proposition de Fayçal Touti

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Touti Fayçal, Direction stratégique du groupe
Sanofi-Aventis
PROPOSITIONS ET PERSPECTIVES D’AVENIR DU GROUPE
Concrètement, quels pourraient être les axes de développement
pour répondre favorablement à ces défis ?
« Quand on connaît le but où l’on doit
marcher, avec un peu de réflexion, les moyens
viennent facilement » Napoléon Bonaparte.
Qui est Sanofi-Aventis ?
Le 1er janvier 2005 les groupes pharmaceutiques Sanofi-Synthélabo et
Aventis fusionnaient pour donner naissance au géant de la santé SanofiAventis, aujourd’hui premier en France, leader européen et numéro 5
mondial avec un chiffre d’affaires de 27.6 milliards d’euros (2008). Ce
rapprochement hautement stratégique et maîtrisé (économies d’échelle,
synergies et complémentarité) a permis au groupe naissant d’acquérir des
ressources et des compétences uniques : 100 000 collaborateurs à travers le
monde et une présence internationale accrue sur les cinq continents (plus de
100 pays), un porte feuille de molécules très riche et de nombreux brevets, le
leadership mondial des vaccins, un budget R&D s’élevant à 17% du chiffre
d’affaires, une force de productivité et de vente d’envergure ; mais aussi un
engagement éthique et responsable en faveur du développement durable, de
la solidarité sociale et de l’aide aux sinistrés (1.5 millions de boites de
médicaments et plus de 600 000 vaccins donnés en 2008), et un engagement
fort aux côtés du patient. Autant de points forts qui font aujourd’hui de
Sanofi-Aventis un acteur incontournable de la santé aussi bien sur le plan
national qu’international.
Avant de parler de proposition, quels sont les défis qui attendent
ce groupe d’envergure mondiale ?
A courte échéance de nombreux défis attendent Sanofi-Aventis. De
façon très succincte, certains sont clairement dus aux caractéristiques
structurelles de l’industrie pharmaceutique qui d’une part semble
actuellement animée par des mouvements de concentration (les 20
premières compagnies représentent 60% du chiffre d’affaire mondial), et où
d’autre part l’intensité concurrentielle est très aigue comme l’atteste la
course effrénée aux brevets et la guerre que se livrent les groupes
pharmaceutiques et les génériqueurs (le cas récent du Plavix® ou Clopidogrel
de Sanofi-Aventis est à ce titre éloquent). Il faut ajouter aux défis précédents
celui de la perte de productivité en R&D qui est évidemment préoccupante
pour un groupe à haut contenu technologique comme le notre. Par ailleurs
les tentatives de régulation du système de santé par des contraintes
règlementaires et économiques mises en place notamment dans les pays
européens (France et Allemagne en tête) visant à diminuer la demande et
l’offre de soins auront évidemment des répercussions sur le chiffre d’affaire
généré par les médicaments prescrits (80% de la valeur actuelle du marché
pharmaceutique). Enfin, la durée invariable de validité des brevets, conjuguée
à la durée des tests cliniques et précliniques de plus en plus longue font que
dans l’industrie pharmaceutique 80% des médicaments commercialisés
n’amortissent pas les coûts de R&D. C’est à ces défis et à d’autres encore que
Sanofi-Aventis se doit de répondre aujourd’hui et demain.
La stratégie R&D occupe à ce titre une place centrale. Actuellement
les méthodes de criblage à haut débit et la chimie combinatoire jouent un
rôle prépondérant en drug-design en permettant de générer d’importantes
banques de molécules testées in silico ou sur des substrats biologiques. Les
limitations des ces méthodes sont bien connues et notamment la simplicité
des modèles utilisés pour évaluer l’efficacité des candidats médicaments
prometteurs. L’identification de ces derniers n’exempte pas par ailleurs d’un
lourd travail de modification synthétique et encore faut-il passer avec succès
l’étape d’évaluation préclinique et clinique des paramètres toxicologiques et
pharmacocinétiques. Si on ajoute à ce portrait l’expiration prochaine des
brevets d’un certain nombre de blockbusters, la concurrence féroce des
génériqueurs et les conditions de mise sur le marché drastiques des autorités
sanitaires, on comprend aisément que la dépendance totale des grands
groupes pharmaceutiques vis-à-vis des seules petites molécules et la politique
des blockbusters sont surannées : elles ne peuvent se suffire à elles mêmes
même si un certain nombre de molécules arrivent actuellement en phase
finale de tests cliniques. L’amélioration de la productivité en R&D doit donc
passer, tout en conservant les activités classiques de découverte de petites
molécules, par une diversification en interne des activités pharmaceutiques
du groupe. Ceci d’une part par la diversification des pathologies ciblées :
maladies sévissant dans les pays du tiers monde ou émergents et maladies
orphelines par exemple. D’autre part par le développement de nouvelles
molécules destinées à la cosmétique, parapharmacie et plus généralement en
augmentant encore la part des médicaments dits OTC (over the counter) ou
sans ordonnance dans le portefeuille de molécules du groupe. Par ailleurs la
perspective actuelle de personnalisation des traitements grâce aux progrès de
la génomique et de la protéomique ouvre prochainement, parallèlement à la
recherche de nouveaux marqueurs biologiques pertinents, la voie à une
utilisation massive de l’imagerie moléculaire (agents de contraste et traceurs
intelligents). Notamment l’IRM semble s’imposer comme la technique la plus
prometteuse pour le diagnostic, le suivi du traitement, la compréhension de
la physiopathologie mais aussi éventuellement pour le drug-design et
l’évaluation de futurs médicaments. A titre d’exemple, en France, le nouveau
plan cancer lancé par le gouvernement (2009-2013) prévoit l’installation de
74 nouveaux appareils d’IRM. L’imagerie moléculaire est ainsi appelée dans
un avenir proche à jouer un rôle de premier plan dans la prise en charge des
patients et la personnalisation des traitements. Un géant comme SanofiAventis ne peut ignorer ces évolutions technologiques.
Quels autres efforts doivent être consentis pour accroître la
productivité en R&D ?
Au-delà de l’effort consenti en interne, il faut mener en parallèle une
intensification des partenariats externes avec le monde académique. Celle ci
doit être concrétisée par la création de liens privilégiés avec les équipes de
recherche académiques les plus prometteuses, notamment par le biais de
programmes mixtes de recherche et de soutien matériel aux projets porteurs
et/ou à fort contenu technologique. Par ailleurs la détection des jeunes
talents émergents et le parrainage actif des meilleures formations
universitaires, éventuellement par la création d’un label d’excellence
« Sanofi-Aventis », doivent permettre de consolider la prééminence
intellectuelle de Sanofi-Aventis dans le domaine de la R&D et des nouvelles
technologies de santé.
Enfin Sanofi-Aventis doit continuer à s’investir et à suivre au plus près les
évolutions en matière de recherche dans le domaine des biotechnologies
actuellement en plein « boom » pour tirer parti au mieux des révolutions
thérapeutiques à venir. Ceci en adoptant une politique d’ouverture et de
partenariat vis-à-vis d’entreprises dynamiques de biotechnologie. Finalement
c’est un équilibre intelligent entre ouverture à l’extérieur d’une part,
diversification et consolidation des fondamentaux internes de R&D d’autre
part, qui doit être trouvé pour répondre de façons pertinente à ces défis.
Voyez-vous d’autres axes de développement importants ?
Au vu du contexte actuel, la diversification des activités de SanofiAventis doit l’amener à cibler de manière plus spécifique les marchés
émergents qui ont des besoins de santé croissants. Notamment par sa
présence dans plus de 100 pays, Sanofi-Aventis doit pouvoir répondre
spécifiquement à ces besoins de santé en poursuivant sa politique de
régionalisation et tout en rendant ses médicaments disponibles et
accessibles. Notre groupe a déjà une position de leader dans les pays
émergents, il doit donc continuer à consolider sa position.
Par ailleurs l’activité générique de notre groupe doit être accrue pour
continuer à être compétitif dans ce marché et amortir le coût R&D des
princeps voire accroître leur rentabilité. A ce titre l’acquisition de Zentiva,
Medley et Kendrick en 2009 constitue un signe positif dans ce sens tout en
signant une vraie volonté de régionalisation.
La position actuelle de Sanofi-Aventis dans le marché des médicaments sans
ordonnance (OTC) doit continuer à être améliorée et notre groupe doit peutêtre également envisager sérieusement de se positionner dans celui des
dispositifs médicaux hospitaliers, où la croissance est importante et
l’innovation dynamique.
En quelques mots, comment voyez-vous Sanofi-Aventis demain ?
Sanofi-Aventis doit repenser comme la majeure partie des grands
groupes pharmaceutiques sa stratégie R&D et diversifier son activité, tout en
répondant au mieux aux besoins du patient dans un monde globalisé :
Vieillissement de la population dans les pays développés et explosion des
besoins de santé dans les pays émergents. Outre la réévaluation de son
portefeuille de molécules c’est un changement en profondeur aussi bien en
interne que de ses relations externes qui est aujourd’hui requis. Fort de ses
atouts, l’ambition de Sanofi-Aventis de devenir un leader mondial de la santé
tourné vers le patient est légitime, réalisable, et nécessaire : l’urgence des
défis de santé publique actuels requièrent une industrie pharmaceutique
forte et innovante. Enfin, Quels que soient les échecs du passé (cas de
l’Acomplia® ou Rimonabant) la mutation que mène actuellement SanofiAventis pour répondre à ces défis ne doit pas amener le groupe à extérioriser
complètement le cœur de ce qui fait son activité et sa force, la R&D.
« La meilleure façon de prédire l’avenir
c’est de le créer ». Peter Drucker
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