Virus de la rougeole : immunodépression, diagnostic
du virus via le DC-SIGN de dendrites de cellules dendri-
tiques intraépithéliales. Le virus gagne le tissu lymphoïde
local transporté par les cellules dendritiques ou macro-
phages alvéolaires après une phase de réplication dans
le tissu lymphatique. Il apparaît dans les cellules san-
guines (monocytes, lymphocytes, T, B) sept à neuf jours
après l’infection. L’infection des cellules épithéliales et
endothéliales dans plusieurs tissus se fait par le pôle pola-
risé basolatéral des cellules épithéliales respiratoires et le
récepteur Er [12]. Ce trajet du virus a été démontré récem-
ment chez le macaque infecté par un virus exprimant une
protéine fluorescente [13].
Vers le dixième jour après infection, une fièvre et
un œdème du tractus respiratoire précèdent l’éruption
érythémateuse maculopapuleuse apparaissant le 13e-
14ejour. L’évolution est le plus souvent favorable chez
les personnes immunocompétentes, la fièvre disparaît en
moins d’une semaine, l’éruption s’atténue en une dizaine
de jours.
Avant l’antibiothérapie, les complications graves de
la rougeole étaient fréquentes, surtout d’origine bacté-
rienne, en raison d’un état d’immunodépression induit par
la maladie.
Le virus de la rougeole affecte aussi le système nerveux
selon trois processus pathogéniques différents :
–par une réaction d’hypersensibilité à l’égard
d’antigènes du SNC, qui entraîne une encéphalite «auto-
immune »au décours de l’éruption (encore appelée
encéphalite périveineuse ou post-infectieuse) ;
–par une neuroinvasion chez des enfants fortement
immunodéprimés, survenant entre un à plusieurs mois
après une infection morbilleuse atypique. Il s’agit d’une
encéphalite primitive appelée encéphalite aiguë à inclu-
sions ;
–par une neuroinvasion et un développement pro-
gressif conduisant à une encéphalite subaiguë appelée
panencéphalite sclérosante subaiguë (PESS). Celle-ci est
rare mais redoutable ; elle se déclare encore plus tardive-
ment, de deux à vingt ans après la rougeole. La raison de
cette complication n’est toujours pas connue. Un grand
nombre de mutations dans le gène de la protéine M de
plusieurs souches ont été rapportées qui rendent compte
de la nature parfois défective du virus [14]. Ces mutations
peuvent être aussi la conséquence de l’infection chronique
et de la sélection sous anticorps viraux présents à un taux
élevé dans le sang et le SNC. La possibilité d’un défaut
de l’immunité innée peut être évoquée dans cette compli-
cation à l’image des déficits des protéines de la cascade
interféron, qui a été démontrée dans certaines encépha-
lites herpétiques [15].
Les complications pulmonaires à type de pneumo-
pathie interstitielle grave sont observées chez les enfants
immunodéprimés.
L’éruption de la rougeole, après la virémie, apparaît
au moment où s’exerce la réponse immune. Que le conflit
virus-système immunitaire ait un rôle déterminant dans ce
domaine est démontré par le fait que les éruptions dans
les déficits sévères de l’immunité sont très fugaces, pâles,
atypiques ou inexistantes, et les titres des anticorps sont
bas ou nuls et la charge virale élevée.
La physiopathologie de l’éruption procède de certaines
propriétés des protéines virales mais aussi de facteurs
génétiques de l’hôte qui gouvernent les réponses innée
et spécifique à l’infection virale. Le virus interagit directe-
ment avec les cellules endothéliales grâce à sa protéine F
qui fusionne les membranes cellulaires entre elles. Les
complexes immuns circulants, antigènes viraux-anticorps,
en présence de complément, peuvent aussi altérer la mem-
brane des cellules endothéliales. Indirectement, l’activité
de cellules lymphocytes T-cytotoxiques CD8 et/ou de cel-
lules NK s’exerce aussi contre les cellules endothéliales
infectées. Les lésions endothéliales sont favorisées par
une augmentation de l’expression de protéines d’adhésion
ICAM1, VCAM, Sélectine E qui attachent les cellules T
à la surface des cellules endothéliales infectées. Enfin,
la protéine H fixe les monocytes à la membrane de
l’endothélium infecté, entraînant un gradient local de
concentration de cytokines et de chimiokines dont cer-
taines induisent une mort cellulaire par apoptose.
Réponse de l’hôte à l’infection
Différents travaux ont montré le rôle important de
l’immunité innée, en particulier celui des interférons, dans
la résistance de l’hôte à l’infection et à la limitation de
la multiplication virale : ainsi des souris transgéniques
CD46+ et dépourvues de récepteurs IFN alpha (donc
ne pouvant pas répondre à leur interféron endogène)
deviennent plus sensibles à l’infection et développent une
pathologie plus sévère. De même, la suppression de l’IFN
gamma, et donc de la réponse TH1, rend les souris Balb C
sensibles à une infection du SNC [16].
Au début de la phase éruptive, une sécrétion simulta-
née d’interféron de type I et II gamma a lieu dans le sang
[17] des formes non compliquées ; c’est une notion qui
devrait être prise en compte dans les études immunitaires
in vitro. Dans le même temps, l’IL8 et l’IL-1B sont présentes
aussi [18].
La production des interférons de type I est complexe.
Le virus morbilleux se multiplie dans les monocytes, et
cellules T activées, cellules par lesquelles il diffuse dans
tout l’organisme.
Les interférons alpha sont produits par les PBMC, dans
les cellules pDC, via la voie des TLR7-8 par l’ARN viral
simple brin ; l’IFN beta est activé via les RNA hélicases
cytosoliques, RIG-1, MDA-5 et le TLR3 par les formes
bi-caténaires virales réplicatives [19-21]. RIG-1 joue un
rôle déterminant, son absence chez le poulet favorise la
multiplication du virus morbilleux dans les cellules de
346 mt pédiatrie, vol. 13, n◦5-6, septembre-décembre 2010
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