemment organisés selon un
plan sommaire en damier). Le tracé d'alignements ou de
rues parallèles aux courbes de niveau et l'aménagement
d'écoulements transversaux stabilisés, si possible avec du
ciment, nous semblent être les solutions les plus rationnelles.
L'extension des maladies, liées au parasitisme qui paralysent actuellement une partie de la population active, place
la recherche d'une eau de qualité parmi les préoccupations
urgentes et essentielles. Le creusement de puits, admis et
déjà répandu, devrait être systématiquement généralisé et
s'accompagner d'une campagne d'information préconisant
l'abandon des points d'eau de marigots et l'usage de
procédés de filtrage.
La transformation des logements s'effectue spontanément
et de façon irréversible, mais l'uniformité flagrante des
maisons à toits de tôle, aussi bien dans leurs dimensions
que dans leur plan, révèle, dans la plupart des cas, la
méconnaissance des villageois à l'égard de tout ce qui
touche les nouveaux procédés de construction; on s'en
remet le plus souvent au modèle proposé par le dahoméen,
ou bien l'on Imite sans souci d'adaptation ni d'amélioration,
la maison du voisin. Il est certain que la faiblesse des
sommes d'argent susceptibles d'être investies limite les
solutions originales et n'autorise fréquemment que le cube
de banco le plus simple. Les modèles urbains plus élaborés,
dotés de larges baies, de terrasse, de plafonds, de salle
d'eau, etc ... , peuvent être connus, mals leur prix de revient
les rends inaccessibles à la majorité des budgets ruraux.
Il apparait regrettable que les plans modernes usuels ne
s'inspirent pas davantage de types traditionnels comme les
maisons de femmes ( bla sua) ouvertes de vérandas, parfaitement adaptées au climat et aux usages multiples de la
vie domestique. Plusieurs tentatives récentes effectuées dans
la région de Bouaké par divers organismes (1) tendent vers
des solutions équilibrées qui concilient amélioration certaine
du confort, adaptation plus étroite à l'existence quotidienne
d'une famille, et surtout prix de revient compris entre
150 000 et 250 000 F C.F.A. Il serait souhaitable que ces
recherches soient multipliées et que leurs résultats soient
amplement diffusés parmi les populations rurales, où la
transformation de l'habitat est devenu une préoccupation
majeure, mais où les techniques et les possibilités des
matériaux nouveaux restent encore très mal connues.
(1) Maisons construites au Monastère des Bénédictins de Bouaké.
Types de logements préconisés par la Compagnie Internationale de
Développement Rural dans une publication ronéotypée : • Notes sur
les constructions de Boka Kouamékro •.
Types de logements figurant dans : • Etude sur l'habitat rural •,
de J.-C. Labrue. Publication de l'Ecole des Forces Armées de Bouaké.
COGIPA - Dépôt légal N° 75 -
~
trimcs:tre 1966
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