Journal Identification = PNV Article Identification = 0496 Date: December 3, 2014 Time: 1:49 pm
L. Compère, P. Piolino
et quantitativement entre hommes et femmes lors de
l’évaluation de la mémoire autobiographique à des âges très
différents. En effet, dès l’adolescence, les récits autobiogra-
phiques des femmes sont plus longs, plus élaborés et leur
fil est plus cohérent que ceux des hommes [33] ; il en est
de même à l’âge adulte, où les femmes se rappellent éga-
lement plus d’évènements de vie, plus rapidement et les
datent avec plus de précision que ne le font les hommes
[1]. Il semblerait donc que ce soit plus la mémoire des
détails donc la mémoire épisodique autobiographique qui
soit sujette à l’expression de ces différences plutôt que la
mémoire sémantique ou la mémoire des faits et connais-
sances générales autobiographiques.
Deux hypothèses tentent d’expliquer ces différences de
performances mnésiques :
–l’hypothèse d’intensité d’affect propose que les femmes
bénéficieraient d’un avantage mnésique dans la vie quo-
tidienne parce qu’elles vivraient plus intensément les
évènements de vie et se les rappelleraient donc plus inten-
sément et plus souvent que les hommes [34]. L’intensité
du ressenti des émotions aurait un impact sur les proces-
sus d’encodage et de récupération des souvenirs dont la
trace mnésique serait plus distinctive et les processus de
rappels répétés résulteraient d’une stratégie de régulation
de l’émotion qui impacterait donc les processus de conso-
lidation ;
– en revanche, l’hypothèse du style cognitif avance que les
femmes différeraient des hommes au niveau de la fac¸on
dont elles encodent, se souviennent ou pensent à leurs
expériences du point de vue des stratégies privilégiées
lors de ces processus, différences de stratégies mises
en évidence en laboratoire, c’est-à-dire spatiales pour les
hommes et verbales pour les femmes [35].
À ce jour, et à notre connaissance, seules trois études
ont utilisé la neuroimagerie pour étudier les différences
liées au genre dans le rappel en mémoire autobiographique.
La première étude [36] met en évidence des mécanismes
neuronaux communs et distincts sous-tendant le rappel en
mémoire autobiographique chez les hommes et chez les
femmes. Quel que soit le genre, les activations étaient
observées bilatéralement dans le cortex cingulaire pos-
térieur, dans les aires temporales latérales et médianes
s’étendant aux régions hippocampiques et parahippocam-
piques et bilatéralement bien que surtout gauches dans les
cortex préfrontaux dorsolatéraux et ventrolatéraux. Seule
la région parahippocampique gauche était activée de fac¸on
plus importante chez les hommes que chez les femmes
tandis que le cortex préfrontal dorsolatéral droit était activé
de fac¸on plus importante chez les femmes que chez les
hommes. Dans le cas des souvenirs anciens et négatifs, les
femmes présentaient également une activation plus impor-
tante dans l’insula droite qui n’apparaissait pas dans le cas
des souvenirs négatifs récents. Les auteurs n’ayant pas
observé de différences comportementales entre les perfor-
mances des hommes et celles des femmes, interprètent
leurs données comme suggérant l’utilisation de différentes
stratégies cognitives lors de la récupération des souvenirs
autobiographiques. Selon eux, le recrutement plus impor-
tant du cortex préfrontal chez les femmes refléterait une
dépendance plus importante au contexte temporel alors
que chez les hommes, l’activation du gyrus parahippocam-
pique gauche impliquerait un appui plus important sur le
contexte spatial.
La deuxième étude en IRMf [37] réalisée sur les
différences liées au genre dans la mémoire autobiogra-
phique a montré que les hommes présentent un pattern
d’activation reflétant une reviviscence plus importante
lors de l’évocation du souvenir autobiographique à partir
d’indices de rappel visuo-spatiaux versus verbaux, tandis
que les femmes ne présentent pas de différences entre
les patterns d’activations évoqués par ces deux indices. Au
plan du comportement, il n’y avait pas de différences liées
au genre dans la reviviscence, l’émotion, l’importance et
la spécificité des souvenirs autobiographiques, mais cette
étude met le doigt sur un point important qui est que
les différences dans certaines études comportementales
de la mémoire autobiographique peuvent être le résultat
d’un biais favorisant le traitement verbal dans la méthode
d’évocation et d’évaluation des évènements rappelés, trai-
tement pour lequel les femmes sont avantagées.
Les auteurs de la dernière étude en neuroimagerie
publiée à ce jour [38] portant sur l’effet du genre lors
de l’évocation de souvenirs autobiographiques ont noté
que les deux précédentes s’appuyaient sur un paradigme
d’évocation de souvenirs autobiographiques sélectionnés
soit à partir d’un entretien précédant le scan [36] ou en
tenant un journal écrit d’évènements ou de photographies
prises les semaines précédentes [37]. Afin de s’assurer
que les résultats obtenus ne concernent pas seulement
des souvenirs évoqués ou encodés récemment, les auteurs
ont présenté aux participants des mots non présélection-
nés précédemment par les participants sur la base de leur
vécu. Contrairement aux deux précédentes études en neu-
roimagerie, les analyses comportementales montraient que
les femmes rappelaient plus de souvenirs négatifs que
les hommes. Outre les régions d’activation communes,
les femmes présentaient une activité augmentée lors du
rappel autobiographique spécifique en comparaison à la
tâche contrôle de fluence catégorielle dans le cortex pré-
frontal dorsolatéral, l’insula antérieure dorsale gauche et
le précunéus droit en comparaison aux hommes, toutes
valences de souvenir confondues. De plus, la comparaison
408 Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 12, n ◦4, décembre 2014
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