INDICATEURS
pour un Développement Durable
Périodique bimestriel sauf mai-juin / n° 4 : septembre-octobre 1997
Bureau de dépôt : Ottignies 1
Si tu lui apprends à pêcher ... ?
L’évaluation des ressources offertes par lOcéan pour assurer une sécurité alimentaire durable à toute
l’humanité a oscillé périodiquement entre un optimisme béat et un pessimisme tempéré. Jusqu' à la fin
des années 70, c’est loptimisme qui a largement pvalu. Il faut dire - comme le montre le graphique
ci-dessous - que la croissance des prises de poisson a été considérable au cours des années 1950-1970,
passant de 19 millions de tonnes (MT) en 1950 à 65 millions en 1970, lessentiel de cette production
étant assuré par les poissons de mer. La décennie suivante devait cependant sonner le glas de cet opti-
misme.
Entre 1970 et 1976, les prises ont plafon-
né autour du niveau atteint en 1970 et il
semblait alors que la capacité de charge 1
des Océans avait été atteinte sinon déjà
dépassée. Dès le début des années 80,
pourtant, la production retrouvait son
rythme de croissance antérieur, justifiant
une nouvelle vague d’optimisme. Aps
un nouveau fléchissement au début des
années 90, la production a continué
d’augmenter pour atteindre presque 113
MT en 1995, soit ps de six fois plus
qu’il y 45 ans.
Production halieutique totale (en Millions de tonnes) 2
0
20
40
60
80
100
120
1950
1955
1960
1965
1975
1980
1985
1990
1995
Cette situation, apparemment encourageante lorsqu’on la considère à un niveau aussi agrégé, recèle
pourtant quelques sujets d’inquiétude quant à sa durabilité lorsqu’on détaille par zone de pêche et par
type de population de poisson l’évolution récente et les projections d’avenir.
Evolution de la pêche maritime dans trois zones
(captures et aquaculture - en Millions de tonnes)
0
10
20
30
40
50
60
1950
1955
1960
1965
1970
1975
1980
1985
1990
1995
Pacifique
Atlantique
Océan indien
Par zone de pêche tout d’abord. On voit
sur le graphique ci-contre que l’essentiel
de l’augmentation des prises en mer est
surtout due à la mise en exploitation in-
dustrielle de nouvelles zones de pêche, les
anciennes étant en phase de sénescence
(rendements décroissants) ou de maturité
(rendements maxima). L’océan Atlantique
qui représentait 58 % de la production en
1950 n’en représente plus que 28 % en
1995, même en y incluant laquaculture, à
telle enseigne que la FAO affirme qu’en ce
qui concerne la pêche de capture, la production de l’Océan
Atlantique a atteint son maximum historique en 1980 avec 21,1 MT. 3 En revanche, la zone Pacifique
Sud-Ouest qui ne représentait que 1% du total en 1950, intervient aujourd’hui pour près de 20% de la
production mondiale. L’explication principale de ces différences réside dans le niveau d’exploitation
des ressources de chacune des zones et, plus précisément, dans le rapport entre le niveau des prélève-
ments et le rythme de renouvellement des populations de poissons. Certaines zones ont été manifeste-
ment surex-
ploitées («sénescentes»),
d’autres risquent de
connaître le même sort
dans un avenir plus ou
mois proche. Cest ce qui
ressort du tableau suivant
qui synthétise la situation
des 4 grandes zones mari-
times du point de vue de
leurs possibilités actuelles
et fu-tures de production.
Situation actuelle et évolution de la production par zone maritime
SITUATION ACTUELLE
POSSIBILITES
Atlantique
Niveau maximum d’exploitation
atteint en 1980 (21,1 MT)
Aucune possibilité
d’augmentation
Pacifique
Niveau maximum d’exploitation
sera atteint en 1999 (54,1 MT)
gère augmentation possible
(+1,1 MT)
Méditerranée
et Mer Noire
En développement (2,6%/an)
Augmentation consécutive à
l’eutrophisation 4
Indien
En développement (5,4%/an)
Augmentation substantielle
(+16,1 MT) réalisable sous ré-
serve de vérification
L’analyse de l’évolution depuis les années 50 du point de vue des variétés prélevées fait apparaître une
distinction majeure entre les espèces pélagiques et les espèces démersales. Le premier groupe com-
prend environ 186 espèces mais la moitié de la production est concentrée sur 7 d’entre elles : l’anchois,
le hareng de l’Atlantique, le pilchard (du Chili et du Japon), le maquereau espagnol, le capelan et le
chinchard du Chili. Le second groupe comprend principalement le lieu de l’Alaska, le lieu noir, la mo-
rue de l’Atlantique, léglefin et le lançon. Si la production de poissons du premier groupe continue
d’augmenter, en revanche, la situation du second est poccupante : pour presque toutes les zones de
pêche, le niveau maximum de débarquement appartient déjà au passé, et même parfois à un passé déjà
lointain : 1967 pour l’Atlantique Nord (2.,6 MT alors contre 1,0 MT en 1991), 1976 pour lAtlantique
Centre-Est, 1987 pour le Pacifique Nord-Ouest, 1988 pour le Pacifique Nord-Est. Seules quatre zones
n’auraient pas encore atteint leur maximum en 1991, à savoir l’océan Indien, la Méditerranée et la zone
Pacifique Centre-Ouest. En fait , si l’on examine la situation des 200 espèces halieutiques les plus im-
portantes, on est amené au constat suivant : 35% d’entre elles sont surexploitées, 25% sont au stade
maximum, 40% peuvent encore être développées. Bref, 60% d’entre elles doivent faire l’objet de mesu-
res urgentes d’aménagement.
Cette exploitation frénétique s’explique-t-elle par la nécessité de procurer une sécurité alimentaire aux
populations les plus mal loties de la planète ? Mais l’Asie du Sud-Est, l’Amérique latine et les Caraïbes
plafonnent à des niveaux de disponibilité d’environ 9 Kg/an par habitant, et lAfrique Sub-Saharienne a
même vu sa consommation régresser, passant de 8.8 Kg/an/habitant en 1984 à 6.8 en 1994 alors que
l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Australie dépassent les 20 kg/an/habitant. Certes, l’aquaculture (ma-
rine et continentale) se développe, passant de 12,4 MT en 1990 à 21,3 MT en 1995 (un accroissement
de 72% en 5 ans) et représente maintenant environ 20% de la production totale. Sans cet apport, il
n’y aurait plus eu d’augmentation des disponibilités pour la consommation humaine directe de-
puis 1994. Mais elle est avant tout le résultat du développement d’une aquaculture industrielle dont les
limites sont déjà évidentes du point de vue environnemental (disparition de mangroves, pollution des
eaux côtières, salinisation, propagation de maladies des espèces d’élevage vers les espèces naturelles,
etc.) et qui ne concerne, en tout état de causes, qu’un nombre limité d’espèces : crustacés et poissons
osseux (carpes par ex.) principalement. Enfin, le poisson produit en aquaculture industrielle est d’une
qualité bien inférieure au poisson capturé.
________________________________________
1
Définie ici comme le taux d’utilisation maximum soutenable d’une ressource naturelle. 2 Ces montants corres-
pondent à la production maritime et continentale, de capture comme de culture. 3 Le maximum de production
TOTALE, incluant l’aquaculture, atteint dans la zone Atlantique se situe en 1988 avec 26,7 MT. 4 Il est assez piquant
de constater que les possibilités de développement en Méditerranée sont dues à l’eutrophisation et à l’épuisement des
stocks de prédateurs. En Mer Noire, en revanche, on observe une réduction importante de la population du fait de la dété-
rioration de l’environnement et de la surpêche.
Sources : « Fishstat : banque de données sur la pêche » et « La situation Mondiale des pêches et de l’aquaculture . 1996 »
(FAO, 1997).
« Indicateurs pour un développement durable » est une publication de l’Institut pour un développement
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voire même une copie de celles-ci. L’IDD souhaite que les informations quil diffuse soient utilisées et re-
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E-mail : idd@infoboard.be Editeur responsable : Philippe DEFEYT, IDD, 7 rue des Fusillés, 1340 Ottignies
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