Résultatives et traductologie

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MATER 1 : Résultatives et traduction
MATER 1 : Résultatives et traduction
— We jogged back in the short winter twilight:
Nous revînmes au petit trot dans le court crépuscule d'hiver.
Résultatives et traductologie
— He crawled to the other side of the road:
Il gagna en rampant l’autre côté de la route.
1. Le chassé-croisé
VINAY & DALBERNET 1958, Stylistique comparée du Français et de l'Anglais, Paris,
Ellipse : 105 sqq.
« § 88. Le chassé-croisé: Dans la description du réel l'anglais suit généralement l'ordre
des images, le déroulement ou si l’on veut le film de l'action. Même dans le domaine du
concret, le français préfère un ordre qui n'est pas nécessairement celui des sensations.
Soit, par exemple, la phrase:
Il a regardé dans le jardin par la porte ouverte.
Le français va tout de suite au résultat, dans ce cas, la chose regardée. Ensuite il indique
la façon dont l’action s’est accomplie, dans ce cas, l’itinéraire du regard. C’est là une
démarche à peu près constante de l’esprit français: d'abord le résultat, ensuite le moyen.
Par contre, l`anglais suit l'ordre des images; or il est évident que le regard a traversé la
porte avant d’aboutir au jardin. D'où la traduction:
He gazed out of the open door into the garden. »
“We dissect nature along lines laid down by our native languages.” B. L. Whorf.
VINAY & DALBERNET 1958, Stylistique comparée du Français et de l'Anglais, Paris,
Ellipse : 105 sqq.
« Il s’établit ainsi entre les deux langues un chassé-croisé. Le résultat est marqué en
anglais par la particule (préposition ou postposition) occupant dans la phrase la même
place que la locution adverbiale qui en français indique la modalité de l'action. Cette
modalité est rendue en anglais par le verbe lui-même, alors que le verbe français indique
le résultat. Le chassé-croisé apparaît clairement dans le tableau suivant:
moyen :
blown
par le vent
résultat :
emporté
away
ou plus graphiquement:
blown
emporté
— Blériot flew across the Channel:
Blériot traversa la Manche en avion.
— She tiptoed down the stairs:
Elle descendit l’escalier sur la pointe des pieds. »
***
CHUQUET & PAILLARD, 1987, Approche linguistique des problèmes de traduction anglaisfrançais, Ophrys : 13-14.
« On appelle chassé-croisé une double transposition où l’on a à la fois changement de
catégorie grammaticale et permutation syntaxique des éléments sur lesquels est
réparti le sémantisme. Ce procédé se rencontre surtout dans la traduction des verbes
anglais suivis d’une préposition ou d’une particule adverbiale, notamment les phrasal
verbs. Le cas des plus fréquents est celui des verbes décrivant un déplacement, où l’on
trouve le schéma suivant :
Anglais
Français
Verbe : qualification
Verbe : direction du déplacement
Particule adverbiale : direction du
Syntagme adverbial : qualification
déplacement
He hurried on.
The young woman is walking briskly
away.
He groped his way across the room.
The crowd backed away.
Exemples
Il reprit sa route sans perdre de temps.
La jeune femme s’éloigne d’un pas court et
rapide
Il traversa la pièce à tâtons.
La foule s’écarta à reculons. »
« Mais l’emploi du chassé-croisé correspond aussi aux relations très variées
susceptibles d’être exprimées par les phrasal verbs anglais, comme par exemple :
…les retient de rendre les coups.
…prevents them from hitting back.
[Phrasal? / Résultatif?]
Don’t worry, it’ll wash out.
…ça partira au lavage. »
away
par le vent
— An old woman hobbled in from the back:
Une vieille femme arriva en boitant de l'arrière-boutique.
Il est également utilisé dans la traduction de structure de type résultatif, comme :
He flung the door open.
He worked himself to death.
Il ouvrit la porte brutalement.
Il s’est tué à la tâche. »
MATER 1 : Résultatives et traduction
MATER 1 : Résultatives et traduction
1.2. Chassé-croisé et allègement
CHUQUET & PAILLARD, 1987, Approche linguistique des problèmes de traduction anglaisfrançais, Ophrys : 13-14.
« On notera enfin que le chassé-croisé se réalise souvent de façon incomplète,
notamment dans le cas des verbes de mouvement, le mode de déplacement restant
implicite en français :
Then he walked out of the office.
We drove out of the city.
To cycle on through the dark.
Puis il est sorti du bureau.
Nous sommes sortis de la ville.
Poursuivre ma route toute l’année. »
Here are four statements from independent witnesses positively IDing Beck. (HCoben, Tell
No One: 290)
Voici quatre dépositions de témoins indépendants qui ont formellement identifié Beck.
(Trad : Roxane Azimi : 341)
VINAY & DALBERNET 1958, Stylistique comparée du Français et de l'Anglais, Paris, Ellipse :
105 sqq.
« Dans d’autres cas le chassé-croisé est incomplet parce que le français omet la modalité
de l'action comme allant de soi. Ex. :
— The horsemen rode into the yard:
Les cavaliers sont entrés dans la cour.
DURAND & HARVEY, 2000, Méthode et pratique du thème anglais, Nathan : 35.
« Le français a tendance à omettre la modalité d'une action quand elle va de soi. Il est
évident que la manière normale de se déplacer pour un avion est de voler, pour un
bateau de voguer sur l'eau … On dit donc tout simplement qu'un avion traverse
l'atlantique, qu'un bateau entre dans le port. Il paraîtrait redondant de préciser qu'ils
le font en volant en voguant. A l'inverse, la langue anglaise éprouve le besoin d'ajouter
cette précision et elle le fait grâce au verbe qui sert de support à la postposition.
exemple : le navire sortit du port
the ship sailed out of the harbour.
Le verbe anglais qui précède la postposition peut au contraire fournir une véritable
information sur la manière dont s'effectue le mouvement. La langue française précise
d'abord le résultat de l'action, puis la façon dont elle s'est accomplie.
He tottered down the stairs. »
exemple : Il descendit en titubant
Il est parfaitement clair pour un Français que les cavaliers sont entrés à cheval.
Autrement, on le dirait. De même:
— The ship was steaming up the Hudson :
Le navire remontait le Hudson.
[…] Un oiseau se déplaçant le plus souvent en volant, nous nous contenterons de rendre
"A bird flew into the room" par "Un oiseau est entré dans la pièce".
[…]
Mais il serait contraire au génie de la langue française d'entrer dans ce genre de détail,
puisqu'elle préfère le plan de l'entendement. Le chassé-croisé tel que nous l’avons décrit
représente une différence de comportement entre les deux langues. On ne peut guère
l'éviter dans le genre de phrases que nous venons d'étudier. Toutefois il reste en partie
implicite chaque fois que le français juge inutile de préciser la façon dont l’action s'est
accomplie. »
vP
NP
He
“Did the monkey do that?” Petey whispered.
“Come on,” Hal said, zipping the bag shut. “I’ll tell you while we ride out to the home
place.”
(Stephen King, Short Stories: 84)
v'
v
[CAUSE = worked]
PP
NP
P'
himself
to death
We sat on a stoop somewhere in Queens. I couldn’t tell you where exactly. A Latin rhythm
tah-tah-tahhed, the beat driving into my chest.
(HCoben, Tell No One: 253)
On s’est assis sur un perron quelque part dans Queens. Je ne saurais dire où exactement. Un
rythme latino me martelait la poitrine. (Traduction : Roxane Azimi : 299)
- C’est le singe qui a fait ça, murmura Petey.
- Viens, dit Hal, en tirant sur la fermeture du sac. Je t’expliquerai dans la voiture. [Trad
Michel Oriano]
MATER 1 : Résultatives et traduction
MATER 1 : Résultatives et traduction
VOCABULAIRE
1.3. Le chassé-croisé impossible
Atélique –Atelic (See also telic)
“1. Denoting an activity which has no recognizable goal the achievement of
which would necessarily bring the activity to an end, as in the example Janet is
sleeping and I can speak very good French. 2. Denoting a verb or a predicate
which, intrinsically or in a particular instance, exhibits this semantic property
such as the verbs in the preceding examples.” L.R. Trask, 1993, A Dictionary Of
Grammatical Terms In Linguistics.
I.E. : Un procès atélique dénote une activité qui n’a pas de terme qui serait tel
qu’il correspondrait à un point au-delà duquel l’activité ne pourrait pas se
poursuivre.
Les tests avancés pour tester la télicité ou l’atélicité d’un procès sont la
compatibilité des compléments de mesure en IN et en FOR :
Janet has been sleeping for 5 hours / * in 5 hours.
Atélique
Janet has worked it out in 5 minutes / * for 5 minutes. Télique
Un autre test (moins systématique) repose sur l’alternance entre STOP et
FINISH :
Janet stopped crying. / ?Janet finished crying.
We will reveal the object once you have finished writing down your answer.
VINAY & DALBERNET 1958, Stylistique comparée du Français et de l'Anglais, Paris, Ellipse :
105 sqq.
« Il n’est pas toujours possible d’appliquer le procédé du chassé-croisé. Une simple
phrase telle que "Come out of the rain!", qui est une façon typiquement anglaise de
rendre la réalité, ne peut se traduire en français sans recourir à une modulation:
"Ne restez pas sous la pluie!"
Le point de départ de cette traduction est que nous disons "être sous (et non : dans) la
pluie". Il n’est donc pas possible de sortir de la pluie. D’où la modulation par contraire
négativé (224) :"come : ne pas rester". »
• Lexicalisation de la relation de causalité:
He will not be able to talk his way out of joint responsibility that easily.
Il ne pourra pas se soustraire à la responsabilité conjointe aussi facilement. (Linguee)
•
Télique – Telic
“1. Denoting an activity which has a recognizable goal the achievement of
which would necessarily bring the activity to an end, as in the example Lisa is
cleaning the fridge and We drove to Canterbury. 2. Denoting a verb or a
predicate which, intrinsically or in a particular case, exhibits this semantic
property such as the verbs in the preceding examples.” L.R. Trask, 1993, A
Dictionary Of Grammatical Terms In Linguistics.
“One common way to gauge whether an English verb phrase is telic is to see
whether such a phrase as in an hour can be applied to it. Conversely, a
common way to gauge whether it's atelic is to see whether such a phrase as
for an hour (a time-span adverbial) can be applied to it. This can be called the
time-span/time-frame test. According to this test, the verb phrase built a
house is telic, whereas the minimally different built houses is atelic:
Fine: "John built a house in a month."
Bad: *"John built a house for a month."
→ built a house is telic
Bad: *"John built houses in a month."
Fine: "John built houses for a month."
→ built houses is atelic”
(Source : Wikipedia)
En laissant la relation de causalité implicite:
The committee finds that the member engaged in grooming behaviour designed
to get close to [the student], coerce her into having sexual intercourse with
him and shame her into not disclosing the incidents for several years".
«Le comité est d'avis que M. Stewart-Ajamu a adopté un comportement de préparation pour
se rapprocher [de l'élève], l'a contrainte à avoir des relations sexuelles avec lui et l'a
couverte de honte, l'empêchant de parler de ces incidents pendant de nombreuses années.
•
Redondance sémantique:
In the past 14 months, nine Roma have been murdered during a killing spree in Hungary. In
August, gunmen invaded the home of an impoverished Roma widow, Maria Balogh, shot her
to death, and wounded her 13-year-old daughter.http://www.projectsyndicate.org/commentary/wolfensohn6/English
Au cours des 14 derniers mois, neufs Roms ont péri dans une folie meurtrière en Hongrie. En
août, des hommes armés ont fait irruption dans le foyer de Maria Balogh, une pauvre veuve
rom. Ils l’ont abattue et blessé sa fille âgée de treize ans.
On trouve également des :
They killed him dead.
MATER 1 : Résultatives et traduction
MATER 1 : Résultatives et traduction
a. John laughed himself silly on Saturday evening.
b. *John laughed himself on Saturday evening silly.
c. *John laughed on Saturday evening himself silly.
***
1.4. Qu’est-ce qu’une résultative ?
On a vu que V&D ou C&P privilégient les résultatives de changement de localisation comme
les résultatives typiques. Mais il existe plusieurs formes de résultatives qui varient à la fois
sur la syntaxe et sur la sémantique. Et pourtant c’est l’articulation syntaxe / sémantique qui
définit les résultatives.
1.4.1. La syntaxe des résultatives1
La syntaxe des résultatives est assez stable, mais ses arguments varient en fonction de la
structure verbale et du type de complément télique:
- Le nombre de compléments est limité à 2:
3.
John drank beer himself to death.
John drank himself to death.
*John drank beer himself to death.
1
2
3
1.4.2. La sémantique de la structure résultative
En première analyse
Sujet
Verbe
complément
complément
NP
V
(NP)
AdjP/AdvP/PP
1
John
hammered
the sword
flat
2
Jane
Laughed
herself
to death
3
The door
slammed
(the door)
shut
4
He
elbowed
his way
to the door
5
They
chopped
the tree
down
6
She
whistled
her way
down the street
7
She
hitchhiked
(her way)
to London
[NPsubject
V
John hammered
The wind
blew
ResP2]
flat
away
NPcontrolled
the sword
the tissue
Comme les causatives, les résultatives ont une sémantique causale.
Mais à la différence des causatives stricto sensu, le verbe fait l’objet d’une qualification
lexicale qui exprime le moyen/instrument.
Controle
ur
PREDICAT DE
CAUSE
Contrôlé
EXPLICITE
become/mov
e
IMPLICITE
vP
DP
Une variante du schéma 5 : The chopped down the tree / The dog barked away the
burglars…
- Notez que la small clause forme un bloc et a valeur de complément.
insérer d’adjoints au sein de cette structure :
1.
a. John hammered the sword flat in the workshop.
b. *John hammered the sword in the workshop flat.
c. *John hammered in the workshop the sword flat.
2.
John v
On ne peut pas
CAUSE
VP
DP
the sword/l'épée V
V'
AP
ETAT RESULTANT flat/plate
1
En français les résultatives n’existent pas ou alors sous une forme marginale : Je vais bidouiller une solution =
je vais trouver une solution en bidouillant. Il ne s’agit que d’un phénomène.
v'
2
RESULT PHRASE (j’imagine)
état/loc résultant
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