« Le métier de
concessionnaire est
un prolongement
naturel du métier de
constructeur »
Synergie : La crise qui sévit depuis 2008
a-t-elle compliqué le nancement des
concessions et des PPP ?
M.R. : Il est à la fois plus difcile et plus
onéreux de trouver des nancements.
Jusqu’ici, toutefois, nous y sommes
toujours parvenus chez Eiffage. Mais
nous sommes très attentifs car certains
projets menés par des concurrents n’ont
pu aller au bout. Le nombre de banques
capables de prêter sur le long terme est
devenu très faible. Et il faut aller les
chercher hors de France.
Synergie : Certains PPP ont été critiqués
comme le Centre hospitalier sud-
francilien (CHSF, Essonne)… Y a-t-il de
bons et de mauvais PPP ou concessions
comme il peut y avoir de plus ou moins
bons chantiers ?
M.R. : Certains clients savent moins
bien que d’autres gérer des PPP. Ainsi,
l’administration hospitalière est très
décentralisée. Chaque directeur est
autonome et ne construit généralement
qu’un hôpital dans sa vie. Il n’y a dans
ce domaine aucune capitalisation de
la connaissance. Les commanditaires
de la cité sanitaire de Saint-Nazaire, en
Loire-Atlantique, réalisée par Eiffage,
ne vont pas réitérer l’opération ailleurs.
En ce qui concerne spéciquement le
CHSF, les directeurs sont restés moins
d’un an en moyenne en poste, puis
ils sont partis alors qu’ils avaient à
peine pris connaissance du projet ! Au
demeurant, les PPP se prêtent mal aux
évolutions que requièrent les techniques
médicales. Il faudrait, pour ce faire,
introduire dans les contrats des clauses
d i f c i l e s à r é d i g e r e t à m e t t r e e n œ u v r e .
À l’inverse, le ministère de la Justice
dispose d’une équipe centralisée, qui a
réalisé un grand nombre de PPP. L’Agence
publique pour l’immobilier de la justice
(Apij) a plus d’expérience en la matière
que l’Agence nationale d’appui à la
performance des établissements de santé
et médico-sociaux (Anap). Et les prisons
ou les palais de justice évoluent peu. De
manière générale, dans le BTP, si nous
n’avons pas un bon client, l’exécution de
notre contrat est difcile et coûteuse. Les
PPP n’échappent pas à la règle.
« En étant
concessionnaire ou
en se lançant dans
des PPP, Eiffage a
acquis un statut
différent auprès des
pouvoirs publics »
Synergie : Quelle est l’attitude du
nouveau pouvoir en la matière ?
M.R. : Le gouvernement en place y paraît
moins favorable que ne l’était son
prédécesseur, mais il se heurte aux
mêmes contraintes. Il sera donc tenté
d’y recourir pour nancer des projets
qu’il jugera nécessaire au pays. À cet
égard, l’argument qu’avancent certains
détracteurs des PPP – en leur reprochant
de faire supporter le coût des ouvrages
aux générations futures – ne tient pas.
Lorsqu’un projet est réalisé en maîtrise
d’ouvrage publique traditionnelle, il faut
aussi emprunter et rembourser sur le
long terme ! Et réaliser un hôpital, une
école ou un collège bénéciera, en outre,
directement aux futurs adultes.
Critiquer les PPP au motif qu’ils privent les
PME de certains marchés n’est pas non
plus recevable : pour la construction de
la plupart des grandes infrastructures
ou des grands bâtiments, nous faisons
largement appel à la sous-traitance et
aux entreprises locales. Au demeurant,
le président de la région Aquitaine, Alain
Rousset, un opposant afché aux PPP,
se félicite de la réalisation de l’A65
Pau (Pyrénées-Atlantiques)-Langon
(Gironde) en concession…
Synergie : Comment voyez-vous le
développement de ces métiers à l’avenir ?
M.R. : Les concessions correspondent à
un modèle éprouvé et à une tradition
ancienne. Le cycle des présidentielles
ne devrait pas le remettre en cause.
Il y a des besoins à satisfaire dans de
nombreux domaines – en matière de
transport, de parkings et d’équipements
visant à rendre la vie plus agréable à
nos concitoyens.
Via les concessions et les PPP, Eiffage a
acquis un statut différent auprès des
pouvoirs publics : le Groupe peut être
réellement force de proposition auprès
des mairies, des conseils généraux et
régionaux ou de l’État. Grâce à ce type de
dialogue, il peut ainsi, y compris en cas de
crise, trouver plus aisément de l’activité
qu’un simple constructeur. —
BIO EXPRESS
SYNERGIE #18
Janvier 2013 5