1 QUESTION 254 LES INSUFFISANCES RESPIRATOIRES CHRONIQUES Module 12. Uro-Néphro-Pneumologie GENERALITES B Définition L’insuffisance respiratoire chronique est définie par l’incapacité du système respiratoire à assurer les échanges gazeux (et donc l’oxygénation des tissus) au repos ou à l’effort. Pour le praticien le diagnostic s’appuie sur 2 critères simples : la dyspnée d’effort ou de repos et l’hypoxémie (diminution de la pression partielle en oxygène du sang artériel) témoignant de l’altération des échanges gazeux. Alvéole O2 Capillaire O2+H HbO Globule rouge Physiopathologie L’appareil respiratoire a comme principale fonction de permettre les échanges gazeux (O2 et CO2) entre l’atmosphère et l’organisme. Trois grands processus physiologiques sont nécessaires pour assurer cette fonction : le contrôle nerveux de la respiration, la ventilation qui assure le renouvellement des gaz alvéolaires et l’hématose L’hématose est l’ensemble des phénomènes physiologiques permettant l’oxygénation du sang au niveau pulmonaire. • L’oxygène contenu dans l’air inspiré chemine dans les voies aériennes (bronches, bronchioles) et atteint les alvéoles pulmonaires. Il diffuse à travers la membrane séparant les alvéoles et les capillaires pulmonaires (figure 1A) et se fixe sur l’hémoglobine des globules rouges (Figure 1B). Il est ensuite transporté vers les tissus où il est utilisé comme source d’énergie. • Le gaz carbonique, produit du métabolisme tissulaire, emprunte le trajet inverse. Dissous dans le plasma et les globules rouges, il diffuse vers l’alvéole pulmonaire avant d’être éliminé dans l’air expiré • Chez le sujet jeune sain, la mesure des gaz du sang artériel en air ambiant donne les valeurs suivantes : Pa02 = 90-100 mm Hg, PaC02 = 38-40 mm Hg, pH= 7,38-7,40. Alvéole A * Capillaire * * * * Globules * Figure 1 : Schéma de l’hématose. (A) vue en microscopie électronique de l’interface alvéolocapillaire, siège des échanges gazeux. Les astérisques signalent la membrane alvéolo-capillaire. (B) Schéma de la fixation de l’oxygène sur l’hémoglobine du globule rouge En pathologie, plusieurs mécanismes peuvent conduire à un trouble de l’hématose avec pour conséquences l’apparition d’une hypoxémie et d’une insuffisance respiratoire chronique : • une réduction de la surface d’échange soit par destruction des alvéoles pulmonaires et des petits vaisseaux contingents (emphysème pulmonaire) soit par obstruction des vaisseaux pulmonaires (séquelles d’embolie pulmonaire, hypertension artérielle pulmonaire primitive) • une inégalité de rapport ventilation–perfusion : certains territoires pulmonaires sont correctement perfusés mais mal ventilés en raison de l’obstruction des bronchioles. Il en résulte un mélange de sang oxygéné provenant des territoire perfusés-ventilés et de sang veineux non oxygéné provenant des territoires perfusés et mal ventilés (figure 2). Ce mécanisme semble prédominant au cours des bronchopneumopathies chroniques obstructives. • un épaississement de la membrane alvéolo-capillaire par déposition anormale de fibres de collagène (fibroses pulmonaires diffuses primitives ou secondaires) La ventilation est l’ensemble des phénomènes mécaniques responsables des variations de pressions intra-thoracique capables de générer les débits aériens dans les voies aériennes. Elle met en jeu les muscles respiratoires : à l’état physiologique, l’inspiration est active. La contraction du diaphragme, principal muscle inspiratoire, provoque une diminution des pressions intra-pleurales et intraalvéolaires générant un flux aérien de la bouche vers les alvéoles pulmonaires (Figure 3A). L’expiration est passive par relâchement des muscles inspiratoires. Question 254. Insuffisance respiratoire chronique Module 12. Uro-Néphro-Pneumologie. Service des maladies respiratoires et allergiques (Service Pr Lebargy) 2 Le gradient de pression et le flux aérien s’inversent (Fig 3B). A Rapports ventilation/perfusion homogènes CO2 O2 O2 CO2 La traduction gazométrique de cette hypoventilation alvéolaire est une hypoxémie associée à une hypercapnie (> 45 mm Hg). Lorsque l'hypoventilation alvéolaire est le seul mécanisme d'hypoxémie en cause, la somme des gaz Pa O2 + Pa CO2 est > 120 mm Hg Le contrôle nerveux de la ventilation Les centres nerveux contrôlant la ventilation sont situés dans le bulbe et la protubérance. Ils fonctionnent comme de véritables oscillateurs organisés en réseaux capables de créer un rythme respiratoire régulier faisant alterner un temps inspiratoire et un temps expiratoire. Ils sont régulés par l’intermédiaire de chémorécepteurs (récepteurs centraux sensibles au pH et au CO2 et récepteurs périphériques situés dans le glomus carotidien, sensibles à l’hypoxémie). En pathologie, certaines hypoventilations alvéolaires sont liées à la faillite du contrôle nerveux de la ventilation. A B Gradient de pression Inversement du gradient de pression Normoxémie pO2= 100 mm Hg B Inadéquation ventilation/perfusion Ppl Ppl Palv Diaphragme CO2 Palv Diaphragme O2 Inspiration Hypoxémie avec ou sans hypercapnie Figure 2 : Mécanisme de l’hypoxémie par inégalité de rapport ventilation-perfusion. (A) Le sang des capillaires (sang bleu) s’enrichit en oxygène (sang rouge) lorsqu’il circule dans les territoires correctement ventilés. ( B) Le sang circulant dans les territoires mal ventilés reste désaturé et se mélange au sang oxygène provenant des territoires adjacents ventilés –perfusés. Il en résulte un sang mêlé désaturé et une hypoxémie. En pathologie, certaines insuffisances respiratoires sont liées à des altérations de la mécanique ventilatoire : • Déformations thoraciques : cyphoscolioses, séquelles de thoracoplastie ou de chirurgie délabrante. • Atteinte des muscles respiratoires (séquelles de poliomyélite, neuropathies, myopathies) Expiration Figure 3 : Schéma d’un modèle uni alvéolaire de la ventilation : (A) l’inspiration est active : La contraction du diaphragme entraîne une diminution des pressions intrapleurales (Ppl) et intra alvéolaires (Palv). Il en résulte un gradient de pression entre l’atmosphère (la bouche) et l’alvéole générant un flux inspiratoire. (B) L’expiration est passive : le relâchement du diaphragme augmente la pression intrapleurale et donc la pression intra alvéolaire. Il en résulte une inversion de gradient et un flux expiratoire Etiologies On distingue les insuffisances respiratoires dont le mécanisme initial est une perturbation des échanges gazeux et celles dont le mécanisme est une altération de la fonction ventilatoire du système thoraco-pulmonaire (altération de la fonction pompe) Question 254. Insuffisance respiratoire chronique Module 12. Uro-Néphro-Pneumologie. Service des maladies respiratoires et allergiques (Service Pr Lebargy) 3 IRC dues à une anomalie des échanges gazeux IRC dues à une anomalie de la fonction pompe du système thoraco-pulmonaire Shunts anatomiques − shunts intracardiaques − fistules artério-veineuses pulmonaires Inégalités rapports ventilation perfusion − BPCO − Pneumopathies infiltrantes (fibroses pulmonaires) − Maladies vasculaires pulmonaires (coeur pulmonaire chronique, Hypertension artérielles pulmonaire) Trouble de diffusion − Oedèmes pulmonaires − Fibroses pulmonaires − Destruction de la surface d'échange (emphysème pan-lobulaire) Maladies du système nerveux central − Accidents vasculaires cérébraux − Tumeurs intracrâniennes − Hypoventilation centrale − Traumatisme médullaire cervical Maladies neuro-musculaires : − Maladies neurologiques (Sclérose Latérale Amyotrophique, Sclérose en Plaques, Guillain Barré) − Myopathies (dégénératives, inflammatoires, métaboliques) Déformations thoraco-vertébrales : − Cyphoscoliose − Chirurgie délabrant le thorax Maladies des voies aériennes et du poumon − BPCO sévère − Bronchectasies, mucoviscidose Obésité majeure (IMC > 30kg/m2) Atteintes pleurales : − Pachypleurites Ce tableau montre que certaines insuffisances respiratoires relèvent de plusieurs mécanismes. C'est le cas par exemple des BPCO : les anomalies du rapport ventilation-perfusion prédominent initialement mais secondairement sont associées à une faillite de la fonction pompe. L’exploration de la fonction respiratoire est une étape importante du diagnostic. Elle permet d'apprécier la fonction ventilatoire et de mieux préciser les mécanismes de l'insuffisances respiratoire. Selon le déficit ventilatoire on distingue (Tableau 1) : Les insuffisances respiratoires mixtes associent une réduction des débits dans les voies aériennes et une diminution des volumes pulmonaires : elles sont secondaires à des affections complexes telles que les séquelles de tuberculose pulmonaire étendues, silicose… IRC Obstructive • • • IRC Restrictive • Déformations thoraciques − Cyphoscoliose − Chirurgie délabrante du thorax • Maladies neuro-musculaires − Traumatisme médullaire cervical − Maladies neurologiques (SLA, SEP, Guillain Barré) − Myopathies (dégénératives, inflammatoires, métaboliques) • Les obésités morbides • Atteintes pleurales : pachypleurites • Atteintes pulmonaires : fibroses pulmonaires IRC Mixte • Séquelles tuberculeuses • Silicose Les insuffisances respiratoires chroniques obstructives (IRCO) caractérisées par une réduction des débits dans les voies aériennes sont la conséquence d’affections des bronches, au premier rang desquelles figurent les bronchopneumopathies chroniques obstructives (BPCO). Les BPCO regroupent • La bronchite chronique • L’emphysème • Les asthmes vieillis ou remodelés Les insuffisances respiratoires chroniques restrictives (IRCR) sont caractérisées par une réduction harmonieuse de l’ensemble des volumes pulmonaires tandis que les débits ne sont pas altérés. Elles sont la conséquence des • Atteintes pariétales : déformations thoraciques, atteintes neuromusculaire, grandes obésités • Atteintes pleurales : pachypleurites étendues (épaississement pleuraux séquellaires de pleurésies infectieuses ou inflammatoires) • Atteintes pulmonaires : fibroses pulmonaires primitives ou secondaires (silicoses, asbestoses, fibroses médicamenteuses…) Bronchite chronique obstructive Emphysèmes Asthme vieilli Tableau 1: Classification des insuffisances respiratoires chroniques en fonction du profil fonctionnel et des étiologies En l'absence de déficit ventilatoire il est important de rechercher (+++) • Une insuffisance ventriculaire gauche • Une affection vasculaire pulmonaire (Cœur pulmonaire chronique secondaire à une embolie pulmonaire ou une hypertension artérielle pulmonaire primitive) Question 254. Insuffisance respiratoire chronique Module 12. Uro-Néphro-Pneumologie. Service des maladies respiratoires et allergiques (Service Pr Lebargy) 4 RAPPEL CLINIQUE La présentation clinique et l’évolution de la maladie varie selon les étiologie et les mécanismes de l’insuffisance respiratoire chronique Les insuffisances respiratoires chroniques obstructives sont les plus fréquentes. Leur présentation clinique et leur évolution sont stéréotypées La dyspnée La dyspnée est l’élément séméiologique constant du tableau clinique. La dyspnée est définie comme une perception douloureuse de la respiration. • Au stade initial, la dyspnée n’apparaît que pour des efforts importants. Elle fait suite à un long passé de toux, d’expectoration muqueuse et d’épisodes de surinfection bronchique. • L’aggravation se fait progressivement sur plusieurs années , la dyspnée survenant pour des efforts moindres puis minimes (déplacements, toilette, parole). • A un stade avancé de l’insuffisance respiratoire, le patient présente une dyspnée de repos. Il existe une bonne corrélation entre l’intensité de la dyspnée et la gravité de l’insuffisance respiratoire conduisant le clinicien à utiliser des échelles de dyspnée telles que l’échelle CEE (tableau 2) Stade 0 Absence de dyspnée quelque soit l’effort fourni Stade 1 Dyspnée à l’effort physique important Stade 2 Dyspnée à la montée d’un étage ou d’une marche en côte à allure normale Stade 3 Dyspnée à la marche sur terrain plat en suivant quelqu’un de son âge Stade 4 Dyspnée à la marche sur terrain plat à son propre rythme Stade 5 Dyspnée au moindre effort de la vie courante Tableau 2 : Stades de dyspnée en fonction de l’intensité (CEE) Les autres signes • La cyanose : c’est une coloration bleutée des muqueuses et des téguments. Elle traduit un taux d’hémoglobine réduite (désaturée) dans le sang artériel supérieur à 5 gr/100 ml. Elle survient à un stade avancé de la maladie ou apparaît lors des exacerbations de l’insuffisance respiratoire • Les modifications ventilatoires s’observent essentiellement dans les formes sévères des BPCO. Elles sont caractérisées par − une distension thoracique par augmentation du diamètre antéropostérieur du thorax (déformation thoracique en « tonneau ») − un allongement du temps expiratoire de la respiration avec pincement des lèvres pour générer une contre pression dans les voies aériennes servant à lutter contre le collapsus expiratoire des bronches − La mise en jeu des muscles respiratoires accessoires (sterno-cléido-mastoïdiens, intercostaux) − L’hypertension artérielle pulmonaire est la conséquence d’une vasoconstriction des artères pulmonaires induite par l’hypoxémie chronique. Elle se traduit par une turgescence des veines jugulaire, une tachycardie, un éclat de B2 au foyer pulmonaire et un souffle d’insuffisance tricuspidienne Les complications Les exacerbations constituent la principale complication des BPCO. Elles sont définies comme des épisodes d’aggravation aiguë ou subaiguë de l’insuffisance respiratoire chronique. Elles peuvent conduire à une détresse respiratoire aiguë par épuisement des muscles respiratoires et mettre en jeu le pronostic vital. Les infections bronchiques sont responsables de la plupart de ces exacerbations Le retentissement de hypoxémie chronique conduit au développement d’une hypertension artérielle pulmonaire avec pour conséquence l’insuffisance ventriculaire droite. Les poussées d’œdème des membre inférieurs, la tachycardie, la turgescence des jugulaires et l’hépatomégalie en sont les principaux signes. L’HTAP peut être mesurée par échographie cardiaque ou par cathétérisme cardiaque droit. Les insuffisances respiratoires restrictives Les atteintes pariétales sont constituées par les cyphoscolioses idiopathiques et les maladies neuromusculaires • Les cyphoscolioses, lorsqu’elles sont sévères peuvent se compliquer d’insuffisance respiratoire. Un certain nombre de critères permettent de prédire cette évolution avant même la survenue de ces complications − la précocité d’apparition de la scoliose (âge < 5 ans), − la longueur de la déformation − le siège : un siège haut situé, cervical ou dorsal haut est de plus mauvais pronostic − l’importance de l’angulation − une capacité vitale < 45% La détérioration de l’état respiratoire se fait vers l’âge de 40-50 ans, soit par une décompensation respiratoire aiguë liée à un facteur déclenchant rompant l’équilibre, soit de façon progressive (majoration de la dyspnée, asthénie, somnolence diurne secondaire à des perturbations du sommeil). En l’absence de ventilation assistée, 80% des patients décèdent dans les deux ans qui suivent l’apparition de l’hypoventilation alvéolaire et du cœur pulmonaire chronique . • Les maladies neuro-musculaires : il peut s’agir de : − Lésions spinales presque toujours de nature posttraumatiques. Lorsqu’elles siègent au dessus de C3, elles entraînent une paralysie respiratoire complète rendant le patient totalement dépendant de la ventilation artificielle sur trachéotomie. Les lésions de la moelle cervicale basse (entre C3 et C8) entraînent une quadriplégie mais l’activité du diaphragme et des scalènes persiste. Question 254. Insuffisance respiratoire chronique Module 12. Uro-Néphro-Pneumologie. Service des maladies respiratoires et allergiques (Service Pr Lebargy) 5 − Les maladies neuro-musculaires diffuses sont très diverses. Elles regroupent les maladies dégénératives de la corne antérieure de la moelle (sclérose latérale amyotrophique en particulier) et les myopathies pour la plupart de nature génétique. Chaque étiologie imprime ses nuances au tableau clinique et évolutif. La sclérose latérale amyotrophique est une maladie de l’adulte. Elles se traduit au début par une faiblesse musculaire. Les fasciculations et l’amyotrophie des muscles de la main et de la langue sont évocateurs. Ultérieurement le déficit musculaire s’étend aux autres groupes musculaires : l’atteinte des muscles respiratoires conduit en quelques mois ou quelques années à une insuffisance respiratoire. L’atteinte des nerfs crâniens est responsable de troubles de déglutition à l’origine de fausses routes alimentaires précipitant les complications respiratoires Les myopathies sont d’évolution plus insidieuse et débutent en général dans l’enfance. La plus fréquente est la dystrophie musculaire de Duchenne de Boulogne. Elle atteint les enfants de sexe masculin. Les premiers signes apparaissent vers l’âge de 2 à 3 ans, la marche est perdue entre 10 et 12 ans et les troubles respiratoires surviennent à partir de l’âge de 12 ans. En l’absence de traitement, le décès par insuffisance respiratoire ou cardiaque survient vers l’âge de 20 ans. Le syndrome hypoventilation-obésité (SHO) (+++) • Définition : insuffisance respiratoire chronique hypercapnique (PaCO2 > 45 mm Hg) survenant chez un patient obèse (IMC > 30kg/m2) en dehors de toute autre pathologie. En cas de BPCO associée, on parle de syndrome de chevauchement ("overlap" syndrome). Fréquence : 30% chez les sujets ayant un IMC > 35 kg/m2 et 50% chez ceux ayant un IMC > 50kg/m2. Chez les obèses, la mortalité est plus élevée en cas d'hypercanie. • Physiopathologie : la masse graisseuse provoque une augmentation de charge et donc de travail respiratoire. Or les muscles ne sont pas capables de compenser cette augmentation de charge car la masse graisseuse (notamment la masse abdominale en position couchée) entraîne des modifications géométriques du diaphragme. Il en résulte une altération de la fonction des muscles respiratoires et une hypoventilation () L'augmentation de la masse graisseuse entraîne une augmentation de production de leptine par le tissu adipeux (la leptine théoriquement exerce une activation du centre de la satiété conduisant à la réduction de la prise alimentaire). Chez le rat obèse génétiquement modifié pour la leptine (ob-/ob-) (ces rats ne produisent pas de leptine et sont obèses), on voit apparaître une hypoventilation alvéolaire ( PaCO2). L'administration de leptine exogène corrige l'hypoventilation alvéolaire en stimulant les centres respiratoires. On peut donc déduire de ce modèle expérimental que chez le sujet obèse, il existe d'une part une résistance des • chémorécepteurs à la leptine (les taux sériques de leptine sont élevés mais ne corrigent pas l'hypoventilation) et d'autre part une diminution de la sensibilité des chémorécepteurs à la PaCO2 () Le traitement fait appel à des mesures diététiques associées à une prise en charge psychologique, le traitement des facteurs de risques associés (arrêt du tabac, équilibre du diabète, traitement de l'hypertension artérielle…) et une ventilation non invasive habituellement à deux niveaux de pression. Les atteintes pleurales Elles sont moins fréquentes actuellement. Elles correspondent à des séquelles étendues de pleurésies infectieuses ou d’hémothorax. L’épaississement et la rigidité de la plèvre entraînent une gêne à l’expansion pulmonaire lors de l’inspiration dont témoigne le syndrome restrictif identifié par les explorations fonctionnelles respiratoires. Les atteintes pulmonaires Elles sont représentées par les fibroses pulmonaires. Selon l’étiologie incriminée, on distingue • les fibroses secondaires : elles peuvent être d’origine iatrogène (traitement par amiodarone, antiseptique urinaire, chimiothérapies anticancéreuses ou radiothérapie) ou secondaires à une exposition professionnelle à l’amiante. Enfin certaines fibroses sont associées à des maladies de système (polyarthrite rhumatoïde, sclérodermie…) • les fibroses primitives ou idiopathiques sans cause identifiée. Elles surviennent entre 50 et 60 ans, avec une prédominance masculine. Le premier symptôme est une toux sèche, quinteuse résistant au traitement. Progressivement le tableau se complète par une dyspnée d’effort s’aggravant en quelques années. Le scanner thoracique permet d’affirmer le diagnostic en montrant une rétraction pulmonaire et un épaississement des espaces interstitiels. L’évolution se fait vers l’aggravation du syndrome restrictif et la majoration de l’hypoxémie d’effort puis de repos. La médiane de survie est en moyenne de 5 ans à partir du diagnostic. LES TRAITEMENTS INSTRUMENTAUX DE L’I R C L’oxygénothérapie de longue durée (OLD) Généralités L’oxygénothérapie consiste à enrichir l’air inspiré en oxygène afin de corriger l’hypoxémie. Le bénéfice de l’OLD a été démontré et résumé dans le tableau 3 Les sources d’oxygène Il existe 3 grandes sources d’oxygène : l’oxygène gazeux, le concentrateur et l’oxygène liquide. • L’oxygène gazeux est comprimé à 200 bars dans un cylindre en fonte ou en aluminium (encore appelé bouteille ou obus). La contenance des obus est de 0,4, 1 et 3 m3. L’autonomie en oxygène dépend de la Question 254. Insuffisance respiratoire chronique Module 12. Uro-Néphro-Pneumologie. Service des maladies respiratoires et allergiques (Service Pr Lebargy) 6 contenance des obus et des débits délivrés (tableau 3). Un mano-détendeur adapté sur l’obus permet de restituer l’oxygène à une pression de 3,5 bars autorisant son administration au patient, le débit étant contrôlé par un débitlitre. Le renouvellement incessant des obus et leur stockage encombrant sont les principales limites d’utilisation de cette source d’oxygène. Seule source d’oxygène disponible jusque dans les années 1980, elle est actuellement attribuée en complément des autres sources d’oxygène, soit comme secours (obus de 3 m3) soit comme source pour la déambulation (0,4 m3 ou 1 m3 ) dont le transport est assuré par un caddy ou une sacoche portée en bandoulière. • Les concentrateurs d’oxygène sont des appareils électriques branchés sur le secteur qui fournissent un gaz enrichi en oxygène (à plus de 95%) par adsorption de l’azote de l’air ambiant sur un tamis moléculaire de zéolithe. Il s’agit d’un système fiable, peu coûteux, d’utilisation simple. Les progrès techniques ont permis d’en réduire l’encombrement et le niveau sonore, faisant des concentrateurs la source d’oxygène privilégiée chez les patients nécessitant de faibles débits (< 5 litres) • L’oxygène peut être stocké sous forme liquide à basse température (-173° C) et sous faible pression (1,4 bar) dans des cuves cryogéniques dont la contenance est comprise entre 20 et 44 litres. Ces cuves produisent des volumes d’oxygène gazeux très importants compris entre 16 et 20 m3 selon leur contenance. L’intérêt de cette source d’oxygène est double : − elle permet de produire des volumes importants d’oxygène gazeux à partir d’un stock liquide de faible encombrement. Un renouvellement hebdomadaire est habituellement suffisant même lorsque le débit utilisé par le patient est élevé. − elle est particulièrement adaptée à la déambulation car le réservoir principal installé au domicile permet le remplissage d’un réservoir mobile de plus faible contenance (le stroller) que le patient utilise pour la déambulation avec une autonomie d’au moins 4 heures pour un débit de 3 litres /minute. Le stroller peut être rempli aussi souvent que le patient le souhaite. L’oxygène liquide est plus coûteux que les concentrateurs et ses indications doivent être parfaitement justifiées soit par la nécessité d’un débit élevé (> 5 litres/min), soit par le besoin d’une déambulation importante (> 10 m3 /mois). Afin d’économiser l’O2 en limitant son apport au temps inspiratoire, des réservoirs de déambulation à valve inspiratoire sont disponibles. Ils sont surtout intéressant en cas de forts débits d’O2. Mécanisme d’action : Améliore le transport de l’oxygène Conséquences systémiques • Respiratoires : amélioration du périmètre de marche • Neurologiques : amélioration des troubles neuropsychiques (concentration, mémoire) • Cardiaques : − amélioration des troubles du rythme cardiaque pendant le sommeil − régression ou stabilisation de l’hypertension artérielle pulmonaire • Hématologiques : réduction de la polyglobulie Conséquences générales • • diminution la fréquence des hospitalisations amélioration de l’espérance de vie Tableau 3 : mécanismes d’action et effets bénéfiques de l’OLD chez les patients atteints de BPCO Les prothèses de raccordement La délivrance de l’oxygène se fait par l’intermédiaire d’un système de raccordement placé entre la source et le patient. Il existe 4 sortes de prothèses de raccordement : • Les lunettes sont constituées de deux petits tubes creux verticaux maintenus à l’entrée des orifices narinaires par l’intermédiaire soit de branches s’accrochant aux oreilles soit d’une boucle en plastic réglable par un nœud coulant. Un raccord de longueur variable (3 à 30 mètres) permet de relier la source d’oxygène aux lunettes. Le confort d’utilisation des lunettes explique la préférence des patients pour ce système. • La sonde nasale est constituée par un tuyau creux, de petit diamètre, introduit dans une des narines sur une longueur équivalente à la distance séparant l’aile du nez du tragus de l’oreille homolatérale. La sonde est ensuite fixée sur l’aile du nez par un adhésif. Elle peut être également introduite dans l’orifice de trachéotomie. • Le masque permet de délivrer des débits plus élevés grâce à un système Venturi. On les réserve habituellement aux situations d’insuffisance respiratoire aiguë. • Les cathéters transtrachéaux sont rarement utilisés. Il s’agit de petits conduits souples introduits dans la trachée par voie transcutanée. Ils trouvent leur intérêt en cas de nécessité de débits élevés > 6 litres/min. La mise en œuvre Le débit d’oxygène est déterminé de manière empirique en se basant sur l’intensité de l’hypoxémie, la ventilation minute du patient et le degré d’hypercapnie. Les épreuves courtes (de l’ordre de 30 minutes) d’administration d’O2 permettent de déterminer le débit nécessaire pour élever la PaO2 à un niveau compris entre 65 et 70 mm Hg ou la SaO2 > 92%. Généralement les débits sont de l’ordre 1 à 3 litres/min et n’entraînent pas d’élévation importante de la capnie Question 254. Insuffisance respiratoire chronique Module 12. Uro-Néphro-Pneumologie. Service des maladies respiratoires et allergiques (Service Pr Lebargy) 7 Certaines situations cliniques telles que les troubles de l’hématose au cours du sommeil ou les variations importantes de la capnie sous oxygène justifient la réalisation d’épreuves d’administration d’O2 de longue durée (24 heures) avec oxymétrie nocturne (mesure continue de la SaO2 durant le sommeil). Enfin les débits d’oxygène nécessaires à la déambulation sont déterminés lors d’une épreuve de marche de 6 minutes avec enregistrement de la SaO2 dont la valeur doit rester > 90% La surveillance En dehors des exacerbations, un contrôle des gaz du sang doit être effectué en moyenne deux fois par an. Indications Le débit est adapté au type et à la sévérité de l’insuffisance respiratoire. Il doit permettre de restaurer une pO2 > 60 mm Hg et/ou une SaO2 > 90%. Les débits utilisés dans le traitement des BPCO varient entre 0,5 et 3 litres/minutes. L’hypercapnie n’est pas une contreindication à l’oxygénothérapie mais justifie une vérification de la bonne tolérance clinique et des valeurs des gaz du sang sur une période d’au moins 15 heures. Une durée minimum de 16 heures/jour est recommandée. En effet, les études longitudinales ont montré que seules les durées d’oxygénothérapie > 12 heures/jour permettaient de réduire l’hématocrite, la pression artérielle pulmonaire et d’allonger la survie des patients ayant une insuffisance respiratoire chronique obstructive. Il est donc indispensable de « couvrir » la nuit et de compléter la durée d’oxygénothérapie par des plages durant la journée y compris lors de la déambulation. La principale contre-indication est la poursuite du tabagisme actif. En effet le bénéfice du traitement n’est pas démontré chez le fumeur dont la fonction respiratoire continue à se détériorer. De plus, la poursuite du tabagisme expose au risque d’explosion et/ou de brûlure des voies aériennes Le choix de la source d’oxygène est fonction du débit d’oxygène nécessaire au repos et des possibilités de déambulation des patients. • Pour les faibles débits (< 5 litres/min) et une faible déambulation (déambulation < 1 h/ jour ou > 4 m3 / mois), la source d’oxygène est en général un concentrateur. C’est le système le plus économique et le plus simple d’utilisation. • En cas de débits élevés (> 5 litres/min) ou de déambulation importante (> 10 m3/ semaine), il est préférable de proposer au patient une cuve d’oxygène liquide à condition que les règles de sécurité d’installation et d’utilisation soient respectées. • L’oxygène gazeux (en obus) est réservé à la déambulation ou comme source d’oxygène de secours. La ventilation à domicile (VAD). Généralités La ventilation artificielle est une assistance mécanique partielle ou totale de la ventilation spontanée. On distingue deux grands types de ventilation artificielle : la ventilation invasive (VI) sur sonde d’intubation trachéale principalement utilisée dans les services de réanimation pour traiter les insuffisances respiratoires aiguës et la ventilation non invasive (VNI) à l’aide d’un masque nasal ou facial employée pour le traitement des insuffisances respiratoires chroniques. Récemment les indications de la VNI se sont étendues aux décompensations respiratoires aiguës des BPCO. La ventilation à domicile s’adresse aux insuffisants respiratoires chroniques stables (en dehors des décompensations respiratoires aiguës) et fait appel essentiellement à la VNI et à un moindre degré à la ventilation invasive sur sonde de trachéotomie (IRC d’origine neuromusculaire). Le maintien du patient dans son milieu familial et social constitue un avantage considérable de cette prise en charge. Les mécanismes d’action de l’assistance ventilatoire L’assistance ventilatoire exerce ses effets par différents mécanismes : • augmentation la ventilation alvéolaire • mise au repos les muscles respiratoires • amélioration du contrôle de la respiration en supprimant les altérations des échanges gazeux pendant la nuit Modalités de l’assistance ventilatoire La ventilation en pression positive (VPP) consiste à insuffler dans les voies aériennes un volume d’air enrichi ou non en oxygène. Ce type de ventilation a remplacé la ventilation en pression négative (VPN) dont le principe consiste à créer une dépression inspiratoire externe à l’aide d’une cuirasse ou d’une combinaison étanche capable de mobiliser un volume courant. La ventilation à domicile est le plus souvent réalisée de manière intermittente (8 à 12 heures/24h). Cependant, certaines pathologies respiratoires graves nécessitent une ventilation continue justifiant l’attribution d’un appareil de secours et un équipement de batteries externes. Différentes stratégies de ventilation peuvent être développées par les respirateurs actuels : • La ventilation contrôlée en volume : le volume insufflé par la machine à chaque cycle est fixe. Le mode assisté-contrôlé (VAC) est le plus fréquemment utilisé : un nombre minimal de cycles respiratoires est prédéterminé mais le patient peut déclencher lui-même les cycles respiratoires supplémentaires, lui permettant d’augmenter la fréquence minimale pré-réglée. • La ventilation contrôlée en pression : le ventilateur assure une pression d’insufflation fixe de l’ordre de 12 à 20 cm d’H2O pendant un temps déterminé. Une fréquence respiratoire minimale est imposée mais des cycles d’insufflation supplémentaires peuvent être déclenchés. Le volume courant délivré dépend donc de la pression d’insufflation, du temps d’insufflation, des propriétés mécaniques thoraco-pulmonaires et des mouvements respiratoires des patients. Ce mode ventilatoire est utilisé comme une aide inspiratoire (AI) permettant de respecter la ventilation spontanée du Question 254. Insuffisance respiratoire chronique Module 12. Uro-Néphro-Pneumologie. Service des maladies respiratoires et allergiques (Service Pr Lebargy) 8 patient, d’éviter les pressions d’insufflation trop élevées et enfin de compenser les fuites éventuelles au niveau de l’interface. Les respirateurs utilisés au domicile des patients doivent concilier un certain nombre d’avantages (Figure 4A) : • Ils doivent être légers et portatifs • de faible encombrement • simples à utiliser • Leurs programmes doivent pouvoir être verrouillés • En cas de dépendance ventilatoire totale, un système de batteries doit pouvoir assurer un temps d’autonomie suffisant au respirateur Ils se rangent en 3 catégories selon le mode ventilatoire qu’ils assurent • Les ventilateurs volumétriques • Les ventilateurs barométriques A B Figure 4 : ventilation non invasive avec masque nasal. (A) noter le ventilateur de type volumétrique sur lequel est branché un circuit simple permettant de relier le ventilateur et le masque nasal. (B) Détail du masque nasal : noter le harnais et la mentonnière permettant le maintien de la bouche fermée. Les interfaces Les interfaces sont les systèmes de connexion entre le circuit du ventilateur et les voies aériennes du patient. Leur choix est capital car il va conditionner en partie l’efficacité de la ventilation et surtout le confort, la tolérance et donc l’observance. Schématiquement on distingue 4 types d’interfaces • Les masques industriels sont les plus utilisés (Figure 4B). Il s’agit pour la plupart de masques nasaux constitués par une coque rigide, de forme triangulaire ou conique, en plastic transparent et par une jupe simple ou double en silicone qui assure l’étanchéité du masque avec le massif facial. Chaque type de masque présente différentes tailles permettant son adaptation en fonction de la morphologie médio-faciale. Les masques sont fixés par un harnais possédant 3, 4 ou 5 points d’attache. L’articulation du circuit de ventilation et du masque se fait par l’intermédiaire d’un connecteur pivotant occupant une position centrale sur la coque en plastique. Les masque faciaux ou naso-buccaux sont utilisés dans certains cas pour limiter les fuites, en particulier chez les patients dormant la bouche ouverte. Leur tolérance est moins bonne que celle des masques nasaux. • Les masques nasaux moulés sur mesure possèdent certains avantages [meilleure adaptation, faible poids]. Largement utilisés dans les débuts de la VNI, les progrès technologiques et la diversité des maques industriels ont réduit leur utilisation. • Les pièces buccales sont essentiellement utilisées pour la ventilation des patients atteints de myopathie: ce sont des embouts plastiques coudés que le patient peut attraper et maintenir entre ses dents pour permettre une ventilation intermittente en période d’éveil. Un système d’attache permet d’utiliser également ces pièces buccales pendant la nuit. • La trachéotomie est l’ouverture chirurgicale d’un orifice sur la face antérieure de la trachée par voie transcervicale. La trachée peut ainsi être canulée à l’aide d’un conduit coudé en plastic souple ou rigide appelé canule de trachéotomie permettant un accès direct aux voies aériennes sous-glottiques. La trachéotomie présente un certain nombre d’avantages. Elle réduit l’espace mort (fraction de la ventilation ne participant pas aux échanges gazeux), et améliore ainsi la ventilation alvéolaire. En court-circuitant le carrefour glottique, elle réduit la résistance des voies aériennes supérieures et diminue le travail des muscles respiratoires. Enfin elle facilite l’aspiration des sécrétions trachéo-bronchiques. Il existe deux types de canules : les canules à ballonnet munies à leur extrémité distale d’un ballonnet gonflable à basse pression et les canules sans ballonnets. Le ballonnet permet d’assurer une ventilation étanche et d’éviter les fausses routes lors de la déglutition. La parole n’est possible que lorsque le ballonnet est dégonflé à condition d’obturer l’orifice de la canule avec le doigt ou à l’aide d’un obturateur. Les canules sans ballonnets sont plus simples d’utilisation. Elles permettent d’assurer une ventilation de bonne qualité malgré les fuites car le patient garde habituellement une ventilation spontanée surajoutée à la ventilation assistée. Question 254. Insuffisance respiratoire chronique Module 12. Uro-Néphro-Pneumologie. Service des maladies respiratoires et allergiques (Service Pr Lebargy) 9 Les indications (+++) • Les insuffisances respiratoires chroniques restrictives constituent les meilleures indications de la VNI. La VNI allonge la survie et améliore la qualité de vie chez les patients atteints de déformation thoracique, de séquelles de poliomyélite et de myopathies. Les résultats sont plus mitigés en cas de séquelles de tuberculose ou de fibrose pulmonaire. En pratique, la VNI est discutée dans 3 circonstances : − Au décours d’un épisode de décompensation aiguë qui constitue le plus souvent un tournant évolutif de la maladie. C’est parfois dans ce contexte aigu que se décide la trachéotomie après une période plus ou moins longue de ventilation invasive. − En cas de dégradation progressive de l’état respiratoire. Le patient rapporte une majoration de sa dyspnée en quelques mois contemporaine d’une fatigue générale et de céphalées en rapport avec l’aggravation de l’hypoventilation alvéolaire. Les gazométries artérielles successives confirment l’aggravation de l’hypoxémie et l’augmentation de la PaCO2. − Enfin, une VNI peut être décidée à un stade plus précoce en raison d’épisodes d’hypoventilation alvéolaire nocturne qui précède généralement la dégradation de la fonction respiratoire. • Les insuffisances respiratoires chroniques obstructives. Les bénéfices de la VNI chez les sujets atteints de BPCO sévère sont moins nettes que pour les insuffisances respiratoires chroniques restrictives pariétales ou neuro-musculaires. Les indications de la ventilation non invasive chez les sujets atteints de BPCO sont tirées des échecs de l’oxygénothérapie de longue durée (+++). En pratique, elles sont retenues − à la suite d’épisodes de décompensation respiratoires itératifs malgré une oxygénothérapie bien conduite ou − en cas d’aggravation progressive de l’hypoventilation alvéolaire (majoration de l’hypoxémie et de l’hypercapnie) sans cause identifiable, en particulier en cas de mauvaise tolérance clinique ou de retentissement biologique (acidose respiratoire) Les modalités de prise en charge à domicile Il existe deux systèmes de prise en charge à domicile : le secteur associatif à but non lucratif et le secteur commercial. Le secteur associatif est constitué par une vingtaine d’associations régionales fédérées dans l’ANTADIR (association fédérative nationale pour le traitement à domicile de l’insuffisance respiratoire chronique). Les prestataires ont pour missions l’installation à domicile de l’appareillage d’assistance respiratoire et sa maintenance au long cours, l’éducation du malade à l’utilisation du matériel, la visite à domicile d’infirmiers et de techniciens pour juger de la bonne tolérance et de l’observance du traitement, l’aide aux malades pour les difficultés de la vie quotidienne. La prescription d’une oxygénothérapie de longue durée et d’une ventilation nécessite une demande d’entente préalable remplie par le médecin prescripteur. LES AUTRES TRAITEMENTS DE L’INSUFFISANCE RESPIRATOIRE Ils sont fonction des étiologies de l’insuffisance respiratoire et sont détaillés dans les chapitres correspondants Le traitement des BPCO comporte • le sevrage tabagique • la kinésithérapie de drainage bronchique dans les formes hyper sécrétantes • le traitement broncho-dilatateur (β2 agoniste et/ou anti-cholinergiques • réadaptation à l’effort • oxygénothérapie lorsque − la PaO2 est < 55 mmHg sur 2 mesures faites à 3 semaines d’intervalle en état stable − ou si la PaO2 est comprise entre 55 et 60 mm Hg en cas de polyglobulie ou d’hypertension artérielle pulmonaire ou de désaturation nocturne associée • ventilation non invasive (tableau 5) • substitution en α1 antitrypsine en cas de déficit Traitement des autres insuffisances respiratoires Surveillance La surveillance médicale des patients bénéficiant d’une ventilation non invasive est réalisée deux fois par an chez les patients stables pour permettre d’évaluer la bonne tolérance et vérifier l’efficacité du traitement. Les signes d’intolérance les plus fréquemment rapportés sont l’irritation cutanée voire l’excoriation de l’arête nasale liées au frottement du masque nasal, les conjonctivites en rapport avec les fuites d’air par les bords supérieurs du masque et les troubles digestifs à type de hoquet, d’éructations et d’aérophagie en rapport avec la déglutition de l’air insufflé. La mesure des gaz du sang avant et après ventilation permet d’adapter les paramètres de ventilation afin de corriger au mieux l’hypoventilation alvéolaire. En cas de trachéotomie, l’éducation du patient et de son entourage est indispensable. • Les insuffisances respiratoires par atteinte pariétale (cyphoscoliose, déformations thoraciques, myopathies) Il n’existe pas de traitement médicamenteux efficace. • Les autres facteurs de co-morbidité respiratoire doivent être prévenus ou évités (tabac, infections ….) En cas de cyphoscoliose importante ou évolutive, le traitement orthopédique peut éviter l’aggravation des lésions et doit être discuté par des équipes entraînées. Le traitement de l’insuffisance respiratoire repose en priorité sur la ventilation non invasive au masque (cyphoscolioses) ou sur trachéotomie (myopathies) • Les insuffisances respiratoires sur séquelles pleurales − Les traitements sont essentiellement préventifs : kinésithérapie pleurale après hémothorax ou pleurésie infectieuse. En cas de pachypleurite Question 254. Insuffisance respiratoire chronique Module 12. Uro-Néphro-Pneumologie. Service des maladies respiratoires et allergiques (Service Pr Lebargy) 10 constituée entraînant un retentissement fonctionnel sévère, une décortication pleurale chirurgicale doit être proposée précocement dans le but d’obtenir résultat fonctionnel satisfaisant. − Le plus souvent les lésions pleurales sont associées à d’autres atteintes bronchiques, vasculaires, parenchymateuses faisant préférer les traitements d’assistance respiratoire au traitement chirurgical. • Les fibroses pulmonaires − Le traitement médical est peu efficace. Les corticoïdes oraux à la dose d’attaque de 1 mg/kg/j pendant 2 mois puis à doses dégressives pendant 612 mois ne sont efficaces que dans seulement 10% des cas. Les autres traitements (immunosuppresseurs, colchicine….) associés ou non aux corticoïdes n’ont pas démontré leur supériorité. − L’oxygénothérapie de longue durée est la seule mesure thérapeutique apportant un bénéfice au patient. Les débits sont souvent élevés (6 à 8 litres/min) justifiant l’attribution d’oxygène liquide d’autant que la désaturation à l’effort, souvent très marquée, nécessite une oxygénothérapie de déambulation. − Les formes très évoluées peuvent bénéficier d’une transplantation pulmonaire. Question 254. Insuffisance respiratoire chronique Module 12. Uro-Néphro-Pneumologie. Service des maladies respiratoires et allergiques (Service Pr Lebargy) 11 SNC Centre Appétit/satiété Prise alimentaire chémorécepteurs Centres respiratoires Muscles respiratoires Sécrétion hormonale (insuline/cortisol) VENTILATION Lipogénèse PaCO2 Adipocyte LEPTINE OBESITE Tableau 1 A l'état physiologique, la ventilation est étroitement régulée de façon à maintenir une hématose efficace. Ainsi, l'hypoventilation (survenant au cours du sommeil, par exemple), entraîne une hypoxémie (très modérée) et une augmentation de la PaCO2 (hypercapnie). Cette hypercapnie stimule, via les chémorécepteurs, les centre de la respiration qui vont accroître la ventilation (par augmentation du volume courant) et ainsi abaisser le niveau de la PaCO2. Chez le sujet obèse, plusieurs mécanismes interviennent pour conduire à une hypoventilation. 1. la masse graisseuse provoque une augmentation de charge et donc de travail respiratoire. Or les muscles ne sont pas capables de compenser cette augmentation de charge car la masse graisseuse (notamment la masse abdominale en position couchée) entraîne des modifications géométriques du diaphragme. Il en résulte une altération de la fonction des muscles respiratoires et une hypoventilation () 2. L'augmentation de la masse graisseuse entraîne une augmentation de production de leptine par le tissu adipeux (la leptine théoriquement exerce une activation du centre de la satiété conduisant à la réduction de la prise alimentaire). Chez le rat obèse génétiquement modifié pour la leptine (ob-/ob-) (ces rats ne produisent pas de leptine et sont obèses), on voit apparaître une hypoventilation alvéolaire ( PaCO2). L'administration de leptine exogène corrige l'hypoventilation alvéolaire en stimulant les centres respiratoires. On peut donc déduire de ce modèle expérimental que chez le sujet obèse, il existe d'une part une résistance des chémorécepteurs à la leptine (les taux sériques de leptine sont élevés mais ne corrigent pas l'hypoventilation) et d'autre part une diminution de la sensibilité des chémorécepteurs à la PaCO2 () Question 254. Insuffisance respiratoire chronique Module 12. Uro-Néphro-Pneumologie. Service des maladies respiratoires et allergiques (Pr Lebargy) 12 Insuffisance Respiratoire Chronique Obstructive Pa O2 < 55 mm Hg Restrictive E PaO2 > 55 mm Hg VNI S Bilan complémentaire Polyglobulie HTAP S OLD E VNI Poursuite OLD normal surveillance E VIT S Poursuite VNI Tableau 2 : Algorithme des indication de l'oxygénothérapie de longue durée et de la ventimlation non invasive pour le traitement des IRC. [S = succès; E = échec] Question 254. Insuffisance respiratoire chronique Module 12. Uro-Néphro-Pneumologie. Service des maladies respiratoires et allergiques (Pr Lebargy) 13 LE SYNDROME D’APNEES DU SOMMEIL Définition Présence d’évènements respiratoires nocturnes (apnées ou hypopnées) altérant le sommeil et donc diminuant la vigilance diurne. Une apnée se définit par l'interruption du débit aérien nasobuccal de plus de 10 secondes. Une hypopnée par une réduction de > 50% de la ventilation pendant au moins 10 secondes associée a une baisse de SaO2 d’au moins 4 % ou à un micro-éveil. On parle de Sd d’apnées du sommeil en cas d'association de symptômes cliniques et d’un index apnées plus hypopnées supérieur à 10 par heure de sommeil. (IAH > 10) MÉCANISME DES APNÉES Apnées obstructives : Ce sont les plus fréquentes. Des modifications anatomo-physiologiques ( par exemple : Grosse base de langue, retrognatie, hypertrophie de la luette ou des amygdales…) entraînent la fermeture des voies aériennes supérieures et/ou une augmentation de la compliance de l’oropharynx durant le sommeil En cas d’occlusion totale l’air ne passe plus, c’est une apnée alors que sont présents des mouvements thoracoabdominaux, En cas d’occlusion partielle, l’air passe mais avec un débit diminué on parle alors d’hypopnée (débit diminué de >50 %). Apnées centrales : Absence de flux aérien par absence de contraction des muscles respiratoires (liée à un défaut de la commande ventilatoire centrale). Ce type d’apnées est plus souvent associé à l’insuffisance cardiaque (défaut de perfusion cérébrale) et aux atteintes du tronc cérébral. Les apnées ont pour conséquence une hypoxémie qui entraîne un micro éveil non perçu par le patient, qui permet une reprise ventilatoire. La répétition de ces micro éveils entraîne une destructuration du sommeil avec déficit en sommeil lent profond et en sommeil paradoxal responsable de l'hyper somnolence. En outre les apnées entraînent , une hypercapnie, une bradycardie puis une tachycardie, une poussée hypertensive, une augmentation de la pression artérielle pulmonaire, une augmentation de sécrétion du peptide natriurétique auriculaire et une diminution de l’activité rénine plasmatique (d’où une polyurie nocturne et une polyglobulie par hémoconcentration). CLINIQUE DU SYNDROME OBSTRUCTIVES (SAOS ) D'APNÉES Le S.A.O.S. touche 4 % des hommes et 2 % des femmes adultes. 50 000 patients sont traités par PPC actuellement en France. Le SAOS entraîne une surmortalité de 13 % à 5 ans s'il est non traité. Terrain : • Age : la fréquence augmente avec l’age et devient maximale à 60 ans. • Sexe : 80 à 90 % d’hommes. • Poids : obésité chez environ 60% des patients. (IMC>30Kg/m2) IMC moyen : 30 à33 Kg/m2 • HTA retrouvée chez 50% des patients porteur de SAOS (facteur indépendant de l’HTA) • Autre facteurs favorisant : tabagisme, anomalies morphologiques ORL : obstruction nasale, anomalies endocriniennes : Sd de Cushing, hypothyroïdie, acromégalie, prédisposition familiale probable, benzodiazépines et prise d’alcool le soir. Signes cliniques diurnes : • Somnolence : +++ le symptôme majeur, • Sommeil non réparateur, fatigabilité, • Céphalées matinales (20%), • Troubles de mémoire et de l’attention, baisse des performances intellectuelles, • Troubles de la libido, impuissance, • Troubles de l’humeur (syndrome dépressif, irritabilité) Signes cliniques nocturnes. • Ronflements+++ quasi-constants, souvent intenses, irréguliers, • Apnées notées par l’entourage avec reprise respiratoire bruyante, • Réveils en sursaut avec sensation d’étouffement, sommeil agité, sueurs nocturnes, , insomnie, • Polyurie nocturne EXAMENS COMPLEMENTAIRES Polygraphie ventilatoire du sommeil : Le but est d’objectiver les apnées, leur nombre, leur caractère obstructif ou central , leur retentissement sur la saturation oxyhémoglobinée et le rythme cardiaque. On mesure donc le flux ventilatoire. (le plus souvent par mesure de pression à l’aide de lunettes nasales) ; L’effort respiratoire, le plus souvent par l’étude des mouvements respiratoires par sangles thoraciques et abdominales sensibles à l’étirement , et l’oxymétrie par un saturomètre. L’oxymétrie seule ne permet pas de poser un diagnostic de SAS. Sont aussi utiles un capteur de son pour l’évaluation des ronflements ; et un capteur de position (décubitus dorsal, ventral, latéral) Polysomnographie (PSG) Elle comporte en plus l’étude spécifique du sommeil et de ses stades (par l’electroocculogramme, l’EEG et l’électromyogramme). Elle permet d’apprécier l’architecture globale du sommeil et les conséquences des apnées. Question 254. Insuffisance respiratoire chronique Module 12. Uro-Néphro-Pneumologie. Service des maladies respiratoires et allergiques (Pr Lebargy) 14 Autres examens nécessaires: EFR : Les volumes sont normaux dans 80% des cas. Il peut exister un st restrictif liés à l’obésité ; ou dans plus de 10% des cas une obstruction = overlap syndrome : association de BPCO et de SAOS. Gaz du sang. Une hypoxémie n’est pas rare. Une hypercapnie est retrouvée dans 10% des cas (en général en cas d’association avec une BPCO ou un syndrome obésité hypoventilation ). Bilan biologique : dosages hormones thyroïdiennes, NFS ( polyglobulie?), TRAITEMENTS DU SAOS Objectif: ameliorer les symptômes (hypersomnolence +++ ), et limiter les complications Mesures hygiéno-diététiques Perte de poids, permet rarement seule la disparition du SAOS. Contre-indication de l’alcool et des benzodiazépines. Arrêt de la conduite et arrêt de travail en cas de situation à risque, sauf traitement efficace. Traitements chirurgicaux Uvulo-pharyngo-palato-plastie (UPPP) : Amygdalectomie et réduction du voile du palais et de la paroi latérale du pharynx. Cette intervention, a un bon effet sur le ronflement, mais diminue peu le nombre d’apnées. Avancée de l’os hyoïde ou avancée maxillomandibulaire : techniques chirurgicales lourdes, Trachéotomie : premier traitement du SAS, elle n’est plus gère utilisée Traitements mécaniques Prothèse d’avancement mandibulaire : ces prothèses permettent d’augmenter l’ouverture de l’oropharynx. Efficacité et tolérance médiocre Pression Positive Continue (=PPC = CPAP )cf. schéma : c'est le traitement de choix. L’efficacité en cas d’acceptation est très bonne. Il s’agit d’une pression (et non d’un débit) positive, appliquée via un masque nasal sur les VAS qui maintient l’oropharynx ouvert (Attelle pneumatique). Ce n'est pas une ventilation Cas particulier : En cas de SAS associé à une insuffisance respiratoire chronique, le traitement du SAS repose avant tout sur la PPC, elle peut être associée à une oxygénothérapie, parfois on propose une ventilation en Bipap ou en aide inspiratoire. Question 254. Insuffisance respiratoire chronique Module 12. Uro-Néphro-Pneumologie. Service des maladies respiratoires et allergiques (Pr Lebargy)