
L’observation  de  Piazzi,  rapporte  Lalande,  fut  connue  du  public  scientifique  dès  les 
premiers mois de 1801
. La question était cependant de savoir si  l’on avait affaire à un 
astre véritable, et si cet astre était une planète ou simplement une comète. Pour le premier 
point, il se trouve que, dès le 11  février 1801,  l’astre  était entré  en  conjonction avec  le 
soleil et était devenu invisible, si bien que les données d’observation étaient extrêmement 
peu  nombreuses.  Il  fallait,  à  partir  de  vingt-quatre  positions  décrivant  un  arc  de  9°, 
reconstituer une trajectoire de 360°, et, pour cela, déterminer les six éléments de l’orbite 
(demi  grand  axe,  excentricité,  inclinaison,  longitude  du  nœud  ascendant,  argument  du 
périhélie,  instant  de  passage  au  périhélie).  C’est  Gauss  (1777-1855)  –  le  princeps 
mathematicorum – qui réussit le calcul, en octobre 1801, en appliquant sa méthode des 
moindres carrés pour les calculs d’approximation. L’astre, quant à lui, ne sera à nouveau 
observé  qu’en  décembre 1801.  Pour  le  second  point,  le  doute  s’expliquait  par 
l’exceptionnelle excentricité de la planète. Ainsi, comme le rapporte Lalande, Piazzi lui-
même croyait originairement avoir découvert une simple comète
. Le doute était relayé 
par  l’un  des  principaux  organes  de  l’information  astronomique  en  Allemagne,  la 
Monatliche Correspondenz zur Beförderung der Erd- und Himmelskunde, publiée à Gotha 
depuis  1800  par  l’astronome  Franz  Xaver  von  Zach  (1754-1832).  Cette  revue  était 
manifestement lue par Hegel, qui cite un numéro de 1802 dans la remarque du § 279 de 
l’Encyclopédie. Or, comme l’a montré E. Oeser, la revue mit initialement en question le 
caractère planétaire de l’astre : « Que sera finalement cet astre ? Une ‘planéto-comète’ ou 
un intermédiaire entre les deux ? » écrit ainsi von Zach
. On voit que pour la Monatliche 
Correspondenz,  en  1801,  l’observation  de  Piazzi  ne  validait  pas  indubitablement  la 
conjecture de Titius-Bode. 
Mais  ce  qui  suscitait  les  doutes  les  plus  nombreux  était  d’une  part  le  fait  que  l’astre 
n’avait jamais été observé jusqu’à présent, d’autre part le fait qu’il était bien plus petit que 
les planètes alors connues. (D’ailleurs les astronomes, aujourd’hui, ne désignent pas Cérès 
comme une planète mais comme un simple astéroïde ou comme une « planète naine ».) 
Lalande relate ainsi les  modifications de ses convictions au cours  de 1801 : « Au  mois 
d’octobre  [1801], M. le docteur Gauss, de  Brunswick, vint à  bout de représenter, à 5° 
près, les observations de M. Piazzi. M. de Zach  s’en servit pour calculer les lieux de la 
planète. [...] Cependant je  continuais  à  douter  de  l’existence  de la  planète :  l’intervalle 
des observations était trop court, et une comète dérangée, comme celle de 1770, par des 
attractions étrangères, me semblait pouvoir  décrire  l’arc observé ; je ne pouvais croire à 
une  planète  si  petite,  et  qui  n’avait  jamais  été  remarquée.  [...]  La  recherche  était  très 
difficile, à raison de la petitesse de l’astre et de l’incertitude qu’il [y] avait sur l’endroit où 
il  fallait  le  chercher. »
 Notons  au  passage  qu’on  a  dans  cet  épisode  un  exemple 
historique  remarquable  de  ce  qu’est  une  communauté  scientifique,  puisque  la  recherche 
voit s’associer une pluralité de savants d’horizons divers, qui examinent, sur le mode de la 
controverse, une même question dans ses aspects à la  fois théoriques et expérimentaux. 
On en arrive  néanmoins à  l’épilogue : « Dès le 7 décembre [1801], M. le baron de Zach 
retrouva la nouvelle planète à Gotha, à 18h 48’ 10’’ temps moyen, mais il n’en fut assuré 
que  le  31  décembre  parce  qu’il  avait  observé  quatre  petites  étoiles  et  qu’il  ne  pouvait 
 
  La  découverte  fut  connue  à Iéna  le  20  mars 1801  (cf.  K.  Rosenkranz, Vie  de  Hegel,  trad.  P.  Osmo,  Paris, 
Gallimard, 2004, p. 280). En avril, Piazzi envoya ses observations complètes à Oriani, Bode et Lalande. Elles 
furent publiées dans l’édition de septembre 1801 de la Monatliche Correspondenz. 
 Lalande, op. cit. p. 845. Selon W. Neuser, op. cit. p. 55, Herschel croira encore en novembre 1802 que Céres 
est une comète. 
 Monatliche Correspondenz, vol. IV, p. 370, cité par E. Oeser, « Hegels Verständnis der Naturwissenschaften », in 
Die Natur in den Begriff übersetzen, hrsg. von Th. Posch und G. Marmasse, Frankfurt a.M., Peter-Lang, 2005.  
 Lalande, op. cit. p. 846. Nous soulignons.