Le cerveau a-t-il un genre ? Revue de la littérature chez les adultes

Journal Identification = PNV Article Identification = 0496 Date: December 3, 2014 Time: 1:49 pm
Synthèse
Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil 2014 ; 12 (4) : 404-12
Le cerveau a-t-il un genre ?
Revue de la littérature chez les adultes
jeunes et âgés
Does the brain have a gender?
A literature review in younger and older adults
Laurie CompÈre
Pascale Piolino
Université Paris Descartes, Sorbonne
Paris Cité, Paris, France ; Institut de
psychologie, Boulogne Billancourt,
France ; Inserm U894, Centre de
psychiatrie et neurosciences,
Laboratoire mémoire et cognition,
Paris, France
Tir ´
es `
a part :
P. Piolino
Résumé. Bien que les origines des différences liées au genre soient encore controversées,
aujourd’hui leur existence au niveau cognitif ne l’est plus. Les données de la littérature favo-
risent l’hypothèse de style cognitif, qui suggère qu’hommes et femmes ne privilégieraient
pas les mêmes stratégies lors de la réalisation d’un certain nombre de tâches. La mémoire
épisodique autobiographique se trouve être une des fonctions cognitives marquée par de
tels effets et être également une des premières fonctions cognitives touchée par l’âge.
Le peu d’études de la littérature s’étant penchées sur la question des différences liées au
genre laissent penser que cet effet disparaîtrait avec l’âge. Nous discutons cependant de
l’intérêt d’étudier ces différences afin de mieux comprendre les différents profils cognitifs
dans le vieillissement normal et pathologique. Une meilleure connaissance de l’évolution
de ce facteur au cours du vieillissement fournirait ainsi l’opportunité de proposer une prise
en charge personnalisée tenant compte des stratégies favorisées lors de la réalisation de
tâches que l’âge ou la pathologie rendrait problématique.
Mots clés : âge adulte, genre, mémoire, vieillissement pathologique, vieillissement sain
Abstract. There are no longer doubts about the existence of gender’s differences in cog-
nition, only their origin is still controversial. The literature provides evidence of differences
in cognitive performance and brain activation patterns and links these differences in men
and women with biological, social and psychological measures. To date, the favored hypo-
thesis explaining these differences is the cognitive style hypothesis according to which
women and men would favor different strategies while resolving some tasks. Some of
these tasks are autobiographical memory tasks, which are also the most sensitive to the
effects of age but very few studies had explored the impact of aging on the differences in
cognition between men and women. We discuss the importance of such studies about the
gender’s differences in aging. A better understanding of gender differences in cognition in
pathological aging as in health would provide the opportunity to offer a more personalized
care.
Key words: adulthood, gender, memory, healthy aging, pathological aging
Dans la littérature clinique et scientifique, le terme
de «sexe »correspond souvent à l’aspect bio-
logique exprimé en termes dichotomiques alors
que le «genre »se réfère généralement aux aspects
psycho-sociaux et comportementaux qui dépassent cette
catégorisation binaire. Cependant, comme le «sexe »,le
«genre »a également tendance à être exprimé en termes
dichotomiques dans la plupart des sociétés occidentales
et de ce fait, ces termes peuvent parfois être utilisés de
fac¸on interchangeable bien que le terme de «genre »soit
préférablement choisi pour désigner une variable de nature
psychologique, se référant à la combinaison de la concep-
tion du self d’un individu et de son rôle dans la société [1].
Bien que différents auteurs se soient intéressés aux diffé-
rences liées au sexe ou au genre dans la cognition dans une
perspective développementale, peu se sont intéressés à
leur persistance ou modification lors du vieillissement. Pour-
tant, compte tenu du nombre croissant de liens effectués
entre l’expression de ces différences dans la population
saine et l’expression de certaines pathologies, la prise en
compte de ces différences liées au genre dans la population
âgée pourrait contribuer à une meilleure compréhension du
vieillissement normal et pathologique.
La question des effets du sexe ou du genre sur la cogni-
tion a été l’objet de vifs débats entre inné et acquis. En effet,
la question de qui de la nature, le sexe, ou de la culture, le
doi:10.1684/pnv.2014.0496
404 Pour citer cet article : Compère L, Piolino P. Le cerveau a-t-il un genre ? Revue de la littérature chez les adultes jeunes et âgés. Ger Psychol Neuropsychiatr
Vieil 2014; 12(4) :404-12 doi:10.1684/pnv.2014.0496
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Le cerveau a-t-il un genre ?
genre, rend mieux compte des différences entre les capa-
cités cognitives des deux sexes est toujours d’actualité.
L’origine des différences liées au sexe ou au genre est donc
un point controversé de la littérature, pour lequel cet article
n’a pas vocation de proposer un consensus, mais de dis-
cuter les différentes interprétations proposées à ce jour en
regard du vieillissement. Cependant, force est de consta-
ter que si certaines différences entre hommes et femmes
sont souvent dichotomiques et liées au sexe comme les
différences physiques, hormonales ou chromosomiques,
certaines différences sont plus d’ordre statistique comme
les différences de performances observées d’un point de
vue cognitif entre les hommes et les femmes. Ainsi, nous
faisons le choix d’utiliser le terme de différences de genre
pour nous référer à ces différences de performances cog-
nitives compte tenu de la grande variabilité inter individus
incompatible avec la notion de sexe à connotation trop
dichotomique. Ce choix est réalisé indépendamment de la
nature biologique ou culturelle des facteurs qui influence
les performances cognitives et en toute conscience que
seule une partie des études citées rapporte des évaluations
relatives au genre stricto sensu.
Différences liées au genre
dans la cognition
Seules certaines tâches cognitives communément
proposées en laboratoire sont sujettes à l’expression de
ces différences. En effet, certaines tâches spatiales comme
celles qui impliquent un traitement de rotation mentale
d’objets en trois dimensions montrent les différences
de genre les plus importantes en faveur des hommes.
Néanmoins, ces résultats semblent varier selon les tâches
examinées. En effet, seules la perception spatiale et la
rotation mentale - c’est-à-dire, respectivement, la capacité
à déterminer l’information spatiale en dépit d’informations
distractrices et la capacité à faire pivoter rapidement dans
son esprit des objets en deux ou trois dimensions - donnent
lieu à des différences significatives entre les groupes [2].
L’ampleur de ces différences pourrait être affectée par
l’utilisation de différentes stratégies de traitement à la réso-
lution des items [3]. En effet, dans les tâches de navigation
spatiale, par exemple, les hommes auraient tendance à
favoriser une stratégie plus allocentrée, c’est-à-dire à plus
se baser sur la position de points de repères généraux
comme des distances ou des directions, tandis que les
femmes auraient plus tendance à utiliser une stratégie égo-
centrée, c’est-à-dire qui implique plus de points de repères
locaux et d’indices directionnels liés à soi [4]. Et, contre
Tableau 1. Résumé des tâches en laboratoire dont les perfor-
mances présentent un effet du genre.
Table 1. Summary of laboratory tasks which performance presents
a gender’s effect.
Hommes Femmes
Tâches spatiales
Rotation d’objet + -
Perception spatiale + -
Navigation spatiale + -
Localisation d’objets - +
Tâches verbales Fluences - +
Tâches mnésiques
Mots - +
Images - +
Visages - +
Textes - +
Tâches motrices Atteindre une cible + -
Motricité fine - +
toute attente, au moins une tâche spatiale, celle du rappel
de la localisation d’objet, semble favoriser modérément les
femmes [5]. Cette exception corrobore un certain nombre
de résultats qui suggèrent un avantage féminin dans des
tâches mnésiques concernant la rétention de tous types
de matériel comme des mots, des images concrètes, des
visages ou des textes narratifs, dans lesquelles l’utilisation
de stratégies verbales pourrait parfois être à l’origine de
ces différences [6]. Enfin, en ce qui concerne le domaine
moteur, les résultats dépendent des tâches utilisées : les
femmes vont obtenir de meilleures performances dans
des tâches de motricité fine, tandis que les hommes
présenteront un avantage dans les tâches motrices exi-
geant de lancer un objet afin d’atteindre une cible [7]
(tableau 1).
Des différences de structure
cérébrale
Ces différences apparaissant dans différentes cultures
[8], les chercheurs ont longtemps étudié l’influence de fac-
teurs biologiques régulant tant les aspects structurels que
fonctionnels de la cognition. Du point de vue cérébral, il
est effectivement intéressant de noter le nombre crois-
sant d’études structurelles et fonctionnelles du cerveau
chez l’humain mettant en évidence des différences liées au
genre [9]. Ces différences sont également rapportées par
des études neurobiologiques utilisant des animaux et pour
lesquelles les explications culturelles humaines ne peuvent
pas expliquer les différences observées et semblent révéler
des mécanismes «spécifiques au sexe »dans le cerveau
[1].
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L. Compère, P. Piolino
Globalement, les hommes ont un volume cérébral plus
important que les femmes, mais des différences plus
locales existent, par exemple, au niveau du volume et de
la densité du tissu de l’amygdale, de l’hippocampe et de
l’insula, des régions bien connues pour être impliquées
dans la régulation émotionnelle et dans plusieurs patho-
logies psychiatriques dont l’expression et/ou la prévalence
diffère selon le sexe des patients [10]. Le lien entre ces dif-
férences structurelles et les performances cognitives a été
mis en évidence dans plusieurs études ; par exemple, en
ce qui concerne la tâche de rotation spatiale les meilleures
performances chez les hommes ont été mises en lien avec
la volumétrie du lobe pariétal [11]. Ces données pourraient
refléter l’effet d’un ensemble de facteurs multiples, ce qui
constitue une question scientifique complexe.
Des différences hormonales
Les hormones influencent de fac¸on non négligeable
l’organisation de la structure cérébrale, que ce soit précoce-
ment, à la puberté ou à l’âge adulte. L’étude de l’influence
des hormones prénatales dans des populations cliniques ou
non cliniques exposées à de hauts niveaux d’androgènes in
utero, comme le cas de personnes atteintes d’hyperplasie
congénitale des surrénales [12] ou le cas des «faux »
jumeaux de sexe différent [13], semble fournir la preuve que
les hormones prénatales influencent la cognition et particu-
lièrement les performances de rotation spatiale. Dans ce
dernier cas par exemple, les études ont montré que les
jumeaux de sexe féminin obtiennent de meilleures perfor-
mances lorsque leur «faux »jumeau est de sexe masculin
que lorsqu’il est de sexe féminin. Néanmoins, l’effet de ces
hormones à un stade précoce du développement est diffi-
cile à déterminer : influencent-elles directement le pattern
des performances cognitives ou le goût pour les activités
qui le fac¸onne ? En effet, il a également été mis en évi-
dence que les capacités spatiales des femmes atteintes
d’hyperplasie congénitale seraient en partie influencées par
un intérêt prononcé pour les activités considérées comme
typiquement masculines [14].
En ce qui concerne les hormones post-natales, l’étude
des performances des femmes selon l’avancée de leur
cycle menstruel, associée ou non à la prise d’un contra-
ceptif oral, a mis en évidence un effet de cette avancée
sur leurs performances lors de la réalisation de tâches
de vitesse motrice, visuospatiale [15] et de mémoire ver-
bale [16]. Ces résultats suggèrent que la phase lutéale,
associée à une concentration plus importante d’hormones,
soit le moment où les femmes présentent un fonction-
nement cognitif le plus marqué par l’effet du genre. Ces
résultats sont également corroborés par des différences
d’activations cérébrales en fonction des concentrations hor-
monales : les niveaux d’hormones semblent influencer le
pattern d’activité cérébrale observé en imagerie par réso-
nance magnétique fonctionnelle (IRMf) lors de la réalisation
de tâches sensibles aux différences de genre dans l’aimant
chez les hommes comme chez les femmes [17].
Des différences de régulation
de l’émotion
Au-delà de ces différences liées au genre concernant
certaines tâches proposées en laboratoire, il existe de plus
en plus de preuves que les différences liées au genre
sont plus étendues que ce qui était supposé au départ
[1]. En effet, plusieurs sets de données dans la littéra-
ture suggèrent que les femmes ressentent les expériences
négatives de fac¸on plus intense et fréquente que les
hommes. Par ailleurs, plusieurs études en neuroimagerie
suggèrent également que les femmes pourraient recruter
différentes régions cérébrales que les hommes durant la
perception des émotions, il s’agirait donc plus précisément
de différences dans les circuits neuronaux des processus
de régulation de l’émotion [18]. Ces différences rendraient
les femmes plus enclines à ruminer des pensées négatives
à la suite d’un évènement négatif ou après induction d’une
humeur négative, ce qui contribuerait à la prévalence double
du trouble dépressif majeur chez les femmes [19].
Dans le domaine mnésique, les femmes rappellent
plus d’informations émotionnelles que les hommes. Néan-
moins, l’émotivité per se semble être un prédicteur plus
robuste de la mémoire de l’information émotionnelle [20].
L’influence différentielle de l’émotion sur la mémoire chez
les hommes et chez les femmes est également sous-
tendue par des données en neuroimagerie mettant en
évidence des différences au niveau de l’implication de
l’amygdale lors de l’encodage réussi d’un matériel émotion-
nel verbal comme visuel [21]. Cependant, les différences
liées au genre apparaissant également sur du matériel
neutre acquis lors d’un encodage incident, une gestion diffé-
rente de l’émotion ne peut expliquer à elle seule l’avantage
féminin constaté en mémoire [20].
L’influence des représentations
sociales
En effet, les effets liés aux stéréotypes de genre
peuvent également influencer la cognition et présentent la
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Le cerveau a-t-il un genre ?
particularité de se développer très tôt dans la vie, et cela
dans la plupart des cultures puisque presque toutes les
sociétés possèdent des standards différents de compor-
tement pour les femmes et les hommes [22]. Ainsi, les
données issues de la recherche en psychosociologie cog-
nitive suggèrent que les individus forment activement des
schémas de genre à travers leurs relations sociales qui
à leur tour sculptent leurs choix comportementaux [23].
Un des meilleurs exemples de l’impact des stéréotypes
sur la cognition est le phénomène de menace du stéréo-
type lié à l’appartenance à un groupe social estampillé
négativement ou positivement (exemple : «les personnes
jeunes ont de meilleures performances que les personnes
âgées »). Lorsque le stéréotype est activé, la personne
présente une tendance plus importante à confirmer le sté-
réotype négatif ou positif à propos de son groupe social [24].
Par exemple, quand un test de mathématiques est décrit
comme mettant en évidence des différences de genre
dans les performances en faveur des hommes, les femmes
obtiennent de moindres performances que les hommes ;
mais quand le même test est présenté comme ne pro-
duisant aucune différence de performances, les femmes
présentent des performances équivalentes à celles des
hommes [24]. De la même fac¸on, lorsque les consignes
avant une tâche de rotation mentale insistent sur l’avantage
féminin dû au fait que les femmes sont meilleures à prendre
différentes perspectives que la leur, elles obtiennent de
meilleures performances que les hommes [25]. Une étude
en IRMf a mis en évidence que l’exposition a un stéréo-
type positif donne lieu à des activations plus importantes
dans les régions nécessaires à la réalisation de la tâche tan-
dis que l’exposition à un stéréotype négatif s’accompagne
d’une activation plus importante dans les régions associées
à la charge émotionnelle, ce qui suggère que les straté-
gies les plus adaptées sont favorisées par l’exposition à
un stéréotype positif [25]. Sans exposition préalable à un
stéréotype en particulier, plus les stéréotypes de genre
sont présents (plus ou moins explicitement) dans les répré-
sentations d’une personne, plus les performances sont
marquées par l’effet du genre. De plus, plus les perfor-
mances sont marquées par l’effet du genre et plus les
niveaux de testostérone sont élevés chez les hommes et
bas chez les femmes, ce qui suggère que les hormones
pourraient avoir un effet médiateur sur l’expression des sté-
réotypes de genre sur les performances comportementales
[26].
L’influence des stéréotypes pourrait contribuer au fait
que les femmes, en comparaison avec les hommes,
présentent un avantage dans les fonctionnements socio-
cognitifs et affectifs qui sont liés au vécu et à l’expression
de l’empathie, l’empathie étant définie comme la capacité
à partager et comprendre les sentiments d’autrui [27]. En
effet, la plupart des études concernant l’empathie se sont
basées sur des autoquestionnaires, sensibles aux réponses
normatives reflétant un biais et confirmant les stéréotypes
du rôle social associés à un genre [28]. Néanmoins, bien
que ces évaluations subjectives aient un effet sur les per-
formances comportementales, elles ne les expliquent pas
totalement. En effet, une fois contrôlé l’investissement
social rapporté subjectivement, l’effet du genre dans la
reconnaissance des visages diminue mais ne disparaît pas,
ce qui soutient que l’engagement social subjectivement
plus important des femmes explique seulement en partie
la supériorité féminine dans la reconnaissance des visages
[29].
De plus, l’appartenance à un genre ne semble pas être
la seule variable influenc¸ant l’identité de genre. En effet,
l’orientation sexuelle a également son importance dans le
sens où les hommes homosexuels sont perc¸us comme
ayant des traits de personnalité similaires aux femmes hété-
rosexuelles et les femmes homosexuelles comme ayant
des traits de personnalité similaires aux hommes hétéro-
sexuels [30]. Or, justement, les participants homosexuels
présentent un pattern de réponse correspondant à celui
de l’autre genre à certaines tâches sensibles aux effets du
genre comme des tâches visuospatiales [31], motrices [7]
et verbales [32], ce qui laisse supposer que ce sont les dif-
férences de représentations de différents groupes sociaux
qui sont responsables de ces différences de performances.
Le cas particulier de la mémoire
autobiographique
À l’intersection de ces différents traitements, se trouve
la mémoire autobiographique. On distingue dans cette
mémoire à long terme un versant plus épisodique, c’est-
à-dire les évènements personnellement vécus avec leur
contexte et leurs détails, et un versant plus sémantique des
informations générales liées à soi. La mémoire autobiogra-
phique est, par sa nature, beaucoup plus complexe à évaluer
d’un point de vue méthodologique en comparaison avec
les traitements mentionnés jusqu’ici puisqu’elle nécessite
d’évaluer la mémoire personnelle à partir d’indices standar-
disés. Cependant, l’intérêt croissant dont elle fait preuve est
justifié par son importance dans le fonctionnement cogni-
tif quotidien comme le prouvent les nombreuses plaintes
mnésiques faisant l’objet d’une consultation dans les popu-
lations vieillissantes.
Les gender’s studies ont également mis en évidence
des patterns comportementaux différents qualitativement
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L. Compère, P. Piolino
et quantitativement entre hommes et femmes lors de
l’évaluation de la mémoire autobiographique à des âges très
différents. En effet, dès l’adolescence, les récits autobiogra-
phiques des femmes sont plus longs, plus élaborés et leur
fil est plus cohérent que ceux des hommes [33] ; il en est
de même à l’âge adulte, où les femmes se rappellent éga-
lement plus d’évènements de vie, plus rapidement et les
datent avec plus de précision que ne le font les hommes
[1]. Il semblerait donc que ce soit plus la mémoire des
détails donc la mémoire épisodique autobiographique qui
soit sujette à l’expression de ces différences plutôt que la
mémoire sémantique ou la mémoire des faits et connais-
sances générales autobiographiques.
Deux hypothèses tentent d’expliquer ces différences de
performances mnésiques :
–lhypothèse d’intensité d’affect propose que les femmes
bénéficieraient d’un avantage mnésique dans la vie quo-
tidienne parce qu’elles vivraient plus intensément les
évènements de vie et se les rappelleraient donc plus inten-
sément et plus souvent que les hommes [34]. L’intensité
du ressenti des émotions aurait un impact sur les proces-
sus d’encodage et de récupération des souvenirs dont la
trace mnésique serait plus distinctive et les processus de
rappels répétés résulteraient d’une stratégie de régulation
de l’émotion qui impacterait donc les processus de conso-
lidation ;
en revanche, l’hypothèse du style cognitif avance que les
femmes différeraient des hommes au niveau de la fac¸on
dont elles encodent, se souviennent ou pensent à leurs
expériences du point de vue des stratégies privilégiées
lors de ces processus, différences de stratégies mises
en évidence en laboratoire, c’est-à-dire spatiales pour les
hommes et verbales pour les femmes [35].
À ce jour, et à notre connaissance, seules trois études
ont utilisé la neuroimagerie pour étudier les différences
liées au genre dans le rappel en mémoire autobiographique.
La première étude [36] met en évidence des mécanismes
neuronaux communs et distincts sous-tendant le rappel en
mémoire autobiographique chez les hommes et chez les
femmes. Quel que soit le genre, les activations étaient
observées bilatéralement dans le cortex cingulaire pos-
térieur, dans les aires temporales latérales et médianes
s’étendant aux régions hippocampiques et parahippocam-
piques et bilatéralement bien que surtout gauches dans les
cortex préfrontaux dorsolatéraux et ventrolatéraux. Seule
la région parahippocampique gauche était activée de fac¸on
plus importante chez les hommes que chez les femmes
tandis que le cortex préfrontal dorsolatéral droit était activé
de fac¸on plus importante chez les femmes que chez les
hommes. Dans le cas des souvenirs anciens et négatifs, les
femmes présentaient également une activation plus impor-
tante dans l’insula droite qui n’apparaissait pas dans le cas
des souvenirs négatifs récents. Les auteurs n’ayant pas
observé de différences comportementales entre les perfor-
mances des hommes et celles des femmes, interprètent
leurs données comme suggérant l’utilisation de différentes
stratégies cognitives lors de la récupération des souvenirs
autobiographiques. Selon eux, le recrutement plus impor-
tant du cortex préfrontal chez les femmes refléterait une
dépendance plus importante au contexte temporel alors
que chez les hommes, l’activation du gyrus parahippocam-
pique gauche impliquerait un appui plus important sur le
contexte spatial.
La deuxième étude en IRMf [37] réalisée sur les
différences liées au genre dans la mémoire autobiogra-
phique a montré que les hommes présentent un pattern
d’activation reflétant une reviviscence plus importante
lors de l’évocation du souvenir autobiographique à partir
d’indices de rappel visuo-spatiaux versus verbaux, tandis
que les femmes ne présentent pas de différences entre
les patterns d’activations évoqués par ces deux indices. Au
plan du comportement, il n’y avait pas de différences liées
au genre dans la reviviscence, l’émotion, l’importance et
la spécificité des souvenirs autobiographiques, mais cette
étude met le doigt sur un point important qui est que
les différences dans certaines études comportementales
de la mémoire autobiographique peuvent être le résultat
d’un biais favorisant le traitement verbal dans la méthode
d’évocation et d’évaluation des évènements rappelés, trai-
tement pour lequel les femmes sont avantagées.
Les auteurs de la dernière étude en neuroimagerie
publiée à ce jour [38] portant sur l’effet du genre lors
de l’évocation de souvenirs autobiographiques ont noté
que les deux précédentes s’appuyaient sur un paradigme
d’évocation de souvenirs autobiographiques sélectionnés
soit à partir d’un entretien précédant le scan [36] ou en
tenant un journal écrit d’évènements ou de photographies
prises les semaines précédentes [37]. Afin de s’assurer
que les résultats obtenus ne concernent pas seulement
des souvenirs évoqués ou encodés récemment, les auteurs
ont présenté aux participants des mots non présélection-
nés précédemment par les participants sur la base de leur
vécu. Contrairement aux deux précédentes études en neu-
roimagerie, les analyses comportementales montraient que
les femmes rappelaient plus de souvenirs négatifs que
les hommes. Outre les régions d’activation communes,
les femmes présentaient une activité augmentée lors du
rappel autobiographique spécifique en comparaison à la
tâche contrôle de fluence catégorielle dans le cortex pré-
frontal dorsolatéral, l’insula antérieure dorsale gauche et
le précunéus droit en comparaison aux hommes, toutes
valences de souvenir confondues. De plus, la comparaison
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