Document de travail sur les Etats Unis d`Afrique

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République du Sénégal
Un Peuple – Un But – Une Foi
----MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES
----CENTRE D’ETUDES DE POLITIQUES POUR LE DEVELOPPEMENT (CEPOD)
Groupe de travail
sur
les Etats-Unis d’Afrique
-----------
Note introductive
Mars 2009
Avant-propos
Le Ministre d’Etat, Ministre de l’Economie et des Finances, a instruit le CEPOD de mettre
en place un groupe de travail sur les Etats-Unis d’Afrique. Cette instruction intervient à une
période où l’Union Africaine prend de nouvelles initiatives pour accélérer la concrétisation
d’un tel projet. En particulier, le 12ème Sommet ordinaire de l’Union qui s’est tenu, les 1er, 2
et 3 février 2009 à Addis Abéba, entre autres décisions :

souligne que l’Union africaine en parlant d’une seule voix est la réponse collective
appropriée face à l’exercice du pouvoir par les Etats forts sur les Etats faibles à
travers, notamment, l’utilisation abusive du principe de compétence universelle ;

sur le gouvernement de l’Union, a pris la décision de transformer la Commission de
l’Union africaine en Autorité de l’Union africaine composée d’un Président, d’un
Vice-président et de Secrétaires ayant des portefeuilles basés sur des domaines de
compétences partagées ;

a approuvé l’idée d’une représentation de l’Afrique par une seule délégation habilitée
à négocier au nom de tous les Etats membres sur les changements climatiques ;

réitère que le NEPAD de par sa vision et son programme fait partie intégrante du
système de l’Union africaine ;

a sollicité un siège au G 20 pour la Commission de l’Union africaine.
Ces différentes décisions du 12ème Sommet ordinaire de l’Union africaine viennent s’ajouter
à celles déjà prises pour permettre à l’Afrique de parler d’une voix et de se faire entendre sur
la scène internationale.
La mise en place du Groupe de Travail sur les Etats-Unis d’Afrique intervient également à
une période où la Gouvernance mondiale fait l’objet de questionnement, notamment à la
suite de la crise financière des risques subprime devenue une crise économique et sociale
mondiale. Au fur et à mesure de l’entrée en récession des grands pays pourvoyeurs de
capitaux (publics et privés) et de touristes, destinations des émigrés africains et des
exportations, la crise devient une source majeure de préoccupations quant à la menace
qu’elle fait peser sur la croissance et la lutte contre la pauvreté sur le Continent.
Du point de vue de la démarche économique qui est celle des structures comme le CEPOD,
une réflexion sur les Etats-Unis d’Afrique doit tenir compte d’un certain nombre de faits et
tendances lourdes qui vont survivre les prochaines générations.
2
Aussi le plan d’articulation des résultats de la réflexion est-il proposé comme suit :
Avant-propos .............................................................................................................................. 2
I. Introduction générale .............................................................................................................. 4
II. Revue des projets en présence ............................................................................................... 5
1. Le projet fédérateur de la Libye et du panafricanisme ....................................................... 5
2. Le projet intégrateur de l’Afrique du Sud et de la renaissance africaine .......................... 5
3. Le compromis de Lomé : l’esprit de l’Acte constitutif de l’Union africaine .................... 6
III. L’enjeu des Etats-Unis d’Afrique en 2009 .......................................................................... 7
1. Le contexte de la mondialisation ........................................................................................ 7
2. Prospective 2050 de l’Afrique et des autres parties du monde .......................................... 8
A. Le monde à l’horizon 2050 ............................................................................................ 8
B. Les futurs possibles de l’Afrique .................................................................................. 10
C. Quels modes d’intégration à l’économie mondiale pour l’Afrique ? .......................... 11
2. Implications pour le Projet des Etats-Unis d’Afrique ..................................................... 12
Des Etats débordés ou des Etats facilitateurs du développement - rôle des institutions et
de la gouvernance ............................................................................................................. 12
La prévention des risques, des conflits et des catastrophes .............................................. 13
IV. Analyse des propositions alternatives ............................................................................... 14
1. Deux modèles de construction du développement de l’Afrique dans le contexte
actuel et futur ........................................................................................................................ 14
2. Comparaison des deux modèles de construction du développement du continent .......... 15
V. Présentation du projet des Etats-Unis d’Afrique ................................................................ 17
Le rôle de l’Etat entre développement et mondialisation ..................................................... 17
Le rôle de l’intégration régionale ......................................................................................... 17
La construction politique des Etats-Unis d’Afrique ............................................................ 18
VI. La mise en place des Etats-Unis d’Afrique ........................................................................ 20
A. L’Union africaine sur le chemin des Etats-Unis d’Afrique ............................................. 20
Le processus de mise en œuvre de l’UA : suivre sa propre trajectoire ................................ 20
B. Des « pères fondateurs » pour les Etats-Unis d’Afrique ................................................. 21
Bibliographie : .......................................................................................................................... 22
3
I. Introduction générale
L’économie politique de la mondialisation peut elle associer à ses enjeux pour l’Afrique et
les africains, les déterminants
économiques d’une rationalité politique cohabitant
harmonieusement avec le marché? C’est là la question à laquelle l’économie institutionnelle
ramène le projet des Etats-Unis d’Afrique en ce début du troisième millénaire.
Telle qu’elle se développe ces dernières décennies, la mondialisation s’est accompagnée
d’une importance plus grande de la région, au sein des pays constitués comme à l’échelle du
continent. Il convient donc d’inscrire la réflexion sur la problématique des Etats-Unis
d’Afrique autour de deux axes :

la fédération de territoires locaux tels les comtés aux Etats-Unis et les départements en
France regroupés en Etats issus des frontières actuelles ;

la confédération de grands ensembles correspondant aux communautés économiques
régionales constituées de territoires locaux tels que ceux visés ci-avant.
En ce début du troisième millénaire :

le choix du niveau adéquat de gouvernement est une question qui n’admet plus une
réponse unique comme au temps des alternatives médiévales contre le système
westphalien moderne ;

l’interdépendance est devenue une exigeante réalité dont doit s’accommoder ce qui
reste de sens à la souveraineté ;

l’intégration dans les grands ensembles est devenue une façon de répondre aux défis
de la mondialisation.
Chaque pays espère trouver au niveau d’une union au sein d’une structure régionale un
pouvoir d’influence qui n’est plus accessible à l’échelle nationale, du fait de « la motivation
du rôle de l’Etat en tant qu’acteur dominant du système international, car il est confronté à
l’émergence d’autorités concurrentes ». Parmi eux notons des acteurs mondiaux tels que le
Fonds Monétaire International, la Banque mondiale et l’Organisation Mondiale du
Commerce.
Plusieurs projets convergent vers l’idée selon laquelle les stratégies d’insertion dans la
mondialisation par la mise sur pied de mécanismes et de structures appropriés sont devenues
un « impératif continental » au moment où est en train de s’opérer la reconstruction du
continent de concert avec le reste du monde.
4
II. Revue des projets en présence
1. Le projet fédérateur de la Libye et du panafricanisme
Lors du sommet extraordinaire de Syrte, le Colonel Mouammar Kadhafi avait dévoilé son
grand projet des Etats-Unis d’Afrique en s’inspirant du rêve panafricain de Kwame
Nkrumah pour prôner une approche fédérative à la construction de l’unité du continent avec,
en filigrane, le positionnement de la Libye comme locomotive.
Les travaux du Sommet de Syrte ont été placés sous le thème « comment renforcer la
capacité de l’Afrique à faire face aux défis du nouveau millénaire ». « J’ai étudié le
mouvement panafricaniste, j’ai examiné les textes de l’OUA et de la Communauté
économique africaine : je n’ai rien à y ajouter et ne demande que l’accélération de leur mise
en œuvre » avait conclu le guide Libyen. Fidèles aux antécédents idéologiques du groupe de
Casablanca depuis 1961, il a fait du mot d’ordre de Nkrumah « L’Afrique doit s’unir » et son
projet des Etats-Unis d’Afrique, les paradigmes mobilisateurs de son discours.
Pour Nkrumah, le continent africain devait se doter d’une nationalité, d’un drapeau, d’un
emblème et d’un hymne communs. La future union devrait disposer d’une politique
étrangère et de défense commune aux 53 pays. Le parlement panafricain devait être doté de
pouvoirs législatifs. A la place de l’unité comme « seul moyen de tenir tête au colonisateur »,
le projet fédérateur panafricaniste souhaite faire de l’Afrique « un acteur majeur du troisième
millénaire, au même titre que les Etats-Unis ou au moins l’Union européenne ».
2. Le projet intégrateur de l’Afrique du Sud et de la renaissance africaine
Le discours de la renaissance africaine a progressivement dépassé le cadre sud-africain. Il
cherche à contribuer à la production d’un espace de sens qui soit propre au continent africain
et à réinventer l’héritage du nationalisme noir en l’investissant de la mission de construction
de l’union de l’Afrique. « L’homme de la renaissance africaine cherche à produire un
« imaginaire régional africain » dont la
future organisation sera la représentation
institutionnelle. S’inspirant d’éléments puisés dans les discours philosophiques du passé sur
le panafricanisme, la négritude, l’Ubuntu et la conscience noire, la renaissance africaine
renvoie à un renouveau de l’Afrique en termes de démocratisation et de développement
économique et culturel.
Elle vise à construire un nouveau monde africain fait de démocratie, de paix, de stabilité, de
développement durable et de vie meilleure pour le peuple, d’absence de racisme et de
sexisme, d’égalité entre nations et d’un système de gouvernance international qui soit juste
et équitable. Le Président MBEKY proclamait lors de son investiture que le « XXIe siècle
sera africain », que « le temps de l’Afrique est arrivé » et « on ne peut parler de la
renaissance africaine sans de projeter à la fois le passé et dans l’avenir ». Et ceci pour des
questions aussi bien économiques que politiques. Il s’inspire pour cela de la renaissance
asiatique et du miracle économique de l’Asie du Sud-Est avec qui il trouve un destin
commun avec l’Afrique.
5
Pour la renaissance africaine, les Etats sont invités à créer des conditions favorables à la
coopération et à l’intégration de leurs économies. Elle remet en cause le principe de la
souveraineté nationale au profit d’une souveraineté continentale.
3. Le compromis de Lomé : l’esprit de l’Acte constitutif de l’Union africaine
D’après les analystes, l’esprit de l’Acte constitutif illustre la pertinence de l’axe historique
Addis-Abéba/Lomé par le recours à l’œuvre normative de l’OUA pour bâtir l’orientation
normative de l’Union. De la Charte de 1963 d’Addis-Abeba à l’Acte constitutif de 2000 de
Lomé, les principes cristallisés de l’OUA servent de socle à l’Union africaine, principes parmi
lesquels figurent l’égalité et la souveraineté, l’indépendance, le respect des frontières,
l’interdiction de recourir à la force, le règlement pacifique des différends et la non-ingérence.
Parmi les principes novateurs, notons le respect des principes démocratiques, des droits de
l’homme et de la bonne gouvernance, de rejet des changements anticonstitutionnels, la
participation des peuples africains aux activités de l’Union et la promotion de l’égalité entre
l’homme et la femme.
L’Acte de Lomé s’est construit autour des deux thèmes de synthèse des projets fédérateur et
intégrateur que sont l’intégration régionale et de l’insertion dans les dynamiques globales. Ses
objectifs sont porteurs d’un programme politique, sécuritaire, économique et social pour
l’Afrique nécessitant des structures appropriées.
Aussi, au-delà de l’enjeu de puissance symbolique associé au projet intégrateur et au-delà de
l’enjeu de puissance hégémonique que recèlerait le projet fédérateur, et au-delà même de la
quête de l’auréole qui confèrerait le statut de père fondateur de la nouvelle institution
panafricaine, le vrai défi pour les générations futures africaines le statut qui sera le leur chez
eux en Afrique-même et celui qui sera le leur ailleurs dans le reste du monde, après celui
d’esclave, de colonisé et de pauvre.
Dans le cadre de la présente réflexion, il s’agit d’analyser les déterminants économiques
d’une construction politique efficiente parce que permettant au continent d’enclencher une
dynamique nouvelle tenant compte des formes d’interdépendance et de reconstruction
régionale qui apparaissent pour répondre
à la mondialisation et ses corollaires
incontournables : recomposition des blocs régionaux ; construction de grands ensembles
économiques, mais également place de plus en plus importante de la dimension locale. Un
élément important à considérer dans cette réflexion est l’institution progressive de la région
comme niveau pertinent d’action collective pour le développement économique, social et
culturel.
6
III. L’enjeu des Etats-Unis d’Afrique en 2009
1. Le contexte de la mondialisation
En ce début du troisième millénaire et après une cinquantaine d’années de souveraineté
internationale, l’Afrique subsaharienne (ASS) pèse peu au niveau des grands agrégats macroéconomiques. L’ASS représente, pour 10 % de la population du globe, seulement 1 % du PIB
mondial, 1 % des investissements directs étrangers et moins de 1,5 % du commerce
international. Sur la longue période, le taux de croissance des économies africaines est proche
de leur croît démographique. En conséquence, le niveau de vie a tendance à stagner, voire
parfois dans certains pays, à chuter au point d’être actuellement à un niveau plus faible que
celui atteint au lendemain des indépendances. Les indicateurs de pauvreté y sont les plus
élevés au monde. L’Afrique comprend 33 des 48 PMA, 36 des 45 pays à IDH (Indice du
Développement Humain) faible. Elle regroupe 180 millions de sous-alimentés, 20 millions de
personnes touchées par le sida. Quatorze pays étaient en conflit en 2000. L’intégration
régionale reste embryonnaire.
Nul ne conteste la marginalisation du continent dans les flux économiques et financiers
internationaux. Ces dernières années, on a assisté à une « déconnexion progressive de
l’Afrique de l’économie mondiale. Bien plus, la chute de la part de l’Afrique s’est poursuivie.
Entre 1980 et 2000, sa part du PIB mondial a diminué d’un tiers, marginalisant le continent
dans le processus de globalisation. Sa part dans le commerce mondial et dans les
investissements directs étrangers et en régression sur les 20 dernières années du vingtième
siècle. Les taux de croissance que connaissent encore les pays du continent ne suffiront pas à
faire reculer la pauvreté au prochain millénaire ni à améliorer sa place du continent dans le
commerce international. L’Afrique est considérée comme n’ayant pas participé
au
mouvement de la mondialisation qui s’est caractérisé par une délocalisation accélérée des
investissements industriels dans les pays émergents. Elle a donc déjà accumulé un retard
qu’elle ne peut se permettre de creuser encore davantage.
Jusqu’ici des institutions et des politiques internationales (zone Franc, accord AC/UE,
politiques bilatérales et multilatérales et.) créent des espaces de stabilisation, de protection ou
de compensation et déconnectent en partie l’Afrique des marchés mondiaux. Les PMA ont
des conjonctures liées à leur appartenance à des espaces privilégiés (zone franc ou UE). Les
conjonctures des pays à revenus intermédiaires sont davantage liées à l’économie américaine
ou mondiale (Côte d’Ivoire, Nigéria ou Afrique du Sud).
Cependant, les principes et les pratiques des accords UE, ACP (partenariat, lien aide,
commerce, stabilisation…) sont en position historique de s’estomper. Les préférences
européennes se sont réduites et les Accords de Cotonou portent en eux leur transformation en
accords de libre-échange avec des unions régionales (CEA, CEMAC, CEDEAO, SADC).
Sauf, peut-être pour les PMA, il y aura, en conformité avec l’OMC, réciprocité, disparition
des protocoles et des mécanismes de compensation des instabilités (STABEX, SYSMIN).
Dans le contexte de la mondialisation et des blocs régionaux, la question des Etats-Unis
d’Afrique se pose aussi en termes d’étapes à franchir et d’éléments à réunir en termes de
constitution de grands pôles de puissance ou de confédération autour des grandes régions de
l’Afrique.
7
2. Prospective 2050 de l’Afrique et des autres parties du monde
A. Le monde à l’horizon 2050
Les travaux réalisés par Sandra Poncet (2006) suggèrent que la Chine pourrait représenter
22% du PIB mondial en 2050. Entre 2005 et 2050, la Chine et l’Inde pourraient multiplier
leurs PIB respectivement par 13 et par 10. Pendant la même période, le PIB des pays
développés pourraient doubler pour des pays comme l’Allemagne, la France et le Japon, et
tripler pour des pays comme les Etats-Unis.
Ainsi, si les Etats-Unis d’Amérique peuvent encore rester la première puissance économique
en 2050, la Chine pourrait reléguer le Japon à la troisième place, alors que le Corée du Sud
pourra prendre la quatrième place et l’Inde la cinquième. L’Inde pourrait dépasser la France
dès 2025 et l’Allemagne en 2039. Ces résultats sont fondés sur les hypothèses de croissance et
de productivité reprises dans le tableau ci-dessous.
Croissance et productivité dans les différentes régions du monde.
Région en %
Croissance
Productivité Croissance
annuelle
annuelle
par an
2005 – 2050
1980- 2005
Afrique
1,3
0,5
3,1
Amérique du Nord
3,2
1,6
3,0
Amérique du Sud
1,4
0,5
2,3
Chine
4,5
2,6
5,4
Europe l’Est
1,5
1,5
1,9
Europe de l’ouest
1,9
1,4
2,6
Inde
4,1
2,1
4,9
Japon
1,5
1,5
2,5
Méditerranée
2,1
0,9
3,1
Ensemble (100 pays)
2,6
1,3
3,0
Source, Sandra Poncet (2006)
Productivité
par an
0,1
1,0
-0,5
2,2
1,1
0,9
1,5
1,2
-0,5
0,6
Dans ce tableau, l’Afrique se voit attribuée un taux de croissance de 1,5 % l’an sous l’effet
des facteurs démographiques et des insuffisances en matière de culture d’investissement.
Or, un facteur qui sera déterminant pour toutes les régions est identifié à travers l’éducation
alors que l’Afrique aura le plus grand nombre de jeunes (15 – 24 ans) à partir de 2020.
Au demeurant, Hawksworth et Cookson (2008) retient comme moteur clé de la croissance :
-
la croissance du stock de capital physique
la croissance de la main d’œuvre, déterminée par l’accroissement de la population en
âge de travailler ;
l’amélioration de la qualité de la main d’œuvre ;
l’absorption du progrès technologique qui se reflète dans l’amélioration de la
production des facteurs sous la dynamique imposée par ces moteurs clé de la
croissance, Hawksworth et Cookson (2008) retient que la Chine pourrait rattraper les
8
Etats-Unis dès 2025 et aurait une économie de 30 % plus présente que celle des EtatsUnis d’Amérique.
D’après Hawksworth et Cookson (2008), l’Inde serait la troisième économie, le Brésil la
quatrième, le Japon la cinquième, viendront ensuite ex-aequo, la Russie, le Mexique, et
l’Indonésie, suivi par, également ex-aequo, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France.
De façon générale, les exercices de projection de la croissance sur les deux générations des
années 2000-2050, sont d’accord que les futurs centres de croissance vont se trouver surtout
en Asie tirés par les quatre facteurs identifiés par la structure de recherche de la Banque
d’Allemagne à travers la population, l’investissement, le capital humain et l’ouverture sur le
reste du monde.
Sur le Continent africain, Hawksworth et Cookson (2008) reconnaît le potentiel des pays
comme le Nigeria, l’Egypte et l’Afrique du Sud, mais ne classe aucun de ces pays parmi les
17 premières économies du monde en 2050.
Nina Kousnetzoff (2001) attribue de meilleures performances à l’Afrique subsaharienne sur la
période 2001 -2030 :
-
-
le processus de rattrapage par accumulation du capital devait fonctionner dès la
période 2000 – 2010, avec une évolution moyenne du taux d’investissement, mais
dont l’effet est atténuée par de faibles niveaux en début de période et une forte
croissance de la population d’âge actif ;
la force accélération de la croissance dès la décennie 2000 – 2010 devrait se
poursuivre jusqu’en 2030 ; la croissance annuelle passe de 2 % en 1990-2000 à 4 % en
2020 – 2030. la productivité qui diminuait depuis 20 ans, serait redevenue positive et
aurait atteint 1,4 % en 2020 – 2030.
Sur la base de ces « performances », l’écart entre l’Afrique sub-saharienne et les Etats-Unis
qui s’est creusé sur la période 1970 -2000 cesse d’augmenter après 2000 mais ne diminue pas.
Les modèles de convergence à l’échelle mondiale à l’horizon 2050 prêtent les meilleures
chances à deux pays : l’Ile Maurice et l’Afrique du Sud, suivi du Botswana, du Cap – Vert, du
Gabon, du Congo, du Swaziland et du Cameroun.
Mais dans son ensemble, l’Afrique Sub-Saharienne est projetée pour converger vers la
moyenne des pays en développement, après un vingtième siècle de stagnation une croissance
réelle proche du croît démographique sur la période 1980 – 2005 ; pendant que le retard sur
les autres pays en développement et les pays émergents ne cesse de se creuser. Cette situation
est expliquée par :
-
une productivité faible en niveau et en dynamique (environ 5 à 6 % de la productivité des
Etats –Unis pour la majorité des pays de région) ;
une intensité capitalistique faible (inférieure de 90 % à la moyenne mondiale) ;
une faiblesse du capital installé (environ 3 % du capital US) :
malgré une bonne dotation en travail (environ deux fois plus élevée que celle des Etats –
Unis).
9
Pour assurer la convergence avec la moyenne des pays en développement, il faudrait sur la
période 2008 -2050 :




un taux de croissance per capita de 5,2 % par an ; contre 2,5 % par an sur la période 1980
– 2008 ;
une croissance du PIB réel entre 7,3 % et 7,8 % l’an ;
une multiplication par 20 du stock de capital accumulé en 2005 ;
un taux d’investissement de 28 % contre 20 % en 2005.
B. Les futurs possibles de l’Afrique
A maints égards, l’Afrique est aujourd’hui en position de « hors-jeu » économique. Elle
demeure largement à l’écart du mouvement de mondialisation. Il n’est donc pas étonnant,
dans ces conditions, que le continent soit, à l’inverse de l’Asie ou de l’Amérique latine,
presque totalement absent des grands scénarios d’évolution possible de l’économie mondiale
à long terme.
Cependant, les pays africains ont été capables de gérer, depuis leur indépendance, un
triplement de leur population, une multiplication par 6 de leur population urbaine, le maintien
de frontières constitutives d’Etats-nations en voie d’émergence. Les acteurs de la société
civile ont été capables d’inventer, d’innover, de créer des activités répondant à la satisfaction
des besoins essentiels. Les économies non officielles, parallèles ou « informelles » ont
constitué des modes d’accommodement, d’ingéniosité, de vie ou de survie du plus grand
nombre. Le développement des infrastructures, des systèmes scolaires ou sanitaires, des
appareils productifs, l’émergence d’élites nationales ou de la société civile font que l’Afrique
de l’an 2000 est fort différente de ce qu’elle était lors de la décolonisation. Un processus de
démocratisation est en cours et l’apartheid a disparu.
Projections de la population d’Afrique par région (hypothèse moyenne, en milliers)
1995
2000 2010 2020
2050
Afrique
719 495
819 910
1 051 896
1 316 839
2 046 401
Afrique Sub-saharienne
588 125
674 696
879 018
1 119 306
1 789 081
Afrique de l’Est
221 315
255 500
335 365
430 550
698 596
Afrique Centrale
83 271
95 385
126 691
166 032
284 821
Afrique Australe
47 335
52 887
64 984
77 222
106 824
209 498
241 102
315 129
401 741
638 892
Afrique de l’Ouest
Source : World Population Prospects : the 1996 revision, Nations-Unies.
Au demeurant, l’Afrique demeure stratégique sur le plan géopolitique. Elle représentera, dans
moins de vingt ans, plus d’un milliard d’habitants qui seront urbains dans leur grande
majorité. En 2020, deux pays (l’Afrique du Sud et le Nigéria) totaliseront une population
supérieure à celle de l’Europe d’aujourd’hui. Dans ces conditions, l’Afrique peut devenir un
lieu de fortes pressions migratoires externes si les mouvements internes de population sont
freinés.
10
De nouvelles configurations sont en train d’apparaître autour de grands pôles tels l’Afrique du
Sud dans la zone australe ou le Nigeria en Afrique de l’Ouest. La géographie africaine bouge :
notamment, les frontières de la zone d’influence sud-africaine, les zones de fracture qui
naissent autour de l’Afrique des Grands Lacs, les pôles de stabilité à l’Est et au Nord, et les
zones traditionnelles de l’influence française à l’Ouest et au Centre.
Les prospectives démo-économiques réalisées pour l’Ouest-africain (WALTPS) invitent à
imaginer un futur africain où les dynamiques de peuplement jouent un rôle central. Ces
prospectives concluent à une Afrique qui s’urbanise rapidement et qui se polarise sur d’une
trentaine de villes millionnaires, localisée principalement autour du golfe de Guinée. Ces
centres urbains constituent des pôles de croissance et des marchés pour les campagnes.
Taux d’urbanisation en Afrique subsaharienne de 1950 à 2020 et population (millions)
Taux d’urbanisation
Population urbaine
Population rurale
1950
12 %
15
149
1975
22 %
75
230
1996
33 %
155
323
2000*
40 %
260
400
2020
50 %
560
560
*estimé
Dans un scénario tendanciel sans catastrophe mais sans développement non plus, la
dégradation probable de l’environnement affecte une agriculture qui reste traditionnelle et
extensive. Les villes se nourrissent de produits importés. Les déficits extérieurs (alimentaires
et produits manufacturés) s’accroissent, comblés par des transferts sans contrepartie. Face à
des Etats de plus en plus défaillants, les économies s’informalisent.
D’après ces mêmes études, les futurs souhaités par les représentants des pouvoirs publics, les
opérateurs économiques et les acteurs de la société civile évoquent la nécessité de disposer
d’Etats efficaces (« bonne gouvernance ») peut-être moins pour diriger le développement à
long terme que pour le favoriser. Cet Etat moderne, démocratique, aura notamment en charge
la scolarisation des populations, l’éducation apparaissant comme le facteur clé de l’avenir (et
ce, dans tous les pays ayant participé à l’exercice). Enfin, conscientes des difficultés
qu’auront les pays africains à affronter la concurrence mondiale et à s’insérer dans la division
internationale du travail, les études concluent que le développement économique à long terme
passera impérativement par une intégration régionale accrue.
C. Quels modes d’intégration à l’économie mondiale pour l’Afrique ?
Jusqu’ici, l’économie internationale est à la fois pour l’Afrique une source d’accumulation et
un facteur de conflits et de décomposition/recomposition des Etats. L’accès aux richesses
minières, pétrolières ou autres produits de rente conduit à un écartèlement entre les positions
de pouvoir et les positions d’accumulation.
On observe une montée en puissance de la société civile. L’ensemble des organisations, hors
l’espace public, visant des objectifs collectifs : églises, ONG, associations, confréries, clubs.
11
Les pouvoirs africains sont de plus en plus liés à la société civile même si celle-ci a été
largement portée par l’extérieur et si son poids diffère fondamentalement selon les sociétés
africaines.
Il importe de prendre en compte, en situation de crise, l’accélération des mutations repérables
aux niveaux rural (accroissement des luttes foncières, différenciations sociales, nouveaux
acteurs tels les scolarisés chômeurs ou les urbains propriétaires), et urbain (rôle croissant de
l’informel). Il en résulte de nouvelles structurations spatiales (zones de transgression, espaces
frontaliers échappant aux pouvoirs centraux, nouveaux pôles régionaux) et de nouvelles
forces politiques (rôle des églises, des sectes, des divers groupes d’appartenance). Les
structures lignagères, bien loin de se dissoudre dans une modernité assimilable aux structures
occidentales, semblent se renforcer, mais on observe en même temps un processus
d’individualisation et d’exclusion.
2. Implications pour le Projet des Etats-Unis d’Afrique
Des Etats débordés ou des Etats facilitateurs du développement - rôle des
institutions et de la gouvernance
Autant, les projections plutôt pessimistes réalisées pour l’Afrique au Sud du Sahara à
l’horizon 2050 ne tiennent pas de mutations institutionnelles, autant le cadrage normatif des
rythmes de croissance appelle une nouvelle organisation de l’effort de développement en
Afrique, passent certainement par des changements institutionnels majeurs.
Beaucoup de travaux ont été faits récemment sur les relations entre croissance, pauvreté,
inégalités et institutions.
Pour certains économistes, les institutions constituent le déterminant fondamental de la
croissance. Cela les amène à recommander à la suite des réformes de première génération qui
ont été à la base des programmes d’ajustement de nouvelles initiatives dans les domaines
suivants :
 la gouvernance d’entreprise ;
 le contrôle de la corruption ;
 la flexibilité de la législation du travail ;
 le respect des règles de l’OMC ;
 le respect des normes et codes du FMI ;
 l’ouverture prudente du compte de capital ;
 l’abandon des régimes de change intermédiaires ;
 l’indépendance des banques centrales et le ciblage de l’inflation ;
 les filets de sécurité sociale
 les dépenses ciblées de lutte contre la pauvreté.
D’autres économistes mettent l’accent sur les caractéristiques structurelles et les dotations en
facteurs lesquelles impliquent la géographie au sens large (enclavement, latitude, climat,
qualité des sols etc.), la démographie, le niveau d’éducation des populations etc.
12
Les agences multilatérales de développement mettent l’accent également sur la qualité des
politiques économiques.
Une première synthèse de ces prises de positions est que l’Etat africain a besoin de tirer le
plus grand bénéfice pour ses populations des ressources naturelles dont l’Afrique est dotée, à
travers des politiques économiques appropriées et des institutions crédibles et capables
d’assurer les meilleurs résultats dans trois domaines :



la définition d’une vision mobilisatrice et d’orientations stratégiques anticipant sur
l’environnement futur et les aspirations des populations ;
la coordination effective et concertée des interventions des acteurs en vue de l’atteinte
des objectifs stratégiques associés à la vision ;
une gestion efficiente sur le plan économique et social des conflits sociaux et des
chocs exogènes.
La prévention des risques, des conflits et des catastrophes
Dans une certaine mesure, l’on peut considérer que la montée des conflits résulte de la
résurgence des référents identitaires (ethniques, religieux, nationalistes), de la faillite des
Etats de droit, des souverainetés en déshérence, des immixtions des puissances régionales et
internationales et d’une mondialisation des organisations criminelles dans un contexte de crise
économique.
Le devenir économique de l’Afrique est ainsi largement déterminé par la prévention des
risques systémiques et des contagions qui gangrènent les sociétés. Les domaines concernent
aussi bien les catastrophes naturelles, les épidémies telle que le SIDA, ou les famines, que
les ventes d’armes ou les stupéfiants et les mafias se constituant autour de produits tels le
diamant ou le pétrole. La prévention suppose des attitudes ré et pro actives en termes de
transparence, de mobilisation des opinions publiques, de contre pouvoirs, de coopération
citoyenne ou de dénonciations des campagnes fondées sur l’ethnicité.
Ainsi, les élites africaines ont à concilier la prévention des risques, des conflits et des
catastrophes qui en Afrique sont surtout d’origine humaine et l’accélération du processus de
développement.
Au fur et à mesure que l’on s’éloigne des années de décolonisation, les élites africaines seront
davantage tenues pour responsables du maintien de frontières aussi artificielles qu’elles
bloqueraient la mobilité des talents, des capitaux et des idées au sein du continent. Elles seront
également tenues responsables de la persistance des réflexes d’intolérance ethnique, religieuse
ou nationaliste ainsi que de la place laissée à l’immixtion destabilisatrice des puissances
régionales et internationales.
Les projections des 53 afriques sur 2020 et au-delà retiennent à juste titre qu’aucune d’entre
elle ne saurait développer de marge suffisante pour faire des facteurs population,
investissement, capital humain et ouverture de la société et du pays, les moteurs d’une
croissance économique forte et la base d’un poids géostratégique décisif.
En d’autres termes, elles postulent que l’Afrique restera divisée et l’Union africaine ou ce qui
pourrait la remplacer demeurera le théâtre d’une confrontation de thèses et de projets des
13
élites autour de « parler pour l’Afrique ou parler au nom de l’Afrique » sans conséquence sur
un scénario tendanciel de plus en plus inacceptable pour les populations.
Or, des situations comme celle née de la crise financière des prêts hypothécaires à risques qui
s’est déclenchée en 2007 aux Etats-Unis, rendent de plus en plus nécessaire l’expression au
nom de tous les pays et peuples africains d’un même message par une seule voix claire et
crédible.
Si tel était, en dernière analyse, l’enjeu des Etats-Unis d’Afrique, il pourrait alors être
appréhendé en ces termes : quelle organisation politique et institutionnelle pour quelle
efficacité économique et sociale ?
Les projets en présence sont examinés ci-dessous sous ce même enjeu.
IV. Analyse des propositions alternatives
1. Deux modèles de construction du développement de l’Afrique dans le
contexte actuel et futur
L’économie politique de la mondialisation peut elle associer à ses enjeux les déterminants
économiques d’une rationalité politique cohabitant harmonieusement avec le marché qui
exerce une influence grandissante sur l’organisation des sociétés?
Les Etats-Unis d’Amérique, le Canada, le Japon, l’Union européenne en élargissement par
étape, l’émergence du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine, de l’Afrique du Sud et du
Mexique, sont autant de signes pour ne pas dire de preuves en faveur de l’organisation de type
fédéral. Parallèlement, à l’image de l’Union européenne, l’on est tenté d’opiner que les
regroupements régionaux qui réussissent sont ceux qui retiennent de s’inscrire dans un projet
fédéral. Progressivement, l’acteur étatique du système international tend à s’effacer et à se
fondre dans les entités supérieures de type fédéral ou supranational, qui ont tendance à
s’avérer plus efficaces pour surmonter un certain nombre de défis.
L’intégration dans les vastes régions du monde est aujourd’hui à la fois une façon de
répondre au défi que représente la mondialisation et d’adapter les processus décisionnels et
les choix collectifs à la dimension nouvellement acquise par les enjeux de développement
local.
En Afrique, les projets en présence convergent vers l’idée selon laquelle les stratégies
d’insertion dans la mondialisation par la mise sur pied de mécanismes et de structures
appropriés sont devenues un « impératif continental».
Les peuples africains sont interpellés autour d’un nouveau mécanisme de cohabitation leur
permettant d’assurer pleinement le rôle qu’ils estiment être le leur sur la scène mondiale en
ce XXIe siècle sur les plans historiques, idéologiques, politiques et institutionnelles.
Les Etats africains doivent de plus en plus intégrer dans leur quête de légitimité la
construction de l’Union africaine comme organisation engageant tout le continent et la
14
consécration de la région comme cadre propice au développement local, dans le discours de la
mondialisation.
A cet égard, il n’existe pas de définition consensuelle de la région et les critères varient selon
les questions concernées et selon les acteurs dominants du groupe de pays considérés.
Un premier modèle de région vise la libéralisation partielle au sein d’un grand marché
protégé, mais qui est renforcée par une hiérarchie de pouvoir centralisé et un régime interne
commun fondé sur des règles et dirigé par des structures institutionnelles solides dont les
objectifs sont tant socio politiques qu’économiques.
Ce modèle se veut une réponse pragmatique aux obstacles à la composition de grands
ensembles
économiques : les divergences
idéologiques, les égoïsmes nationaux,
l’opportunisme des acteurs, le laxisme des institutions et des administrations, la pauvreté en
infrastructures de base, l’absence d’opérateurs économiques efficaces et dynamiques et enfin,
des secteurs économiques dualistes et désarticulés.
Un deuxième modèle de région prend à son compte l’extension des partenariats de la Triade
vers l’Europe de l’Est, la Méditerranée, les pays d’Asie du Sud-Est et l’Amérique latine et
souligne pour le continent africain la nécessité de disposer d’un mécanisme pouvant lui
permettre d’accéder à une meilleure place dans le partenariat global. Il a alors pour objectif de
traduire au niveau institutionnel l’idée de construire une nouvelle communauté dirigeante
forte, de plus en plus convaincue du bien-fondé des principes de la construction régionale et
de son intérêt à la fois national et continental.
Ainsi, pour céder la place à l’UA, l’OUA est passée par une série de réformes
institutionnelles avec à la base, la nécessité de mieux coordonner les efforts des Etats
membres afin de mieux faire entendre leur voix sur le plan international en mettant l’accent
sur la construction régionale. Le défi des Etats-Unis d’Afrique est de consolider les acquis de
ces réformes mais surtout de les dépasser.
2. Comparaison des deux modèles de construction du développement du
continent
Le consensus se développe pour considérer que les institutions sont le déterminant
fondamental de la croissance à long terme. C’est sur ce plan que l’on va provisoirement baser
la comparaison des deux projets en présence en analysant leurs forces et leurs faiblesses en
tant qu’institutions quant à la mise en place des conditions de décollage économique ou de
gestion efficace d’un processus de convergence avec les pays plus avancés.
La construction du décollage économique et du développement dans un cadre de
mondialisation
Définissant la bonne gouvernance comme la transparence de l’action publique, le contrôle de
la corruption, le libre fonctionnement des marchés, la démocratie et l’état de droit et comme
complément à la stabilité macroéconomique, Meisel et Aoudia (2008) montre que celle-ci est
corrélée au niveau du PIB per capita, mais n’est pas corrélée à la croissance à moyen et long
termes. En d’autres termes, la bonne gouvernance n’est pas une priorité pour le décollage
économique. En revanche, elle devient une priorité pour assurer la poursuite, la consolidation
15
et le maintien d’une croissance soutenue et prolongée dans une perspective de convergence
avec les pays avancés.
Les variables clé pour le décollage sont inventoriées comme suit :
-
vision stratégique des autorités (Etat stratège) ;
priorité des élites pour le développement ;
concertation pour faire émerger l’intérêt commun ;
capacité des autorités politiques ;
coordination des ministères et des administrations ;
qualité des biens publics (éducation et santé) ;
aptitude de la société à l’innovation ;
environnement technologique des entreprises ;
sécurité des droits et transactions fonciers.
Ces variables laissent suggérer que les pays qui ont encore à créer les conditions de leur
décollage économique doivent mettre l’accent sur le renforcement de leurs capacités de
coordination des acteurs, notamment publics et de sécurisation des anticipations, notamment
privées.
L’Etat doit se montrer apte à proposer aux acteurs des formes crédibles de coordination, de
gestion des divergences d’intérêts, d’entraînement des acteurs à la prise de risques, de
réalisation d’un bien commun supérieur à la somme des intérêts particuliers, de réduction de
l’incertitude et de diffusion de la confiance pour tous les agents.
A cet égard, le projet proposant comme première étape l’union au sein de communautés
régionales n’exclut pas une trajectoire qui organise le décollage économique de l’union
régionale sur une base hégémonique.
La gestion efficace d’un processus de rattrapage économique
Les facteurs de bonne gouvernance interviennent pour expliquer le rattrapage après le
décollage ; ce sont les suivants :
-
administration efficace, transparente et peu corrompue ;
droits de propriété et des transactions protégés par des règles formelles ;
respect du droit du travail ;
système de solidarité formalisé ;
démocratie politique et sociale ;
décentralisation ;
régulation de la concurrence ;
mobilité sociale ;
régulation et sécurité des transactions dans le système financier.
Sur la base de leurs capacités de coordination des acteurs et de sécurisation des anticipations,
les pays qui ont amorcé leur phase d’émergence économique, peuvent engager la
formalisation des règles et l’ouverture des systèmes de régulation sociale dans les domaines
politique, économique et social.
16
Pour mener au développement, le décollage économique doit ouvrir la voie à l’accroissement
du nombre des acteurs économiques et politiques, à l’ouverture de perspectives sociales aux
individus méritants (indépendamment de leur statut personnel, de leur appartenance aux
groupes sociaux dominants), à l’extension des espaces de liberté pour la société civile, le
fonctionnement plus démocratique des institutions politiques.
V. Présentation du projet des Etats-Unis d’Afrique
Le rôle de l’Etat entre développement et mondialisation
Après un siècle de stagnation, après la génération perdue des années 1980-2005, toute
l’Afrique n’est pas mal partie. Si l’on procède à un exercice de benchmarking sur les pays
émergents tels que la Corée du Sud, le Chili, le Vietnam, qui ont su réaliser des taux de
croissance supérieurs à 3,5% par pendant 7 années successives, et faire émerger une classe
moyenne qui fait pression sur les pouvoirs publics pour le renforcement des institutions, on
constate que l’Afrique de divise en deux groupes :
-
un groupe prêt au décollage :
o l’état actuel des institutions similaire à celui des pays émergents au moment de
leur décollage ;
o les avantages révélés à l’export de produits manufacturiers sont sensiblement
équivalents à ceux prévalant dans les pays émergents au moment de leur
décollage ;
o le niveau des principaux indicateurs sociaux est similaire à celui des pays
émergents au moment de leur décollage ;
-
un groupe qui fait face à un certain nombre de facteurs bloquants :
o surévaluation des monnaies ;
o risques de conflit (+fort que chez les émergents) ;
o faible internalisation des réformes.
Le projet des Etats-Unis d’Afrique doit offrir de meilleures perspectives à chacun des pays
africains, quel que soit le groupe auquel il appartient.
Le rôle de l’intégration régionale
L’intégration au sein des communautés économiques régionales doit rester une étape dans le
projet de mise en place des Etats-Unis d’Afrique. En tant que telle, elle aura plus de chance de
réussir si cette étape permet aux Etats, aux populations et aux instances de l’UA au fur et à
mesure en place de simuler leur rôle dans le cadre des Etats-Unis d’Afrique.
Il s’agira, en particulier, de permettre à chaque partie de jouer son rôle pour la mise en place
des conditions de décollage de l’ensemble du Continent sans compromettre les chances des
différents d’en tirer parti.
17
A titre de rappel, ces conditions sont :
-
vision stratégique des autorités (Etat stratégie) ;
priorité des élites pour le développement ;
concertation pour faire émerger l’intérêt commun ;
capacité des autorités politiques ;
coordination des ministères et des administrations ;
qualité des biens publics (éducation et santé) ;
aptitude de la société à l’innovation ;
environnement technologique des entreprises ;
sécurité des droits et transactions fonciers.
En particulier, l’Etat stratège au niveau continental devra éviter de léser outre mesure les pays
en phase d’émergence économique dans la mise en place des conditions de leur convergence
avec les pays avancés :
- administration efficace, transparente et peu corrompue ;
- droits de propriété et des transactions protégés par des règles formelles ;
- respect du droit du travail ;
- système de solidarité formalisé ;
- démocratie politique et sociale ;
- décentralisation ;
- régulation de la concurrence ;
- mobilité sociale ;
- régulation et sécurité des transactions dans le système financier.
La construction politique des Etats-Unis d’Afrique
Comme il a été unanimement constaté, la mondialisation s’est accompagnée à la fois par un
renouveau des blocs régionaux et des enjeux de développement local. Libéralisation
économique et démocratisation politique ont renforcé à la fois les pressions supranationales
des grands ensembles et les pressions locales aux dépens de l’Etat-national. Il y a à la fois
pression pour des unités politiques plus grandes comme pour des unités politiques plus
petites.
L’Afrique comme unité politique plus grande a besoin d’harmonier et de gérer la diversité
sociale au sein d’un système politique qui lui permette d’atteindre des objectifs aujourd’hui
partagés par la plupart des sociétés : progrès économique, social et technologique, élévation
des niveaux de vie, justice sociale, exercice d’une influence sur la scène mondiale. La
construction politique des Etats-Unis d’Afrique doit s’inscrire dans cette perspective.
L’enjeu de l’harmonisation et de la gestion de la diversité sociale est lié à la pression en
faveur d’unités politiques plus petites et autonomes nées de la nécessité de concilier la réalité
multinationale du monde contemporain et la volonté de préservation et d’expression des
relations de groupe fondamentales, à savoir, les liens linguistiques et culturels, la proximité
religieuse ainsi que les traditions historiques et les pratiques sociales.
A cet égard, le défi que pose le projet des Etats-Unis d’Afrique aux élites du Continent est
d’abord celui de se détacher du passé et de se tourner définitivement vers la construction de
l’Afrique à léguer aux générations futures, à commencer par les deux prochaines.
18
Les africains ont eu une contribution forcée au développement en Europe et en Amérique. En
mettant à disposition ses ressources naturelles et humaines, le Continent participe
actuellement à la défense des niveaux de vie déjà atteints dans les pays développés ainsi qu’à
la poursuite de l’amélioration des conditions de vie dans les pays émergents. Ce faisant,
l’Afrique reste le bastion de la pauvreté mondiale et semble condamnée à compter sur l’aide
extérieure, ancienne comme nouvelle, pour survivre.
La construction des Etats-Unis d’Afrique n’a de sens que si elle permet de mettre un terme à
ce schéma.
Par ailleurs, la mise en place des Etats-Unis d’Afrique est nécessairement un projet
démocratique. En tant que telle, elle ne saurait rester un projet des élites. Elle doit impliquer
tout autant la société civile africaine.
Comme ce fut le cas pour les Etats-Unis d’Amérique, les pères fondateurs doivent provenir de
toutes les couches de la société des différents pays africains. La légitimité des institutions
africaines ne pourrait qu’en sortir renforcée.
Comme pour la mise en place de l’UA, une équipe d’appui à la planification de la période
intermédiaire, pourrait coordonner les travaux des pères fondateurs et la mise en place des
Etats-Unis d’Afrique. Cette équipe d’appui pourrait également s’appuyer sur un groupe
consultatif d’éminentes personnalités africaines ou amies de l’Afrique, ayant une vaste
expérience de tout ordre et provenant de toutes les régions de l’Afrique, de la diaspora et du
reste du monde.
Ceux qui auront le privilège et la charge de proposer aux populations africaines la constitution
fondatrice de la prospérité du Continent devraient tirer expériences, sens des responsabilités et
de l’équilibre, sagesse et pragmatisme de la pratique courantes de fonctions et missions au
service de leurs communautés d’appartenance. Ils doivent être des hommes et des femmes :






bien éduqués si possible et leaders dans leurs communautés ;
des civils ou militaires qui ont eu une contribution significative à des négociations de
la paix dans le cadre de guerres civiles ou de libération ;
des parlementaires anciens ou en activités qui ont eu à occuper des postes de
responsabilités dans leur institution ou dans des collectivités locales ;
d’anciens membres d’assemblées constituantes ;
des membres de communautés de personnes déplacées ou émigrées ;
des personnes actives dans les différents secteurs d’activités (primaires, secondaires et
tertiaires) et des différentes catégories socio-professionnelles et religions.
Il sera plus que symbolique que la constitution des Etats-Unis d’Afrique soit perçue comme le
produits des communautés africaines plutôt qu’une exégèse d’inspiration étrangère.
A l’heure de la mondialisation et de la primauté reconnue des institutions, à l’heure du
mécanisme de revue par les pairs et de la Cour pénale internationale, les actes constitutifs des
Etats-Unis d’Afrique doivent protéger les entrepreneurs politiques, les entrepreneurs sociaux
et les entrepreneurs économiques contre la tentation de détourner le pouvoir politique, social
et économique pour leurs intérêts personnels ou ceux de leurs proches, quel que soit le critère
19
de proximité. Tous les facteurs qui font la suprématie du régime démocratique sur les autres
doivent être sauvegardés.
VI. La mise en place des Etats-Unis d’Afrique
A. L’Union africaine sur le chemin des Etats-Unis d’Afrique
Les Etats-Unis d’Afrique doivent se présenter comme une réponse adéquate au processus de
globalisation dont les paradigmes-clés sont intégration et interdépendance. Le projet doit
doter le continent africain des moyens de juguler les problèmes que pose la mondialisation
et l’avenir dans les deux prochaines générations et au-delà. Dans une étape transitoire, le
cadre institutionnel de l’UA est mis en place. La phase intermédiaire qui suit devrait
déboucher sur la mise en place des Etats-Unis d’Afrique.
Le processus de mise en œuvre de l’UA : suivre sa propre trajectoire
En juillet 2002 à Durban, l’OUA a cédé sa place à l’UA ; cependant, certains instruments
juridiques qu’elle avait créés restaient valables (la Charte africaine des droits de l’homme, le
Traité d’Abuja, la Déclaration du Caire : « renforcer les causes de la paix, de la sécurité et de
la démocratie en Afrique).
La nouvelle institution a fait le choix d’une trajectoire institutionnelle qui lui est propre et
qui est propre aux spécificités africaines.
Etape préliminaire : mettre sur pied le cadre institutionnel de l’Union africaine
Le lancement des organes clés de l’Union africaine s’est déroulé à travers l’adoption des
textes suivants portant sur les organes clés : le règlement intérieur de l’Assemblée de
l’Union ; le règlement intérieur du Conseil exécutif de l’Union ; le règlement intérieur du
Comité des représentants permanents ; le statut de la Commission de l’Union.
Pour la Conférence de l’Union, le président en exercice sera désigné pour un an et aura un
rôle protocolaire en tant que « président de l’Afrique ». La conférence aura lieu une fois sur
trois au siège (Addis-Abéba 2004) ; les sessions extraordinaires se tiendront toutes en dehors
du siège, à l’invitation d’un Etat membre. Pour assurer le suivi et l’exécution des résolutions
de la Conférence, les experts préconisent que des pouvoirs accrus soient délégués au
Conseil exécutif.
Le deuxième organe clé regroupe les ministres des Affaires Etrangères. Il devrait changer de
président tous les six mois et se réunir plus de deux fois par an. Il devait être doté de
véritables pouvoirs, notamment celui de nommer huit des dix membres de la Commission de
l’Union.
La Commission de l’Union est le troisième organe clé de l’organisation panafricaine dont le
président (d’abord secrétaire général de l’OUA) ainsi que son vice-président seront élus par
les chefs d’Etat. Les dix commissaires représenteront les cinq régions du continent (deux
par région).
20
Le quatrième organe qui est le Comité des représentants permanents (COREP) permettra à
tous ses membres d’être associés de près aux activités de la commission. Les autres organes
prévus seront définis et lancés par étapes. Il s’agit du parlement panafricain, de la Cour de
Justice, du Conseil économique et social, de la Banque centrale africaine et de la Banque
africaine d’investissement.
Les décisions de l’Assemblée inaugurale de l’Union africaine
L’assemblée inaugurale de l’UA a été l’occasion d’un certain nombre de décisions majeures :
la décision de renforcer le rôle de l’Union africaine pour la supervision et les observations
des élections, l’adoption d’un protocole relatif à la mise en place d’un conseil de paix et de
sécurité, l’adoption du Mécanisme africain de revue des pairs (MARP) et du NEPAD.
Le Secrétaire général de l’ONU avait prévenu à Lusaka ; « cet effort historique demandera
des qualités de dirigeants, du courage et de la volonté de se détacher du passé ».
Le passage à l’UA représente une équation à plusieurs inconnues tant au niveau conceptuel
que structurel ; la relative imprécision du type de l’union, l’absence de la société civile et des
représentants des populations montre les graves insuffisances de ce processus. « Il n’y aura
pas de véritable Union africaine sans la reconnaissance d’une Afrique plurielle et
indépendante, sans la participation active de la société civile aux décisions la concernant, ni
abandon de souveraineté nationale vers le supra national » (Pelletier 2002 :1528).
La période transitoire a cédé la place à une période intermédiaire pendant laquelle il va être
encore plus difficile de passer de l’UA aux Etats-Unis d’Afrique. Cela des demandera des
dirigeants de qualité, du courage, de la volonté de se détacher du passé et de la vision et de la
persévérance.
B. Des « pères fondateurs » pour les Etats-Unis d’Afrique
21
Bibliographie :
Alice SINDZINGRE, « Institutions, développement et pauvreté », AFD, Document de travail
n°20, juillet 2006 ;
Nicolas MEISEL et Jacques OULD AOUDIA, « La bonne gouvernance est-elle une bonne
stratégie de développement », AFD, Document de travail n° 58, janvier 2008 ;
Sandra Poncet, 2006, “The long term growth prospects of the world economy: Horizon 2050”,
CEPII, Working Paper n° 2006-16;
John Hawksworth et Gordon Cookson, 2008, “The World in 2050: Beyond the BRIC – a
broader look at emerging market growth prospects”, PricewaterhouseCoopers LLP, March
2008;
Nina Kousnetzoff, 2001, « Croissance économique mondiale: un scénario de référence à
l’horizon 2030 », CEPII, Document de travail n° 2001-21
Simon Johnson, Jonathan D. Ostry et Arvind Subramanian, 2007, “The prospects for
sustained growth in Africa: Benchmarking the constraints”; NBER WP 13120, IMF
WP/07/52
Andy Berg, Jonathan D. Ostry et Jeromin Zettelmeyer, 2008, “What makes growth
sustained”, IMF WP/08/59, march 2008
22
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