Le 3 août au matin, le régiment assiste au premier lever des couleurs en France et
entend l’ordre du jour du colonel de Langlade : “Après quatre années d’exil pour les
uns, d’humiliation pour les autres, mais de souffrances égales pour tous, l’armée française
a repris pied aujourd’hui, à La Haye-du-Puits, sur la terre sacrée de la Patrie. La division
Leclerc, synthèse de tous les fils de France, est le symbole de leur union scellée dans la
haine de l’Allemand et dans l’amour de la liberté… Vous avez la haute mission d’orienter
notre nation vers son destin.”
Parmi les hommes qui écoutent au garde-à-vous, un sur quatre est un colonisé qui
n’a pas la citoyenneté française. Sur les 16 000 hommes de la célèbre division,
symbole de la participation de l’armée française à la libération de la patrie, 28 %
sont des musulmans d’Afrique du Nord. 
Un lourd tribut payé à la France 
Smaïl  ben  Belkacem,  24 ans,  tunisien,  “présumé  né à  El  Hancha,  caïdat  de
Djebeniana, fils de cultivateurs”, a lui aussi participé à la libération de Paris. Il a été
grièvement blessé aux deux jambes par des éclats d’obus, le 22 septembre 1944,
pendant la construction d’un pont flottant sur la Meurthe par le 13ebataillon du
génie. 
Boutaleb Abdelkader, algérien, a participé à la libération de Paris et à la prise de
Strasbourg,  avant  d’être  évacué  vers  l’arrière  et de  mourir,  le  26 juin  1945,  à
l’hôpital du Val-de-Grâce. Salah ben Mohamed, du 1er régiment de marche des
spahis marocains, est mort au Val-de-Grâce des suites de ses blessures… 
Une dizaine de ces soldats ensevelis dans ce carré militaire ont combattu dans la
2edivision blindée commandée par le général Leclerc. 
Dans  l’armée  française  qui  débarque  en  Provence  en  août 1944,  les  soldats
musulmans représentent plus de 40 % des effectifs. Ce sont 250 000 musulmans
d’Afrique du Nord qui combattront pour la libération de l’Europe, entre 1943 
et 1945. Comment en aurait-il été autrement ? Lorsqu’en novembre 1942, les
Alliés débarquent en Algérie et au Maroc, l’Afrique du Nord devient le tremplin
à partir duquel ils vont libérer l’Europe de l’Ouest. La France est alors occupée par
l’armée  allemande  et  un  million  de  Français  sont  prisonniers  en  Allemagne. 
En Algérie ne subsiste qu’une armée autorisée par la convention d’armistice et
limitée à 100 000 hommes,. 
Où trouver les hommes en nombre suffisant pour constituer une armée française
capable de participer de façon significative à la reconquête de la France aux côtés 
des  Alliés,  sinon  en  Afrique ?  Au  1er novembre  1944,  cette  armée  compte
Dossier I Soldats de France I
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